Quelle modélisation « quand plus rien ne tient » ?
1 Un lien nécessaire entre modélisation de second rang et posture prospective L’analyse économique des effets « indirects » d’une taxe carbone et des modalités d’usage de
2.3 Les comportements et les sources d’inefficacité systémique
De nombreuses contributions de la littérature théorique ont montré que les hypothèses sur les comportements des agents économiques sont cruciales pour juger de l’incidence et de l’utilité sociale d’un système des prélèvements obligatoires. Dans l’ensemble, elles soulignent le fort lien de dépendance entre la vision que l’on a de ces comportements et le jugement normatif qu’on porte sur le projet de réforme.
57 Une fois encore, nous voyons que le développement d’un outil de simulation de ce type nécessite, en amont, de répondre à des
enjeux comptables. Nous verrons plus précisément, au chapitre 4, les questions spécifiques que pose la décomposition du compte national des ménages en plusieurs groupes de population (cf. chapitre 4, section 3 page 147).
58 Pour avoir une idée plus précise de ces difficultés, on pourra se reporter aux problèmes que rencontrent les tentatives
d’adaptation dynamique des techniques de microsimulation (cf. par exemple, Bourguignon et Spadaro, 2006, pages 96 à 98).
59 Or, cette hypothèse est gênante pour l’analyse de la vulnérabilité énergétique puisque nous avons vu qu’il existe une grande
hétérogénéité des consommations d’énergie à chaque niveau de vie. Les effets à l’intérieur des catégories ne sont donc pas nécessairement négligeables par rapport aux effets entre les groupes. Dans ce cas, la technique peut introduire un biais dans l’analyse (Robinson et al., 2005). Nous nous garderons donc bien d’utiliser les résultats pour dénombrer un nombre absolu de ménages, par exemple de « pauvres ».
1. Si l’on pense que les comportements individuels contribuent naturellement au bien‐être de la société, car des marchés concurrentiels les coordonnent spontanément et efficacement, alors la structure de la fiscalité doit avoir le moins d’influence possible sur le système des prix : c’est le résultat classique des analyses de premier rang.
2. Si des comportements « déviants » (stratégiques, non concurrentiels, etc.) influencent les prix, la coordination des activités économiques ne s’opère plus seulement par les prix mais aussi par les quantités produites et échangées. La structure de la fiscalité doit alors être conçue de manière à rapprocher les prix de marché des « valeurs sociales des biens », celles qui permettent d’éviter chômage et rationnements : c’est le résultat mis en avant par les théories des déséquilibres (Bénassy, 1984) et du second rang (Guesnerie, 1995).
3. Si les contraintes qui s’appliquent aux comportements sont inégales dans la population, le fardeau de la fiscalité retombe sur les agents les plus contraints et non pas sur ceux qui y sont assujettis. Par exemple, le partage des allègements de cotisations sociales sera « récupéré » par les entrepreneurs si le pouvoir de négociation des salariés ne permet pas de faire augmenter les salaires ; la mesure bénéficiera aux consommateurs si les entrepreneurs n’ont pas de pouvoir de marché et sont incités à répercuter ces allègements dans une baisse de prix. La structure des prélèvements obligatoires modifie alors la distribution des richesses d’une façon qui dépend de la nature des comportements : c’est ce que mettent en évidence les analyses d’incidence fiscale (Fullerton et Metcalf, 2002).
4. Si les comportements introduisent des biais, à la fois entre le système des prix et le système des valeurs sociales et entre la distribution des richesses effective et la distribution recherchée, la structure de la fiscalité doit contribuer à les réduire, en prenant en compte la nature des comportements : c’est ce que montre la théorie moderne des incitations qui ajoute aux exigences classiques de financement des biens publics et de redistribution la nécessité de respecter une contrainte d’incitation (un « incentive‐compatible device » introduit par Mirrlees, 1971).
Fondements et réalisme des pratiques de modélisation des comportements
La formalisation des comportements à l’échelle macroéconomique fait l’objet de très nombreuses controverses parmi les économistes. Les méthodes mises en œuvre se distinguent par la façon de traduire en pratique deux exigences : premièrement, i) expliciter le lien de cohérence entre la description macroéconomique et les connaissances issues de l’expérience des comportements à l’échelle des individus (les « fondements microéconomiques ») et deuxièmement, ii) préciser la procédure qui assure le passage d’une échelle à l’autre (les hypothèses d’agrégation).
