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Les causes de l'entrée en EMS: approche quantitative .1 Caractéristiques au départ de l'étude et entrée en EMS

E N AMONT DE L ' ENTREE EN EMS

5.1 Les causes de l'entrée en EMS: approche quantitative .1 Caractéristiques au départ de l'étude et entrée en EMS

Des 713 participants à SWILSOO qui vivaient à domicile au départ de l'étude, 97 (14%) ont par la suite été interviewés au moins une fois alors qu'ils résidaient en ménage collectif – en principe dans un EMS, deux dans un couvent ou autre communauté religieuse.51 Quelles étaient, au départ de l'étude, les caractéristiques des vieillards qui, à un moment ou à un autre, se sont installés en EMS ? Les informations disponibles ont été réparties en quatre ensembles: les attributs sociodémographiques, tels que le sexe, la région et le statut socio-économique; la vie relationnelle, l'échange de services et l'équipement domestique;

les diverses mesures de santé; et, enfin, les activités de loisir (cf. Tableaux 5.1a à 5.1d).

Relevons d'abord que, si les membres de la première cohorte ont été rencontrés plus souvent en institution (cf. Tableau 5.1a), cela est uniquement dû au fait qu'ils ont été étudiés sur une période deux fois plus longue, et donc jusqu'à un âge plus avancé.52 Dans quelle mesure le genre ou la région d'habitat, mais aussi le niveau d'éducation ou le statut socio-économique, ont-ils un pouvoir discriminant sur le fait de se retrouver en EMS ? Les femmes, les Valaisans, les personnes avec une scolarité réduite, celles bénéficiant d'un faible revenu et, par-dessus tout, les paysans ont plus de probabilités d'avoir été rencontrés en ménage collectif au cours de l'étude; les différences selon le statut socio-économique sont particulièrement importantes.53

51 Il est probable que certaines personnes aient résidé en institution, voire y aient passé les derniers mois de leur vie, sans que cela n'ait été enregistré dans l'étude, dans la mesure où ce séjour se serait produit entre deux vagues d'entretien et que le vieillard serait décédé ou aurait refusé de poursuivre sa participation à l'étude dans l'intervalle.

52 En effet, si l'on ne considère que les cinq premières années, le taux d'entrée en institution des personnes de la première cohorte est de 11%, donc semblable à celui de la seconde (χ2 = 0.13, p = .724).

53 Cela rejoint les résultats d'un certain nombre de travaux récents qui montrent que, pour les personnes en meilleure situation économique, le risque de devoir entrer en institution est moindre (Headen, 1993; Mustard, Finlayson, Derksen et Berthelot, 1999); à l'inverse, dans les années 1970, les personnes avec un revenu élevé faisaient plus souvent recours aux maisons de retraite (Greenberg et Ginn, 1979; Palmore, 1976).

Tableau 5.1a Proportion de futurs résidents (%) selon leurs caractéristiques sociodémographiques au départ de l'étude (analyses bivariées)

Caractéristiques en v1 % en EMS entre

v1 et v9

Personnes vivant à domicile au départ de l'étude (n = 713).

Aide à la lecture: les catégories dont les pourcentages sont supérieurs à la proportion de personnes qui entrent en institution au cours de l'étude (14%) sont surreprésentées en EMS.

1 Test du χ2. Seuils de significativité: ns = non significatif; * p ≤ .05; ** p ≤ .01; *** p ≤ .001.

Comme le montre le Tableau 5.1b, les célibataires et, bien que dans une moindre mesure, les veufs sont plus nombreux parmi les futurs résidents. Mais si le fait de vivre seul accroît le risque d'entrer en EMS, nous ne relèvons pas d'impact du réseau familial ni du cercle amical. Plus que l'isolement social – c'est-à-dire le fait d'avoir peu de contacts – c'est la solitude – sentiment qui traduit un état subjectif lié à un manque ou à la perte de compagnie – qui semble prédire l'installation en EMS.

Tableau 5.1b Proportion de futurs résidents (%) selon leur vie relationnelle, les aides reçues et l'équipement domestique au départ de l'étude (analyses bivariées)

Caractéristiques en v1 % en EMS entre

v1 et v9

Tableau 5.1b Proportion de futurs résidents (%) selon leur vie relationnelle, les aides reçues et l'équipement domestique au départ de l'étude (suite)

Caractéristiques en v1 % en EMS entre

v1 et v9 Personnes vivant à domicile au départ de l'étude (n = 713).

