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1 Partie théorique

1.3 Football et psychomotricité

1.3.4 Les coordinations

1.3.4.1 Mouvements, gestes et coordinations

De manière générale, le mouvement est la modification de la position relative des différents segments corporels. Il peut être « plus ou moins finalisé, plus ou moins volontaire ou réflexe, plus ou moins automatisé, plus ou moins conscient […] Le mouvement inscrit par ailleurs le sujet dans l’espace et dans le temps et y prend des formes qualitatives personnelles selon les orientations spatiales préférentielles, les amplitudes développées, les rythmes élaborés dans l’alternance tension-détente, la fluidité » (Robert-Ouvray, & Servant-Laval, 2015, p. 161).

Un geste est un mouvement doté d’intentionnalité poursuivant un but. Pour évoquer, les coordinations, ces auteures ajoutent qu’il s’agit « d’associer de façon cohérente les participations toniques de différents muscles en vue de la réalisation d’un mouvement global organisé ». On comprend alors comment les coordinations sont en lien avec la notion de tonus et de régulation tonique. Mais pour Boscaini et Saint-Cast (2012, p. 20) il s’agit aussi de considérer « l’intégration de la fonction tonico-motrice au schéma corporel, et à celle de la

16 fonction tonico-émotionnelle à l’image du corps ». Nous pouvons également distinguer différents types de coordinations selon les parties du corps qu’elles sollicitent. Nous retrouvons les coordinations bimanuelles, oculo-manuelles ou encore les coordinations dynamiques générales.

De plus, pour pouvoir appréhender de manière complète ce que sont les coordinations il faut évoquer les dissociations qui sont pour Boscaini et Saint-Cast (2012, p.20) « des actions complexes se déroulant dans au moins deux plans de l’espace ou suivant deux rythmes différents ».

1.3.4.2 Les théories de l’apprentissage moteur

Il existe différents modèles de théorie de l’apprentissage moteur et des coordinations. Nous développerons l’approche cognitive, l’approche écologique ainsi que l’approche dynamique et tenterons d’en dégager une complémentarité adaptée à la pratique du football.

➢ Modèle cognitif

De nombreuses théories de l’apprentissage moteur nourrissent un modèle cognitif. Tous ces concepts s’accordent à dire que le geste et le contrôle moteur découlent d’un processus issu du traitement de l’information, d’un encodage, un stockage et une récupération. Par exemple la théorie des schémas de Schmidt (1975) développe que le contrôle moteur s’appuie sur la sélection de programme moteur généralisé stocké dans le système nerveux central. Le programme moteur est alors évalué et ajusté grâce aux afférences sensorielles et aux feed-back et crée alors des représentations de structure de mouvements et de nouveaux schémas. Cette théorie permettrait d’expliquer l’automatisation d’habiletés fermés comme le smatch au tennis ou au basket, ou alors une certaine technicité que l’on peut retrouver sur un penalty au football.

Une habileté motrice fermée « se définit comme celles qui se déroulent dans un environnement prédictif […] une habileté motrice ouverte se définit comme celles qui se réalisent dans un environnement changeant (non prédictif). » (Taktek, 2009, p.176). Dans le cœur du jeu, beaucoup d’incertitudes spatiales, temporelles et évènementielles se succèdent et peuvent surcharger la capacité de traitement de l’information du SNC et de sélection d’un programme moteur généralisé.

17 Par ailleurs, « la théorie des modèles internes suggère que le système nerveux central dispose de représentations simplifiées de l’état du système sensori-moteur permettant de prédire ses futurs états et de les contrôler. » (Lebon, Gueugneau & Papaxanthis, 2013, p.2). De plus, lors de l’exécution d’un mouvement il y a production d’une commande motrice et d’une copie de cette commande appelée copie d’efférence. « La copie d’efférence contient les transformations attendues dues au mouvement qui vont être utilisées, en association avec le stimulus proximal, pour construire le percept. » (Soppelsa, 2015, p. 125). Elle s’appuie sur les conséquences sensorielles de l’action, et sera mémorisée permettant ainsi une représentation et un référentiel au mouvement.

Fitts (1954) développe une loi du contrôle moteur qui dicte que plus une tâche motrice est réalisée avec précision plus elle est lente, et inversement. Pour Saint-Cast et Boscaini (2012, p.

20) un geste ou gestualité est adapté si il est « à la fois précis, automatisable, volontairement contrôlable, efficace, peu coûteux en énergie, et confortable. » Pour entrer dans la performance sportive nous pouvons rajouter à ces qualités un facteur temporel optimal de vitesse qui suit la loi de Fitts. L’amélioration des coordinations d’un joueurs de football devra alors prendre en compte toutes ces qualités. Pour le modèle cognitiviste, il s’agirait d’automatiser, par la répétition, des représentations et des modèles internes.

