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I.3. La spectrométrie de masse pour l’analyse des protéines 36

I.3.3. Les analyseurs 49

I.3.3.4. Les analyseurs à temps de vol (TOF) 54

La nécessité d’identifier des protéines ou des peptides d’intérêt biologique justifie l’utilisation d’appareils à haute résolution. En effet, la complexité et le nombre de molécules biologiques imposent une caractérisation précise des molécules d’intérêt. Les appareils de faible résolution sont dans l’incapacité de fournir une mesure de masse suffisamment précise (résolution à ± 0.5 Da pour les triples quadripôles) pour permettre l’interrogation des bases de données biologiques et de discriminer des centaines de candidats potentiels. Ceci justifie l’intérêt porté à la spectrométrie de masse à haute résolution. Ces appareils de haute résolution permettent d’identifier la masse monoisotopique des composés et de déterminer leur état de charge. Bien que la précision en masse soit liée à l’étalonage de l’appareil, une résolution accrue diminue l’incertitude de la mesure. Des analyseurs à temps de vol ont été utilisés au cours de ces travaux, soit dans la configuration MALDI-TOF soit dans la configuration ESI-Q-TOF.

Le principe de l’analyseur à temps de vol, désigné TOF pour Time-of-flight, a été décrit en 1946 par Stephens 72. Wiley et McLaren ont élaboré le premier TOF dans un but commercial en 1955 73. L’analyseur à temps de vol est une zone où règne une basse pression (~5.10-11 bar). Les ions sont accélérés vers le tube de vol par une différence de potentiel appliquée entre une électrode et la grille d’extraction. Comme tous les ions acquièrent la même énergie

cinétique, des ions caractérisés par une distribution en masse présentent une distribution de leur vitesse (Équation 2).

zeV qV mv Ec = 2 = = 2 1

Équation 2 : Energie cinétique d’un ion de masse m, de vitesse v et de charge q soumis à un potentiel V

Lorsque ces ions passent ensuite dans le tube de vol qui est libre de champ, ils sont séparés en fonction de leur vitesse acquise (Figure 18). Pour un tube de vol de longueur L, les ions ayant acquis une vitesse v vont mettre un temps

v L

t = pour arriver au détecteur. v et t sont déduits de l’équation suivante : m zeV v= 2 et zeV m L t 2 =

Équation 3 : vitesse et temps de parcours des ions dans un tube de vol

Les ions les plus légers ont une plus grande vitesse et arrivent au détecteur plus rapidement que les plus lourds de plus faible vitesse. L’analyseur à temps de vol peut être couplé aux sources ESI et MALDI. En théorie, le domaine de masse d’un instrument TOF n’a pas de limite supérieure, ce qui le rend particulièrement bien adapté aux techniques d’ionisation douce comme les sources MALDI qui produisent des ions de rapport m/z élevé. Cette dernière configuration MALDI-TOF est la plus courante, notamment en analyse protéomique et peptidomique.

Les sources pulsées comme le MALDI sont bien adaptées à l’analyseur TOF, mais la qualité des faisceaux d’ions pulsés est insuffisante pour obtenir une haute résolution et permettre de déterminer la masse avec une bonne précision. Cette résolution très moyenne est en réalité due à un élargissement des pics dont la cause principale est une distribution en énergie cinétique non homogène pour des ions de même rapport m/z. Deux développements ont permis d’améliorer très nettement la situation : l’extraction retardée et le réflectron.

L’extraction retardée ou delayed extraction (DE), consiste à introduire un délai ou un retard

entre la formation des ions et leur extraction de la source 74, afin de réduire la dispersion du temps de vol des ions possédant le même rapport m/z. La désorption est un phénomène temporel, où les ions ne sont pas tous formés en même temps et avec une énergie cinétique différente. L’impulsion d’extraction appliquée après un laps de temps transmettra une énergie plus importante dans la zone d’accélération aux ions qui initialement possédaient moins d’énergie cinétique et qui sont restés plus proches de la cible. Les ions formés ayant un même rapport m/z acquièrent ainsi une énergie cinétique plus homogène. Des optimisations ont également été effectuées sur les grilles d’extraction, toujours dans le but de diminuer la dispersion en énergie cinétique, et donc d’augmenter la résolution ainsi que la précision en masse.

L’analyse de molécules en mode linéaire est particulièrement bien adaptée pour l’étude des molécules de haute masse moléculaire, mais cette technique présente un faible pouvoir résolutif de l’ordre de 500 à 1000 75;76. Afin d’augmenter la résolution en masse des

analyseurs à temps de vol, une deuxième amélioration a été mise au point : le réflectron. Cette technique est indépendante du type de source et est applicable à tous les analyseurs de type temps de vol. Elle consiste à utiliser un miroir ou réflecteur électrostatique qui permet la focalisation temporelle au niveau du détecteur des ions quittant la source avec le même rapport m/z, mais présentant une dispersion en énergie cinétique 77. Ce réflecteur électrostatique est composé d’une série d’électrodes annulaires portées à des potentiels croissants, et qui agissent comme un miroir électrostatique. Le champ électrique résultant de ce réflectron s’oppose à la progression des ions à l’extrémité du tube de vol. Les ions qui rentrent dans le réflectron sont ralentis et finissent par s’arrêter, puis font demi-tour et sont renvoyés dans le tube de vol. Ainsi, la différence de temps de vol lié à une distribution d’énergie cinétique sera compensée par la différence de parcours dans le réflectron ; il en résulte une refocalisation au niveau du détecteur et un gain en résolution (Figure 18). Cette refocalisation permet d’obtenir une résolution de l’ordre de 20 000 dans une gamme de rapport m/z compatible avec l’utilisation du réflectron (m/z < 10 000).

Figure 18 : Schéma d’un MALDI-TOF équipé d’une lentille d’extraction retardée (DE pour Delayed Extraction) et d’un réflectron. Les énergies cinétiques de deux ions de même masse sont compensées par

une trajectoire différente dans le réflectron.

Des instruments hybrides ont été développés, notamment des analyseurs Q-TOF (Quadripole- Temps de vol) en 1995. Ils combinent un analyseur de type quadripolaire suivi d’une cellule de collision, et d’un analyseur à temps de vol à injection orthogonale. Ce type d’appareil peut être vu comme un triple quadripôle où le dernier analyseur (quadripôle) est remplacé par un tube de vol. La sensibilité est comparable aux triples quadripôles mais avec une résolution en masse bien supérieure 78 (R = 10 000), facilitant l’identification de composés inconnus. Ce type d’analyseur est très utile pour des applications de protéomique puisqu’il permet d’identifier facilement les états de charge des ions fragments produits par collision, et donc de lever certaines ambiguïtés lors d’identifications de séquence de biopolymères 79 ou de peptides 80. Le gain de sensibilité est dû à la capacité du TOF à mesurer simultanément et avec précision la masse des ions sur un large domaine de masse alors que le triple quadripôle doit effectuer un balayage au cours du temps.

Source d’ionisation Grille de focalisation Réflecteur électrostatique Pompage secondaire Pompage primaire Pompage secondaire q2 Q1 q0 Modulateur Tube de vol : Région libre de champ Cellule de collision Ar Détecteur

Figure 19 : Spectromètre de masse hybride Q-TOF composé d’un analyseur quadripolaire (Q1), d’une cellule de collision (q2, qui est souvent un hexapôle) et d’un tube de vol orthogonal.