• Aucun résultat trouvé

Les conditions d'une action en responsabilité civile suite à une

B. L'intérêt protégé

2. La nature de l'intérêt écologique

156. La nature de l'intérêt écologique est une question délicate211. En effet, on est souvent tenté de considérer que les biens-environnement étant des res nullius (des biens qui ne font pas ou pas encore l'objet d'un droit de propriété, bien qu'ils soient susceptibles d'appropriation, à l'exemple des plantes ou de la plupart des animaux) ou des res communes (des biens qui ne sont pas susceptibles d'appropriation, à l'exemple de l'air), dans tous les cas des biens qualifiés de publics, l'intérêt à leur conservation ne peut être que de nature publique. C'est d'ailleurs un argument généralement avancé par ceux qui

208 Http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.

209 Cf. N 147.

210 GODT, p. 134.

211 Cf. également N 111.

l'environnement n'est plus un champ de bataille réservé aux écologistes militants, mais la préoccupation bien réelle de tous ceux qui ont pris conscience que notre planète n'est pas corvéable à merci. La Déclaration de Rio208 a imposé l'idée de l'interdépendance de l'homme et des ressources naturelles. Cette relation trouve sa concrétisation dans le concept de développement durable, tel que nous l'avons défini ci-dessus209.

154. De fait, l'homme fait partie intégrante de la nature. Il est contraint d'en utiliser les ressources pour assurer sa propre survie. Cela implique deux choses: tout d'abord, l'homme doit pouvoir disposer de suffisamment de ressources de qualité pour survivre en tant qu'individu. Ensuite, sa consom-mation ne doit pas épuiser les ressources naturelles afin de ne pas prétériter les chances de survie des générations futures, soit la survie de l'espèce humaine. Ces considérations nous dictent, premièrement, d'utiliser le plus modérément possible les ressources non renouvelables, deuxièmement d'utiliser les ressources renouvelables dans la mesure de leur capacité de renouvellement, et finalement de ne pas charger l'environnement au-delà de ses capacités d'autorégénération210. C'est le programme (politique) proposé sous l'étiquette de développement durable.

155. L'intérêt écologique, que nous entendons protéger en accordant une réparation par les mécanismes de la responsabilité civile pour les atteintes causées à l'environnement, est ainsi l'intérêt que chacun a, en tant que maillon de la chaîne de vie, à ce que les ressources naturelles demeurent dans le meilleur état possible, afin de remplir au mieux leur fonction, et ce le plus longtemps possible.

2. La nature de l'intérêt écologique

156. La nature de l'intérêt écologique est une question délicate211. En effet, on est souvent tenté de considérer que les biens-environnement étant des res nullius (des biens qui ne font pas ou pas encore l'objet d'un droit de propriété, bien qu'ils soient susceptibles d'appropriation, à l'exemple des plantes ou de la plupart des animaux) ou des res communes (des biens qui ne sont pas susceptibles d'appropriation, à l'exemple de l'air), dans tous les cas des biens qualifiés de publics, l'intérêt à leur conservation ne peut être que de nature publique. C'est d'ailleurs un argument généralement avancé par ceux qui

208 Http://www.un.org/french/events/rio92/rio-fp.htm.

209 Cf. N 147.

210 GODT, p. 134.

211 Cf. également N 111.

doutent de la possibilité de la mise en œuvre de la responsabilité civile en cas d'atteinte à l'environnement212.

157. Une telle classification, hâtive, doit être considérée avec prudence. En réalité, la question est plus délicate qu'il n'y paraît, notamment en raison de la difficulté régulièrement éprouvée à tracer une frontière entre intérêt indivi-duel et intérêt public213. La délimitation de ces deux notions, entre elles d'une part, d'avec la notion d'intérêt collectif d'autre part, s'avère suffisamment subtile pour que l'on s'y attarde un instant (a).

158. Une fois cette distinction opérée, il s'agira de déterminer quels sont les buts de la législation sur l'environnement et quels types d'intérêts elle a pour vocation de protéger (b). L'issue de cette réflexion (c) sera de la plus grande importance pour admettre, en principe, la possibilité de mettre en œuvre la responsabilité civile en cas d'atteinte à l'environnement, et une fois ce principe admis, pour traiter un certain nombre de questions particulières, par exemple pour déterminer le cercle des personnes habilitées à ouvrir action214 ou pour imaginer, si nécessaire, de nouvelles techniques d'imputation215.

a. Intérêts individuels, intérêts collectifs et intérêts publics 159. Les intérêts individuels sont les intérêts que l'ordre juridique reconnaît au sujet de droit, quel qu'il soit. Il peut s'agir aussi bien d'une personne physique que d'une personne morale, cette dernière pouvant être de droit privé ou de droit public. Une collectivité publique, par exemple, est également titulaire d'intérêts individuels216.

