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Analyse des postures énonciatives en relation avec les modes de textualisation L’adresse : Mes chers compatriotes

Nicolas SARKOZY

1. Analyse des postures énonciatives en relation avec les modes de textualisation L’adresse : Mes chers compatriotes

Étant donné le fait que le candidat de l’UMP n’a pas changé de slogan entre les deux tours, je passerai directement à l’analyse du terme d’adresse, qui n’est pas le même que celui du premier tour.

Le désignant social compatriotes, dans ce terme d’adresse, renvoie au collectif générique, et son actualisation par le déterminant possessif de P1 permet de mettre en place un effet de proximité avec les électeurs. La forme n’est pas propre à un parti ou à une idéologie politique quelconque, ce qui permet à N. Sarkozy de se présenter comme la candidat de tous. Par ailleurs, la mise en place d’un terme d’adresse par l’énonciateur lui permet d’impliquer, d’entrée de jeu, ses coénonciateurs dans la scène d’énonciation, tout en légitimant son statut du candidat s’adressant aux électeurs.

1.2. Les marques de personne

Voici un tableau récapitulant tous les emplois des pronoms personnels de P1, P4 et P5 et des déterminants possessifs correspondants :

Pronom personnel / séquence P1 P4 P5

Séquence 1 14 12 12 Séquence 2 1 10 3 Séquence 3 5 4 2 Séquence 4 8 5 4 Totaux 28 31 21 Pourcentage / ratio 28/80 = 35% 31/80 = 39% 21/80 = 26%

Dans cette PDF, N. Sarkozy emploie 28 fois la première personne pour se désigner, et utilise 21 fois la cinquième personne pour s’adresser aux électeurs. En ce qui concerne la quatrième personne, il l’emploie 31 fois pour s’exprimer, à la fois, en son nom, et au nom des électeurs. Il s’agit donc d’un nous inclusif.

NICOLAS SARKOZY 2007 2ND TOUR

Ces données incitent à dire que cette PDF est construite principalement sur un mode de textualisation en soi-même, où le candidat et les électeurs, qui sont respectivement l’énonciateur et les coénonciateurs, sont discriminés par le couple de pronoms personnels je-vous. Or, comme il a été dit supra, le candidat emploie aussi le

nous inclusif, qui est un outil de la construction d’une textualisation en même.

Dans l’analyse qui suit, il sera question de voir comment le mode de textualisation en soi-même est biaisé, par l’emploi de nous inclusif et d’autres marques linguistiques, pour tendre vers une textualisation en même.

1.2.1. Les pronoms personnels je-vous (marques d’une textualisation en soi-

même)

Les marques linguistiques permettant au candidat de construire une textualisation en soi-même, dans cette PDF, sont les pronoms personnels de P1 et de P5.

Il sera peu utile d’exposer, dans ce point, toutes les occurrences de ces deux pronoms personnels : je présenterai seulement quelques occurrences illustrant la mise en œuvre de ce mode de textualisation.

(séq.1) (1) Je veux vous remercier de m’avoir fait confiance, et vous dire que j’ai entendu vos inquiétudes et vos espérances.

(séq.4) (2) Dimanche prochain, je vous demande votre confiance pour le seul choix qui compte : celui de la France.

Dans les deux énoncés précédents, N Sarkozy se sert de la modalité allocutive, qui s’exprime à l’aide de je et vous, afin de s’adresser directement aux électeurs, d’abord pour les remercier de lui avoir fait confiance au premier tour, ensuite, pour leur demander de lui faire de nouveau confiance au second tour, afin de pouvoir être élu à la tête de l’État et réaliser ses promesses.

Les pronoms personnels utilisés dans les énoncés précédents, ainsi que dans le terme d’adresse, illustrent donc ce qui a été dit au début de ce point, à savoir que cette PDF est construite, essentiellement, sur un mode de textualisation en soi-même, qui permet au candidat de se présenter en tant qu’énonciateur de cette PDF, et de s’adresser aux électeurs en tant que coénonciateurs.

