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Chapitre 3: LEXIQUE ET COMMUNICATION

3. Les actes de langage :

La notion d’acte de langage a été développée par J.Austin (5) et son étudiant Searle dans les années 1960. L’acte de langage est alors défini comme un moyen mis en place par le locuteur pour agir sur son environnement par ses mots. L’acte de langage n’est donc pas dans la structure du message, mais dans la relation au discours de l’autre et à la situation. Nous voyons qu’il intervient donc directement dans l’acte de communication.

Pour Austin, il existe trois actes (qui reprennent les stades de communication de Bates): l’acte locutoire pour produire un énoncé qui a une signification, l’acte illocutoire qui donne un rôle à chaque locuteur (informer, répondre, questionner..) et l’acte perlocutoire qui lui, s’attarde sur l’effet escompté par le locuteur lorsqu’il dit quelque chose.

Avant d’entrer dans le détail des actes de langage, Piaget définit deux types de langage : le langage égocentrique et le langage socialisé. Il nous parait ici important de les explorer car ils nous permettent de juger la place de l’interlocuteur dans l’acte de communication.

Selon Piaget, le langage « egocentrique » apparaît en premier. Il ne s’adresse à personne et montre que l’enfant est incapable de différencier le point de vue de l’interlocuteur et le sien. Il ne s’intéresse donc pas vraiment à son interlocuteur et ne cherche pas à transmettre une information. « L’enfant ne s’occupe pas de

savoir à qui il parle ni s’il est écouté. Il parle soit pour lui, soit pour le plaisir d’associer n’importe qui à son action immédiate. Ce langage est égocentrique, d’abord parce que l’enfant ne parle que de lui, mais surtout parce qu’il ne cherche pas à se placer au point de vue de l’interlocuteur. L’interlocuteur est le premier venu. L’enfant ne lui demande qu’un intérêt apparent, quoiqu’il ait l’illusion évidemment d’être entendu et compris ».

Selon Piaget, le langage egocentrique comporte trois actes de langage :

*la répétition (écholalie) : l’enfant répète des syllabes ou des mots pour le plaisir de parler ; il ne cherche pas à s’adresser à quelqu’un ni même à donner du sens à ses productions. On la considère comme les restes du gazouillis des bébés, qui n’a rien de socialisé.

*Le monologue individuel : l’enfant parle pour lui, comme s’il pensait tout haut. De nouveau, on ne retrouve pas d’adresse à un interlocuteur extérieur. On est dans une absence de fonction sociale des mots. Dans ces cas, la parole ne sert pas à communiquer la pensée, elle sert à accompagner, renforcer ou supplanter l’action.

*Le monologue à deux (ou collectif) : cette appellation contradictoire évoque le paradoxe des conversations d’enfants dans lesquelles chacun associe autrui à son action ou à sa pensée momentanée, mais sans souci d’être entendu ou compris réellement. Le point de vue de l’interlocuteur n’intervient jamais : l’interlocuteur n’est qu’un excitant

Le langage socialisé, quant à lui, véhicule une information adaptée au contexte et à l’interlocuteur. « L’enfant échange ici réellement sa pensée avec d’autres, soit qu’il informe l’interlocuteur de quelque

chose qui puisse intéresser celui-ci et influer sur sa conduite, soit qu’il y ait échange véritable, discussion ou même collaboration dans la poursuite d’un but commun »(18)

Nous voyons dans ces deux étapes du langage que l’organisation cognitive de l’enfant se reflète dans l’usage de son langage, d’abord égocentrique puis disparaissant peu à peu au profit de la socialisation. Nous constatons qu’au départ, les conduites verbales sont donc peu orientées vers une communication. Ce sera lorsque l’enfant atteindra un certain niveau de décentration que nous relèverons un souci de communicabilité et que nous entrerons dans une réciprocité des échanges interindividuels. (34)

Vigotsky s’oppose à l’hypothèse de Piaget qui évoque un langage d’abord égocentrique puis socialisé. Pour lui, dans ses premiers usages, le langage est essentiellement communication avec autrui et a donc une origine sociale. « Un signe (non linguistique ou linguistique) est toujours, à l’origine, un moyen

utilisé dans un but social, un moyen d’influencer autrui, et seulement plus tard, un moyen de s’influencer soi-même » (34)

Dans cette théorie, c’est du langage socialisé que découle le langage égocentrique. De cette manière, le langage devient un instrument de communication avec soi-même, dont la forme la plus avancée est le langage intériorisé et dont le langage égocentrique n’est qu’une étape intermédiaire.(23)

L’intérêt de cette approche ici est de voir que l’on peut parler d’acte de communication autant dans un usage égocentrique du langage que dans une volonté de socialisation. Il faut aussi porter un intérêt particulier sur les conditions de succès des divers types d’actes de langage. Nous allons voir que nous nous situons dans des conditions extra linguistiques qui ne relèvent pas de la compétence linguistique1.

Searle (18) regroupe les conditions de succès aux actes de langage en trois catégories principales : -les conditions préliminaires : elles s’intéressent à la situation d’énonciation, en particulier la personne accomplissant l’acte de langage. Nous sommes donc dans un certain lieu, à un certain moment, lors d’une situation particulière, avec un locuteur particulier …

-les conditions de sincérité : elles fixent les croyances qui doivent être celles du locuteur pour que son acte de langage soit effectif ou acceptable. Ainsi, la promesse exige, chez le locuteur, la croyance qu’il réalisera dans le futur le contenu de sa promesse. L’assertion implique la croyance en la vérité de ce que l’on affirme, sinon l’acte de langage effectué n’est plus une assertion mais une hypothèse ou un mensonge ; l’ordre, l’injonction présupposent chez le locuteur l’assurance d’être obéi.

-les conditions essentielles : elles fixent la nature de l’engagement pris par le locuteur comme la promesse par exemple.

Nous nous rendons que nous revenons alors à l’idée que communiquer avec succès implique qu’il y ait une adéquation entre les intentions du locuteur et le résultat effectif de son énoncé. Les conditions de succès des actes de langage constituent précisément la garantie de cette adéquation.

Dans tous les cas, nous nous situons dans une interaction. Il devient donc intéressant de s’attarder sur le lien éventuel entre interaction et communication. En effet, si l’on reprend les théories énoncées et la formule de Watzlawick (15) « On ne peut pas ne pas communiquer » ou « tout comportement est une

communication », les notions d’interaction et de communication semblent liées et identiques. Or, les travaux

sur le développement du jeune enfant distinguent bien ces notions où l’interaction serait « les transactions observables entre les partenaires » tandis que la communication désignerait « les signaux échangés par les partenaires ». Deux orientations différentes sont alors possibles: l’une communicationnelle et linguistique, l’autre interactionnelle.

Dans la première, la communication est définie comme une transmission intentionnelle de significations partagées, tandis que l’interaction sera le contexte nécessaire à la communication

Dans la seconde, la communication est toute transmission de sens, intentionnelle ou non, verbale ou non. L’interaction désigne soit une situation particulière (jeu, bain, repas), soit l’enchainement des échanges et l’interdépendance des actions (une interaction suppose au minimum une action d’un partenaire et une réponse de celui à qui cette action est adressée), soit les transactions observables.