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La définition du dommage par la théorie de la différence

Les conditions d'une action en responsabilité civile suite à une

A. De lege lata: une perte patrimoniale

2. La définition du dommage par la théorie de la différence

423. Depuis plus d'un siècle, le dommage est défini au moyen de la théorie de la différence. Nous présenterons d'abord cette théorie d'une manière générale (a), avant d'exposer les limites de cette définition (b).

a. Généralités

424. Selon l'énoncé de la théorie de la différence, la quotité du dommage s'élève au montant de la différence constatée entre l'état actuel du patrimoine global de la victime et l'état dans lequel il serait si l'événement dommageable ne s'était pas produit (patrimoine hypothétique)650. Cette conception, connue sous le nom de théorie de la différence (Differenzhypothese ou –theorie), est également la conception qui domine en droit allemand.

425. Ainsi, quel que soit le type du dommage de nature patrimoniale dont nous réclamons la réparation, il doit se traduire, selon la conception tradition-nelle, par une diminution involontaire du patrimoine de la personne lésée.

426. Constitue le patrimoine "l'ensemble des biens d'une personne qui ont ou peuvent avoir une valeur économique"651. Les droits de la personnalité qui ont pour objet des intérêts personnels au sens de l'art. 28 CC ne font pas partie du

650 Entre autres, REY, N 151; DESCHENAUX/TERCIER, § 3 N 9; BK-BREHM, art. 41 CO N 70.

651 DESCHENAUX/TERCIER, § 3 N 8; REY, N 156.

421. C'est apparemment cette logique que veut suivre l'avant-projet de loi sur la révision et l'unification de la responsabilité civile. Son art. 45, qui précise les formes et catégories du dommage, dit dans son deuxième alinéa que le dommage patrimonial comprend les catégories mentionnées aux art.

45a à 45d AP (c'est-à-dire également le dommage écologique, prévu par l'art.

45d AP), ainsi que le dommage purement économique. De l’art. 45 al. 2 AP, on déduit premièrement que le dommage écologique est bel et bien, selon les auteurs de l'avant-projet, un dommage de nature patrimoniale, deuxièmement qu'il n'est pas un dommage purement économique. Il est important de noter encore que, selon l'avant-projet, le dommage écologique n'est pas non plus assimilé à un dommage matériel, c'est-à-dire à un dommage consécutif à l'atteinte causée à une chose.

422. En conséquence, le dommage écologique doit être reconnu comme un type de dommage à part entière, qui ne se confond avec aucun des trois groupes que nous connaissons aujourd'hui.

2. La définition du dommage par la théorie de la différence

423. Depuis plus d'un siècle, le dommage est défini au moyen de la théorie de la différence. Nous présenterons d'abord cette théorie d'une manière générale (a), avant d'exposer les limites de cette définition (b).

a. Généralités

424. Selon l'énoncé de la théorie de la différence, la quotité du dommage s'élève au montant de la différence constatée entre l'état actuel du patrimoine global de la victime et l'état dans lequel il serait si l'événement dommageable ne s'était pas produit (patrimoine hypothétique)650. Cette conception, connue sous le nom de théorie de la différence (Differenzhypothese ou –theorie), est également la conception qui domine en droit allemand.

425. Ainsi, quel que soit le type du dommage de nature patrimoniale dont nous réclamons la réparation, il doit se traduire, selon la conception tradition-nelle, par une diminution involontaire du patrimoine de la personne lésée.

426. Constitue le patrimoine "l'ensemble des biens d'une personne qui ont ou peuvent avoir une valeur économique"651. Les droits de la personnalité qui ont pour objet des intérêts personnels au sens de l'art. 28 CC ne font pas partie du

650 Entre autres, REY, N 151; DESCHENAUX/TERCIER, § 3 N 9; BK-BREHM, art. 41 CO N 70.

651 DESCHENAUX/TERCIER, § 3 N 8; REY, N 156.

patrimoine652. Pourtant, les conséquences d'une atteinte à ce type de droits peuvent également être réparées par le biais d'une action en dommages-intérêts. Cette contradiction est la preuve que la notion de patrimoine n'est pas claire, et très certainement inadéquate dans le cadre de la définition du dommage.

