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Aspect expérientiel du rappel autobiographique chez les patients schizophrènes

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autobiographique et schizophrénie

5.3. Aspect expérientiel du rappel autobiographique chez les patients schizophrènes

La remémoration consciente est un aspect important de l’expérience subjective que font les

individus lors du rappel de leurs souvenirs autobiographiques. Les premiers travaux étudiant

la remémoration consciente chez les patients schizophrènes ont utilisé des tâches de

reconnaissance d’items tels que des mots. Les patients schizophrènes présentent une

perturbation sélective de la remémoration consciente, telle qu’elle est mesurée à travers

l’état subjectif de conscience (paradigme « je me remémore/je sais/je suppose ») lors de la

reconnaissance d’items préalablement appris (Danion et al., 2003 ; Huron et Danion, 2002 ;

Huron et al., 1995). Les résultats montrent une fréquence significativement réduite des

réponses « je me remémore » et une augmentation de la fréquence des réponses « je sais »

chez les patients schizophrènes que chez les sujets témoins.

En ce qui concerne la mémoire autobiographique, l’étude de Danion et collaborateurs

(2005) a utilisé une version adaptée du TEMPau (Piolino et al., 2000) auprès de 22 patients

schizophrènes (âge moyen de 33.20 ans) et 22 sujets témoins (âge moyen de 31.80 ans).

Quatre périodes de vie18 ont été explorées. Trois souvenirs autobiographiques par période de vie étaient étudiés selon les thématiques suivantes : une rencontre ou un événement lié à

une personne, un voyage et un événement familial. Après l’évocation de chaque événement,

il a été demandé aux participants de choisir la réponse « je me remémore », « je sais » ou

« je suppose » pour évaluer leur état subjectif de conscience en lien avec le contenu de

l’événement (dimension factuelle), le moment (dimension temporelle) et le lieu (dimension

spatiale) d’occurrence de l’événement. Les résultats ont indiqué une fréquence

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significativement réduite des réponses « je me remémore » chez les patients schizophrènes

que chez le groupe témoin, reflétant ainsi une diminution globale de la remémoration

consciente de leurs souvenirs. Cette diminution de la remémoration consciente, chez les

patients, est plus prononcée pour la dimension temporelle des souvenirs. Les résultats ont

également montré que les réponses « je me remémore » étaient significativement corrélées

à la spécificité des souvenirs dans les 2 groupes. Un événement autobiographique

hautement spécifique et détaillé était associé à une réponse « je me remémore ». La

moindre fréquence des réponses « je me remémore » obtenue chez les patients

schizophrènes, à travers cette étude, corrobore les résultats retrouvés dans les études

basées sur l’apprentissage et la reconnaissance d’items verbaux ou visuels. Ces résultats

suggèrent que les patients peinent à construire des représentations internes conscientes et

cohérentes d’événements passés. Ces résultats ont également été répliqués dans d’autres

études sur la mémoire autobiographique dans la schizophrénie (Cuervo-Lombard et al., 2007

; Neumann et al., 2007). Ils confirment, ainsi, les observations faites par les premiers

psychiatres (Bleuler, 1911 ; Ey, 1954 ; Minkowski, 1927), et les récits que font les patients

sur leurs difficultés à revivre mentalement leurs événements personnels passés, notamment

sur cette impression de vide qu’ils ressentent.

Conformément au modèle SMS (Conway, 2005), des souvenirs hautement détaillés

et spécifiques sont accompagnés d’une remémoration consciente permettant à un individu

de revivre ses expériences passées et de s’éprouver dans ses souvenirs. Ce sentiment

même de soi correspond à la composante expérientielle du working self. Dans la

schizophrénie, la perturbation de la remémoration consciente est corrélative de cette

diminution du sentiment même de soi chez les patients (Cuervo-Lombard et al., 2007 ;

Danion et al., 2005, 2007). Ces perturbations de l’expérience subjective autobiographique

chez les patients indiqueraient des déficits dans les processus de contrôle du working self ou

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l’accès aux composantes fortement épisodiques de la base de connaissances

autobiographiques seraient altérés. (Danion et al., 2005 ; Feinstein et al., 1998).

Dans la schizophrénie, l’anticipation d’événements personnels futurs est également

altérée (D’Argembeau, Raffard, & Van der Linden, 2008 ; Raffard, D’Argembeau, Bayard,

Boulenger, & Van der Linden, 2010). Les patients ont des difficultés à se projeter dans le

temps subjectif pour vivre d’avance des événements futurs mentalement. de Oliveira et

collaborateurs (2009) ont évalué, chez 25 patients schizophrènes et 25 sujets témoins, le

nombre de projets futurs, la spécificité des événements personnels futurs et l’état subjectif

de conscience associés à la projection mentale dans le futur. Les participants devaient

décrire un projet futur concernant chacun de ces thèmes - vacances/loisirs, travail/activité et

la famille - répartis sur 4 périodes de vie futures : la semaine prochaine, le mois prochain,

l’année prochaine et les 5 années suivantes. Les résultats ont montré un nombre de projets

futurs significativement réduit chez les patients schizophrènes en comparaison aux sujets

témoins. Les événements personnels futurs des patients étaient peu spécifiques et

contenaient peu de détails, indépendamment des périodes de vie futures. L’évaluation de

l’état subjectif de conscience associé à la projection mentale dans le futur a été faite au

moyen du paradigme « je me remémore/je sais/je suppose » adapté aux événements futurs :

« j’imagine/je sais/ je suppose ». Dans l’ensemble, la proportion de réponses « j’imagine/je

sais/je devine » n’était pas significativement différente entre les patients et les sujets

témoins. Cependant, en considérant uniquement les événements futurs associés aux

réponses « j’imagine » des patients, les auteurs ont constaté que ces événements

manquaient de spécificité et de détails, indiquant qu’ils n’ont pas été imaginés et anticipés

avec vivacité par les patients. Ces résultats, ainsi que ceux obtenus par d’autres études

(D’Argembeau et al., 2008 ; Raffard et al., 2010a) indiquent que les patients schizophrènes

ont des difficultés majeures à s’appuyer sur le souvenir de leurs expériences passées, dont

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5.4. Souvenirs autobiographiques liés au self des patients

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