160. Selon nous, il ne faut pas assimiler la notion d'intérêt individuel – ou personnel – à celle de droit subjectif. En effet, si l'intérêt individuel en est un élément nécessaire217, on ne peut déduire l'existence d'un tel droit de la reconnaissance par l'ordre juridique d'un intérêt individuel. Inversement, l'existence d'une prérogative individuelle ne dépend pas de la reconnaissance d'un droit subjectif218. A titre d'exemple, nous pouvons citer l'action en dissolution d'une association ou d'une fondation, qui peut être intentée par tout intéressé219. La personne qui ouvre action n'a pas pour autant un droit

212 MANFRINI, p. 343. Cf. CHAPPUIS/WERRO, qui rapportent les réactions qu'a suscité l'art. 45d AP (cf. N 122 et note 158) lors de la consultation (p. 263 s., en particulier note 89).

213 Sur cette problématique, cf. MOOR, Intérêts, p. 17 ss et Intérêt public, p. 217 ss.

214 Cf. N 698 ss.

215 Cf. N 369 ss.

216 Par exemple en tant que propriétaire.

217 Cf. CORNU, verbo Intérêt, sens 4b.

218 Cf. GUINCHARD, N 15. Cf. également MARCHANDISE, N 23.

219 Art. 78 et 89 al. 1 CC. Cf. également BK-RIEMER, art. 76-79 CC N 52. ATF 99 II 246 c. 6, JdT 1974 I 236, 242 ss; ATF 96 II 273 c. 1, JdT 1972 I 162, 166.

doutent de la possibilité de la mise en œuvre de la responsabilité civile en cas d'atteinte à l'environnement212.

157. Une telle classification, hâtive, doit être considérée avec prudence. En réalité, la question est plus délicate qu'il n'y paraît, notamment en raison de la difficulté régulièrement éprouvée à tracer une frontière entre intérêt indivi-duel et intérêt public213. La délimitation de ces deux notions, entre elles d'une part, d'avec la notion d'intérêt collectif d'autre part, s'avère suffisamment subtile pour que l'on s'y attarde un instant (a).

158. Une fois cette distinction opérée, il s'agira de déterminer quels sont les buts de la législation sur l'environnement et quels types d'intérêts elle a pour vocation de protéger (b). L'issue de cette réflexion (c) sera de la plus grande importance pour admettre, en principe, la possibilité de mettre en œuvre la responsabilité civile en cas d'atteinte à l'environnement, et une fois ce principe admis, pour traiter un certain nombre de questions particulières, par exemple pour déterminer le cercle des personnes habilitées à ouvrir action214 ou pour imaginer, si nécessaire, de nouvelles techniques d'imputation215.

a. Intérêts individuels, intérêts collectifs et intérêts publics 159. Les intérêts individuels sont les intérêts que l'ordre juridique reconnaît au sujet de droit, quel qu'il soit. Il peut s'agir aussi bien d'une personne physique que d'une personne morale, cette dernière pouvant être de droit privé ou de droit public. Une collectivité publique, par exemple, est également titulaire d'intérêts individuels216.

160. Selon nous, il ne faut pas assimiler la notion d'intérêt individuel – ou personnel – à celle de droit subjectif. En effet, si l'intérêt individuel en est un élément nécessaire217, on ne peut déduire l'existence d'un tel droit de la reconnaissance par l'ordre juridique d'un intérêt individuel. Inversement, l'existence d'une prérogative individuelle ne dépend pas de la reconnaissance d'un droit subjectif218. A titre d'exemple, nous pouvons citer l'action en dissolution d'une association ou d'une fondation, qui peut être intentée par tout intéressé219. La personne qui ouvre action n'a pas pour autant un droit

212 MANFRINI, p. 343. Cf. CHAPPUIS/WERRO, qui rapportent les réactions qu'a suscité l'art. 45d AP (cf. N 122 et note 158) lors de la consultation (p. 263 s., en particulier note 89).

