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5. Conclusion

1.3 Les différents régimes d'écoulements diphasiques

Abordons à présent l'aspect diphasique de l'écoulement dans un moteur à propergol solide alumi- nisé.

1.3.1 Echelles caractéristiques d'un écoulement diphasique

Un écoulement diphasique présente, par définition, deux phases distinctes mais en interaction constante l’une avec l’autre. Ces échanges entre phases dispersée et continue sont complexes et dif- férents selon le type de régime diphasique considéré. Il est possible de caractériser les écoulements diphasiques en terme d'échelle de temps :

- F

gp

τ , le temps de relaxation dynamique ou temps caractéristique d’entraînement des parti- cules par le fluide, lié aux effets inertiels agissant sur les particules (cf. chapitre 3),

- t

gp

τ , le temps caractéristique de la turbulence du fluide "vue" par la phase dispersée (Simonin, 1996),

- c

p

τ , le temps caractéristique des collisions ou temps séparant deux collisions successives d'une même particule (Simonin, 1991).

Ou bien en terme d'échelle de longueur : - le diamètre des particules dp,

- l'espacement entre les particules −1/3

p p

d α ,

- le libre parcours moyen, ie la distance parcourue par une particule entre deux collisions, - les échelles caractéristiques de la turbulence : échelle énergétique k3/2/ε, échelle de

Kolmogorov 3 1/4

) / (ν ε η= gaz .

Un écoulement diphasique est aussi défini à l'aide des fractions volumique et massique. La fraction volumique des particules, notée αp, est le rapport entre le volume occupé par la phase dispersée

(Vp) et celui occupé par le gaz (Vgaz) et les particules, soit :

gaz p gaz p p p V V V V V ≈ + = α (2. 1)

gaz gaz p p m f ρ α ρ α =

Un écoulement est dilué du point de vue des interactions particule-particule si le temps de collision est grand devant le temps de relaxation :

c p

τ >> F gp

τ

ou si le libre parcours moyen est grand devant la taille des tourbillons, ou si l'espacement entre les particules est très grand devant le diamètre des particules. Cette dernière condition revient à :

1 <<

p

α

Dans ce cas, les interactions particules-particules, à la fois directes (collisions) et hydrodynamiques, peuvent être négligées. Pour des concentrations volumiques plus importantes, les collisions entre particules deviennent l’effet majeur et la dynamique de l’écoulement fluide est totalement contrôlée par l’interaction particulaire.

Un écoulement est dilué du point de vue des interactions fluide-particule si la fraction massique est suffisamment petite devant 1. L'effet de rétroaction de la phase dispersée sur la phase continue est alors négligeable (couplage faible ou « one-way coupling », cf. Crowe, 1991). Les trajectoires des particules sont par exemple calculées à partir d’un champ monophasique non perturbé par la pré- sence de ces dernières (cette approche est celle utilisée lors des simulations lagrangiennes présentées au paragraphe 3).

Au contraire, si le taux de chargement est relativement élevé, à cause d'une forte densité particulaire par exemple, l’écoulement porteur est modifié7 par l'échange de quantité de mouvement avec les

particules. La prise en compte des interactions réciproques des deux phases est alors appelée couplage fort ou « two-way coupling ».

Enfin, le transport des particules par la turbulence est gouverné par des interactions complexes : concentration préférentielle, collisions inter particules et particule-paroi, modulation de la turbu- lence par la présence des particules,... L’inertie des particules joue un rôle important car c’est elle qui dicte les interactions entre la particule et les échelles turbulentes de l’écoulement gazeux (Sommerfeld, 2000). Si le temps de relaxation des particules est beaucoup plus petit que les échelles de la turbulence (ou des instationnarités de l'écoulement), les particules se comportent comme un scalaire transporté. La turbulence du fluide est alors prépondérante. Par contre, lorsque le temps de relaxation est comparable ou plus grand que les temps caractéristiques des grandes échelles (énergétiques) de la turbulence ou des instationnarités de l'écoulement, il existe des effets inertiels importants.

