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4.2.3 Probl`eme de d´eg´en´erescence

Une des difficult´es de l’interpr´etation des couplages dipolaires r´esiduels est la d´eg´en´ eres-cence intrins`eque `a l’expression math´ematique 4.4. En effet, le couplage dipolaire r´esiduel d’un vecteur orient´e dans la direction (θ,φ) sera ´egal aux couplages des vecteurs dans les directions (θ,φ + π), (θ + π,φ), et (θ,π − φ). Les rotations de 180 correspondantes sont respectivement d’axes z, x et y. Le profil de couplages dipolaires d’une mol´ecule sera donc identique apr`es ces trois rotations axiales, il y a donc quatre orientations acceptables du rep`ere mol´eculaire vis-`

a-vis du tenseur d’orientation. Inversement, il existe quatre orientations possibles du tenseur par rapport au rep`ere mol´eculaire. Cette d´eg´en´erescence reste un obstacle lors de l’´etude de l’orientation d’une mol´ecule dans un seul milieu orientant. Une des solutions est l’utilisation de plusieurs milieux orientants de tenseurs non colin´eaires.

4.3 Les couplages dipolaires dans la pratique

4.3.1 Les milieux orientants

L’origine physique de la cr´eation d’anisotropie orientationnelle dans un tube de RMN naˆıt de l’interaction entre la mol´ecule ´etudi´ee et des particules elles-mˆemes orient´ees. L’orientation de ces particules peut ˆetre spontan´ee ou induite par un champ magn´etique ou ´electrique(Hilbers and MacLean [1968]. Les interactions possibles sont les interactions st´eriques (d´ependant de la forme de la mol´ecule) et les interactions de charge. Le tenseur d’alignement d´epend du type d’interaction et du milieu.

L’ordre induit doit imp´erativement ˆetre inf´erieur `a 10−3 pour conserver l’aspect du spectre en solution isotrope. Bien entendu, il doit ˆetre sup´erieur `a 10−5 pour que la constante de couplage r´esiduel puisse ˆetre observ´ee. Ces valeurs d´ependent ´evidemment du type de vecteur dipolaire. En th´eorie, tout type de vecteur (1H −1H, 15N −1H, 13C −1H) peut ˆetre ´etudi´e. Dans la pratique, les constantes de couplage dipolaire entre protons sont difficilement interpr´ e-tables du fait de la connaissance peu pr´ecise de la distance entre hydrog`enes. Tjandra (Tjandra et al. [2000]) a cependant montr´e que l’utilisation de ce type de constante de couplage r´esiduel a am´elior´e la pr´ecision, l’exactitude et la qualit´e du calcul de la structure de l’ubiquitine.

Les milieux orientant les plus utilis´es actuellement sont des phases n´ematiques (cristaux liquides), mais l’ordre peut ´egalement ˆetre induit par compression m´ecanique (gel de poly-acrylamide contraint). Les phases n´ematiques sont obtenus par l’utilisation de bicelles (ex. m´elange DMPC/DHPC), de bact´eriophages Pf1, de m´elange ternaire chlorure ou bromure de c´etylpyridium/hexanol/NaCl ou NaBr, de fragments de membrane pourpre, de cellulose, de m´elange hexanol/ alkyle-PEG. Le choix du milieu orientant est dict´e par le diagramme de phase du cristal liquide. Les conditions exp´erimentales d’existence de la phase n´ematique (pH, salinit´e, concentration en n´ematog`ene, temp´erature) ne sont pas toujours adapt´ees `a l’´etude d’une prot´eine donn´ee. De plus, le type d’interaction qui gouverne l’orientation est un facteur important : la surface des bact´eriophages a une charge nette n´egative et est donc d´econseill´ee pour l’orientation de mol´ecules charg´ees globalement positivement.

Milieu orientant historique (Tjandra and Bax [1997]), la phase cristal liquide DMPC/ DHPC (figure 4.2) forme des bicelles (figure 4.3) en solution (Sanders and Schwonek [1992]). Ce sont des particules micellaires planes constitu´ees de phospholipides satur´es. Le

phospho-Fig. 4.2: Formules du DMPC et du DHPC.