➢ Modèle écologique

Le modèle écologique se base sur le lien entre perception et action. Berthoz (2019) parle de « perç-action ». « Il n’est plus possible de distinguer perception et action […] il s’agit de comprendre comment le cerveau utilise ou combine les informations sensorielles en fonction des projets du sujet, de ses plans. » On retrouve ici un ajustement de l’action et de ses caractéristiques en fonction de l’environnement.

En 1977, Gibson développe la notion d’affordance qui est « la capacité d’un objet ou caractéristique d’un environnement immédiat qui indique l’utilisation de celui-ci en fonction de nos capacités motrices. » Cette théorie guide alors l’apprentissage comme étant

« l’augmentation de la capacité à détecter l’information utile pour agir. »

Pour illustrer ces propos, nous pouvons encore donner l’exemple de la passe en profondeur. Au football, on entend régulièrement que c’est le non-porteur de balle qui déclenche la passe par

18 son appel. De ce fait, si le geste est bien effectué, alors le temps d’avance sur l’adversaire est conservé. Pour le porteur de balle, il s’agit alors, tout en conservant la balle, de percevoir l’information de l’environnement et de l’intégrer. C’est-à-dire d’en extraire la vitesse du déplacement, la distance, la direction et les éventuels obstacles (adversaires). Ainsi, le joueur adaptera son geste en fonction de ces données. Pour le modèle écologique et plus particulièrement ce que l’on appelle la loi de contrôle ce mécanisme est inconscient et se dégage de processus cognitifs.

Également, Suchman (1987) développe la théorie de l’action située qui explique l’action en interaction comme étant dépendante de la situation et de l’environnement. Pour Suchman, l’interaction pose le problème de la difficulté de prédictibilité et l’évolution trop importante pour que l’action soit régie par des programmes moteurs généralisés. L’action se structure et s’ajuste alors pendant le déroulement de l’action et de la situation. Cette théorie peut alors faire écho à l’adaptation motrice d’un joueur qui tente de défendre sur un autre qui attaque et inversement. Le comportement de l’un structure celui de l’autre.

➢ Modèle dynamique

L’approche dynamique envisage l’apprentissage moteur comme étant « un changement dans la dynamique des coordinations pour acquérir des solutions stables du pattern à apprendre. » (Zanone & Kelso, 1992). Il s’agit de trouver une stabilisation de la coordination qui se traduit par une économie en énergie. Dans cette approche, l’apprentissage se fait en étape entre lesquelles se trouvent une phase de transition qui marque une rupture entre un comportement spontané ou « attracteur » et un comportement à apprendre « pattern ».

1.3.4.3 La maîtrise corporelle

Jean Le Boulch développe en 1995 dans Mouvement et développement de la personne les facteurs de maîtrise corporelle. Il distingue deux types de facteurs : « les facteurs mécaniques d’exécution » et « les facteurs psychomoteurs ». Parmi les facteurs mécaniques nous retrouvons les données morphologiques du sujet, sa souplesse articulaire, sa force et sa vitesse segmentaire, et l’endurance liée à l’activité respiratoire et cardiaque.

Les facteurs psychomoteurs sont organisés en trois sous parties : « la justesse de la réponse (adresse), la rapidité d’adaptation (vitesse nerveuse), la résistance centrale à la fatigue. » Le

19 Boulch développe en détail la partie évoquant « la justesse de la réponse », c’est elle qui nous intéressera pour comprendre le lien entre les différentes approches détaillées plus haut. Le Boulch évoque à travers cette approche deux « chaînons ». Un chemin perceptif dédié à l’analyse des afférences extéroceptives de l’environnement et intéroceptives « à l’origine du schéma corporel et des feed-back régulateurs. » Le Boulch développe ensuite le chemin

« effecteur » dans lequel il intègre l’importance « de la richesse du bagage de stéréotypes moteurs, la justesse du choix des stéréotypes », la capacité à adapter ces schémas (ou capacité à la « plasticité »), « la facilité d’invention de nouvelles réponses », « l’amplitude de généralisation » qui permet d’élargir les situations dans lesquelles les schémas peuvent être reproduit. « La facilité d’organisation de nouvelles synergies » et « la facilité d’organisation temporelle du mouvement » évoqueraient le lien entre la régulation tonique, la notion de temps et la rythmicité du mouvement.

A travers cette théorie de la maîtrise corporelle, Le Boulch ne s’inscrit dans aucune des approches cognitives, écologiques ou dynamiques mais crée plutôt une complémentarité qui explicite le lien entre apprentissage moteur, maîtrise corporelle et fonctions psychomotrices.