427. Le patrimoine doit subir une diminution, c'est-à-dire présenter une différence entre son état antérieur à l'événement dommageable et son état postérieur. Pour déterminer si la victime a bel et bien subi une diminution de son patrimoine, il faut prendre en compte non pas la valeur objective du bien, mais sa valeur subjective dans le patrimoine du lésé; cela implique de tenir compte des pertes, mais également des avantages éventuellement générés par l'atteinte653.

428. Finalement, cette diminution doit être involontaire, ce qui signifie que la personne lésée ne doit pas avoir consenti à cette diminution. Ce dernier point appelle une précision. A notre avis, ce n'est pas tant le caractère involontaire de la diminution de patrimoine qui doit être établi654 que celui de l'événement qui a conduit à la dépense. Par exemple, si une personne est atteinte dans son intégrité physique, c'est volontairement qu'elle se rendra chez le médecin pour se faire soigner et acceptera de verser des honoraires. Dans cette hypothèse, ce n'est pas la dépense qui est involontaire, mais la survenance de l'accident qui amène la victime à consulter.

429. La théorie de la différence doit son succès à un certain nombre d'éléments. Tout d'abord, elle permet d'englober, sous une même étiquette, tant les pertes éprouvées (damnum emergens) que le gain manqué (lucrum cessans). Ensuite, et c'est là la principale raison de sa pérennité, elle constitue selon ses défenseurs une formule de calcul abstraite qui ne nécessite aucun jugement de valeur, censée permettre une indemnisation totale de la victime sans toutefois lui donner la possibilité de s'enrichir. En effet, il est établi que le montant du dommage, s'il ne doit pas être confondu avec celui de l'indemnité qui sera finalement versée à la personne lésée, en constitue néanmoins la limite supérieure. L'indemnité ne peut donc pas dépasser le montant total du

652 DESCHENAUX/TERCIER, § 2 N 8.

653 TERCIER/WERRO, p. 9. Le calcul subjectif du dommage ne doit toutefois pas être confondu avec la réparation de l'intérêt d'affection, qui n'est pas pris en compte par la réparation du dommage de nature patrimoniale (dans ce sens, la formulation employée par le législateur aux art. art. 42 al. 3 et 43 al. 1bis CO, en vigueur depuis le 1er avril 2003, est malheureuse car elle donne lieu à une controverse sur la nature du préjudice réparé. Cf. BREHM Roland, "Les nouveaux droits du détenteur en cas de lésion subie par son animal", REAS 2/2003, 119 ss et CHAPPUIS Guy, "Les nouveaux droits du détenteur de l'animal tué ou blessé. Nouveaux, vraiment?", REAS 2/2004, 92 ss).

654 Partiellement du même avis, OFTINGER/STARK, vol. I, § 2 N 8 et note 11. Selon eux, la responsabilité de l'auteur de l'atteinte doit (peut?) alors être exclue faute de lien de causalité entre le dommage et le chef de responsabilité, à cause de la faute concomitante ou du consentement de la personne lésée.

patrimoine652. Pourtant, les conséquences d'une atteinte à ce type de droits peuvent également être réparées par le biais d'une action en dommages-intérêts. Cette contradiction est la preuve que la notion de patrimoine n'est pas claire, et très certainement inadéquate dans le cadre de la définition du dommage.

427. Le patrimoine doit subir une diminution, c'est-à-dire présenter une différence entre son état antérieur à l'événement dommageable et son état postérieur. Pour déterminer si la victime a bel et bien subi une diminution de son patrimoine, il faut prendre en compte non pas la valeur objective du bien, mais sa valeur subjective dans le patrimoine du lésé; cela implique de tenir compte des pertes, mais également des avantages éventuellement générés par l'atteinte653.

428. Finalement, cette diminution doit être involontaire, ce qui signifie que la personne lésée ne doit pas avoir consenti à cette diminution. Ce dernier point appelle une précision. A notre avis, ce n'est pas tant le caractère involontaire de la diminution de patrimoine qui doit être établi654 que celui de l'événement qui a conduit à la dépense. Par exemple, si une personne est atteinte dans son intégrité physique, c'est volontairement qu'elle se rendra chez le médecin pour se faire soigner et acceptera de verser des honoraires. Dans cette hypothèse, ce n'est pas la dépense qui est involontaire, mais la survenance de l'accident qui amène la victime à consulter.

