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CHAPITRE 3. Les marques linguistiques de la construction de l’ethos, du point de vue de la

I.3. ETHOS ET LINGUISTIQUE ÉNONCIATIVE

2. Les subjectivèmes

2.4. Les adverbes subjectifs

Les adverbes subjectifs peuvent être des affectifs, des évaluatifs axiologiques, des évaluatifs non axiologiques et même des modalisateurs. C’est essentiellement cette dernière catégorie que je vais évoquer dans ce point, puisque les autres ont été traitées d’une façon ou d’une autre dans les points précédents.

Kerbrat-Orecchioni (1980 : 133) définit les modalisateurs comme « les procédés signifiants qui signalent le degré d’adhésion (forte ou mitigée/incertitude/rejet) du sujet d’énonciation aux contenus énoncés », par exemple : il est (vrai, vraisemblable,

douteux, certain, incontestable) que X.

Ils se répartissent en diverses sous-classes selon certains principes : a) Modalités d’énonciation vs modalités d’énoncé

Meunier (1974 : 13) oppose les modalités d’énonciation aux modalités d’énoncé par le fait que les premières se rapportent au sujet d’énonciation, alors que les secondes se rapportent à l’agent du procès, qui peut coïncider avec le sujet d’énonciation ;

!

b) Modalités qui impliquent un jugement de vérité, tels peut-être, vraisemblablement,

sans doute, certainement, à coup sûr, etc. vs ceux qui impliquent un jugement de

réalité, comme réellement, vraiment, effectivement, en fait, etc.

c) Les adverbes qui déterminent un verbe dire élidé en surface, et spécifiant les conditions et la nature de l’acte locutoire. Ces adverbes relèvent de la catégorie (modalités d’énoncé), comme franchement, sincèrement, confidentiellement,

I.3. ETHOS ET LINGUISTIQUE ÉNONCIATIVE

Les adverbes déterminant un verbe d’opinion effacé en surface et précisant le degré selon lequel le sujet d’énonciation adhère au contenu de son énoncé. Ces adverbes relèvent de la catégorie (modalités d’énonciation), comme peut-être, voire,

probablement, sûrement, bien sûr, pour sûr, assurément, évidemment, manifestement,

etc.

Enfin, il faut souligner que certains adverbes peuvent être à la fois axiologiques et affectifs comme le couple heureusement, malheureusement.

(1) Heureusement que Paul est venu.

L’adverbe dans l’énoncé précédent marque à la fois l’état affectif du sujet d’énonciation (il est heureux que Paul soit venu), et son attitude par rapport au fait dénoté (il considère la venue de Paul comme un bien pour lui).

Avant de faire le bilan de ce chapitre, il est essentiel de préciser que selon Kerbrat- Orecchioni (1980 : 112) « La subjectivité déictique est de toute autre nature que la subjectivité affective ou évaluative » :

- Les déictiques, tout en étant solidaires de la situation énonciative, reposent en effet sur un consensus incontestable : dans une situation donnée, tout le monde s’accordera à reconnaître que l’emploi de « ici » ou de « maintenant » est approprié ou inadéquat. - l’emploi des évaluatifs peut au contraire toujours, dans une situation énonciative donnée, être contesté, car il dépend de la nature individuelle du sujet d’énonciation. Ce qui est beau pour quelqu’un ne l’est pas nécessairement pour quelqu’un d’autre. C’est pourquoi la linguiste s’oppose à la définition proposée par le Petit Robert du terme subjectif : « les modalités de discours qui impliquent une vision et une interprétation toutes personnelles du référent », qui, ne reconnaît que les

subjectivèmes comme unités subjectives et élimine les déictiques qui seront

considérés comme objectifs22.

Kerbrat-Orecchioni distingue aussi subjectivité explicite et subjectivité implicite : la première relève des formules subjectives qui s’avouent comme telles (1), la deuxième relèvent des formules subjectives qui tentent de se faire passer pour objectives (2).

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22 Kerbrat-Orecchioni (1980 : 149) définit le terme objectif comme « toute notation susceptible d’être

formulée dans les mêmes termes exactement par un ensemble d’émetteurs placés dans la même situation spatio-temporelle exactement ».

I.3. ETHOS ET LINGUISTIQUE ÉNONCIATIVE

(1) Je trouve ça beau. (2) C’est beau.

En effet, les deux énoncés sont subjectifs, mais l’énoncé (2) produit un effet

d’objectivité du fait qu’il est détaché de son énonciateur.

Bilan

Les unités lexicales subjectives se divisent en deux catégories : les déictiques et les subjectivèmes :

(1) La catégorie des déictiques comprend les pronoms personnels ; les démonstratifs ; les localisations temporelles ; les localisations spatiales et certains termes de parenté (papa, maman) ;

(2) La catégorie des subjectivèmes se divise en deux catégories : les affectifs et les évaluatifs :

- La catégorie des évaluatifs se décline en trois sous-catégories : (1) les axiologiques qui portent un trait évaluatif de type bon/mauvais ; (2) les non axiologiques, dits aussi dimensionnels, qui portent une évaluation quantitative ou qualitative mais sans jugement de valeur ; (3) les modalisateurs qui portent un trait évaluatif de type

vrai/faux/incertain.

- La source de l’évaluation est toujours le sujet d’énonciation, sauf pour les verbes subjectifs occasionnels et les adverbes modalisateurs d’énoncé, où c’est l’agent du procès qui est la source d’évaluation, lequel peut coïncider avec le sujet d’énonciation.

- L’évaluation porte toujours sur l’objet du procès, à l’exception de certains verbes subjectifs intrinsèques qui permettent de porter l’évaluation sur le procès même. Finalement, il faut souligner que la problématique de la subjectivité des unités lexicales a été traitée, dans ce chapitre, à travers l’étude d’un échantillon de quelques termes que j’ai estimés représentatifs et suffisants à l’analyse et à l’explication de toutes les formes de la subjectivité, car il est impossible d’étudier toutes les unités lexicales subjectives qui existent en langue française, à cause du nombre considérable de ces unités.

Un autre problème qui vient rendre encore plus difficile l’exhaustivité est celui de la polysémie. En fait, certaines unités lexicales, pour ne pas dire toutes, peuvent avoir plusieurs sens dont certains sont considérés comme subjectifs et d’autres non. C’est

I.3. ETHOS ET LINGUISTIQUE ÉNONCIATIVE

pourquoi je tiens à préciser que le classement de tous les termes que j’ai exposés

supra n’est que virtuel.

Après avoir traité le thème de la construction de l’ethos par les unités subjectives du point de vue de la linguistiques énonciative, j’aborderai dans le chapitre suivant le thème de la (inter)subjectivité du point de vue de la linguistique praxématique.

CHAPITRE 4. Les marques linguistiques de la

construction de l’ethos, du point de vue de la

linguistique praxématique

Dans le chapitre précédent, j’ai traité la question de la subjectivité dans le langage

et les marques linguistiques permettant de la manifester. Dans ce chapitre, j’aborderai le thème de l’intersubjectivité, les outils permettant sa construction textuelle, et la manière dont elle peut influer sur la construction d’un ethos.

1. Approche de l’intersubjectivité