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I.3. La spectrométrie de masse pour l’analyse des protéines 36

II.2.5. Conclusion 99

La complexité des fluides biologiques et en particulier du plasma représente un véritable challenge pour la bioanalyse des protéines de faible abondance, ce qui peut être le cas de protéines thérapeutiques dont la concentration est devenue faible en raison du temps écoulé entre le moment de l’injection et l’analyse. La méthode analytique développée ici nous a permis de sensibiliser la quantification de l’Epi-hNE4 dans des échantillons de plasma humain grâce à un traitement d’échantillon adapté. Parmi les méthodes d’extraction communément utilisées, l’immunocapture nous semblait la plus prometteuse et s’est révélée très performante pour extraire sélectivement et concentrer la protéine d’intérêt. Cette méthode est basée sur le même principe que les immunodosages : un anticorps anti-protéine permet l’extraction spécifique de la protéine à partir de la matrice biologique, seule change la méthode de détection. La chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse, contrairement aux immunodosages, permet une caractérisation moléculaire de la protéine détectée. En effet, le temps de rétention chromatographique, le rapport m/z de la protéine et le rapport m/z d’un ion produit sont trois éléments caractéristiques de la protéine qui assurent un minimum d’interférence. La valeur ajoutée de cette technique est donc considérable pour s’assurer des molécules réellement quantifiées. Les protéines thérapeutiques peuvent en effet être dégradées in vivo, et ces métabolites peuvent interagir avec les anticorps utilisés lors du dosage, aboutissant à un mauvais résultat.

En développant cette étape d’immunocapture, un gain d’un facteur dix sur la sensibilité a pu être obtenu par rapport à la méthode développée précédemment 100, basée sur une précipitation des protéines à l’acétonitrile. Nous avons utilisé des microbilles magnétiques fonctionnalisées avec des anticorps polyclonaux anti-Epi-hNE4, plutôt qu’une colonne d’immunoaffinité, en raison de la facilité de mise en œuvre de cette technique et de la latitude disponible sur les volumes d’échantillons et les volumes d’élution. Pour obtenir un facteur de concentration compatible avec la sensibilité recherchée, un grand volume d’échantillon a dû être utilisé (ici 400 µL), et la protéine a dû être éluée dans un volume aussi faible que possible (40 µL dans notre cas). Le facteur de concentration et la sensibilité seront donc dépendants du volume d’échantillon initialement utilisé. Nous avons ainsi pu démontrer que la quantité de protéine extraite était proportionnelle au volume d’échantillon utilisé par cette méthode, alors

qu’un traitement de l’échantillon par précipitation des protéines montrait un fort effet matrice ne permettant pas d’augmenter le signal LC-MS/MS alors que le volume de plasma utilisé augmentait. Un tel phénomène est certainement lié aux nombreux composés endogènes du plasma extraits de manière concomitante à l’Epi-hNE4 et provoquant une compétition lors de l’ionisation dans la source du spectromètre de masse.

La méthode présentée possède une sensibilité comparable aux tests immunologiques développés pour cette protéine. Cependant, les volumes d’échantillon utilisés sont très différents. Les immunodosages nécessitent un très faible volume d’échantillon, et dans le cas des immunodosages enzymatiques, pour une protéine immobilisée, de nombreuses molécules avec un groupement chromophore sont générées par amplification. La spectrométrie de masse quant à elle ne possède pas une telle amplification spécifique, et au contraire, l’ionisation des protéines est défavorable. Il est donc nécessaire d’extraire un plus grand nombre de protéines, ce qui nécessite un volume d’échantillon supérieur. Pour cette raison notamment, le format d’extraction par microbilles est bien adapté à cette approche puisque la surface totale de ces billes est considérable.