Avec le recours aux modèles de croissance optimale issus des travaux de Ramsey, à l’hypothèse d’anticipation rationnelle de Friedman ou aux modèles de cycles réels de Kydland et Prescott, la culture du premier rang a été en quelque sorte transposée de la microéconomie à la macroéconomie. Ces courants de modélisation se retrouvent en effet dans leur façon de décrire des comportements macroéconomiques à partir des modèles microéconomiques de la théorie néoclassique du producteur et du consommateur. Le saut d’échelle est réalisé grâce à l’hypothèse
d’agrégation parfaite – les comportements des individus sont suffisamment homogènes60 – tandis que le passage à la dynamiques résulte de l’hypothèse d’anticipation parfaite – les agents optimisent leur choix sur un horizon infini en disposant d’une information totale sur le futur. Ces modèles se caractérisent généralement par de bonnes propriétés théoriques, c'est‐à‐dire que la flexibilité des prix de marché suffit à coordonner les agents économiques pour produire une trajectoire de croissance équilibrée61.
Ces pratiques, encore dominantes dans les exercices appliqués de macroéconomie, sont régulièrement attaquées sur leurs fondements empiriques, par la simplification qu’elles opèrent en négligeant les facteurs techniques, institutionnels et sociaux qui interviennent dans la formation des comportements ; la vision naïve des « fondements microéconomiques » sur laquelle elles se fondent est aussi critiquée62, puisque l’hypothèse d’agrégation parfaite néglige les hétérogénéités interindividuelles et les facteurs comportementaux « émergents », qui résultent des interactions sociales et qui ne peuvent être décrit par une théorie d’un comportement individuel optimisateur63.
Le comportement de second rang du système économique peut venir des contraintes qu’impose l’existence de comportements non compétitifs ou stratégiques qui peuvent s’expliquer de nombreuses manières : les « esprits animaux » de Keynes, les interactions sociales et les « jeux stratégiques », les normes et les conventions de l’Economie Institutionnelle, les « routines » d’Herbert Simon, etc. Quelles que soient les raisons microéconomiques invoquées, ces comportements sont des sources potentielles de sous‐optimalité de l’économie dans son ensemble, du point de vue de l’usage des ressources comme de leur allocation. Ces comportements ‐ qu’on qualifiera de « non walrassiens » ‐ ont tous en commun de ne pas se limiter à la description d’agents optimisateurs isolés, qui disposent d’une information parfaite et qui s’en servent pour exploiter le plus efficacement possible les ressources, les préférences et les techniques dont ils sont dotés et sur lesquels ils ne peuvent influer.
Trois sources microéconomiques de comportements non walrassiens
Dans les débats, que ce soit à propos de la taxe carbone, de la TVA dénommée « sociale » ou « compétitivité », ou encore à propos de l’effet de nouveaux allègements de cotisations sociales,
60 Un problème d’agrégation intervient lorsque le comportement agrégé, par exemple la demande de l’ensemble des ménages pour
un bien, ne peut être “traité comme si il résultait de la décision d’un unique consommateur maximisateur », d’un « agent représentatif » (Deaton et Muellbauer, 1980). Les conditions mathématiques d’une agrégation parfaite sont extrêmement restrictives et comme ces auteurs l’observent : « The transition from the microeconomics of consumer behavior to the analysis of
market demand is frequently referred to as the « aggregation problem » […] the role of aggregation theory is to provide the necessary conditions under which it is possible to treat aggregate consumer behavior as if it were the outcome of the decisions of a single maximizing consumer. […] These [exact] aggregation conditions often turn out to be stringent, which has tempted many economists to sweep the whole problem under the carpet or to dismiss it as of no importance » (ibid. p 148). En particulier, ces
conditions négligent tous les effets d’interaction entre distribution et développement soulignés plus haut.
61 L’existence d’ajustements économiques permettant une certaine stabilité dynamique est recherchée car elle permet d’expliquer
l’observation d’une croissance soutenue, en dépit de périodes de crises, dans les économies de marché capitalistes depuis la révolution industrielle. Mais Hahn et Solow (1997) montrent que les hypothèses de flexibilité des prix, d’agrégation et d’anticipation parfaite n’impliquent pas nécessairement l’existence d’une trajectoire équilibrée ; elles peuvent aussi bien donner lieu à des dynamiques « pathologiques ». À l’inverse, l’adoption d’hypothèses empiriquement plus réalistes ne mène pas nécessairement à l’absence de trajectoire de croissance ou au chaos.