NICOLAS SARKOZY 2007 2ND TOUR

1.2.2. Le pronom personnel nous en emploi inclusif (outil du biaisage de le textualisation en soi-même par monstration des points de vue posés comme synchronisés)

Le pronom personnel nous est un marqueur d’une textualisation posant je comme organisateur du repérage spatio-temporel, mais qui, selon qu’il est inclusif (vous et moi) ou exclusif (eux et moi) ne construit pas les mêmes postures : nous inclusif travaille la synchronisation des points de vue et tend donc vers une relation en duo, travaillant la coorientation, et donc participe, d’une certaine manière, au biaisage de la textualisation en soi-même construite par la présence du je et la discrimination qu’il pose avec les autres.

Toutes les occurrences de nous dans cette PDF renvoient à la fois au candidat, et aux électeurs, autrement dit, il n’y a aucun emploi de ce pronom personnel qui renvoie au candidat seul, ou à ce dernier et aux membres de son parti. Il s’agit exclusivement d’un nous inclusif, qui permet d’envisager le candidat et les électeurs dans une dynamique énonciative commune. Parmi les nombreuses occurrences de ce pronom personnel, j’en ai sélectionné quelques-unes :

(séq.1) (3) Si nous voulons être un pays fraternel, un pays généreux, un pays qui compte en Europe et dans le monde, nous devons réformer ce qui ne va pas aujourd’hui en France. (Séq.1) (4) Ma conviction profonde, c’est que nous le pouvons. Mais ma conviction plus profonde encore, c’est que c’est en changeant que nous resterons nous mêmes, fidèles à nos valeurs qui ont fait notre force au cours des siècles, fidèles à notre identité nationale, fidèles à notre vocation européenne, fidèles à notre idéal profond de fraternité.

(Séq.4) (5) Le travail qui est devant nous est important. Mais il est tout à fait faisable. Nous le ferons ensemble, sereinement, dans la concentration, mais aussi dans la décision, nous pouvons obtenir de vrais changements dans notre pays.

Les substantifs pays, valeurs, identité nationale, vocation européenne actualisés par le déterminant possessif de P4, ainsi que les semi-auxiliaires pouvoir, vouloir et

devoir conjugués à la P4 démontrent la volonté du candidat d’attirer les électeurs vers

ses idées politiques, voire les impliquer dans celles-ci. Par ce processus, N. Sarkozy appréhende ses électeurs comme des mêmes, créant ainsi une sorte d’espace commun avec eux, qui rend plus facile la synchronisation des points de vue et l’adhésion des électeurs à ceux-ci.

1.3. Les autres marques du biaisage de mode de textualisation en soi-même 1.3.1. Les énoncés à l’infinitif

NICOLAS SARKOZY 2007 2ND TOUR

énoncés formulés à l’infinitif comme dans le cas suivant :

(Séq.2) (6) Ce qui est en jeu dimanche prochain, c’est de décider de nous replier sur le passé ou de faire les choix de l’avenir, c’est de replacer les recettes d’hier qui ont échoué ou de mettre en œuvre les solutions qui ont marché partout ailleurs : travailler moins et gagner moins, ou travailler plus pour gagner plus ; partager les emplois qui existent déjà ou créer les emplois qui n’existent pas encore ; (…).

Dans cet extrait de la deuxième séquence, le candidat sollicite les électeurs en les interrogeant sur des questions dont les réponses espérées ne font que renforcer les idées qu’il défend. De plus, il pose ses questions au mode infinitif, mode qui travaille l’effacement énonciatif : l’infinitif gomme tout ancrage personnel et temporel, ce qui donne aux réponses attendues une dimension objective, qui les rend plus évidentes et difficilement contestables.

Dans ce point, on a vu que le candidat de l’UMP utilise les pronoms personnels je-

vous lorsqu’il veut construire une textualisation en soi-même, qui permet de travailler

l’ethos de chef, et emploie nous lorsqu’il cherche à construire un rapport d’empathie avec les électeurs, qui permet de travailler l’ethos de solidarité.

Le point suivant s’interroge sur l’ethos politique privilégié par le candidat.

2. La construction de l’ethos politique