PREMIÈRE PARTIE : INTRODUCTION
Encadré 2. Sous-types de schizophrénie
2.3. Les anomalies de l’expérience subjective dans la schizophrénie
La prévalence des expériences subjectives anormales est élevée chez les patients
schizophrènes. Ces expériences subjectives ne sont pas d’occurrence isolée, mais sont
considérées comme des catégories d’expériences partagées par un grand nombre de
patients. L’approche dite « en première personne » a ainsi permis de mieux comprendre la
schizophrénie et les dysfonctionnements des patients dans leur relation avec le monde et
autrui (pour revue, Owen et Harland, 2007). Ces anomalies de l’expérience subjective
reflètent des troubles de la conscience, et de la représentation de soi et du monde extérieur.
Les hallucinations, le délire, la déréalisation3 ou la dépersonnalisation4 sont autant d’expériences anormales que peut vivre un patient schizophrène, et sont également les
premières altérations de l’expérience subjective décrites dans la schizophrénie (Brauer,
Harrow, & Tucker, 1970 ; Cutting et Dunne, 1989 ; Rosen et al., 2012). Les patients
semblent exprimer une confusion et une imprécision entre le self et le monde extérieur et/ou
autrui, ainsi qu’une altération de la continuité et du sentiment même de soi. Cela se reflète
au niveau des relations interpersonnelles qui sont aussi perturbées chez les patients
schizophrènes, mais également dans les récits personnels des patients lorsqu’ils évoquent
les événements passés qu’ils ont vécus. Des expériences subjectives anormales telles que
celles observées dans la schizophrénie ont également été décrites par des sujets sans
pathologie psychiatrique lorsqu’une dose sub-anesthésique de kétamine5, par exemple, leur
3
Altération de la perception du monde extérieur avec un sentiment d’étrangeté.
4
Perte du sentiment de sa propre réalité physique et mentale.
5
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est injectée (Hetem, Danion, Diemunsch, & Brandt, 2000 ; Lankenau, Sanders, Bloom, &
Hathazi, 2008 ; Moore et al., 2011 ; Morgan et al., 2011). Considéré comme un modèle
pharmacologique de la schizophrénie, la kétamine a comme effet d’imiter les symptômes et
les expériences subjectives anormales de la schizophrénie et d’altérer le sentiment même de
soi.
Dans une récente revue de littérature, Lysaker et Lysaker (2010) exposent les
anomalies de l’expérience subjective des patients schizophrènes telles qu’elles ont été
décrites et analysées par des psychiatres de différents courants de pensée (la psychiatrie à
ses débuts, la psychiatrie existentielle, la psychanalyse, l’approche phénoménologique en
psychiatrie, la réhabilitation psychosociale ou encore la psychologie dialogique). Lysaker et
Lysaker (2010) soulignent également les convergences et divergences de ces différentes
approches sur les altérations de l’expérience subjective chez les patients schizophrènes,
c'est-à-dire la façon dont les patients s’éprouvent dans leur vie et au cours de leurs relations
interpersonnelles.
La psychiatrie à ses débuts
Les anomalies de l’expérience subjective chez les patients schizophrènes sont
décrites par Kraepelin (1919) comme une perte fondamentale de l’unité intérieure de la
conscience et une destruction de la volonté, de l’intérêt et de l’affect des patients. Le
sentiment de subjectivité semble diminué, voire aboli chez les patients. Quant à Bleuler
(1911), il tente d’expliquer les perturbations de l’expérience subjective des patients en
portant son attention sur leurs troubles de la personnalité. Il évoque une perte de l’unité et de
la cohérence de la personnalité des patients. Bleuler considère ces perturbations comme
appartenant aux «symptômes fondamentaux complexes» qui affectent l’essence même de la
personne. Pour Bleuler, le Moi du patient subit des altérations et on le voit dans la dislocation
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certains cas extrêmes, à des délires d’identité. Le patient ne semble plus se reconnaître par
rapport à lui-même et à son monde extérieur.
