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La responsabilité civile doit-elle protéger l'environnement?

B. Les arguments en faveur de la responsabilité civile

100. La responsabilité civile permet de combler bon nombre des lacunes que nous venons de décrire108. Sa fonction préventive109 peut tout d'abord influen-cer le comportement des particuliers (1). Elle permet ensuite de faire suppor-ter à l'auteur d'une pollution les frais engendrés par les mesures engagées afin de la combattre, améliorant ainsi la mise en œuvre du principe pollueur-payeur, ancré dans notre Constitution110 (2). Enfin, le droit privé permet un contrôle plus large des activités polluantes, notamment par l'action des particuliers, de plus en plus concernés par les impératifs écologiques (3), ainsi qu'un règlement de conflits entre privés (4).

1. Son influence sur les comportements individuels

101. Courir le risque d'engager sa responsabilité civile lorsque l'on porte atteinte au milieu naturel peut avoir pour effet d'influencer les comporte-ments individuels111. Il va de soi que cette fonction n'est pas propre à la seule responsabilité délictuelle, les prescriptions administratives ayant également

107 Cf. FLÜCKIGER/MORAND/TANQUEREL, N 169 et 171.

108 Cf. également BETLEM, p. 319.

109 KÜCHLER, p. 430 s.; PELLONI, p. 195 ss.

110 Art. 74 al. 2 Cst.

111 WAGNER PFEIFER, vol. I, p. 72; TUNC, Colloque, p. 27 ss. Cela vaut même en l'absence de responsabilité pour faute. En effet, à notre avis, le particulier redoutera d'autant plus de voir sa responsabilité engagée indépendamment du caractère fautif de son comportement, à cause du seul fait qu'il remplit les conditions d'un état de fait prévoyant une responsabilité objective.

administratives ne signifie pas encore qu'elle ne porte pas atteinte au milieu naturel.

99. Ensuite, il est connu que la machine étatique est lourde à mettre en marche, et qu'elle dépend d'autorités qui n'ont pas toujours la possibilité d'agir, notamment parce qu'elles ne sont pas informées de situations préoccu-pantes. Il est possible également qu'elles n'en aient pas la volonté, parce que leurs intérêts ou ceux de leurs représentants coïncident avec ceux des respon-sables de pollutions. Finalement, il se peut que les autorités étatiques restent inactives parce que, dans un cas ou un autre, elles ne jugent pas la menace pesant sur le milieu naturel suffisamment alarmante pour justifier une intervention. Dans ce sens, le droit de recours accordé aux organisations de protection de l'environnement était considéré, à l'époque où il a été introduit, comme un moyen de renforcer l'activité administrative107.

B. Les arguments en faveur de la responsabilité civile

100. La responsabilité civile permet de combler bon nombre des lacunes que nous venons de décrire108. Sa fonction préventive109 peut tout d'abord influen-cer le comportement des particuliers (1). Elle permet ensuite de faire suppor-ter à l'auteur d'une pollution les frais engendrés par les mesures engagées afin de la combattre, améliorant ainsi la mise en œuvre du principe pollueur-payeur, ancré dans notre Constitution110 (2). Enfin, le droit privé permet un contrôle plus large des activités polluantes, notamment par l'action des particuliers, de plus en plus concernés par les impératifs écologiques (3), ainsi qu'un règlement de conflits entre privés (4).

1. Son influence sur les comportements individuels

101. Courir le risque d'engager sa responsabilité civile lorsque l'on porte atteinte au milieu naturel peut avoir pour effet d'influencer les comporte-ments individuels111. Il va de soi que cette fonction n'est pas propre à la seule responsabilité délictuelle, les prescriptions administratives ayant également

107 Cf. FLÜCKIGER/MORAND/TANQUEREL, N 169 et 171.

108 Cf. également BETLEM, p. 319.

109 KÜCHLER, p. 430 s.; PELLONI, p. 195 ss.

110 Art. 74 al. 2 Cst.

111 WAGNER PFEIFER, vol. I, p. 72; TUNC, Colloque, p. 27 ss. Cela vaut même en l'absence de responsabilité pour faute. En effet, à notre avis, le particulier redoutera d'autant plus de voir sa responsabilité engagée indépendamment du caractère fautif de son comportement, à cause du seul fait qu'il remplit les conditions d'un état de fait prévoyant une responsabilité objective.

pour but de convaincre les citoyens d'adopter un comportement responsable par rapport à l'environnement. Toutefois, on peut espérer que le renfort des moyens d'action contre celui qui porte atteinte à l'environnement persuade mieux encore du caractère sensé d'une attitude qui n'endommage pas le milieu naturel plus que ce qui est inévitable.