429. La théorie de la différence doit son succès à un certain nombre d'éléments. Tout d'abord, elle permet d'englober, sous une même étiquette, tant les pertes éprouvées (damnum emergens) que le gain manqué (lucrum cessans). Ensuite, et c'est là la principale raison de sa pérennité, elle constitue selon ses défenseurs une formule de calcul abstraite qui ne nécessite aucun jugement de valeur, censée permettre une indemnisation totale de la victime sans toutefois lui donner la possibilité de s'enrichir. En effet, il est établi que le montant du dommage, s'il ne doit pas être confondu avec celui de l'indemnité qui sera finalement versée à la personne lésée, en constitue néanmoins la limite supérieure. L'indemnité ne peut donc pas dépasser le montant total du

652 DESCHENAUX/TERCIER, § 2 N 8.

653 TERCIER/WERRO, p. 9. Le calcul subjectif du dommage ne doit toutefois pas être confondu avec la réparation de l'intérêt d'affection, qui n'est pas pris en compte par la réparation du dommage de nature patrimoniale (dans ce sens, la formulation employée par le législateur aux art. art. 42 al. 3 et 43 al. 1bis CO, en vigueur depuis le 1er avril 2003, est malheureuse car elle donne lieu à une controverse sur la nature du préjudice réparé. Cf. BREHM Roland, "Les nouveaux droits du détenteur en cas de lésion subie par son animal", REAS 2/2003, 119 ss et CHAPPUIS Guy, "Les nouveaux droits du détenteur de l'animal tué ou blessé. Nouveaux, vraiment?", REAS 2/2004, 92 ss).

654 Partiellement du même avis, OFTINGER/STARK, vol. I, § 2 N 8 et note 11. Selon eux, la responsabilité de l'auteur de l'atteinte doit (peut?) alors être exclue faute de lien de causalité entre le dommage et le chef de responsabilité, à cause de la faute concomitante ou du consentement de la personne lésée.

dommage655, principe qui ne ressort pourtant pas clairement du texte de la loi.

L'art. 43 al. 1 CO prescrit en effet au juge de déterminer l'étendue de la réparation "d'après les circonstances et la gravité de la faute". En soi, le texte de la loi n'exclut donc pas le versement de punitive damages tels que les connaissent les droits anglo-saxons. Cette possibilité a cependant été expressément exclue par le Tribunal fédéral qui a jugé que l'octroi de dommages-intérêts punitifs était contraire à l'ordre public suisse656.

430. La théorie de la différence est donc censée permettre la résolution de tous les cas de responsabilité civile en évitant toute corrélation entre l'état de fait fondant la responsabilité, en particulier la faute, et le montant du dommage. Dans un sens, il est étonnant que la théorie de la différence ait été pareillement reçue en droit suisse, son credo n'étant pas imposé par le texte de la loi657. Malgré cela, l'intégration de la théorie de la différence dans le droit de la responsabilité civile a été si définitive qu'au-delà d'une formule de calcul, elle est devenue l'équivalent de la définition du dommage.

b. Les limites de cette définition

431. L'enthousiasme suscité par la théorie de la différence est tel et les critiques à son encontre si peu virulentes, quoique de plus en plus nombreu-ses, que l'on a parfois l'impression qu'il n'y existe pas d'alternative valable.

Pourtant, elle ne connaît pas un retentissement important sur le plan international658, et dans son pays d'origine, l'Allemagne, elle est sérieusement remise en question659.

432. En effet, la théorie de la différence, malgré les avantages que l'on veut lui prêter, a déjà montré ses limites à de nombreuses reprises660. Ces manques se manifestent d'une manière toute générale (aa), et particulièrement lorsque nous tentons de démontrer le caractère réparable des conséquences d'une atteinte à l'environnement par les mécanismes de la responsabilité civile (bb).

655 GAUCH, p. 225.

656 ATF 122 III 467, JdT 1997 I 220.

657 Du même avis, ROBERTO, Haftungsrecht, § 23 N 591.

658 ROBERTO, Schadensrecht, p. 10.

659 Cf. FLESSNER/KADNER, p. 881 et les références indiquées.

660 Pour un exemple récent, cf. ATF 129 III 331 c. 2.2, JdT 2003 I 629, 631 s.

dommage655, principe qui ne ressort pourtant pas clairement du texte de la loi.

