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II.3. L’immunogénicité des protéines thérapeutiques 102

II.3.5. Conclusion 123

Au cours de l’évaluation de la toxicité de la protéine recombinante Epi-hNE4 chez le singe, nous avons pu développer des tests de caractérisation de l’immunogénicité de cette protéine. Les tests développés reprennent des formats classiques d’immunodosages et la spécificité de ce travail a été de suivre les récentes recommandations formulées par un groupe de travail constitué des principaux laboratoires pharmaceutiques et des autorités réglementaires américaines (FDA), ces résultats en sont donc une des premières illustrations.

Tout d’abord, la manière de détecter les échantillons positifs est ici assurée par un premier test de dépistage qui utilise une valeur seuil pour discriminer les échantillons possédant ou non des anticorps induits dirigés contre l’Epi-hNE4. En effet, des anticorps anti-Epi-hNE4 purifiés de concentration connue permettent d’obtenir une quantification absolue des anticorps induits seulement s’ils possèdent une affinité identique. La réponse immunitaire étant polyclonale, les anticorps ont vraisemblablement des affinités différentes avec parfois des affinités très faibles. Cette approche de caractérisation des anticorps induits par quantification absolue est donc difficilement réalisable, et il a donc été préféré une approche statistique basée sur la réponse d’échantillons négatifs. Les faux positifs générés par cette première étape sont ensuite éliminés par un second test dit de confirmation. L’ajout d’Epi-hNE4 dans les échantillons crée des complexes antigènes-anticorps induits qui inhibent la fixation des anticorps avec l’antigène adsorbé sur la plaque ELISA, diminuant ainsi le signal. Une inhibition d’au moins 50 % a été utilisée pour identifier les échantillons positifs.

La grande difficulté pour l’évaluation de l’immunogénicité est liée à l’absence de standard. Les anticorps induits ont en effet la particularité d’être différents d’un individu à l’autre, or les méthodes de bioanalyse ont besoin de standards (en concentration connue) pour caractériser les performances des tests (robustesse, sensibilité) et surtout les rendre quantitatifs. L’utilisation d’anticorps polyclonaux d’une autre espèce comme "pseudo standards" peut être envisagée, à condition d’utiliser un format de dosage indépendant de l’espèce d’origine de l’anticorps comme le format bridging. En effet, les immunodosages de type sandwich utilisent un anticorps anti-espèce pour détecter les anticorps induits alors que les dosages de type bridging utilisent la divalence de l’anticorps pour lier à la fois la protéine immobilisée et la protéine marquée pour la détection, ce format est donc transposable d’une espèce à l’autre.

Néanmoins, le problème de l’affinité des anticorps utilisés comme standards n’est pas résolu et une différence d’affinité entre standard et anticorps endogènes engendre une erreur sur la détermination de la concentration. La portée de ces tests d’immunogénicité restera donc limitée à de la détection tant qu’ils ne seront pas quantitatifs. La prédiction d’effets et le lien avec des modèles pharmacocinétiques et pharmacodynamiques sont en effet dépendant d’une caractérisation complète de ces anticorps.

D’autres techniques basées sur l’électrochemiluminescence, développées par Mesoscale Discovery et BioVeris, ont montré un gain en sensibilité et une capacité à détecter des anticorps de faible affinité. Ces techniques ont donc un potentiel pour améliorer l’évaluation de l’immunogénicité. D’autre part, des outils comme la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse semblent être des alternatives intéressantes car ces techniques de quantification ne requièrent pas d’information sur l’affinité des anticorps, c’est la molécule elle-même qui est analysée et non pas l’interaction mais là encore, en l’absence de standard, il paraît difficile d’identifier quels anticorps parmi les immunoglobulines sont liés au phénomène d’immunogénicité. Son extraction est nécessaire par l’intermédiaire d’un large excès de protéine thérapeutique immobilisés sur une phase solide (pour déplacer l’équilibre) puis de quantifier l’anticorps après dissociation. Une seconde approche indirecte est également envisageable. Après capture de l’anticorps par la protéine immobilisée sur phase solide, un excès de cette même protéine est introduit en solution. La divalence de l’anticorps permet de capter une protéine libre qui peut être alors quantifiée par LC-MS après dissociation du complexe. En supposant que l’excès de protéine suffise à saturer les sites libres des anticorps, la quantification de la protéine reflète alors la concentration en anticorps. La formation d’anticorps est une réaction couramment rencontrée lors de thérapies utilisant les protéines thérapeutiques. Elle peut induire des effets indésirables tels qu’une diminution de l’activité du médicament, voire des effets néfastes. Dans la majorité des cas, ces réactions immunitaires sont bénignes, mais dans certains cas, comme le traitement à l’EPO par exemple, les anticorps induits ont réagi avec l’érythropoïétine endogène, aboutissant à des cas graves d’aplasie des globules rouges (rapporté en 2002 par Casadvall et al. 43). Bien que les causes de ces réactions graves ne soient pas totalement élucidées, il est probable qu’une modification du produit ait pu être apportée lors du changement de la méthode de production ou de formulation quelques années auparavant. L’évaluation de l’immunogénicité doit donc

commercialisation du produit. Les techniques physico chimiques actuelles ne permettant pas de prévoir le comportement biologique et clinique des produits biopharmaceutiques, une attention particulière est à apporter aux processus de fabrication pour que l’utilisation des protéines thérapeutiques soit sans risques, au moment où les brevets de certains produits arrivent à échéance, ouvrant ainsi la voie aux protéines thérapeutiques génériques 156.

Chapitre III :