62 Il s’agit par exemple du fondement principal des objections adressées par Hahn et Solow (1997) aux macroéconomistes dans
leur Essai critique sur la théorie macroéconomique moderne (déjà cité).
63 Vieille tradition qui prend source dans les pensées de Marx, Keynes et Schumpeter, comme celles développées par Kaldor,
Kalecki et Robinson. Mais on pensera aussi dans une perspective plus large aux nombreux travaux en sciences sociales sur l’opposition du « paradigme de l’individualisme méthodologique » et du « paradigme holiste », qui suppose que les comportements ne se comprennent réellement qu’avec une représentation systémique des interactions sociales.
nous avons observé l’importance, dans les argumentaires, de croyances conflictuelles sur la nature et la force des phénomènes systémiques qui limitent, orientent ou façonnent les comportements économiques nationaux. Parmi ces facteurs, nous porterons une attention toute particulière sur :
1) les relations sociales qui influent sur le partage des richesses produites et qui déterminent,
avec la nature des techniques de production, comment évoluent les salaires, les rémunérations des détenteurs du capital et les ressources disponibles pour financer les choix d’investissement et d’embauche des entrepreneurs. « Rapports de production » marxistes ou « rapport salarial » de la théorie de la régulation, on retrouve ici la même idée : les interactions sociales – qu’elles soient conflictuelles ou coopératives ‐ déterminent pour partie le partage de la valeur ajoutée : un écart
peut donc s’introduire entre la productivité marginale des facteurs de production et leur rémunération effective ; il en résulte que les « rapports de force » influent sur l’évolution des prix, le
pouvoir d’achat des salariés, la distribution des revenus et le changement technique. L’équilibre de ces rapports peut se maintenir à un moyen terme, tant que les facteurs sociaux qui l’expliquent demeurent : les pouvoirs de négociation relatifs des entrepreneurs, des syndicats et des propriétaires du capital, les normes de rémunération des détenteurs du capital, les exigences de « modération salariale », etc. Mais l’évolution de ces facteurs ne peut se concevoir aujourd’hui sans considérer l’évolution simultanée des contraintes liées à l’ouverture des économies nationales.
2) D’autres facteurs qui influencent les comportements économiques viennent des formes de concurrence qui caractérisent l’insertion de l’économie nationale dans le régime international. Ils
contraignent les comportements nationaux à plusieurs niveaux : au niveau des marchés des biens et services, l’ouverture expose les entrepreneurs à la concurrence internationale mais leur offre aussi des perspectives de débouchés à l’export ; au niveau des marchés des capitaux, la concurrence entre investisseurs privés ou institutionnels étrangers et nationaux est accrue. Les effets de l’ouverture sur l’évolution des comportements stratégiques, s’ils sont manifestes, sont aussi très incertains. On s’oppose sur ce qui fait la compétitivité de l’économie nationale, la sensibilité de la demande à l’évolution respective des coûts (la « compétitivité‐prix ») ou d’autres facteurs : la qualité, la traçabilité, l’innovation, etc. Il en va de même pour les capitaux : les normes qui déterminent la
solvabilité d’une entreprise ou d’un pays auprès des financeurs sont perturbées et les liens avec les
« fondamentaux » des choix d’investissement sont ténus (la rentabilité et les risques réels). Dans un climat d’incertitude sur l’évolution des formes de concurrence, l’optimalité future des choix actuels de gestion des finances publiques, d’embauche ou d’investissement, est loin d’être assurée.