102. MÜLLER-CHEN exprime des doutes quant à la capacité de la responsabilité civile à influencer efficacement les comportements individuels à l'égard de l'environnement112. Cet auteur ne considère toutefois pas, dans son propos, la possibilité d'une protection directe de l'environnement par les mécanismes de la responsabilité civile. Il fonde sa critique sur l'idée d'une protection indirecte de l'environnement, au travers de la protection garantie par le droit civil à certains biens juridiques (par exemple la santé ou la propriété)113.

103. Effectivement, dans l'hypothèse où l'environnement n'est protégé qu'indirectement, parce que le résultat final – une atteinte à la santé ou à la propriété d'autrui – est réprouvé par l'ordre juridique, il faut admettre que les individus ne se référeront pas en premier lieu à l'environnement pour orienter leur comportement. En revanche, si l'environnement est directement protégé par le droit de la responsabilité civile, et que l'auteur d'une atteinte à l'environnement engage sa responsabilité indépendamment de la lésion d'un autre intérêt protégé, alors on peut légitimement s'attendre à ce que les individus se déterminent en conséquence, comme ils se déterminent aujourd'hui par rapport à l'intégrité physique ou à la propriété d'autrui.

2. L'internalisation des coûts des pollutions

104. A plusieurs endroits, le droit public confère aux autorités, en application du principe pollueur-payeur, la possibilité de mettre à la charge du responsable d'une atteinte à l'environnement le coût des mesures qu'elles prennent pour empêcher une atteinte imminente, pour en déterminer l'exis-tence ainsi que pour y remédier114. Cependant, et bien que, par leur nature, ces normes soient proches des mécanismes de la responsabilité civile, qui permet-tent de reporter sur le responsable d'une atteinte les conséquence de son acte, la plupart de ces normes ne permettent pas de réclamer le remboursement des

112 MÜLLER-CHEN, p. 217 ss. TAUPITZ, p. 43 s., exprime la même réserve à l'égard de l'Umwelthaftungsgesetz allemande, qui ne permet pas la réparation des atteintes à l'environnement indépendamment de la lésion d'un autre bien juridique (cf. § 16. PASCHKE, § 16 N 6).

113 Sur cette distinction, cf. N 13.

114 Cf. art. 59 LPE, art. 54 LEaux, art. 4 LRCN.

pour but de convaincre les citoyens d'adopter un comportement responsable par rapport à l'environnement. Toutefois, on peut espérer que le renfort des moyens d'action contre celui qui porte atteinte à l'environnement persuade mieux encore du caractère sensé d'une attitude qui n'endommage pas le milieu naturel plus que ce qui est inévitable.

102. MÜLLER-CHEN exprime des doutes quant à la capacité de la responsabilité civile à influencer efficacement les comportements individuels à l'égard de l'environnement112. Cet auteur ne considère toutefois pas, dans son propos, la possibilité d'une protection directe de l'environnement par les mécanismes de la responsabilité civile. Il fonde sa critique sur l'idée d'une protection indirecte de l'environnement, au travers de la protection garantie par le droit civil à certains biens juridiques (par exemple la santé ou la propriété)113.

103. Effectivement, dans l'hypothèse où l'environnement n'est protégé qu'indirectement, parce que le résultat final – une atteinte à la santé ou à la propriété d'autrui – est réprouvé par l'ordre juridique, il faut admettre que les individus ne se référeront pas en premier lieu à l'environnement pour orienter leur comportement. En revanche, si l'environnement est directement protégé par le droit de la responsabilité civile, et que l'auteur d'une atteinte à l'environnement engage sa responsabilité indépendamment de la lésion d'un autre intérêt protégé, alors on peut légitimement s'attendre à ce que les individus se déterminent en conséquence, comme ils se déterminent aujourd'hui par rapport à l'intégrité physique ou à la propriété d'autrui.

