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2. Instabilités de fonctionnement des MPS

2.3 Le couplage aéro-acoustique

Des études ont montré que les trois instabilités hydrodynamiques précédemment présentées peuvent effectivement déstabiliser le moteur. Mais elles ne suffisent pas à expliquer les amplitudes des oscillations qui s'établissent. En effet, ces amplitudes dépendent du couplage qui peut exister entre l'instabilité hydrodynamique et l’acoustique de la chambre (Vuillot & Casalis, 2000).

2.3.1 Travaux pionniers, basés sur le VSO

La première interprétation du phénomène d'excitation des modes acoustiques par le phénomène de détachement tourbillonnaire (Vortex Shedding) dans les MPS est due à Flandro & Jacobs (1973). Leurs travaux ont permis de relier les oscillations de l'instabilité hydrodynamique des régions cisaillées de l'écoulement à une réponse couplée du moteur. Ils ont débouché sur un premier modèle, proposé par Flandro (1986), reliant une solution d'origine hydrodynamique (des tourbillons) et une solution acoustique.

Figure 1- 18 : Onde acoustique de retour dans un MPS

Dans ces travaux, l'instabilité hydrodynamique est créée dans l'écoulement par la présence de pro- tections thermiques (VSO) et le retour acoustique résulte de l'impact des tourbillons sur le nez de la tuyère, ou sur une autre PT (cf. Figure 1- 18). Ce retour d'onde est possible car l'écoulement dans le moteur est subsonique (cf. paragraphe 1.1). En outre, Culick & Magiawala (1979) ont montré qu'il

Onde acoustique Tourbillons Propergol solide

était impossible de maintenir des modes acoustiques en présence d'une seule protection thermique. Seul un deuxième obstacle situé après le point d'émission tourbillonnaire peut déclencher le retour acoustique lorsque les tourbillons interagissent avec lui.

2.3.2 Mise en évidence expérimentale

Les premières expériences en laboratoire sur ce couplage aéro-acoustique ont été réalisées sur des maquettes en gaz froid. Des essais en canal avec une ou deux protection(s) thermique(s) ont ainsi été effectués par Culick & Magiawala (1979), puis plus récemment par Anthoine (Anthoine et al, 2000 ; Anthoine, 2000). Dans ces expériences, le détachement tourbillonnaire est produit par les protections thermiques, et l'espace confiné du canal joue le rôle de résonateur avec ses fréquences naturelles. Les ODP se révèlent maximales lorsque la fréquence du Vortex Shedding est proche de la fréquence de l'un des modes acoustiques résonants du système.

Ce phénomène est à présent relativement bien compris (Vuillot, 1995 ; Lupoglazoff & Vuillot, 1996-a). Les conditions d'occurrence du couplage aéro-acoustique en présence d'une PT ont été étudiées expérimentalement et théoriquement (Anthoine, 2000). La condition de résonance résulte d'une interaction entre les structures tourbillonnaires et la tuyère. Des travaux ont été menés, au VKI notamment, pour étudier l'impact de ces tourbillons sur la tuyère. En fait, les tourbillons peuvent être avalés par la tuyère et provoquer la perturbation de l'écoulement responsable de la rétroaction acoustique, ou bien venir frapper le nez de la tuyère, ou encore pénétrer dans la zone de recirculation (après disparition du chambrage arrière). Un modèle analytique a été dérivé pour prédire les interactions entre le tourbillon et la tuyère. En particulier, les fluctuations acoustiques induites par le volume de la cavité au fond arrière (FAR) ont été regardées, permettant de mettre en lumière la forte influence qu'a la tuyère (forme et volume) sur le couplage écoulement/acoustique. Un couplage aéro-acoustique a également été mis en évidence pour des instabilités hydrodyna- miques de type VSA (Favray, 1999) et VSP (montage VECLA, Ugurtas, 2000). Le mécanisme est toutefois légèrement différent dans le cas du VSP. En effet, ce système se comporte comme un amplificateur de bruit, contrairement aux phénomènes de VSA et VSO qui possèdent une dynamique intrinsèque. Ainsi, les perturbations induites à l'entrée du système sont convectées et amplifiées par l'écoulement jusqu'à ce qu'elles atteignent un obstacle placé dans l'écoulement. L'interaction de la perturbation avec l'obstacle crée alors un retour à contre-courant qui permet de boucler le système et de former un cycle périodique. Pour ces systèmes, l'existence d'une dynamique propre se traduit par le développement d'oscillations auto-entretenues, c'est-à-dire dont les caractéristiques spatiale (longueur d'onde) et temporelle (fréquence) sont très bien définies.