Fig. 4.3: Repr´esentation sch´ematique des bicelles. Le champ magn´etique or-donne les disques bicellaires. La prot´eine en solution est alors contrainte st´ erique-ment `a s’orienter pr´ef´erentiellement pa-rall`element au champ.

lipide `a chaˆıne longue (DMPC) constitue la bicouche tandis que les bords sont ferm´es par les phospholipides `a chaˆıne courte (DHPC). En pr´esence d’un champ magn´etique, les disques s’orientent parall`element au champ. La figure 4.3 est une repr´esentation des bicelles. Le disque a un diam`etre d’environ 200-250 Angstroems et une ´epaisseur de 40 Angstroems. Pour certains auteurs (Gaemers and Bax [2001]), il faut plutˆot consid´erer l’image en n´egatif : les chaˆınes longues forment toujours la bicouche mais les chaˆınes courtes cr´ee des pores au sein de la bi-couche. La gamme de temp´erature d’existence de la phase n´ematique est comprise entre 25C et 45C. En dehors de cet intervalle, la phase est isotrope. La proportion q = [DM P C] / [DHP C] ainsi que la concentration totale en n´ematog`ene sont les param`etres importants. Les bicelles sont stables sur une gamme assez large de pH, bien qu’un pH de 6 ralentit l’hydrolyse des phospholipides. L’ordre induit d´epend `a la fois de la concentration en bicelle et des concentra-tions relatives en n´ematog`enes. Nous avons utilis´e des ´echantillons de bicelle de rapport q=3 `

a des concentrations de 3% et 10%(w/v). A ces concentrations, la phase orient´ee existe pour une temp´erature de 35 − 42C (Tjandra and Bax [1997]).

Il existe ´egalement des n´ematog`enes ´ether contenant une liaison carboxy-´ether au lieu de la liaison carboxy-ester : dit´etrad´ecyle-PC (1,2-di-O-t´etrad´ecyle-sn-glyc´ero-3-phosphocholine) et dih´exyle-PC (1,2-di-O-h´exyle-sn-glyc´ero-3- phosphocholine). L’avantage de cette substitu-tion est de prot´eger la phase bicellaire vis-`a-vis de l’hydrolyse acide ou basique(Ottiger and Bax [1999]) et donc de pouvoir travailler sur une gamme de pH plus large (de 2,3 `a 14). En-fin, Wang et ses collaborateurs (Wang et al. [1998]) ont d´evelopp´e des bicelles `a partir d’un m´elange DLPC (1,2-didod´ecanoyle-sn-glyc´ero-3-phosphocholine) et de CHAPSO (sulfonate de 3-(cholamidopropyle)dim´ethylammonio-2-hydroxyle-1-propane), qui permet de mesurer des couplages dipolaires r´esiduels sur une gamme de temp´erature allant de 12 `a 50C.

4.3. Les couplages dipolaires dans la pratique 93

Fig. 4.4: S´equence d’impulsions de l’IPAP (1H-15N ) . Les impulsions sont de phase x par d´efaut. Les impulsions creuses ne sont appliqu´ees que pendant l’acquisition du spectre antiphase. L’acquisition des spectres en phase et en antiphase sont enchevˆetr´ees. Les d´elais τ et ∆ valent respectivement 2,5 et 5,3 ms. Les impulsions de d´ecouplage carbone n’ont pas ´et´e appliqu´ees car la prot´eine est simplement marqu´ee. Le cyclage de phase est le suivant :φ1=-y,y ; φ2 =2(x),2(-x) pour la composante en phase ; φ2 =2(-y),2(y) pour la composante en antiphase ; φ3 =4(x),4(y),4(-x),4(-y) ; φ4 =8(x),8(-x) ; φrec =x,2(-x),x. Une WaterGate (Piotto et al. [1992]) supprime le signal de l’eau. La d´etection en quadrature en t1 est assur´ee en incr´ementant φ2 pour le spectre en phase et φ2 et φ3 simultan´ement pour le spectre en antiphase `a la mani`ere States-TPPI (Marion et al. [1989]).

4.3.2 La mesure des couplages dipolaires r´esiduels.

En phase anisotrope, l’hamiltonien sous lequel ´evolue l’op´erateur-densit´e contient le terme de couplage dipolaire D.IAz.IBz, formellement identique `a l’hamiltonien de couplage scalaire J.IAz.IBz. L’´eclatement des raies dans une exp´erience de type HSQC non d´ecoupl´e est donc ´egal `a J+D. Dans l’´etude d’ASP2, nous nous sommes content´es de mesurer les constantes de couplage dipolaire r´esiduel entre les noyaux proton et amide du squelette, sur un ´echantillon marqu´e15N . En suivant la m´ethode de Tjandra et Bax (Tjandra and Bax [1997]), on mesure l’´ecartement des doublets vers 35C (J+D, phase anisotrope) et `a une temp´erature inf´erieure `a 25C (J, phase isotrope). Le couplage dipolaire r´esiduel est la diff´erence entre les ´ecartements aux deux temp´eratures. Il faut faire ´egalement attention au signe de J. La constante de couplage scalaire1JHNN vaut environ -94 Hz (Annila et al. [1999]). Un ´ecart entre doublets sup´erieur en phase anisotrope par rapport `a la phase isotrope signifie que le couplage dipolaire r´esiduel est n´egatif. Cependant, la litt´erature ne converge pas enti`erement sur ce point. Si Annila mesure les couplages dipolaires r´esiduels en tenant compte du signe de J, Bax (Bax and Tjandra [1997]) consid`ere que le couplage dipolaire r´esiduel est la diff´erence nette d’´eclatement. Le changement de signe intervient alors dans la magnitude du tenseur (Da) et n’est pas probl´ematique si on ne travaille que sur un seul type de vecteur.