2. L'internalisation des coûts des pollutions

104. A plusieurs endroits, le droit public confère aux autorités, en application du principe pollueur-payeur, la possibilité de mettre à la charge du responsable d'une atteinte à l'environnement le coût des mesures qu'elles prennent pour empêcher une atteinte imminente, pour en déterminer l'exis-tence ainsi que pour y remédier114. Cependant, et bien que, par leur nature, ces normes soient proches des mécanismes de la responsabilité civile, qui permet-tent de reporter sur le responsable d'une atteinte les conséquence de son acte, la plupart de ces normes ne permettent pas de réclamer le remboursement des

112 MÜLLER-CHEN, p. 217 ss. TAUPITZ, p. 43 s., exprime la même réserve à l'égard de l'Umwelthaftungsgesetz allemande, qui ne permet pas la réparation des atteintes à l'environnement indépendamment de la lésion d'un autre bien juridique (cf. § 16. PASCHKE, § 16 N 6).

113 Sur cette distinction, cf. N 13.

114 Cf. art. 59 LPE, art. 54 LEaux, art. 4 LRCN.

dépenses nécessaires pour restaurer l'état antérieur115. Ne peuvent donc être mises à la charge du responsable que les mesures immédiatement nécessaires pour déterminer l'existence du danger, empêcher sa survenance ou remédier à ses conséquences116. Par exemple, en cas de pollution d'un cours d'eau, l'auto-rité pourra réclamer du pollueur le coût des mesures de filtrage des eaux, mais pas celui du rempoissonnage de la rivière117.

105. Dans ce sens, l'action en responsabilité civile permet de renforcer la réglementation administrative et de parachever l'internalisation des coûts occasionnés par des atteintes au milieu naturel en reportant sur le responsable les coûts de la remise en état également118.

3. Un contrôle plus large

106. La possibilité d'ouvrir une action en responsabilité civile en cas d'atteintes au milieu naturel permettra de renforcer la protection de l'environ-nement en élargissant d'une part le nombre de moyens de droit, et d'autre part le cercle des personnes potentiellement amenées à dénoncer un comportement contraire à l'intérêt écologique119.

107. Les mesures prévues par le droit public nécessitent en effet une activité de l'autorité compétente, qui, comme nous l'avons déjà dit120, n'est pas toujours à même d'agir de manière adéquate, notamment parce qu'elle ne peut s'affranchir complètement de toute pression politique. Il en va de même des collectivités auxquelles les lois administratives reconnaissent un droit de recours121.

108. Le contrôle exercé par les organisations de protection de la nature et/ou de l'environnement, s'il démontre une certaine efficacité122, n'offre pas

115 Malgré le fait que la jurisprudence préconise une interprétation large des frais couverts par l'art. 59 LPE (ATF 122 II 26 c. 4). Cf. TRÜEB, Kommentar, art. 59 LPE N 40; MOIX, Prévention ou réduction, N 665.

116 Pour une exception, cf. N 117. Cf. également N 558 et 773 s.

117 C'est pour cette raison que dans l'ATF 90 II 417, exposé ci-dessous, les autorités cantonales ont dû recourir à l'action en responsabilité civile (cf. N 116).

118 Du même avis, WAGNER PFEIFER, vol. I, p. 72; LEONHARD, p. 43 ss; PETITPIERRE-SAUVAIN, RDS, p. 452.

C'est également l'avis de la Commission européenne, pour qui "la responsabilité environnementale vise à faire en sorte qu'une personne ayant occasionné des dommages à l'environnement (le pollueur) verse une somme d'argent pour remédier aux dommages qu'il a causés" (Livre blanc sur la responsabilité environnementale, COM/2000/66, 9 février 2000, http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/wpr/2000/com2000_0066fr01.pdf).

119 Sur cette notion, cf. N 153 ss.

120 Cf. N 99.

121 Cf. art. 56 et 57 LPE et art. 12 et 12b LPN.

122 FLÜCKIGER/MORAND/TANQUEREL, N 620 ss et 816 ss.

dépenses nécessaires pour restaurer l'état antérieur115. Ne peuvent donc être mises à la charge du responsable que les mesures immédiatement nécessaires pour déterminer l'existence du danger, empêcher sa survenance ou remédier à ses conséquences116. Par exemple, en cas de pollution d'un cours d'eau, l'auto-rité pourra réclamer du pollueur le coût des mesures de filtrage des eaux, mais pas celui du rempoissonnage de la rivière117.

105. Dans ce sens, l'action en responsabilité civile permet de renforcer la réglementation administrative et de parachever l'internalisation des coûts occasionnés par des atteintes au milieu naturel en reportant sur le responsable les coûts de la remise en état également118.

