• Aucun résultat trouvé

Le déroulement des études

I- Les cursus mis en place par les universités

1. Les cursus universitaires médicaux jusqu’à l’édit de Marly

Le cursus universitaire, même si l’on ne parle pas de bouleversement, a évolué depuis la naissance des universités au XIIIe siècle. Selon les sources, il n’y a pas vraiment de cursus universitaire médical proprement dit, ce dernier pouvant varier selon les universités.

80

Au XVIe siècle, les premiers cursus apparaissent dans les sources. Pour autant, les choses restent plus floues en ce qui concerne les études médicales contrairement au droit ou à la théologie. Les grades existent déjà. A Montpellier, on parle de trois à quatre ans pour le baccalauréat puis deux ans pour la licence, il n’y a pas de délai pour le doctorat.

L’université de Paris met en place un cursus dès 1598 ; à savoir deux ans de philosophie pour la maîtrise-ès-arts, deux ans pour le baccalauréat, deux ans pour la licence puis un tour de passage au mérite prévu pour la présentation au doctorat. On voit, ici, le peu d’importance accordé au grade le plus élevé. L’université parisienne, forte de son ancienneté, a diffusé ce nouveau modèle de cursus. Grâce au statut particulier qui est le leur, les universités peuvent appliquer les choses comme bon leur semble. Notons qu’au vu de ces premiers éléments, les cursus semblent relativement longs.

A la fin du XVIIe siècle, les études juridiques puis médicales connaissent un changement notable. En effet, face aux abus longtemps dénoncés, Louis XIV entreprend une réforme universitaire vers la fin de son règne. Dans la lignée des enquêtes des années 1660180, une première réforme intervient en 1679 concernant les études de droit. En 1696, une déclaration royale vient uniformiser les études médicales en imposant l’obtention du doctorat pour l’exercice de la médecine181. Cette nouvelle règle sous-entend donc que jusqu’à l’aube du XVIIIe siècle, la licence seule, permet l’accès à l’exercice de la profession médicale, avec un cursus de 4 années pleines d’étude et un interstice de 6 mois entre les épreuves de baccalauréat et de licence.

Dans sa volonté d’harmoniser les parcours universitaires dans le royaume, Louis XIV promulgue l’Édit de Marly de mars 1707. Ce texte reste la grande tentative de codification médicale de l’Ancien régime.

Nous avons crû ne pouvoir rien faire de plus convenable pour rétablir dans ancien lustre une profession si necessaire & si importante […] en reunissant dans un seul reglement tout ce que nous voulons estre generalement observe pour l’etude de la Medecine & pour l’obtention des degrez 182

180 Une enquête dont furent l’objet les universités de Toulouse et de Montpellier. Ce point sera développé plus loin.

181 Suite à un dysfonctionnement, cette déclaration n’a été adressée au Parlement de Toulouse qu’au 12 janvier 1702 et enregistrée le 4 février 1702, AMT, Registre des inscriptions 1702-1720.

81

On ne peut pas véritablement parler de nouveau cursus car celui-ci reste quasi identique. En revanche, ce sont les exigences inhérentes au cursus qui marquent le changement. Les articles IX et XIII de l’Édit de Marly sont explicites à ce sujet :

Nul ne pourra estre reçu à s’inscrire sur les registres de la Faculté de Medecine, qu’auparavant il n’ait representé & fait enregistrer dans lesdits registres ses attestations d’étude de Philosophie pendant deux ans dans une des universitez de nostre royaume 183

On reste sur deux ans de philosophie pour la maîtrise-ès-arts puis trois années entières et un oral public pour se présenter au baccalauréat avant de finir par un autre examen donnant accès au grade de licencié après un délai de 3 mois.

Nul ne pourra estre admis à aucun degré desdites facultez, s’il n’a pas étudié pendant trois ans entiers184

Après l’obtention du grade de la licence, la possibilité est offerte au candidat de se présenter au grade de docteur qui se solde par un examen public. Au-delà de la durée et de la modalité de validation des grades, l’Edit impose des délais entre les examens, une durée d’étude et le contrôle systématique des inscriptions trimestrielles. Ce dernier détail peut porter préjudice à bien des étudiants.