213 Sur cette problématique, cf. MOOR, Intérêts, p. 17 ss et Intérêt public, p. 217 ss.

214 Cf. N 698 ss.

215 Cf. N 369 ss.

216 Par exemple en tant que propriétaire.

217 Cf. CORNU, verbo Intérêt, sens 4b.

218 Cf. GUINCHARD, N 15. Cf. également MARCHANDISE, N 23.

219 Art. 78 et 89 al. 1 CC. Cf. également BK-RIEMER, art. 76-79 CC N 52. ATF 99 II 246 c. 6, JdT 1974 I 236, 242 ss; ATF 96 II 273 c. 1, JdT 1972 I 162, 166.

subjectif à ce que l'association ou la fondation soit dissoute. Il en va de même pour l'action en annulation du mariage220.

161. Les intérêts individuels protégés par l'ordre juridique sont de natures diverses. Ils peuvent être de nature économique ou non, par exemple de nature morale ou encore idéale. Dans tous les cas, le sujet de droit qui ouvre action en se fondant sur son intérêt juridiquement protégé poursuit en premier lieu un but "égoïste".

162. Les intérêts collectifs, que l'on désignera indifféremment par ces termes ou par ceux d'intérêts de groupe, sont la somme des intérêts – similaires – d'un certain nombre de personnes liées entre elles par une communauté de sort221. On a coutume de citer, à titre d'exemple, le groupe des consom-mateurs, des locataires ou encore des employés. La taille des groupes est à géométrie variable: il s'agira souvent des consommateurs d'un produit déterminé, des locataires d'un quartier, des employés d'une entreprise ou des membres d'une branche professionnelle222.

163. Fondamentalement, les intérêts collectifs sont de même nature que les intérêts individuels. Il s'agit en effet d'intérêts privés, égoïstes223. En effet, les personnes qui, par hypothèse, font partie du groupe des consommateurs lésés suite à l'utilisation d'un produit et qui ouvrent action cherchent avant tout à se voir indemnisées pour les désagréments qu'elles ont subis, et non pas à promouvoir la sécurité des consommateurs d'une manière générale224. Dans ce sens, la distinction entre intérêt individuel et intérêt de groupe n'est pas fondamentale. Elle prend cependant toute son importance lorsque individuel-lement, les prétentions sont relativement faibles, mais que la somme de ces prétentions, qui représente donc la valeur de l'intérêt collectif, s'avère importante. Dans une telle situation, il est vraisemblable que les sujets de droit, pris individuellement, soient découragés à l'idée d'ouvrir action, notamment en raison des frais que cela entraîne. Une action du groupe est alors une solution, qui pose bien entendu des problèmes particuliers, notam-ment au niveau de l'organisation du groupe. Il est donc nécessaire de prévoir des moyens de procédure adéquats225.

164. Il est plus délicat de distinguer l'intérêt collectif de l'intérêt public. Pour STOFFEL, un intérêt est public lorsqu'il "concerne la société dans son ensemble.

220 Art. 106 al. 1 CC.

221 Cf. également VINEY,p. 1 du manuscrit.

222 Cf. ATF 73 II 65 c. 2, JdT 1948 I 11, 15 ss.

223 STOFFEL, p. 501.

224 Il se peut que leur action, privée, serve pourtant indirectement l'intérêt public qu'est la protection des consommateurs (art. 97 Cst.). Cela ne change cependant rien à la nature de leur intérêt (cf. N 190).

225 Cf. N 792 ss. Sur cette problématique, cf. également STOFFEL, p. 497 ss.

subjectif à ce que l'association ou la fondation soit dissoute. Il en va de même pour l'action en annulation du mariage220.

161. Les intérêts individuels protégés par l'ordre juridique sont de natures diverses. Ils peuvent être de nature économique ou non, par exemple de nature morale ou encore idéale. Dans tous les cas, le sujet de droit qui ouvre action en se fondant sur son intérêt juridiquement protégé poursuit en premier lieu un but "égoïste".

162. Les intérêts collectifs, que l'on désignera indifféremment par ces termes ou par ceux d'intérêts de groupe, sont la somme des intérêts – similaires – d'un certain nombre de personnes liées entre elles par une communauté de sort221. On a coutume de citer, à titre d'exemple, le groupe des consom-mateurs, des locataires ou encore des employés. La taille des groupes est à géométrie variable: il s'agira souvent des consommateurs d'un produit déterminé, des locataires d'un quartier, des employés d'une entreprise ou des membres d'une branche professionnelle222.

