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Chapitre III : Quantification d’un anticorps thérapeutique par

III.1.1.1. Distribution d’états de charges et digestion enzymatique 129

Plus la protéine va être importante en taille, plus elle sera protonée lors du processus de formation des ions par électrospray, et cette protéine ne présentera pas qu’un seul état de charge, mais une distribution d’états de charge : chaque molécule ne portera pas le même nombre de protons à l’issue du processus de desorption-ionisation. Il en résulte une perte de sensibilité puisque les composés sont répartis sous différentes espèces moléculaires protonées (plusieurs dizaines), alors que les peptides ne présentent en comparaison que états de charge

en fonction de leur séquence. La technique de désorption-ionisation par MALDI génère nettement moins d’états de charges, y compris pour les protéines de haute masse moléculaires, mais l’électrospray est souvent utilisé en raison des facilités de couplage avec la chromatographie en phase liquide. Un autre facteur vient s’ajouter à la distribution d’états de charge et concerne le mode de production des protéines thérapeutiques. En effet les protéines de haute masse moléculaire sont produites dans des systèmes d’expression qui effectuent des modifications post-traductionnelles de la protéine, comme par exemple les glycosylations. Ces modifications ne sont pas homogènes, et il en résulte une hétérogénéité de la masse des protéines, ce qui se traduit sur les spectres de masse par des dédoublements de pics, diminuant d’autant leur intensité, et donc augmentant la quantité de produit nécessaire pour atteindre le seuil de détection.

Une alternative consiste à cliver les protéines par l’intermédiaire de réactifs chimiques ou par des enzymes afin de produire des peptides, et de les quantifier. Ces peptides présentent un spectre de masse simplifié par rapport à la protéine intacte, car leur faible masse moléculaire provoque peu d’états de charge lors du processus d’ionisation par électrospray et la plupart ne possèdent pas de site de glycosylation. En général, des peptides avec des résidus hydrophobes ayant une masse comprise entre 500 et 2000 Da et un nombre d’états de charge limité (typiquement 2) sont les plus favorables 158. Le choix du peptide est un élément clé pour la spécificité du dosage, et un peptide qui est unique et spécifique de la protéine cible doit être sélectionné. Les peptides possédant des homologies de séquence avec d’autres protéines sont donc à éviter, de même que les peptides ayant des séquences susceptibles de contenir des sites de glycosylation et d’oxydation. Depuis les années 1970, cette approche de digestion enzymatique couplée à une analyse par spectrométrie de masse a surtout été utilisée dans le but d’identifier des protéines. Un premier exemple utilisant une étape de protéolyse afin d’obtenir une information quantitative d’une protéine date de 1989 et a été développé par Dass et al. avec l’endorphine β 159 comme protéine modèle. Cette équipe avait également développé des approches de quantification de neuropeptides en utilisant des standards internes non marqués 160;161, marqués par voie enzymatique 162 ou encore des peptides synthétiques ayant des acides aminés marqués par isotopes stables 163. Cette approche, qui utilise la même molécule, où certains atomes sont remplacés par leur isotopes afin d’obtenir un décalage sur l’échelle du spectre de masse, est utilisée pour avoir une analyse quantitative : c’est le principe de la dilution isotopique (IDMS lorsqu’elle est appliquée à la spectrométrie de masse

alors introduite dans l’échantillon à une concentration connue, et la réponse des molécules marquées et non marquées est comparée, permettant ainsi de calculer la concentration de l’espèce non marquée. Idéalement, plusieurs aliquotes sont réalisés avec des niveaux de concentration de la molécule marquée permettant d’encadrer la concentration de la molécule non marquée pour affiner la justesse et la précision de l’analyse.

La première application de la protéolyse pour la quantification absolue d’une protéine par spectrométrie de masse date de 1996 et a été développée par Barr et al., en prenant comme protéine modèle l’Apolipoprotéine A-I 165. L’idée fondamentale consistait à utiliser un peptide généré par protéolyse de la protéine intacte, et d’utiliser la concentration de ce peptide comme représentation de la concentration de la protéine entière, en supposant que la digestion soit complète et donc qu’un ratio molaire 1 :1 soit obtenu entre la protéine entière et le peptide formé. Des peptides marqués par isotopes stables étant introduit en quantité connue, la quantification était effectuée par IDMS, permettant ainsi de calculer la concentration du peptide, qui est représentative de la concentration de la protéine. Les résultats ont montré que l’approche utilisant une digestion enzymatique couplée à une quantification par dilution isotopique et une analyse par spectrométrie de masse était une approche prometteuse pour standardiser les quantifications de protéines. D’autres exemples ont prouvé l’utilité d’une telle approche, comme par exemple la quantification de la rhodopsine, récepteur couplé à la protéine G, à partir de préparations de membranes hydrolysées par la trypsine 166 , ou encore la quantification absolue de protéines de levures 167. La quantification d’une protéine particulière à partir d’une matrice biologique aussi complexe que le plasma constitue un défi supplémentaire puisque les concentrations des peptides et des protéines constituant le plasma s'échelonnent sur plus de 10 logs 5, avec notamment des taux très élevés à plusieurs dizaines de milligrammes par millilitres pour les composés majoritaires. Les premiers exemples de quantification absolue d’une protéine dans le plasma ont été apportés par Kuhn et al sur la protéine C-réa ctive 168, et par Barnidge et al. en utilisant comme protéine modèle le PSA (Prostate Specific Antigen) 169.

Deux méthodes de quantification des protéines sont envisageables. La première s’adresse davantage aux protéines endogènes (type biomarqueurs) qui possède un taux fixe, la méthode IDMS sera alors la plus adaptée (surtout si aucune matrice vierge de protéine n’est disponible). La deuxième d’adresse aux protéines thérapeutiques lors d’étude pharmacologique où une large gamme de concentration est nécessaire, la quantification se

fera alors par comparaison avec une courbe de calibration effectuée avec cette même protéine. Que ce soit pour l’approche IDMS ou pour l’approche par courbe de calibration, le choix du standard interne est déterminant pour la qualité du dosage. Dans le premier cas il détermine directement le niveau de concentration, et dans le second, il permet de normaliser et de comparer échantillons inconnus et points de gamme.