2.3.3 Scénario global

Nous avons vu aux paragraphes précédents que des tourbillons pouvaient apparaître dans la chambre de combustion. Ces tourbillons, qui proviennent de la présence d'une ou plusieurs source(s) d’émission tourbillonnaire (VSA, VSO, VSP) sont ensuite convectés par l'écoulement moyen. Lorsqu'ils rencontrent un obstacle situé en aval du point d'émission tourbillonnaire (comme le nez de la tuyère ou une protection thermique), une onde acoustique est créée. Cette onde re- monte dans l'écoulement et peut par la suite favoriser le détachement tourbillonnaire. Une boucle de rétroaction est ainsi induite, entre les instabilités hydrodynamiques de l'écoulement et l'acoustique de la chambre (cf. Figure 1- 19).

Les effets de cette onde acoustique sur le champ hydrodynamique vont dépendre de la réceptivité de ce dernier, ie son aptitude à être stimulé par l'acoustique (et inversement). De plus, les inter- actions entre les structures de l'écoulement et les propriétés acoustiques de la chambre de combustion peuvent engendrer différents niveaux d'oscillations.

Si les fréquences respectives du mode acoustique longitudinal de la chambre et du mode hydro- dynamique de l'écoulement ne sont pas accordées, les fluctuations de pression seront limitées. Au contraire, si la fréquence associée au détachement tourbillonnaire coïncide avec celle d'un des

modes acoustiques résonants de la chambre du moteur, les fluctuations de pression créées seront d'ampleur maximale. C'est le phénomène d'accrochage aéro-acoustique : une source d'instabilité dont la fréquence évolue dans le temps (VS) entre en interaction avec l'acoustique de cavité de fréquence "constante" au cours du temps. Comme ces fréquences sont amenées à varier lors de la durée du tir (conditions d'écoulement, géométrie), les instabilités peuvent apparaître, disparaître, voire réapparaître, d’où les bouffées d’instabilités observées sur le P230.

développement et convection des tourbillons interaction tourbillon/obstacle (PT, tuyère) perturbation acoustique onde acoustique de retour couplage aéro-acoustique instabilité hydrodynamique (VSO, VSP) transfert d’énergie

Figure 1- 19 : Boucle de rétroaction du couplage aéro-acoustique

Le comportement aéro-acoustique du moteur est entièrement subordonné aux modes d'instabilité hydrodynamique et à leur couplage avec les modes propres acoustiques de la cavité. Toutefois, les conditions sous lesquelles ce "mariage" s'effectue restent à déterminer. D’autre part, la fréquence d'émission tourbillonnaire peut, dans une certaine mesure, être imposée par les propriétés acous- tiques de la chambre. La fréquence du Vortex Shedding peut ainsi sauter d'un mode acoustique à l'autre (Anthoine, 2000).

De plus, un couplage entre les détachements tourbillonnaires dus à un obstacle (VSO) et à l'instabilité naturelle de l'écoulement de Taylor (VSP) a été mis en évidence numériquement (Godfroy & Briand, 2005) et expérimentalement grâce au montage spécifique MICAT1 (Vetel, 2001). Ces travaux ont montré que l'instabilité du moteur était principalement due au VSP ; le VSO ayant plutôt un rôle déclencheur. Un calage en fréquence du VSP sur le VSO est également observé. Ce couplage peut contrecarrer le phénomène de couplage aéro-acoustique, ou au contraire l'amplifier.