La psychiatrie existentielle6
Selon Médard Boss (1903-1990), le patient schizophrène connaît une incapacité
radicale à s’ouvrir pleinement au monde extérieur et à autrui. Les schizophrènes subissent
une perte fondamentale de soi, n’étant plus réceptifs à leur environnement. De manière
similaire, Ronald D. Laing (1927–1989) suggère que les patients schizophrènes sont en
rupture non seulement avec le monde, mais également avec eux-mêmes (Laing, 1978).
D’une part, les patients ont des difficultés à se lier et à se sentir lier au monde et à autrui -
Laing constate, d’après les récits de ses patients, que la frontière entre soi et autrui, et entre
soi et le monde est floue. D’autre part, les patients ne parviennent pas à s’éprouver comme
« une personne entière, mais divisée ». Aussi, le sentiment même de soi et de continuité de
soi est perturbé, car le patient schizophrène semble lutter perpétuellement contre lui-même,
ce qui laisse peu de place pour donner une interprétation et une signification aux
expériences qu’il vit. Laing ajoute que les patients semblent avoir une certaine conscience
de cette rupture avec leur self.
La psychanalyse
La littérature psychanalytique décrit l’expérience subjective dans la schizophrénie en
termes (1) de besoin de rencontrer autrui, (2) de terreur associée à l’idée de cette rencontre
et (3) d’un soi (self) qui peut difficilement répondre aux sollicitations émotionnelles ou aux
6
La psychiatrie existentielle s’intéresse aux problèmes centraux de l'homme en étudiant les relations entre son self et son corps, ses émotions, la manière dont il appréhende son monde et la manière dont le langage façonne l’expérience subjective avec son monde.
25
exigences des événements. La psychanalyse précise également que les patients donnent
l’impression qu’ils se détachent d’eux-mêmes et de leurs vécus personnels ; ils éprouvent
de grandes difficultés à donner un sens à leurs expériences personnelles, ce qui a pour
conséquence de créer un sentiment de vide en eux, et entrave leur relation avec le monde et
autrui. Pour Sigmund Freud (1856-1939), l’expérience anormale de soi apparaît chez les
personnes lorsque la schizophrénie s’installe. Les personnes malades se détachent
complètement du monde extérieur pour se replier sur elles-mêmes. Ces personnes sont
alors « piégées » dans leur monde psychique, sans pouvoir se lier à autrui malgré la
contradiction qui existe entre le désir de créer des liens et la terreur ressentie à l’égard des
rencontres sociales. La notion de rupture de soi, et de rupture entre soi et autrui est
retrouvée chez les patients. Lysaker et Lysaker (2010) notent alors qu’avec un tel
détachement, le patient schizophrène ne pourrait pas créer de relation thérapeutique avec
son analyste, ce qui va à l’encontre de l’approche psychanalytique. D’autres psychanalystes
ont tenté de développer des méthodes afin de contourner ce problème. Par exemple, Carl G.
Jung (1875-1961), en constatant que les altérations de l’expérience de soi dans la
schizophrénie sont liées à l’histoire de vie du patient et à une identité personnelle
fragmentée, avance que les réponses thérapeutiques doivent se concentrer sur la
compréhension que le schizophrène a de lui-même (c'est-à-dire, sur sa propre conception de
soi). Jung (1909) suggère qu’avec une meilleure compréhension de lui-même et de son
vécu, le patient schizophrène aurait moins de difficultés à créer une relation avec le
psychanalyste lors de la thérapie.
L’approche phénoménologique en psychiatrie
La contribution de la phénoménologie en psychiatrie a été très importante dans la
compréhension des anomalies de l’expérience subjective chez les patients schizophrènes.
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psychopathologie est le moyen privilégié pour comprendre les expériences vécues par les
malades mentaux. Pour lui, l'état mental d’une personne ne devrait jamais être traité
isolément, car il fait partie de la structure globale de la subjectivité. Chaque état mental
anormal dans la schizophrénie serait une expression des altérations de l’expérience de soi.