Aide à la lecture: les catégories dont les pourcentages sont supérieurs à la proportion de personnes qui entrent en institution au cours de l'étude (14%) sont surreprésentées en EMS.

1 Test du χ2. Seuils de significativité: ns = non significatif; * p ≤ .05; ** p ≤ .01; *** p ≤ .001.

2 Question posée uniquement aux personnes qui ont répondu personnellement à l'enquête (n = 649).

Recevoir des aides au départ de l'étude, que ce soit de la part de membres de la famille, d'amis ou des services formels, est associé à une plus grande probabilité d'entrer en institution; tout comme le fait de ne pas bénéficier d'un équipement domestique complet (et notamment d'un chauffage central ou de l'eau chaude dans le logement). Les premiers indicateurs signalent déjà un état de fragilité, le second un habitat peu adapté au grand âge.

Le portrait de santé des futurs résidents contraste à plusieurs égards avec celui de leurs contemporains qui restent à domicile (cf. Tableau 5.1c). En particulier, les personnes qui ne peuvent pas accomplir seules les différentes activités de la vie quotidienne, qui sont atteintes dans leur mobilité et qui souffrent d'incontinence sont plus à risque d'entrer en EMS en cours d'étude. Deux indicateurs indirects de l'état cognitif, les problèmes de mémoire et l'incapacité à utiliser le téléphone sans aide, s'avèrent aussi discriminants. A ce propos, signalons qu'un tiers des personnes approchées via un proxi lors de la première vague se sont installées en EMS au cours de l'étude, contre seulement 12% de ceux qui avaient répondu en personne. En revanche, les troubles physiques, les handicaps sensoriels, les visites chez le médecin et les évaluations subjectives de la santé n'augmentent pas le risque d'entrer en institution.54

54 Relevons aussi que la proportion de futurs résidents n'est pas associée au fait d'avoir subi (ou non) des événements de santé – maladie, accident, opération, hospitalisation, alitement et chutes – dans la période qui précède la première vague d'entretiens.

Tableau 5.1c Proportion de futurs résidents (%) selon leur état de santé au départ de l'étude (analyses bivariées)

Caractéristiques en v1 % en EMS entre

v1 et v9

Sig. 1 Statut de santé et dimensions de la fragilité

Statut de santé:

Tableau 5.1c Proportion de futurs résidents (%) selon leur état de santé au départ de l'étude (analyses bivariées) (suite)

Caractéristiques en v1 % en EMS entre

v1 et v9

Personnes vivant à domicile au départ de l'étude (n = 713).

Aide à la lecture: les catégories dont les pourcentages sont supérieurs à la proportion de personnes qui entrent en institution au cours de l'étude (14%) sont surreprésentées en EMS.

1 Test du χ2. Seuils de significativité: ns = non significatif; * p ≤ .05; ** p ≤ .01; *** p ≤ .001.

2 Question posée uniquement aux personnes qui ont répondu personnellement à l'enquête (n = 649).

Comme le montre le Tableau 5.1d, la proportion de futurs résidents est significativement plus élevée parmi les personnes qui n'ont qu'une faible pratique des médias – écouter la radio, regarder la télévision, lire le journal, des revues ou des livres – et parmi celles qui pratiquent peu d'activités se déroulant à l'extérieur de leur propre logement – promenade et gymnastique, pour ce qui est du domaine physique; aller au café, partir en voyage et participer à des animations culturelles ou à des fêtes locales, pour les activités sociales. La pratique religieuse, en revanche, ne semble pas protéger contre le risque d'entrer en EMS.

Tableau 5.1d Proportion de futurs résidents (%) selon leurs activités de loisir au départ de l'étude (analyses bivariées)

Caractéristiques en v1 % en EMS entre

v1 et v9

Personnes vivant à domicile au départ de l'étude (n = 713).

Aide à la lecture: les catégories dont les pourcentages sont supérieurs à la proportion de personnes qui entrent en institution au cours de l'étude (14%) sont surreprésentées en EMS.

1 Test du χ2. Seuils de significativité: ns = non significatif; * p ≤ .05; ** p ≤ .01; *** p ≤ .001.

5.1.2 Les déterminants de l'entrée en EMS

Les analyses bivariées ont permis de tracer le portrait, au départ de l'enquête, des futurs résidents par comparaison avec celui de leurs contemporains qui restent à domicile (en tout cas, jusqu'à ce qu'ils sortent de l'étude). Faisons maintenant un pas de plus en reprenant ces caractéristiques pour nous demander lesquelles prédisposent les octogénaires à entrer en EMS.