163. Fondamentalement, les intérêts collectifs sont de même nature que les intérêts individuels. Il s'agit en effet d'intérêts privés, égoïstes223. En effet, les personnes qui, par hypothèse, font partie du groupe des consommateurs lésés suite à l'utilisation d'un produit et qui ouvrent action cherchent avant tout à se voir indemnisées pour les désagréments qu'elles ont subis, et non pas à promouvoir la sécurité des consommateurs d'une manière générale224. Dans ce sens, la distinction entre intérêt individuel et intérêt de groupe n'est pas fondamentale. Elle prend cependant toute son importance lorsque individuel-lement, les prétentions sont relativement faibles, mais que la somme de ces prétentions, qui représente donc la valeur de l'intérêt collectif, s'avère importante. Dans une telle situation, il est vraisemblable que les sujets de droit, pris individuellement, soient découragés à l'idée d'ouvrir action, notamment en raison des frais que cela entraîne. Une action du groupe est alors une solution, qui pose bien entendu des problèmes particuliers, notam-ment au niveau de l'organisation du groupe. Il est donc nécessaire de prévoir des moyens de procédure adéquats225.

164. Il est plus délicat de distinguer l'intérêt collectif de l'intérêt public. Pour STOFFEL, un intérêt est public lorsqu'il "concerne la société dans son ensemble.

220 Art. 106 al. 1 CC.

221 Cf. également VINEY,p. 1 du manuscrit.

222 Cf. ATF 73 II 65 c. 2, JdT 1948 I 11, 15 ss.

223 STOFFEL, p. 501.

224 Il se peut que leur action, privée, serve pourtant indirectement l'intérêt public qu'est la protection des consommateurs (art. 97 Cst.). Cela ne change cependant rien à la nature de leur intérêt (cf. N 190).

225 Cf. N 792 ss. Sur cette problématique, cf. également STOFFEL, p. 497 ss.

S'il est réalisé, il profite à tous les membres de la société."226 Cet auteur semble ainsi faire du nombre de personnes concernées le critère de délimitation entre intérêt collectif et intérêt public. A l'en croire, si un intérêt est celui de la majorité de la société, il "ne constitue pas (plus) un intérêt de groupe, mais devient un intérêt public."227

165. Bien que le nombre de personnes concernées soit certainement un indice non négligeable en faveur d'un intérêt public228, on ne saurait en faire une condition rigide sans méconnaître la différence de nature et de but entre les deux types d'intérêts. Concrètement, cela empêcherait, par exemple, que soient reconnues d'intérêt public l'intégration et la protection des groupes minoritaires – religieux, linguistiques, ethniques, etc. – vivant dans notre pays.

166. Si un intérêt collectif est, comme nous l'avons dit229, un intérêt de nature privée, égoïste, l'intérêt public, pour reprendre partiellement les mots de KNAPP, est une notion juridique indéterminée, concept clé "qui comprend les intérêts de l'Etat lui-même et toutes les tâches propres à promouvoir l'intérêt général"230, cette dernière notion ayant "valeur de but, de finalité de l'Etat"231. Cette définition générale de l'intérêt public est certainement intéres-sante sur un plan dogmatique. En outre, elle permet également de constater qu'il n'existe pas un intérêt public, mais des intérêts publics, qui correspon-dent d'une part aux divers intérêts de l'Etat, d'autre part aux différentes tâches qui lui sont assignées par le législateur afin d'assurer le bien de tous, ou en tout cas de la majorité des gens qui vivent sur son territoire. La diversité des intérêts publics est également reconnue par la doctrine actuelle232. Afin de déterminer si, concrètement, un intérêt doit être qualifié de public ou non, il est donc nécessaire de décrire les finalités et les moyens de l'activité éta-tique233.

167. Il est certain que les intérêts publics ne concernent pas tous la société dans son entier, et peuvent ne s'adresser qu'à une partie de ses membres.

Cependant, même dans un tel cas, intérêts publics et collectifs ne doivent pas être assimilés234, en raison des buts différents qui sont poursuivis lorsque l'on

226 STOFFEL, p. 501.

227 STOFFEL,p.501.

228 Cf. GRISEL,p.339.Critique, MOOR, Intérêts, p. 22 s.

229 Cf. N 163.

230 KNAPP, Intérêt, p. 176. Cf. également HÄFELIN/HALLER, N 315.

231 KNAPP, Intérêt, p. 176.

232 Cf. principalement MOOR, Intérêts, p. 17 ss et Définir l'intérêt public, p. 217 ss. Cf. aussi HÄFELIN/HALLER,N317; HÄFELIN/MÜLLER, N 543 ss; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, N 209 ss.

233 Il s'agit en premier lieu des mesures de police, tendant à la concrétisation de l'ordre public (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, N 209), mais également de la réalisation de "valeurs sociales, culturelles, historiques, scientifiques ou écologiques" (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, N 216). "La notion d'intérêt public est donc plus large, plus mouvante aussi, que celle d'ordre public"

(AUER/MALINVERNI/HOTTELIER,N216.Cf. également HÄFELIN/HALLER, N 316).