Minkowski (1927) voit « le trouble initial de la schizophrénie non pas dans un relâchement
des associations, mais dans la perte de contact vital avec la réalité ». Cette perte de contact
vital avec la réalité fait émerger des expériences subjectives anormales telles que les
hallucinations, le délire ou la dépersonnalisation chez le schizophrène. Le patient perd ce
dynamisme avec le monde et avec sa propre existence. Pour Minkowski (1927), le patient ne
sait plus comment vivre, ne se sent pas dans son corps et le terme « j’existe » n’a pas de
sens précis pour lui. L’équilibre du sentiment même de soi entre l’environnement interne et
externe du patient est rompu. Minkowski (1933) identifie également, dans la schizophrénie,
des anomalies de l’expérience subjective en lien avec la perception du temps et de l’espace.
Il observe que certains patients font l’expérience de distorsions temporelles et de
déformations de l’espace. Ces distorsions temporelles7 sont aussi retrouvées dans le récit des événements personnels (autobiographiques) vécus par les patients.
Henri Ey (1900-1977), l’un des premiers psychiatres à considérer la schizophrénie
comme une pathologie de la conscience, définit la conscience comme issue de l’expérience
individuelle d’un sujet confronté à lui-même (Ey, 1963). Pour Ey, la schizophrénie provoque
une déstructuration du champ de la conscience et altère la conscience de soi, et donc la
personnalité et l’histoire personnelle du patient. La pathologie détruit la subjectivité du
patient, ce qui génère une altération profonde de l’expérience subjective. Outre les
7
La perception du temps en lien avec le vécu des patients schizophrènes sera détaillée ultérieurement dans une étude expérimentale consacrée à ce sujet particulier.
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expériences de délire, d’hallucinations et de dépersonnalisation, l’expérience subjective est
affectée à travers la remémoration d’événements personnels émotionnels. Les expériences
personnelles vécues par le patient semblent construites de confusions et d’informations
manquantes ou erronées ; ses pensées et son vécu sont perçus comme venant d’un agent
extérieur ; le sentiment même de soi et l’identité personnelle du patient s’en trouvent alors
profondément altérés.
Également issu du courant phénoménologique de la psychiatrie, Wolfgang
Blankenburg (1928-2002) décrit l’anomalie centrale de l’expérience subjective dans la
schizophrénie comme une « perte de l’évidence naturelle de soi » (Blankenburg, 1971). Ce
terme, qu’il a emprunté à une de ses patientes, se réfère à une perte du sens commun de la
réalité, quelque chose qui permet, en général, à une personne d’évaluer et de prévoir de
manière implicite des situations quotidiennes, et de tenir pour acquis plusieurs aspects de
son propre fonctionnement et de celui du monde (par exemple, l’herbe est verte, pourquoi
n’est-elle pas d’une autre couleur ?). Blankenburg suggère qu’une perturbation du contexte
de l’expérience vécue reflète une perte du sens commun chez les patients schizophrènes.
Le monde semble cesser de fonctionner comme un cadre stable. Les éléments perceptifs et
sensoriels, initialement perçus à l’occurrence d’un événement, deviennent indépendants de
leur contexte et de l'histoire personnelle du patient schizophrène. Une perturbation de
l'organisation perceptive et/ou sensorielle conduirait à un sentiment de distance accrue chez
le patient, non seulement par rapport à des objets et du monde environnant, mais aussi par
rapport à lui-même et à autrui. Dans la même logique, d’autres auteurs (pour revue, Lysaker
et Lysaker, 2010 ; Mishara, 2007 ; Sass et Parnas, 2003) suggèrent que les capacités
perceptives constitueraient la base du sens commun, et l’altération de ces capacités chez les
patients schizophrènes engendrerait une perturbation de l’expérience de soi. Cela se reflète
28
La réhabilitation psychosociale
La réhabilitation psychosociale vise à restaurer le fonctionnement social et le bien-
être des personnes souffrant généralement d’une pathologie psychiatrique. Elle permet aux
patients de se réengager dans le monde en les aidant à développer et à poursuivre des
objectifs ou projets de vie. Du point de vue de la réhabilitation psychosociale, l’expérience
subjective dans la schizophrénie est caractérisée par la manière dont les patients vivent
dans le monde social (pour revue, Lysaker et Lysaker, 2010). Les patients ressentent un
isolement social, une incapacité à influencer le cours de leur vie, un besoin de contact et de
liens sociaux qu’ils parviennent difficilement à créer, et la peur d’être exclu par la société. Ce
postulat de la réhabilitation psychosociale rejoint celui des théories existentielles et
psychanalytiques, en suggérant que le rapport avec le monde et autrui est rompu chez les
patients schizophrènes. Cette rupture serait renforcée par la stigmatisation des patients par
la société. D’autres auteurs (Roe et Davidson, 2005) suggèrent que les patients seraient
éclipsés par la pathologie et ne feraient pas la distinction entre la pathologie et la personne
qu’ils sont. Les patients schizophrènes ont des difficultés à créer une histoire personnelle
compréhensible car ils ne s’éprouvent pas comme les protagonistes des différents
événements qu’ils vivent8. La réhabilitation psychosociale indique qu’il est primordial d’aider les patients schizophrènes à comprendre les événements personnels qu’ils vivent afin qu’ils
puissent mieux « contextualiser » leur expérience de soi.