Afin de comprendre pourquoi certaines personnes âgées s'installent en institution tandis que d'autres restent chez elles, j'ai eu recours à des modèles d'analyse dit multiniveaux (Bryk et Raudenbush, 1992; DiPrete et Forristal, 1994) qui aident à évaluer longitudinalement l'effet de différents facteurs sur un phénomène donné, ici l'entrée en

EMS.55 Je considère comme variable dépendante l'ensemble des segments de trajectoires entre deux vagues successives marqués par une installation en institution (personnes à domicile en vague t-1 et en EMS lors de la vague t), en l'opposant aux séquences de trajectoires de ceux qui restent à leur domicile dans le même intervalle (les séquences

« EMS-EMS » ont été écartées de l'analyse). En ce qui concerne les variables indépendantes, dont je teste l'effet possible sur l'entrée en EMS, elles sont mesurées au départ de la séquence (donc en t-1). L'objectif est donc d'identifier les facteurs qui prédisent la séquence « domicile-EMS ». Il faut pourtant être attentif au fait qu'entre le moment de l'entretien à la vague t-1 et l'admission en EMS se sont parfois écoulés plusieurs mois et que durant ce laps de temps des changements importants, tels le décès d'un proche ou un accident de santé, ont pu se produire. A défaut de pouvoir dater toutes les informations contenues dans les questionnaires, il n'est pas possible de savoir si un événement cité a eu lieu avant ou après le déménagement.

Plusieurs facteurs peuvent jouer un rôle dans la détermination de l'installation en EMS.

Mais comme le nombre de variables qu'il est possible d'introduire dans ces modèles statistiques est fonction du nombre d'unités sur lequel porte l'analyse, il a fallu procéder à des sélections. Aussi les analyses multiniveaux ont-elles été conduites en plusieurs étapes.

1. Une première étape a consisté à construire un modèle de base (cf. Tableau 5.2). Dans ce but, j'ai procédé en trois temps: j'ai d'abord testé séparément les variables statutaires, à savoir l'âge, la cohorte, le sexe, la région d'enquête et le statut socio-économique (pas 1); ces variables ont ensuite été testées ensemble (pas 2), avant d'y ajouter une mesure de la santé (pas 3). Ainsi est établi ce qui servira de modèle de base.

2. Dans une deuxième étape (cf. Tableau 5.3), j'ai testé séparément toutes les autres variables utilisées dans cette étude, en vue de ne conserver que celles qui présentent un effet significatif. J'ai procédé en deux moments: d'abord en soumettant à l'analyse chaque variable seule (pas 1), puis en l'intégrant au modèle de base (pas 2).

55 Les modèles multiniveaux – dits aussi hiérarchiques ou mixtes – sont des modèles de régression adaptés aux situations dans lesquelles plusieurs sources de variabilité sont à l'œuvre et les unités d'analyse sont dépendantes entre elles. C'est le cas, par exemple, de l'analyse de données répétées: la variabilité des observations a une double composante, inter- et intraindividuelle, et les différentes mesures d'un même sujet peuvent être corrélées.

3. Vu le nombre encore élevé de paramètres, dans une troisième étape, les variables relevant d'une même dimension de la vie de la personne ont été soumises ensemble à l'analyse afin d'écarter du modèle final celles qui n'étaient plus statistiquement significatives.

4. La quatrième et dernière étape permet d'aboutir au modèle d'analyse final (cf. Tableau 5.4).

Au fil de ces différentes étapes, toute une série d'effets d'interaction potentiels entre ces facteurs ont également été testés.

Première étape: construction du modèle de base

La première opération a consisté dans la construction d'un modèle avec les paramètres statutaires seulement (cf. Tableau 5.2, pas 1 et 2). Le premier pas, dans lequel les variables sont testées une à une, fait apparaître que l'âge et le sexe ont une forte incidence: plus on est âgés, plus le risque d'entrer en EMS augmente – et ce risque pèse plus sur les femmes que sur les hommes. La région (le fait d'habiter en Valais) et le statut socio-économique56 (personnes au statut social populaire) contribuent eux aussi à accroître ce risque. En revanche, la cohorte n'introduit pas de différences significatives.