Enfin, nous avons pris en considération la présence d’éventuels anticorps endogènes anti-Epi- hNE4 lors du développement de la méthode. Lors du dosage développé initialement par Becher et al. 100, ce point avait été étudié, et l’acidification du milieu avant précipitation des protéines montrait une récupération quasi-totale de la protéine d’intérêt, même en présence d’une forte concentration d’anticorps anti-Epi-hNE4. Cette approche simple est spécifique de la spectrométrie de masse et ne gène pas l’analyse qui suit. L’utilisation d’une étape d’immunocapture pour le dosage développé ici rend plus difficile la prise en compte de ces anticorps endogènes. En effet, l’immunocapture et l’immunogénicité sont basées sur des interactions avec des anticorps. Favoriser l’une au détriment de l’autre, à défaut de l’inhiber, est plus subtil. Une étape d’acidification pour rompre les interactions antigène-anticorps, suivie d’une neutralisation avant immunocapture en présence du standard interne, a néanmoins permis de s’affranchir de l’effet de ces anticorps endogènes, et ceci pour deux raisons. Tout d’abord, le standard interne constitué d’Epi-hNE4 réduit et alkylé est reconnu par les anticorps endogènes et de capture. La reformation de complexes impliquant l’Epi- hNE4 après neutralisation s’accompagne également de complexes avec le standard interne. La quantification étant basée sur le ratio des signaux d’Epi-hNE4 et de standard interne, ce

d’Epi-hNE4 étant ainsi contrôlée par une baisse du signal de son standard interne. Le deuxième effet est lié à la thermodynamique et permet de favoriser la liaison de l’Epi-hNE4 avec les anticorps liés aux billes magnétiques plutôt qu’aux anticorps endogènes : le complexe anticorps-antigène est un équilibre, et en introduisant un large excès d’anticorps immobilisés à la surface des billes, l’équilibre est déplacé vers l’immunocapture. En accélérant ce processus par une dissociation préalable des complexes formés in vivo avec les anticorps endogènes, la quasi-totalité de la protéine d’intérêt peut être récupérée.

Ce problème existe également avec les dosages immunologiques. La présence d’anticorps endogènes ayant une affinité pour la protéine à quantifier peut gêner la réaction anticorps- antigène du dosage et fausser les résultats. Ce problème est également plus difficile à résoudre dans le cas des immunodosages, car aucun standard interne ne peut être utilisé pour compenser une perte des analytes. D’autre part, le déplacement d’équilibre de la réaction antigène-anticorps en faveur de l’immobilisation sur la plaque est plus faible que dans le cas de billes fonctionalisées, en raison de la différence de surface, beaucoup plus faible dans le cas d’un puit de plaque d’immunodosage. Pour ces raisons, il est parfois nécessaire de séparer physiquement les anticorps de la protéine avant le dosage immunologique, par extraction de la protéine ou par extraction des anticorps. La présence d’anticorps anti-protéine thérapeutique est un problème pour la fiabilité des résultats des immunodosage, et la LC-MS apparaît comme un outil promoteur pour pallier ce problème.

La nécessité ou non de rompre les liaisons non covalentes antigène-anticorps en solution pour des protéines thérapeutiques dépend également du type d’information recherché lors du dosage. Si la quantité totale de protéine recombinante est recherchée, la dissociation est nécessaire. Si en revanche, c’est la quantité de protéine thérapeutique active in vivo qui est recherchée (afin de corréler l’effet à l’exposition thérapeutique), la réponse est moins évidente. En présence d’anticorps neutralisants, la protéine perd son efficacité et le complexe accélère son élimination. Si les anticorps ne sont pas neutralisants, le complexe peut avoir une efficacité résiduelle et la dissociation n’est pas nécessaire. L’immunogénicité est un problème majeur pour l’analyse des protéines thérapeutiques, et afin de minimiser les effets secondaires qui y sont associés, ces réponses immunitaires sont étudiées lors de tests précliniques et cliniques. Nous avons d’ailleurs mis à profit l’évaluation de l’Epi-hNE4, objet de ces travaux, pour étudier son immunogénicité.