8
Le sentiment d’être acteur dans ses propres souvenirs est un aspect que nous avons étudié dans le cadre de la thèse.
29
La psychologie dialogique
L’approche dialogique en psychologie s’intéresse à la capacité de notre esprit à
imaginer le self et autrui dans différentes situations et à initier un dialogue interne avec eux
(Clegg et Salgado, 2011 ; Hermans, 2001). Le self n’est pas une entité figée, mais se décline
sous différentes configurations selon le contexte (par exemple, le self-fatigué, le self-anxieux,
le self-ami ou le self-mère). Selon la psychologie dialogique, l’expérience de soi émerge lors
des dialogues internes (ou interactions) avec soi-même, c'est-à-dire, entre les différentes
facettes du self (Lysaker et Lysaker, 2010). Le dialogue interne qu’un individu peut avoir
avec lui-même ne se limite pas à une seule facette de son self (par exemple, self-mère). Le
dialogue peut faire interagir plusieurs facettes du self selon une situation donnée (si on
prend, par exemple, une femme qui s’occupe de son enfant turbulent en fin de journée, il
peut y avoir un dialogue interne entre le self-mère, le self-fatigué et le self-anxieux).
A partir de ce modèle du self dialogique, plusieurs auteurs émettent l’hypothèse selon
laquelle les patients schizophrènes connaîtraient un affaiblissement général de l’expérience
de soi en raison de leurs difficultés à engager et à maintenir un dialogue interne entre les
différentes facettes de leur self (Lysaker, Wickett, Wilke, & Lysaker, 2003 ; Lysaker et
Lysaker, 2002). Les processus qui permettent ces interactions étant altérés, le dialogue sera
perturbé et l’expérience de soi diminuée. Lysaker et Lysaker (2010) proposent 3 modèles de
« compromis dialogique » qui correspondent à 3 types d’expériences de soi pour expliquer
les altérations observées dans la schizophrénie. Premièrement, si une facette du self (par
exemple, self-anxieux) domine les autres (par exemple, self-mère, self-fatigué) et commande
l’expérience, il en résulterait une organisation du self qui soit monologique, conduisant ainsi
à une expérience de soi bloquée dans une seule facette du self. Deuxièmement, si aucune
facette du self n’est capable d’interagir de manière significative avec une autre, un état
30
Troisièmement, il est possible que les différentes facettes du self se parlent en même temps,
créant ainsi une cacophonie qui contribue à un sentiment de soi accablé, anxieux ou
complètement perdu. Ces modèles tentent également d’expliquer l’expérience subjective
anormale que font les patients schizophrènes lors des contacts sociaux et interpersonnels.
Une capacité dialogique diminuée chez les patients rend les contacts avec autrui très
appauvris. Une organisation du self qui soit monologique, stérile ou cacophonique pourrait
conduire le patient schizophrène à considérer autrui comme une menace et à l’éviter. Cet
évitement pourrait amplifier l’altération de l’expérience de soi et du dialogue interpersonnel.
Les convergences et divergences de ces différentes approches
Les différentes approches que nous avons exposées ont également tenté de
comprendre (1) la nature des perturbations de l’expérience subjective chez les patients
schizophrènes, (2) la manière dont ces perturbations s’installent et (3) les possibilités de
rétablissement des patients au fil du temps (Lysaker et Lysaker, 2010).