3) Enfin, les inerties techniques et institutionnelles s’opposent à une optimisation complète et immédiate des techniques et des institutions en réponse à ces mutations. L’ajout de l’inertie est
nécessaire pour rendre compte des difficultés dynamiques d’adaptation des économies contemporaines aux mutations en cours. Ces difficultés sont évidentes dans les faits présentés au premier chapitre et peuvent s’expliquer théoriquement en évoquant divers facteurs physiques (durée de vie des équipements et des infrastructures), sociaux (normes, conventions) ou psychologiques (habitudes, routines) ; l’existence de ces inerties suppose que les comportements à l’origine des évolutions techniques et institutionnelles se forment avec des anticipations imparfaites, en raison des restrictions sur la disponibilité et la circulation de l’information (incertitudes, asymétries, etc.). La qualité et la rapidité du processus d’apprentissage – processus absent des modèles de premier rang – sont ici cruciales pour la recherche et l’atteinte d’un optimum social ; ce
processus assure l’évolution des formes institutionnelles, le renouvellement des normes et des conventions, l’adaptation des comportements et l’émergence de formes de régulation économique inédites dans des conjonctures nouvelles (North, 1990). Bien entendu, dans une économie mondialisée, les relations sociales qui influent sur le partage des richesses ne sont pas indépendantes des formes de concurrence, ni des éléments qui structurent l’économie (techniques et institutionnels). Les acteurs expriment des croyances sur la façon dont se combinent ces contraintes et agissent stratégiquement sous l’influence de ces représentations. Il s’agit de différentes conceptions de la « mondialisation », de ses effets, des contraintes et des opportunités que ce phénomène impose aux choix privés et collectifs. Ces conceptions définissent dans une grande mesure l’environnement de l’action publique, les contours d’une « aire de contrôle », dont dépend de façon cruciale l’efficacité d’une intervention publique (Drèze et Stern, 1984). S’il n’existe pas non plus, à notre connaissance, de théorie générale à ce sujet, l’expérience des acteurs, à travers leur vie économique, prête un certain niveau de cohérence logique à certaines associations d’hypothèses : par exemple, il semble plus probable que dans une économie libéralisée, le fait de supposer une exposition accrue à la concurrence internationale sur les marchés des biens et des capitaux s’accommode mieux de l’hypothèse d’un pouvoir de négociation des salariés limité plutôt qu’accru. Ceci n’est qu’un exemple, mais nous verrons au cours de notre analyse qu’en raisonnant de la sorte, on peut obtenir des résultats très utiles pour cadrer la négociation collective et nourrir les discussions.
Ces trois ensembles de facteurs sont essentiels. En influant sur les comportements, ils empêchent des ajustements économiques rapides et entièrement opérés par les prix de marché. Par ailleurs, ils permettent de tenir compte d’un certain degré d’irréversibilité qui résulte de l’héritage historique des évolutions techniques, institutionnelles et sociales. Enfin, ils ouvrent sur la possibilité de représenter des systèmes comportementaux inédits qui correspondent à une prospective concernant l’évolution, dans les années à venir, de ces mêmes facteurs techniques, institutionnels ou sociaux, et de leurs effets sur les comportements. A l’échelle macroéconomique, ces comportements non walrassiens font système en influant sur le fonctionnement agrégé de marchés interdépendants ; de ce fait, ils peuvent être responsables de dynamiques économiques sous‐ optimales à moyen terme.
Trois implications pour les ajustements macroéconomiques à moyen terme
Dans un modèle macroéconomique, les relations sociales qui jouent sur le partage de la valeur ajoutée, les formes de concurrence et les inerties techniques et institutionnelles influent sur l’efficacité de la réforme à travers le fonctionnement agrégé de quatre types d’institutions : le marché du travail, le marché des biens et services, le marché des capitaux et la gestion des finances publiques. Pour rendre compte de ces implications, il nous faudra recourir à une formalisation mathématique qui nous permette de traduire dans le modèle les hypothèses suivantes :
un marché du travail en situation structurelle de sous‐emploi (chômage involontaire), avec une flexibilité des salaires limitée, à la baisse (par exemple, en raison du droit du travail) comme à la hausse (par exemple, en raison du resserrement des contraintes concurrentielles qui pèsent sur le marché de l’emploi). On peut montrer que cette hypothèse de flexibilité limitée des salaires est cohérente avec le point d’équilibre d’une négociation entre employeurs et employés. Les salaires
nominaux ne croissent pas nécessairement lorsque les entreprises génèrent des profits et créent de l’emploi64. Une plus grande ouverture des marchés peut s’accompagner d’une « modération salariale » si, toutes choses égales par ailleurs, le pouvoir de négociation des employeurs est accru (par exemple, parce qu’une plus forte exposition à la concurrence internationale augmente les incertitudes sur les ventes futures, les risques de délocalisation et peut réduire la disponibilité des capitaux). Néanmoins, à forme de concurrence inchangée, une baisse du chômage doit favoriser une progression des salaires65. Dans l’ensemble, il nous faut décrire des paramètres techniques et sociaux qui peuvent influer sur l’ajustement des salaires réels et ainsi modifier les effets qu’induit la réforme sur le « chômage structurel »66.