Quand les variables sont introduites ensemble (pas 2), les effets du genre et de la région disparaissent: si les femmes sont plus nombreuses en EMS c'est (entre outre) parce qu'elles sont en moyenne plus âgées que les hommes et qu'elles ont un statut plus bas; l'effet région, quant à lui, s'explique par la plus forte présence de personnes des milieux populaires (et en particulier de paysans) en Valais central.57 L'examen des possibles effets d'interaction n'en dégage qu'un, entre le statut socio-économique et le sexe. Cela doit se lire

56 La variable de statut socio-économique combine trois dimensions: la catégorie socioprofessionnelle (qui en est la composante de base), le niveau d'éducation et le revenu. Précisons que si cette variable a été retenue c'est parce que, outre son caractère synthétique, elle s'est avérée avoir plus d'impact sur le risque d'entrer en EMS que le simple niveau d'éducation; elle présente aussi l'avantage de ne garder qu'un nombre de positions très limité (ce qui n'est pas le cas de la CSP) et de comporter moins de données manquantes que le revenu.

57 Notons cependant que la variable région est très proche du seuil de significativité statistique de .050 (.072 pour le pas 2 et .052 pour le pas 3).

dans le sens que le moindre risque de s'installer en institution couru par les hommes n'est le fait que des personnes au statut socio-économique moyen ou supérieur.

Tableau 5.2 Les déterminants de l'entrée en EMS: l'impact des variables statutaires et du score de santé fonctionnelle (rapports de risques)58

Caractéristiques Pas 1 Pas 2 Pas 3

Age (en années) 1.13 *** 1.13 ** 1.14 **

Cohorte (cohorte 2: 1915-19) 0.82 1.00 1.44

Sexe (femmes) 2.16 *** 1.35 2.05 ***

Région (Genève) 0.59 * 0.69 0.65

Statut socio-économique (moyen/sup.) 0.58 * 0.36 ** 0.95

Interaction sexe-SSE / 2.79 * /

Santé fonctionnelle (score) / / 1.21 ***

Les analyses multiniveaux ont été réalisées en trois temps: d'abord, chaque variable statutaire est introduite seule dans le modèle (pas 1); puis sous contrôle des autres variables statutaires et des interactions significatives (pas 2); dans le dernier modèle est aussi intégrée la santé fonctionnelle (pas 3).

Seuils de significativité: * p ≤ .05; ** p ≤ .01; *** p ≤ .001.

Exemple de lecture: le rapport de risque égal à 2.05 pour la variable « sexe » (pas 3) indique que le risque d'entrer en EMS est environ deux fois plus fort chez les femmes comparées aux hommes, et ce sous contrôle de l'âge, de la cohorte, de la région, du statut socio-économique et de la santé fonctionnelle.

58 Les modèles multiniveaux, comme leur nom l'indique, prennent en compte plusieurs niveaux des données:

le premier niveau comprend celles mesurées à chaque vague (par exemple, l'âge et la santé), le second niveau inclut les données invariantes dans le temps (comme le sexe, la cohorte ou, dans notre étude, la région et le statut socio-économique). Un modèle multiniveaux comprend deux catégories d'effets, des effets fixes qui peuvent être estimés et des effets aléatoires dont seule la variance peut être estimée. Négliger les effets aléatoires – c'est-à-dire les variations individuelles sur la variable dépendante et sur le changement dans le temps de la variable dépendante, ainsi que les variations résiduelles – aurait un impact sur la qualité de l'estimation des effets fixes. Pour alléger la présentation des résultats, seule la partie fixe des modèles est reproduite.

Dans ce chapitre, les effets des variables indépendantes sur la variable dépendante sont exprimés par un

« rapport de chance » (ou odds ratio). Ce dernier exprime les chances relatives – mais, vu la question abordée, il me semble plus approprié de parler de risques ! – d'entrer en EMS, selon l'état de la variable explicative dans lequel on se trouve. La valeur d'un rapport de risque est toujours positive, inférieure ou supérieure à 1 suivant le sens de la relation entre la variable indépendante et la variable dépendante.

Regardons maintenant ce que provoque l'introduction de la santé dans le modèle (cf.

Tableau 5.2, pas 3). Deux remarques de méthode avant de poursuivre avec l'interprétation des résultats. Tout d'abord, pourquoi avoir inclus un indicateur de santé dans le modèle de base ? D'après la littérature (cf. supra, sous-section 2.3.1) et les enseignements de l'analyse réalisée sur des données transversales (Cavalli, 2002; cf. aussi sous-section 2.3.3), la santé – et en particulier les incapacités fonctionnelles – serait la cause principale du recours aux institutions gériatriques. Dès lors, il m'a semblé approprié de tester l'effet des facteurs pouvant expliquer l'entrée en EMS sous contrôle des variables statutaires, mais aussi « à santé égale ».