Dans la pratique, la mesure de l’´ecart entre les doublets ne s’effectue pas sur une exp´erience de type HSQC non d´ecoupl´ee dans une des dimensions. En effet, l’absence de d´ecouplage double le nombre de raies dans le spectre et rend par cons´equent plus difficile l’analyse. La s´equence d’impulsions que j’ai utilis´ee a ´et´e mise au point par Ottiger (figure 4.4, Ottiger et al. [1998]). Le but de cette exp´erience est d’enregistrer simultan´ement un spectre en phase, o`u les

composantes du doublet sont de mˆeme signe, et un spectre en antiphase, o`u les composantes sont de signe oppos´e. L’´eclatement des raies est mesur´ee en dimension indirecte azote en raison d’une plus grande finesse de raie.

Le spectre en phase est accumul´e de la mˆeme fa¸con qu’une HSQC non d´ecoupl´ee durant l’´edition de l’azote : transfert INEPT de Iy vers IxSz, passage vers IzSy, ´evolution sous le d´ e-placement chimique azote et le couplage IzSz, retour sur IySz, INEPT retour pour revenir vers un ´etat pur proton Ix, acquisition. L’op´erateur-densit´e est proportionnel durant l’acquisition `a cos (πJ t1) e−iωNt1cos (ωHt2). Le spectre en antiphase est obtenu en ins´erant dans la s´equence un module de refocalisation ∆/2 − 180− ∆/2 − 90 avant l’´evolution pendant t1. L’´etat IzSy devient avant le d´elai d’´edition : − sin (πJ ∆) Sy. La polarisation Sy ´evolue pendant t1 vers un ´

etat en antiphase :

t1

− sin (πJ∆) Sy → −2 cos (ωNt1) sin (πJ t1) sin (πJ ∆) IzSx

+2 sin (ωNt1) sin (πJ t1) sin (πJ ∆) IzSy + IP (4.6) Les termes en phase IP (´etats Sx et Sy) ne seront pas convertis par la suite vers une polari-sation I observable. L’´el´ement INEPT retour transfert la polarisation vers une polarisation I observable modul´ee par − sin (πJ t1) e−iωNt1. La transform´ee de Fourier de ce signal donne lieu `

a un doublet dont les pics sont de signes oppos´es. Le d´elai ∆ est ajust´e `a 5,3 ms pour optimi-ser la refocalisation vers l’´etat Sy. La dispersion des couplages scalaires N-H est suffisamment faible pour que le transfert soit efficace pour tous les r´esidus mais du fait de la composante dipolaire, ce transfert n’est pas toujours complet, en particulier lorsque l’ordre induit est trop important.

La somme et la soustraction de ces deux spectres m`enent `a des spectres ne contenant qu’une seule des composantes du doublet. Le m´elange des exp´eriences doit tenir compte des intensit´es relatives entre les deux exp´eriences. L’intensit´e des pics en antiphase est l´eg`erement plus faible du fait de la dur´ee plus longue de l’exp´erience. Par cette m´ethode, l’encombrement des spectres n’est jamais sup´erieur `a celui de l’HSQC.

4.3.3 D´etermination du tenseur d’orientation.

La principale difficult´e de l’interpr´etation des couplages dipolaires r´esiduels est la d´ etermi-nation du tenseur d’orientation. Lorsque l’interaction st´erique est responsable de l’anisotropie d’orientation, ce tenseur peut ˆetre calcul´e si on connaˆıt d´ej`a le repliement global de la pro-t´eine. En effet, le tenseur d’orientation co¨ıncide alors quasiment avec le tenseur de diffusion rotationnelle. Zweckstetter (Zweckstetter and Bax [2000]) mod´elise les bicelles par un mur infini parall`ele au champ. Les prot´eines en solution, ´eloign´ees de ce mur ont un comportement isotrope, tandis que la fraction de prot´eines st´eriquement au contact des bicelles ont des orien-tations limit´ees. Le tenseur d’orientation est calcul´e `a partir de la restriction des orientations de la prot´eine, fonction de sa distance au mur.

Quand on dispose d’un mod`ele structural, la rhomboicit´e du tenseur peut ˆetre d´eriv´ee d’une recherche par grille sur R afin de minimiser l’´ecart entre la mesure et le calcul des couplages

4.4. Applications des couplages dipolaires r´esiduels 95