Des marchés des biens et services et des marchés financiers imparfaits, avec un certain niveau de concurrence oligopolistique entre les entreprises domestiques et avec des concurrents étrangers, et des erreurs d’anticipation sur la rentabilité réelle des investissements67. La concurrence monopolistique doit se traduire par un écart entre les prix de ventes et les coûts marginaux de production (les producteurs font une marge nette ou des profits purs), ce qui est cohérent avec l’existence de pouvoirs de marché en fonction desquels les entreprises peuvent jouer sur les prix. La compétitivité des productions domestiques vis‐à‐vis des produits étrangers doit pouvoir n’être que partiellement sensible aux coûts domestiques et aux différences de prix de vente. Les imperfections sur les marchés financiers doivent, elles, autoriser un écart entre l’offre de capitaux et la rémunération effective (ex post) de la propriété financière ; l’investissement effectif doit pouvoir être rationné : ou bien déterminé par la demande future qu’anticipent les entrepreneurs (l’offre de capitaux n’est pas limitante), ou bien par les anticipations de profit des investisseurs (l’offre de capitaux est limitante).
Des modalités de gestion des finances publiques imparfaites. Il nous faut rendre compte du fait que les administrations suivent des règles simples de gestion budgétaire qui déterminent, par exemple, le niveau des dépenses et des investissements publics, un niveau d’endettement, des règles d’évolution du niveau des prestations sociales, ou encore, diverses modalités d’ajustement des prélèvements obligatoires. Mais la plupart du temps, des erreurs d’anticipation empêchent
64 Voir par exemple, Hahn et Solow, 1997 (pages 101-102). Nous illustrons cette interprétation microéconomique à l’aide d’un
petit modèle formalisé au chapitre suivant (cf. chapitre 3, paragraphe 2.3, note 28, page 92).
65 Il existe différentes interprétations microéconomiques de cette corrélation négative sur un marché du travail déséquilibré : le
pouvoir de négociation des salariés peut augmenter relativement à celui des employeurs lorsque le chômage diminue (modèle de négociation) ; cela peut aussi inciter les entrepreneurs à offrir des salaires plus importants pour éviter le débauchage de leurs salariés (modèle de « salaires d’efficience »). Cette dépendance de la réponse des salaires au niveau de chômage est généralement décrite formellement à l’échelle macroéconomique par une wage-curve (Blanchflower et Oswald, 1995).
66 Malinvaud, le père de la réflexion sur les conditions théorique d’un chômage involontaire, a clairement expliqué que s’il est
utile pour la compréhension de développer des analyses théoriques qui postulent une contrainte sur l’évolution des salaires réels (pratique commune dans les modèles macroéconomiques standard), cette évolution dispose dans la réalité d’une certaine autonomie : « The subject (i.e. why unemployment may result from inappropriate real wages) would not arise if the evolution of
real wages was strictly determined by the growth process and had no autonomy with respect to other determinants of this process. But some of the questions now raised precisely assume such an autonomy, and I shall take it to exist, even though I easily recognize that the evolution of real wages is mostly induced » (Malinvaud, 1982, page 1). Il est alors utile pour couvrir
une diversité de situations réelles de raisonner comme nous le faisons sur le comportement des salaires nominaux (Solow, 1986), même si cette hypothèse nous fait envisager des mondes où le partage de la valeur ajoutée entre capital et travail n’est plus constant à long terme (voir la discussion engagée sur ce sujet au premier chapitre, paragraphe 2.3, note 36, page 28).
67 L’existence d’erreurs d’anticipation se maintenant à moyen terme est compatible d’une part, avec l’hypothèse d’inertie des
comportements et des institutions (comportements moutonniers, phénomènes de sélections adverses, etc.) et d’autre part, avec l’hypothèse d’information imparfaite : une allocation sous-optimale des capitaux peut en effet résulter de risque accrus sur les investissements de moyen-long terme relativement aux placements de court terme ; ceci, par exemple, dans le cas où les