Deuxièmement, quel indicateur de santé choisir ? Après plusieurs essais – par exemple, en soumettant à l'analyse des variables telles le statut de santé (indépendant, fragile, dépendant) ou le nombre de handicaps –, le score de santé fonctionnelle s'est montré comme étant le plus discriminant.

La santé fonctionnelle mesure la capacité de la personne à accomplir seule les gestes essentiels de la vie quotidienne, et ce à partir de cinq activités de base – faire sa toilette, manger et couper les aliments, s'habiller et se déshabiller, se coucher et se lever, se déplacer à l'intérieur de l'appartement (Katz et al., 1970) – et trois de mobilité – se déplacer à l'extérieur, parcourir au moins 200 mètres, monter et descendre un escalier (Rosow et Breslau, 1966). Le score global, qui va de 0 à 16, résulte de la somme des réponses: « ne fait pas seul/e » (2), « le fait, mais avec difficulté » (1), « le fait sans problème » (0).

L'introduction du score de santé fonctionnelle dans le modèle gomme l'impact du statut socio-économique sur le risque de s'installer en EMS (Tableau 5.2, pas 3). Si, de nos jours encore, la position sociale influence l'entrée en pension, le taux de recours aux prestations des institutions étant plus élevé parmi les personnes de milieux défavorisés (cf. aussi Tableau 5.1a), cela est dû au fait que les personnes avec un faible statut socio-économique sont dans l'ensemble en plus mauvaise santé. Finalement, au-delà de la santé fonctionnelle, seulement le genre et l'âge gardent un lien avec le risque d'entrer en EMS; notons en passant que si l'âge a toujours un impact significatif, c'est que le score de santé fonctionnelle ne couvre pas l'ensemble des effets du vieillissement.

Deuxième étape: sélection des facteurs explicatifs potentiels (analysés séparément)

Une fois construit le modèle de base, il s'agissait de tester toute une série de déterminants potentiels de l'installation en EMS. Afin de sélectionner les facteurs explicatifs, j'ai procédé à une série d'analyses multiniveaux (cf. Tableau 5.3). Chaque indicateur a été testé séparément, d'abord en l'introduisant seul dans le modèle (pas 1), puis sous contrôle des variables statutaires et du score de santé fonctionnelle (pas 2).59 Par rapport à l'analyse bivariée (cf. Tableaux 5.1a à 5.1d), un certain nombre de variables n'ont pas été retenues. Il s'agit des questions qui n'ont été formulées que lors de la première vague d'enquête (équipement domestique), de celles qui n'ont pas été posées dans le cadre des entretiens menés avec un proxi (présence d'un ami intime, services reçus de la famille et des amis, alitement, visites chez le médecin, perception de la santé et comparaison sociale),60 et enfin des variables de santé déjà testées (statut de santé) ou utilisés dans le calcul du score de santé fonctionnelle (atteintes dans les activités de la vie quotidienne et sur la mobilité). En revanche, j'examine l'effet des événements de santé sur le risque d'entrer en institution.

Des 27 variables testées, neuf n'ont une incidence à aucun moment de la sélection. Parmi les 18 indicateurs significatifs dans le premier pas, huit ne le sont plus dès que l'on ajoute à l'analyse les variables statutaires et la santé fonctionnelle. Au terme de cette étape, dix facteurs continuent à avoir un effet positif sur la probabilité d'entrer en EMS: du point de vue relationnel, être célibataire, vivre seul, recevoir de l'aide formelle et, sur le plan subjectif, souffrir de solitude; du point de vue des activités, la rareté des pratiques sociales extérieures au domicile, mais aussi de l'usage des médias; enfin, du point de vue de la santé, la fatigue et le manque d'énergie, les problèmes de mémoire, les chutes et l'incapacité à utiliser le téléphone seul (cf. Tableau 5.3).

59 Concrètement, chaque variable à été ajoutée, une à une, au modèle présenté dans la dernière colonne (pas 3) du Tableau 5.2.

60 Certaines de ces variables – notamment celles sur les services reçus et la présence d'un ami intime – ont tout de même été testées lors d'analyses complémentaires: aucune d'entre elles ne s'est révélée avoir un effet significatif sur le risque d'entrer en EMS après avoir contrôlé les variables statutaires et le score de santé fonctionnelle.

Tableau 5.3 Les déterminants de l'entrée en EMS: l'impact de la vie relationnelle, des

Tableau 5.3 Les déterminants de l'entrée en EMS: l'impact de la vie relationnelle, des