Concernant la nature des perturbations, les différentes approches s’accordent à dire
que les altérations de l’expérience subjective reflètent une perturbation du self et de l’identité
personnelle chez les patients schizophrènes, et qu’elles engendrent une diminution des
capacités des patients à donner une signification personnelle à leurs expériences passées et
à leur vie. Les patients se sentent différents de ce qu’ils étaient avant le début de leur
pathologie, ne s’éprouvant plus de la même manière qu’avant. Le sentiment même de soi est
diminué et les interactions sociales sont appauvries. Selon ces différentes approches, les
patients éviteraient délibérément les rencontres sociales et interpersonnelles dans le but de
préserver le sentiment même de soi d’une destruction complète.
Toutefois, des divergences apparaissent entre les différentes approches et
31
D’après la réhabilitation psychosociale et la psychologie dialogique, les anomalies de
l’expérience subjective s’installent chez les patients de manière brutale. Ces approches
expliquent que les personnes avaient sans doute des expériences subjectives riches avant
l’entrée dans la pathologie. Mais, la richesse des expériences subjectives se dégraderait
brutalement à l’apparition de la pathologie, donnant ainsi lieu à des expériences subjectives
passives et à une diminution du sentiment même de soi. Pour les autres courants de
pensée, l’expérience subjective et le sentiment même de soi seraient altérés à un stade
précoce dans la vie des patients, mais les mécanismes qui pourraient expliquer cette
altération diffèrent. Ainsi, la psychiatrie phénoménologique et la psychiatrie existentielle
suggèrent que ce serait la pauvreté du sens commun chez les patients schizophrènes qui
serait à l’origine des anomalies de l’expérience subjective. Des auteurs tels que Minkowski
(1927) ou Bovet et Parnas (1993) suggèrent que les altérations du sens commun et la
rupture des relations des individus avec le monde seraient des facteurs qui contribueraient
au développement de la schizophrénie. Quant à la psychanalyse, elle propose que
l’appauvrissement des relations intra et interpersonnelles des patients, antérieur au début de
la pathologie, serait responsables des perturbations de l’expérience subjective chez les
schizophrènes.
Un autre point de désaccord entre les différentes approches concerne l’évolution des
troubles de l’expérience subjective dans la schizophrénie et le rétablissement des patients.
La psychiatrie de Kraepelin et Bleuler, ainsi que les approches phénoménologique et
existentielle considèrent difficile le rétablissement d’un sentiment de soi qui soit moins
fragmenté chez les patients. Pour ces approches, les processus de l’expérience subjective
qui sont altérés dans la schizophrénie seraient probablement irréversibles. Toutefois, des
travaux récents basés sur l’approche phénoménologique (Nelson et Sass, 2009 ;
Stanghellini et Lysaker, 2007) estiment que le sentiment même de soi pourrait être amélioré
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qui permettrait de pallier ces troubles, doit se poursuivre. Du point de vue de la
psychanalyse, le rétablissement du sentiment même de soi est faisable en thérapie, mais
cela suppose la création une relation forte entre le patient et l’analyste. Cette alliance
thérapeutique permettrait éventuellement un enrichissement de l’expérience de soi chez les
patients. Ces derniers seraient capables de donner un sens à leur vie quotidienne, de
partager leurs expériences personnelles et d’extraire une signification personnelle de leurs
expériences grâce à la relation thérapeutique avec l’analyste. La réhabilitation psychosociale
a, quant à elle, considérablement apporté à la question du rétablissement du sentiment
même de soi chez les patients schizophrènes. En estimant que les troubles de l’expérience
subjective ne soient probablement pas antérieurs au début de la pathologie, Roe et
Davidson (2005) suggèrent que des expériences de soi plus riches et des améliorations
dans le fonctionnement quotidien des patients seraient possibles en apprenant aux patients
à dépasser la stigmatisation dont ils souffrent et à se considérer comme des personnes dont
la vie et l’identité ne sont pas définies par leur pathologie. Ainsi, les patients seraient
capables de s’engager dans des relations avec autrui et avec le monde, et de s’éprouver