L'art. 43 al. 1 CO prescrit en effet au juge de déterminer l'étendue de la réparation "d'après les circonstances et la gravité de la faute". En soi, le texte de la loi n'exclut donc pas le versement de punitive damages tels que les connaissent les droits anglo-saxons. Cette possibilité a cependant été expressément exclue par le Tribunal fédéral qui a jugé que l'octroi de dommages-intérêts punitifs était contraire à l'ordre public suisse656.

430. La théorie de la différence est donc censée permettre la résolution de tous les cas de responsabilité civile en évitant toute corrélation entre l'état de fait fondant la responsabilité, en particulier la faute, et le montant du dommage. Dans un sens, il est étonnant que la théorie de la différence ait été pareillement reçue en droit suisse, son credo n'étant pas imposé par le texte de la loi657. Malgré cela, l'intégration de la théorie de la différence dans le droit de la responsabilité civile a été si définitive qu'au-delà d'une formule de calcul, elle est devenue l'équivalent de la définition du dommage.

b. Les limites de cette définition

431. L'enthousiasme suscité par la théorie de la différence est tel et les critiques à son encontre si peu virulentes, quoique de plus en plus nombreu-ses, que l'on a parfois l'impression qu'il n'y existe pas d'alternative valable.

Pourtant, elle ne connaît pas un retentissement important sur le plan international658, et dans son pays d'origine, l'Allemagne, elle est sérieusement remise en question659.

432. En effet, la théorie de la différence, malgré les avantages que l'on veut lui prêter, a déjà montré ses limites à de nombreuses reprises660. Ces manques se manifestent d'une manière toute générale (aa), et particulièrement lorsque nous tentons de démontrer le caractère réparable des conséquences d'une atteinte à l'environnement par les mécanismes de la responsabilité civile (bb).

655 GAUCH, p. 225.

656 ATF 122 III 467, JdT 1997 I 220.

657 Du même avis, ROBERTO, Haftungsrecht, § 23 N 591.

658 ROBERTO, Schadensrecht, p. 10.

659 Cf. FLESSNER/KADNER, p. 881 et les références indiquées.

660 Pour un exemple récent, cf. ATF 129 III 331 c. 2.2, JdT 2003 I 629, 631 s.

aa. En général

433. D'une manière générale, si la théorie de la différence séduit sur un plan théorique, sa mise en œuvre sur un plan pratique, précisément, est plus délicate.

434. Tout d'abord, l'idée de comparer deux patrimoines – le patrimoine réel et le patrimoine hypothétique – dans leur globalité n'est pas une démarche réaliste661. Il semble en effet quelque peu étrange, lorsqu'une personne voit l'un de ses biens détruit, par exemple sa voiture, de l'obliger à faire un état de fortune détaillé, rendant compte notamment de l'état de ses titres et de la valeur de ses immeubles. En outre, il se peut que la situation financière de la victime s'améliore notablement, ou au contraire se détériore, sans relation aucune avec l'événement dommageable survenu. Par exemple, il se peut que la victime, après son accident, réalise un gain important en bourse, ou reçoive un héritage; il peut également voir sa société mise en faillite, ou perdre de l'argent au jeu. Tous ces événements, sans lien de causalité avec l'événement dommageable, n'en ont pas moins un impact sur le patrimoine réel (ou actuel) de la victime. En droit suisse, on admet aujourd'hui d'une manière générale que pour pouvoir en tenir compte, il doit exister un lien de connexité entre les avantages obtenus ou les pertes subies ultérieurement et l'événement dommageable662. Cette solution n'est pourtant pas entièrement satisfaisante663. 435. Ces difficultés mettent à jour la nécessité de ne pas se satisfaire d'une comparaison statique, mais de "considérer les patrimoines de référence dans leurs développements respectifs"664, et de comparer non pas deux patrimoines, mais deux avenirs: si la comparaison de l'avenir tel qu'il aurait été (avenir hypothétique) et de l'avenir tel qu'il apparaît (avenir réel) laisse ressortir des différences, il s'agit premièrement de les identifier, deuxièmement de les chiffrer. Actuellement, dans un cas concret, la démarche des tribunaux consiste essentiellement à examiner les postes de l'actif qui ont été diminués et les postes du passif qui ont été augmentés suite à l'événement dommageable, et à présenter ensuite l'addition au défendeur665. En outre, ils se détachent de la stricte application de la théorie de la différence lorsqu'ils indemnisent la victime pour l'atteinte à son avenir économique ou sa famille pour la perte de soutien. Ils tiennent compte alors des circonstances concrètes, c'est-à-dire de l'avenir qui aurait été celui de la victime ou de sa famille sans la survenance de l'atteinte666.