3. Un contrôle plus large

106. La possibilité d'ouvrir une action en responsabilité civile en cas d'atteintes au milieu naturel permettra de renforcer la protection de l'environ-nement en élargissant d'une part le nombre de moyens de droit, et d'autre part le cercle des personnes potentiellement amenées à dénoncer un comportement contraire à l'intérêt écologique119.

107. Les mesures prévues par le droit public nécessitent en effet une activité de l'autorité compétente, qui, comme nous l'avons déjà dit120, n'est pas toujours à même d'agir de manière adéquate, notamment parce qu'elle ne peut s'affranchir complètement de toute pression politique. Il en va de même des collectivités auxquelles les lois administratives reconnaissent un droit de recours121.

108. Le contrôle exercé par les organisations de protection de la nature et/ou de l'environnement, s'il démontre une certaine efficacité122, n'offre pas

115 Malgré le fait que la jurisprudence préconise une interprétation large des frais couverts par l'art. 59 LPE (ATF 122 II 26 c. 4). Cf. TRÜEB, Kommentar, art. 59 LPE N 40; MOIX, Prévention ou réduction, N 665.

116 Pour une exception, cf. N 117. Cf. également N 558 et 773 s.

117 C'est pour cette raison que dans l'ATF 90 II 417, exposé ci-dessous, les autorités cantonales ont dû recourir à l'action en responsabilité civile (cf. N 116).

118 Du même avis, WAGNER PFEIFER, vol. I, p. 72; LEONHARD, p. 43 ss; PETITPIERRE-SAUVAIN, RDS, p. 452.

C'est également l'avis de la Commission européenne, pour qui "la responsabilité environnementale vise à faire en sorte qu'une personne ayant occasionné des dommages à l'environnement (le pollueur) verse une somme d'argent pour remédier aux dommages qu'il a causés" (Livre blanc sur la responsabilité environnementale, COM/2000/66, 9 février 2000, http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/wpr/2000/com2000_0066fr01.pdf).

119 Sur cette notion, cf. N 153 ss.

120 Cf. N 99.

121 Cf. art. 56 et 57 LPE et art. 12 et 12b LPN.

122 FLÜCKIGER/MORAND/TANQUEREL, N 620 ss et 816 ss.

une protection complète. Le champ d'application du recours des organisations est relativement restreint123, et les conditions posées à l'exercice de leur droit sont strictes. En effet, les organisations doivent non seulement avoir pour but de protéger l'environnement ou la nature, mais également être d'importance nationale et exister depuis au moins dix ans124. En outre, pour être autorisée à recourir auprès du Tribunal fédéral, il faut que l'organisation ait pris part à la procédure cantonale déjà. La jurisprudence ne reconnaît que de manière restrictive un droit de recours aux organisations125.

109. Quant aux particuliers, leur champ d'action dans le cadre de décisions rendues en application du droit de l'environnement est limité. Il faut en effet qu'ils soient légitimés à intenter un recours administratif, le cas échéant un recours de droit administratif. Il est donc nécessaire, entre autres, que le particulier soit atteint par la décision qu'il attaque, et qu'il ait un intérêt propre digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée126.

110. Ouvrir la voie d'une action en responsabilité civile contre le responsa-ble d'une atteinte au milieu naturel peut contribuer à améliorer la protection de l'environnement en proposant d'autres outils juridiques que l'appareil administratif, donnant ainsi une possibilité d'action à d'autres sujets de droit que l'Etat, notamment aux particuliers. Cette multiplication des demandeurs potentiels est à même d'engendrer des difficultés dans l'organisation concrète de l'action civile, difficultés que l'on peut résoudre, par exemple, en restreignant le cercle des titulaires du droit d'agir127.

4. Le règlement des conflits entre particuliers

111. Bien que les ressources naturelles soient des biens qualifiés de collec-tifs128, il est quelque peu hâtif d'en déduire que les individus n'ont pas un intérêt, individuel, à leur conservation129. En effet, les ressources naturelles peuvent faire l'objet de conflits: leur utilisation peut être envisagée de plu-sieurs manières, et il n'est pas rare que les différents modes de consommation

123 FLÜCKIGER/MORAND/TANQUEREL,N203ss.

124 Cf. art. 12 al. 1 LPN et art. 55 al. 1 LPE. La liste des organisations habilitées à recourir se trouve en annexe de l'Ordonnance relative à la désignation des organisations habilités à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage (ODO; RS 814.076). Elles sont dix-neuf à pouvoir recourir dans le cadre tant de la LPE que de la LPN, six à pouvoir recourir dans le cadre de la LPE uniquement et cinq dans le cadre de la LPN uniquement.