1.3.2 L’écoulement diphasique considéré dans nos travaux

Dans un moteur à propergol solide, le taux de chargement de la phase dispersée est significatif : les particules sont lourdes par rapport à la phase porteuse. En effet, la masse volumique de l’aluminium

est égale à 3

.

1800kgm− et celle de l’alumine liquide est d’environ 2700kg.m−3, contrairement à celle

du gaz qui est typiquement de 3

.

5kgm− . En outre, la fraction volumique solide est très petite devant

1. C’est généralement le cas dans les MPS car la quantité de poudre d’aluminium ajoutée au propergol est optimisée pour augmenter l’impulsion spécifique du moteur tout en limitant les pertes diphasiques liées à des concentrations particulaires importantes. Par exemple, les résultats de

7 Conventionnellement, les interactions particule/particule sont négligées dans ce type de régime alors que la turbulence du

fluide se trouve significativement modifiée par la présence des particules. Néanmoins, de nouveaux résultats, obtenus par exemple pour des suspensions de particules dans des écoulements en canal vertical, suggèrent que les interactions particules/particules directes peuvent jouer un rôle important (Simonin et al, 2002).

simulation présentés au paragraphe 4.3 montreront des fractions volumiques de l’ordre de 10-4 pour

un propulseur axisymétrique simple.

Cette hypothèse n’est cependant pas toujours vérifiée dans certaines régions de propulseurs, typiquement dans le fond arrière du P230 où une flaque d’alumine se forme. A cet endroit, les particules sont piégées par la recirculation du gaz et sont captées par la flaque d’alumine liquide. Dans les simulations réalisées au cours de cette thèse, ce phénomène d’accumulation de particules dans les FAR n’est pas abordé8 et l’écoulement est toujours supposé dilué.

Cette hypothèse d'écoulement dilué permet de négliger les effets des collisions inter particules. Elle n'est cependant pas strictement valable dans le cas du P230 dans la mesure où il peut exister une forte probabilité de collision entre gouttes (Achim & Berlemont, 1998 ; Hylkema, 1999). Néan- moins, la prise en compte des interactions entre particules nécessite une modélisation complexe qui dépasse largement le domaine d'étude de cette thèse. Pour cette raison, nous restreindrons nos travaux à des écoulements diphasiques considérés suffisamment dilués pour négliger les effets des collisions particulaires.

Enfin, on suppose que les particules sont très petites devant les échelles énergétiques de la turbu- lence ou de l'écoulement instationnaire. Ainsi, il n'y a pas d'interaction directe du sillage des parti- cules avec la turbulence, le couplage fort est donc piloté uniquement par la fraction massique des particules et le temps de relaxation dynamique. D'autre part, cette hypothèse est aussi théori- quement nécessaire pour pouvoir écrire la loi de traînée classique. Il n'y a pas d'effet des tourbillons de tailles comparables à celle des particules.

Dans les régimes où le MPS exhibe des bouffées d’instabilité, les caractéristiques spatiales de la distribution de particules sont donc un facteur très important. Or, la répartition de particules dans un écoulement dilué est directement dépendante des effets inertiels qu’exerce le fluide porteur sur chaque particule. L'inertie des particules est donc l'un des paramètres les plus importants dans les écoulements gaz-solide des MPS. Elle influence fortement les caractéristiques de la phase dispersée, comme par exemple le phénomène de concentration préférentielle. L'aspect particulièrement étudié dans ces travaux est donc la structure spatiale du champ de vitesse particulaire (point récemment abordé dans la modélisation des écoulements turbulents chargés en particules).

Dans notre cas, l’écoulement sera donc considéré tel que :

- la turbulence de la phase gazeuse est négligeable, une simulation LES sans prise en compte explicite des termes de sous maille est jugée suffisante (la dissipation numérique joue le rôle de filtre),

- le couplage entre les phases est fort, les particules modifient les caractéristiques de l’écou- lement gazeux,

- la modulation de la turbulence du fluide par la phase dispersée n’est cependant pas prise en compte.

Les interactions entre les particules et l'écoulement fluide sont supposées gouvernées par l'inertie des particules qui est le phénomène majeur considéré lors de ces travaux.