661 Cf. notamment la critique de MEDICUS, JuS 1979, p. 235.

662 ROBERTO, Schadensrecht, p. 13 s.

663 Voir les nombreuses situations évoquées par KELLER,vol . II, p. 41 s.

664 PETITPIERRE G., RDS, p. 291.

665 OFTINGER/STARK, vol. I, § 2 note 13; KELLER/GABI, p. 9;ROBERTO, Haftungsrecht, § 23 N 593.

666 REY, N 245 et les jurisprudences citées.

aa. En général

433. D'une manière générale, si la théorie de la différence séduit sur un plan théorique, sa mise en œuvre sur un plan pratique, précisément, est plus délicate.

434. Tout d'abord, l'idée de comparer deux patrimoines – le patrimoine réel et le patrimoine hypothétique – dans leur globalité n'est pas une démarche réaliste661. Il semble en effet quelque peu étrange, lorsqu'une personne voit l'un de ses biens détruit, par exemple sa voiture, de l'obliger à faire un état de fortune détaillé, rendant compte notamment de l'état de ses titres et de la valeur de ses immeubles. En outre, il se peut que la situation financière de la victime s'améliore notablement, ou au contraire se détériore, sans relation aucune avec l'événement dommageable survenu. Par exemple, il se peut que la victime, après son accident, réalise un gain important en bourse, ou reçoive un héritage; il peut également voir sa société mise en faillite, ou perdre de l'argent au jeu. Tous ces événements, sans lien de causalité avec l'événement dommageable, n'en ont pas moins un impact sur le patrimoine réel (ou actuel) de la victime. En droit suisse, on admet aujourd'hui d'une manière générale que pour pouvoir en tenir compte, il doit exister un lien de connexité entre les avantages obtenus ou les pertes subies ultérieurement et l'événement dommageable662. Cette solution n'est pourtant pas entièrement satisfaisante663. 435. Ces difficultés mettent à jour la nécessité de ne pas se satisfaire d'une comparaison statique, mais de "considérer les patrimoines de référence dans leurs développements respectifs"664, et de comparer non pas deux patrimoines, mais deux avenirs: si la comparaison de l'avenir tel qu'il aurait été (avenir hypothétique) et de l'avenir tel qu'il apparaît (avenir réel) laisse ressortir des différences, il s'agit premièrement de les identifier, deuxièmement de les chiffrer. Actuellement, dans un cas concret, la démarche des tribunaux consiste essentiellement à examiner les postes de l'actif qui ont été diminués et les postes du passif qui ont été augmentés suite à l'événement dommageable, et à présenter ensuite l'addition au défendeur665. En outre, ils se détachent de la stricte application de la théorie de la différence lorsqu'ils indemnisent la victime pour l'atteinte à son avenir économique ou sa famille pour la perte de soutien. Ils tiennent compte alors des circonstances concrètes, c'est-à-dire de l'avenir qui aurait été celui de la victime ou de sa famille sans la survenance de l'atteinte666.

661 Cf. notamment la critique de MEDICUS, JuS 1979, p. 235.

662 ROBERTO, Schadensrecht, p. 13 s.

663 Voir les nombreuses situations évoquées par KELLER,vol . II, p. 41 s.

664 PETITPIERRE G., RDS, p. 291.

665 OFTINGER/STARK, vol. I, § 2 note 13; KELLER/GABI, p. 9;ROBERTO, Haftungsrecht, § 23 N 593.

666 REY, N 245 et les jurisprudences citées.

436. On cherche en vain à comprendre pourquoi il faudrait nécessairement se fonder sur une règle de calcul pur, indépendante de tout jugement de valeur, pour décider de l'existence ou de l'inexistence d'un dommage pour la

436. On cherche en vain à comprendre pourquoi il faudrait nécessairement se fonder sur une règle de calcul pur, indépendante de tout jugement de valeur, pour décider de l'existence ou de l'inexistence d'un dommage pour la