125 ATF 125 II 50, JdT 1999 I 724; ATF 116 Ib 418, JdT 1992 I 533.

126 Art. 103 let. a OJ.

127 Cf. N 701 ss.

128 Cf. MÜLLER-CHEN, p. 219; KÜCHLER,p.434;BIANCHI,N485;PETITPIERRE D., p. 61.

129 Pour la qualification de l'intérêt écologique, cf. N 156 ss.

une protection complète. Le champ d'application du recours des organisations est relativement restreint123, et les conditions posées à l'exercice de leur droit sont strictes. En effet, les organisations doivent non seulement avoir pour but de protéger l'environnement ou la nature, mais également être d'importance nationale et exister depuis au moins dix ans124. En outre, pour être autorisée à recourir auprès du Tribunal fédéral, il faut que l'organisation ait pris part à la procédure cantonale déjà. La jurisprudence ne reconnaît que de manière restrictive un droit de recours aux organisations125.

109. Quant aux particuliers, leur champ d'action dans le cadre de décisions rendues en application du droit de l'environnement est limité. Il faut en effet qu'ils soient légitimés à intenter un recours administratif, le cas échéant un recours de droit administratif. Il est donc nécessaire, entre autres, que le particulier soit atteint par la décision qu'il attaque, et qu'il ait un intérêt propre digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée126.

110. Ouvrir la voie d'une action en responsabilité civile contre le responsa-ble d'une atteinte au milieu naturel peut contribuer à améliorer la protection de l'environnement en proposant d'autres outils juridiques que l'appareil administratif, donnant ainsi une possibilité d'action à d'autres sujets de droit que l'Etat, notamment aux particuliers. Cette multiplication des demandeurs potentiels est à même d'engendrer des difficultés dans l'organisation concrète de l'action civile, difficultés que l'on peut résoudre, par exemple, en restreignant le cercle des titulaires du droit d'agir127.

4. Le règlement des conflits entre particuliers

111. Bien que les ressources naturelles soient des biens qualifiés de collec-tifs128, il est quelque peu hâtif d'en déduire que les individus n'ont pas un intérêt, individuel, à leur conservation129. En effet, les ressources naturelles peuvent faire l'objet de conflits: leur utilisation peut être envisagée de plu-sieurs manières, et il n'est pas rare que les différents modes de consommation

123 FLÜCKIGER/MORAND/TANQUEREL,N203ss.

124 Cf. art. 12 al. 1 LPN et art. 55 al. 1 LPE. La liste des organisations habilitées à recourir se trouve en annexe de l'Ordonnance relative à la désignation des organisations habilités à recourir dans les domaines de la protection de l'environnement ainsi que de la protection de la nature et du paysage (ODO; RS 814.076). Elles sont dix-neuf à pouvoir recourir dans le cadre tant de la LPE que de la LPN, six à pouvoir recourir dans le cadre de la LPE uniquement et cinq dans le cadre de la LPN uniquement.

125 ATF 125 II 50, JdT 1999 I 724; ATF 116 Ib 418, JdT 1992 I 533.

126 Art. 103 let. a OJ.

127 Cf. N 701 ss.

128 Cf. MÜLLER-CHEN, p. 219; KÜCHLER,p.434;BIANCHI,N485;PETITPIERRE D., p. 61.

129 Pour la qualification de l'intérêt écologique, cf. N 156 ss.

s'excluent l'un l'autre. Par exemple, les personnes qui utilisent l'eau pour y déverser leurs déchets excluent la possibilité pour d'autres de l'utiliser comme eau potable. De même, la personne qui souhaite utiliser le sol pour cultiver des organismes génétiquement modifiés entrave l'activité de son voisin qui désire se livrer à l'agriculture biologique.

112. La responsabilité civile permettra aux particuliers d'agir directement contre le responsable d'une atteinte à l'environnement, sans qu'il lui soit nécessaire de s'adresser aux autorités administratives ou aux organisations de protection de la nature et de l'environnement130, celles-ci montrant souvent la volonté de se distancer des particuliers afin de ne pas voir leur crédibilité mise en cause par une implication dans des "querelles de voisinage"131.