234 Contra: MOOR, Intérêts, p. 25.

S'il est réalisé, il profite à tous les membres de la société."226 Cet auteur semble ainsi faire du nombre de personnes concernées le critère de délimitation entre intérêt collectif et intérêt public. A l'en croire, si un intérêt est celui de la majorité de la société, il "ne constitue pas (plus) un intérêt de groupe, mais devient un intérêt public."227

165. Bien que le nombre de personnes concernées soit certainement un indice non négligeable en faveur d'un intérêt public228, on ne saurait en faire une condition rigide sans méconnaître la différence de nature et de but entre les deux types d'intérêts. Concrètement, cela empêcherait, par exemple, que soient reconnues d'intérêt public l'intégration et la protection des groupes minoritaires – religieux, linguistiques, ethniques, etc. – vivant dans notre pays.

166. Si un intérêt collectif est, comme nous l'avons dit229, un intérêt de nature privée, égoïste, l'intérêt public, pour reprendre partiellement les mots de KNAPP, est une notion juridique indéterminée, concept clé "qui comprend les intérêts de l'Etat lui-même et toutes les tâches propres à promouvoir l'intérêt général"230, cette dernière notion ayant "valeur de but, de finalité de l'Etat"231. Cette définition générale de l'intérêt public est certainement intéres-sante sur un plan dogmatique. En outre, elle permet également de constater qu'il n'existe pas un intérêt public, mais des intérêts publics, qui correspon-dent d'une part aux divers intérêts de l'Etat, d'autre part aux différentes tâches qui lui sont assignées par le législateur afin d'assurer le bien de tous, ou en tout cas de la majorité des gens qui vivent sur son territoire. La diversité des intérêts publics est également reconnue par la doctrine actuelle232. Afin de déterminer si, concrètement, un intérêt doit être qualifié de public ou non, il est donc nécessaire de décrire les finalités et les moyens de l'activité éta-tique233.

167. Il est certain que les intérêts publics ne concernent pas tous la société dans son entier, et peuvent ne s'adresser qu'à une partie de ses membres.

Cependant, même dans un tel cas, intérêts publics et collectifs ne doivent pas être assimilés234, en raison des buts différents qui sont poursuivis lorsque l'on

226 STOFFEL, p. 501.

227 STOFFEL,p.501.

228 Cf. GRISEL,p.339.Critique, MOOR, Intérêts, p. 22 s.

229 Cf. N 163.

230 KNAPP, Intérêt, p. 176. Cf. également HÄFELIN/HALLER, N 315.

231 KNAPP, Intérêt, p. 176.

232 Cf. principalement MOOR, Intérêts, p. 17 ss et Définir l'intérêt public, p. 217 ss. Cf. aussi HÄFELIN/HALLER,N317; HÄFELIN/MÜLLER, N 543 ss; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, N 209 ss.

233 Il s'agit en premier lieu des mesures de police, tendant à la concrétisation de l'ordre public (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, N 209), mais également de la réalisation de "valeurs sociales, culturelles, historiques, scientifiques ou écologiques" (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, N 216). "La notion d'intérêt public est donc plus large, plus mouvante aussi, que celle d'ordre public"

(AUER/MALINVERNI/HOTTELIER,N216.Cf. également HÄFELIN/HALLER, N 316).

234 Contra: MOOR, Intérêts, p. 25.

invoque l'un ou l'autre: un groupe de personnes aura avant tout pour objectif de satisfaire les intérêts de ce groupe, autrement dit les intérêts individuels, similaires, de ses membres. Lorsqu'un intérêt public est invoqué, le but poursuivi est celui de garantir la bonne marche des activités de l'Etat, dans son intérêt ainsi que dans celui de sa population.

168. Pour tenter de résoudre définitivement les difficultés qu'entraînent la définition et la délimitation des concepts d'intérêts individuel, collectif et public, il faut à notre avis renoncer à les opposer en en faisant, pour les uns, l'apanage des particuliers, pour les autres, le domaine réservé de l'Etat235. Le vœu de cette renonciation est également émis dans la doctrine236.

168. Pour tenter de résoudre définitivement les difficultés qu'entraînent la définition et la délimitation des concepts d'intérêts individuel, collectif et public, il faut à notre avis renoncer à les opposer en en faisant, pour les uns, l'apanage des particuliers, pour les autres, le domaine réservé de l'Etat235. Le vœu de cette renonciation est également émis dans la doctrine236.