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DEUXIEME PARTIE

4.2 Les bénéficiaires d'aide formelle

Le tissu social et relationnel de la personne âgée comprend des réseaux dits informels (ou naturels), qui se réfèrent à la famille et aux amis, et des réseaux dits formels (ou institutionnels), qui englobent l'ensemble des services fournis par les professionnels de la santé et du social. Selon leur nature, les prestations du réseau formel sont fournies directement au domicile de la personne, de manière ambulatoire ou au sein d'un établissement spécialisé.

En ce qui concerne le réseau informel, les analyses des données SWILSOO ont montré que la plupart des octogénaires étaient insérés dans un vaste système d'échanges avec la famille et/ou les amis. Mais, si au début de l'étude les vieillards qui apportent de l'aide sont plus nombreux que ceux qui en reçoivent, avec l'avance en âge et l'augmentation des problèmes de santé le sens de l'échange tend à s'inverser, sans pour autant devenir unidirectionnel (Armi et Guilley, 2004; Armi et al., 2008a; Lalive d'Epinay, Vascotto Karkin et Vollenwyder, 1998b).

Dans cette section, je décris l'évolution au fil des années de la proportion de vieillards recevant de l'aide du réseau formel, en distinguant entre les bénéficiaires de services reçus à domicile (SADS), les locataires d'appartements à encadrement médico-social (ici, AE) et les résidents d'établissements médicosociaux (EMS).

Evolution des bénéficiaires

Comme nous pouvions nous y attendre, la proportion de personnes qui recourent au réseau formel croît avec les années et l'âge (cf. Figures 4.3 et 4.4). Plus surprenant est le fait qu'au départ de l'étude, alors que les enquêtés ont entre 80 et 84 ans, les trois-quarts d'entre eux vivent dans un domicile privé sans avoir recours au réseau formel; que cinq ans plus tard, c'est le cas de moitié d'entre eux (et même un peu plus dans la seconde cohorte); et qu'au terme des dix ans, alors que ces « survivants » de la première cohorte ont tous passé le cap des nonante ans, un bon tiers continuent à se passer de ces services.48

48 Dans quelle mesure et de quelle manière les besoins de base de ces personnes sont-ils assurés ? Une analyse, sur cinq ans, des vieillards de la première cohorte qui ne sont pas intégrés dans un réseau informel d'échanges montre que ces personnes ne sont pas livrées à elles-mêmes sans avoir accès à l'aide ou aux soins que leur état pourrait requérir (Armi et al., 2008a, p. 229).

Figure 4.3 Bénéficiaires (%) du réseau formel, selon la nature de l'aide, par vague

Résidents d'EMS et locataires d'appartements avec encadrement social

Le taux de personnes résidant en EMS croît de façon substantielle au fil des vagues. Alors qu'au départ (du fait du choix de sélection des échantillons), les personnes vivant en EMS sont l'exception, cinq ans plus tard 12% des membres de la première cohorte et 16% de la seconde y sont installés; au terme des dix ans, un « survivant » sur quatre de la cohorte la plus ancienne y a maintenant ses quartiers.

En revanche, les locataires d'appartements à encadrement médico-social (AE) sont rares;

des 717 participants à l'étude, seulement 24 vieillards ont été interviewés au moins une fois alors qu'ils vivaient dans l'un de ces immeubles. Ce type de logement est plus répandu à Genève qu'en Valais (cf. supra, sous-section 2.2.5), ce que confirment nos données puisque seulement quatre Valaisans sont passés par ces structures d'hébergement. Dans la première cohorte, la proportion de locataires augmente jusqu'à la septième vague (passant de 5 à 10% des interviewés genevois), pour ensuite chuter lors des deux dernières entrevues (respectivement 3 et 4% à Genève).49

Les bénéficiaires des services d'aide et de soins à domicile

Au début de l'étude, parmi les vieillards vivant chez eux, un sur quatre ou cinq selon la cohorte a recours aux SASD. Dans la première cohorte, cette proportion croît pour atteindre son maximum au sixième passage (37% de bénéficiaires) et rester stable par la suite. Dans la seconde, un saut s'observe de la première à la deuxième vague (on passe de 19 à 30% de bénéficiaires), puis cette proportion reste stable, voire décline légèrement.50 Le service le plus sollicité concerne les tâches domestiques: lors du premier entretien, 17%

des personnes de la première cohorte vivant à domicile et 14% de la seconde, reçoivent une aide ménagère au moins une fois par mois; cinq ans plus tard ils sont trois, respectivement

49 Lors de la septième vague, quatre Genevois vivaient dans des appartements protégés; trois d'entre eux sont décédés au cours de l'année suivante. Bien que ces structures aient été conçues pour des personnes indépendantes ou souffrant de légers handicaps (la plupart des nouveaux locataires ont moins de 80 ans et proviennent d'un domicile privé), de plus en plus de personnes restent dans ces logements jusqu'au décès (OCSTAT, 2007).

50 Ne sont pas considérées ici les personnes vivant dans des immeubles avec encadrement social, et ce bien que des soins soient souvent dispensés dans ces lieux par les services d'aide à domicile.

deux vieillards sur dix; au moment de la dernière rencontre, c'est une petite moitié (42%) des membres de la première cohorte. La proportion de personnes qui se font livrer des repas à domicile croît aussi au fil du temps (cohorte 1: de 7% en v1 à 19% en v9; cohorte 2: de 3% en v1 à 14% en v5). C'est cependant la demande de soins qui augmente le plus fortement: au départ de l'étude, 9 et 7% des octogénaires recourent à une infirmière à domicile; ils sont deux à trois fois plus nombreux après un lustre (cohorte 1: 20%; cohorte 2: 17%); parmi les participants vivant à domicile lors de la neuvième vague, près de 30%

reçoivent des soins infirmiers. Les autres types de services disponibles – assistance sociale, hôpital de jour, aide de bénévoles – sont sollicités par moins de 3% des vieillards vivant chez eux.

L'intervention des SASD est particulièrement demandée quand la personne est affectée d'incapacités lourdes et chroniques: moins d'un vieillard indépendant sur cinq et un tiers seulement des fragiles y recourent, alors que c'est le cas de deux tiers des vieillards dépendants. Des analyses plus approfondies ont mis en évidence que la demande de services formels est également plus fréquente à Genève, parmi les femmes et les personnes vivant seules; et si dans la région urbaine les personnes avec un faible statut socio-économique sont davantage assistées par des représentants des services formels, c'est l'inverse qui se passe en Valais central (cf. Armi et al., 2008b).