En dépit de la volonté monarchique de normaliser les études et les collations de grades, les parcours universitaires des étudiants de notre corpus montrent que les entorses à ces règles ne sont pas exceptionelles au cours du XVIIIe siècle.

2. Une difficile application de l’Édit de Marly

La logique voudrait que l’on s’attache dans un premier temps au cursus dit « classique ». C’est-à-dire un cursus comprenant la maîtrise-ès-arts, le fameux sésame, le baccalauréat, la licence et le doctorat. Guillaume Alary, natif de Carcassonne, devient maître-ès-arts de la faculté toulousaine en 1782, puis il poursuit son cursus à Montpellier où il obtient les trois grades supérieurs en 1785. En fait ce déroulement n’est ni systématique, ni le plus fréquent.

183 Édit de Marly, article XIII.

82

Le cas de figure le plus souvent rencontré consiste en réalité en un cursus incomplet. En effet, la majorité des trajectoires se trouvent lacunaires d’un voire deux grades. Le plus souvent, il s’agit de la maîtrise-ès-arts et de la licence. Dans certains cas, c’est le baccalauréat qui est omis. Bien évidemment au-delà du souci des sources185, l’absence de certains grades peut s’avérer changeant selon les périodes. En effet, au début du XVIIIe siècle, les cursus dépourvus de baccalauréat ou de licence sont plus fréquents. Jacques Lacassaigne, originaire d’Albi, obtient sa maîtrise en 1713, ainsi que sa licence et son doctorat au sein de la faculté toulousaine la même année. François Bromet186 sanctionne, ses grades de maître-ès-arts, bachelier et docteur au sein de la faculté cadurcienne en 1737. A contrario, la maîtrise-ès-arts est moins négligée. En revanche, plus on avance dans le temps et plus les cursus s’avèrent complets. Seule,la maîtrise-ès-arts est écartée. François Gourg obtient ses trois grades supérieurs en 1786 à l’université de Montpellier en étant dépourvu de la maîtrise-ès-arts. Nous n’avons pas d’explication pour cette négligence envers la maîtrise-ès-arts au cours du XVIIIe siècle. L’Édit de Marly est en vigueur jusqu’à la suppression des universités et ce constat est révélateur du désintérêt ou de l’impuissance des autorités.

Enfin pour clore ce passage sur les différentes trajectoires rencontrées dans les cursus, une dernière remarque. Dans certains cas, les étudiants obtiennent leur maîtrise-ès-arts après l’obtention du baccalauréat, voire de tous leurs diplômes ; ou dans un laps de temps rapproché. Maurice Brunet obtient son baccalauréat à Montpellier en 1730 puis sa maîtrise-ès-arts ainsi que sa licence et son doctorat en 1731 également à Montpellier. Antoine Artigues, originaire d’Asprières dans le diocèse de Rodez, obtient l’ensemble de ses grades la même année en 1716 à Montpellier. Pour illustrer le cas le plus fréquent dans ce type de trajectoires plus marginales, prenons l’exemple de Bénigne Beauclau, originaire de Lédergues en Rouergue. Ce dernier a sanctionné l’ensemble de ses grades sur une période très courte entre la maîtrise-ès-arts et les trois autres grades supérieurs. Il obtient sa maîtrise à Avignon en 1753 puis les autres grades l’année suivante. Ce phénomène qui paraît frauduleux, ne l’est pas vraiment. Les étudiants peuvent suivre les cours de la faculté de médecine à partir du moment où ils justifient de leur enseignement artien. La collation des grades n’est pas possible,théoriquement, qu’à condition d’être maître-ès-arts.

185 Le personnel universitaire peut parfois faire preuve de négligence comme le constate Patrick Ferté, notamment concernant les registres d’inscription. Nous pensons également aux étudiants qui dans le cadre de la pérégrination ont pu prendre des grades dans d’autres universités et pour lesquels ces informations sont manquantes.

83