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Les composantes essentielles à tout acte de communication

Chapitre 3: LEXIQUE ET COMMUNICATION

2. Les composantes essentielles à tout acte de communication

La capacité d’utiliser le langage à des fins communicatives passe par la connaissance et la maitrise des diverses fonctions langagières et des différents types d’actes communicatifs qui en découlent.

En 1968, Jakobson relie directement langage et communication dans la théorie de la communication : cette dernière aurait six composantes correspondant chacune à une fonction dominante du langage.

* La fonction expressive ou émotive : il s'agit de la fonction relative à l'émetteur. Elle consiste à informer le récepteur sur la personnalité ou les pensées de l'émetteur. L’émetteur choisit et adapte le message en fonction du contexte et du récepteur.

* La fonction poétique : elle correspond à la manière d’organiser le message. Sa structure est le résultat du choix du locuteur qui a recherché les éléments permettant de véhiculer l’information qu’il voulait transmettre. Il s'agit donc de mettre en évidence tout ce qui constitue la matérialité propre des signes, et du

code. Cette fonction permet de faire du message un objet de plaisir parce qu'il est beau. Le niveau de langue, le ton, la hauteur de la voix peuvent construire la fonction poétique d'un message oral.

* La fonction appellative ou conative : c’est la fonction relative au récepteur. Certains éléments ont été sélectionnés et combinés par le locuteur pour agir sur le récepteur et l’inciter à la conduite souhaitée. Elle inclut la « force illocutoire ». Ce sera par ailleurs la fonction, privilégiée par la publicité.

* La fonction phatique : elle permet d’établir le contact entre l’émetteur et le récepteur, et de maintenir la communication par l’utilisation des canaux physiques déjà cités. Il n’y a aucun souci d’échange d’information

* La fonction métalinguistique : c’est la fonction relative au code. Elle explique la communication, habituellement en référence à un code. Le sujet du discours est le discours lui-même. Avant d'échanger des informations il peut être important que l'échange porte d'abord sur le codage utilisé pour le message. Ainsi les partenaires vérifient qu'ils utilisent un même code. Cette fonction consiste donc à utiliser un langage pour expliquer ce même langage ou un autre langage. On l'appelle parfois « fonction de traduction ».

* La fonction référentielle : elle informe, précise le référent d’un message en le définissant, caractérisant, décrivant…Elle est centrée sur le monde.

Harding et Foster (21), quant à eux, ne parlent d’acte communicatif que si les éléments suivant sont réunis (A et B désignant respectivement l’émetteur et le récepteur) :

-la capacité de A à émettre une conduite volontaire -avec l’intention d’avoir une action sur B

-l’effet de la conduite de A sur B

-la capacité de A et B de donner à la conduite utilisée en tant que « signal » la même signification : ils doivent donc concevoir la conduite comme ayant une signification partagée.

Dans ces deux théories, on retrouve la présence d’un émetteur, d’un récepteur et d’un code commun. Plusieurs points essentiels peuvent aussi être retirés de la définition de l’acte de communication selon Harding et Foster:

Tout d’abord, un acte de communication est une conduite volontaire. Il faut qu’il résulte d’un choix de l’émetteur et ne soit pas dû seulement au hasard, même s’il y a une interprétation possible. Par exemple, on ne définit pas comme acte communicatif les actes involontaires du nourrisson : le nourrisson qui ferme les

yeux face à une lumière trop forte n’est pas dans un acte de communication volontaire, même si cela a un effet sur son entourage.

Ensuite, l’acte de communication est une conduite adressée à quelqu’un avec une intention d’avoir

un effet sur lui. En effet, l’acte involontaire n’a pas pour but d’avoir un effet sur quelqu’un et le seul acte

volontaire ne suffit pas à l’intention communicative. Il est important de souligner l’adresse à un destinataire d’un message. C’est ce qu’explique Boileau (40) quand il nous dit qu’il faut un destinataire pour que la production devienne un signe au sens plein. C’est pourquoi on peut se demander si l’action d’un enfant qui tend la main vers un objet est un acte communicatif bien qu’il soit volontaire : veut-il agir sur le réel ou bien sur sa mère ? Un acte communicatif est un acte qui ne cherche pas à agir sur le réel mais plutôt à agir sur une personne en tant qu’intermédiaire par rapport au but recherché.

Il faut ensuite pour l’acte de communication qu’il y ait un effet de la conduite de l’émetteur sur le

récepteur. En reprenant l’exemple de Boileau (11) de la fillette de Piaget qui, pour ouvrir une boîte

d’allumette, ouvre et ferme sa bouche, il aurait suffit d’une réponse ou d’un commentaire de la part de l’adulte faisant le lien entre les deux pour que la production de l’enfant bascule en communication avérée : le geste devient alors un signe. (« Tu veux que j’ouvre la boîte d’allumette ?). Plusieurs auteurs comme Newson et Richards (18) ont mis l’accent sur le fait que la situation d’interaction avec la mère donne à l’enfant la possibilité de comprendre que son comportement peut être utilisé pour entrer en contact et pour obtenir certains effets sur autrui. Ils considèrent que l’interprétation que la mère donne aux comportements de l’enfant est en grande partie responsable du fait que l’enfant attribuera à ces mêmes comportements une signification sociale et communicative.

Il arrive que le destinataire ne réagisse pas comme l’aurait souhaité l’émetteur et que l’effet soit ainsi différent. Il faut toutefois qu’il fournisse un signe de réception du message intentionnel. Si l’effet, en tant que marque de réception de l’émetteur, fait nécessairement partie de l’acte communicatif, sa présence ne garantit pas pour autant la réalisation d’un acte communicatif.

Pour finir, il faut que l’acte communicatif conduise à une signification partagée. Comme le problème énoncé juste auparavant, il faut que le récepteur interprète correctement l’intention de l’émetteur pour parfaire la communication. Tous deux doivent s’accorder sur la signification de la conduite de l’émetteur. Cela implique que le locuteur, en produisant sa conduite, doit en quelque sorte la concevoir comme une conduite à signification partagée. Cela sous tend la connaissance d’un lexique et d’une syntaxe d’une langue commune.

Nous pouvons ajouter que pour entrer dans un acte de communication, il est nécessaire que ces significations partagées s’échangent dans des séquences conversationnelles présentant au moins :

-l’alternance des tours de rôle : les locuteurs parlent un à la fois et savent lorsqu’ils peuvent prendre

la parole dans l’échange et lorsqu’ils doivent la laisser à l’autre. Cette alternance débute très tôt chez l’enfant. Dès deux mois, le bébé et la mère sont capables d’émettre des vocalisations en alternance : lorsque l’un émet, l’autre se tait. Plusieurs études ont été menées pour savoir d’où provenait cette alternance. Tous concordent à dire comme Schaffer, Collie et Parsons (18) que la mère semble laisser « l’espace » à l’enfant pour qu’il puisse s’insérer dans l’interaction et, tout en s’introduisant elle-même immédiatement après la vocalisation de l’enfant, elle ne cesse de le regarder, fonctionnant comme une « auditrice permanente »

-la concordance des modalités : dans une conversation, les tours de rôle qui se succèdent ont en

commun la modalité vocale/auditive, bien que d’autres modalités peuvent l’accompagner comme la gestuelle/visuelle. Freedle et Lewis (18) ont montré qu’à la suite d’une production vocale ou verbale de la part de la mère, le bébé enchaine le plus souvent avec une vocalise, parfois accompagné d’un sourire.

L’efficacité de la communication en tant que transmission d’information repose alors autant sur la conception du message que sur sa réception et sa transmission.