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GENESE, CADRE THEORIQUE ET APPLICATIONS EMPIRIQUES DE

1.2 Le modèle C+NVC: cadre théorique de référence

1.2.3 Les adaptations successives du modèle d’origine

Plusieurs économistes du feu suggèrent des modifications par rapport à la première version du modèle C+NVC proposée par Althaus & Mills (1982). Les critiques au modèle d’origine vont du simple amendement à la reformulation complète. Dans cette section, nous présentons rapidement les ‘améliorations’ apportées au modèle C+NVC cours de ces 30 dernières années.

1.2.3.1 L’introduction du risque dans le modèle C+NVC

Une première extension du modèle C+NVC consiste à introduire dans sa logique la notion de risque. De façon générale, les économistes considèrent qu’une situation de risque existe lorsque le résultat d’un choix ou l’issue d’une action est variable, et que cette variabilité peut être décrite à travers une distribution de probabilités. Pour les économistes du feu, qui ne s’éloignent pas significativement de cette définition, le risque est donc assimilé à la variabilité plus ou moins grande de la performance d’une politique de protection, celle-ci étant influencée par des facteurs exogènes comme les températures ou la pluviométrie (Mills & Bratten 1982 : 2). Ces facteurs, non maîtrisables par les décideurs, s’avèrent déterminants dans l’impact réel des différentes stratégies de protection, et peuvent donc biaiser la valeur du C+NVC et conduirent les gestionnaires à de mauvais choix.

Sur la base de ce constat, Mills & Bratten (1982) et Blattenberger et al. (1984) introduisent le concept de risque dans le modèle C+NVC et l’adaptent en conséquence. Leur hypothèse de base est que la variabilité autour de la valeur prévue pour la fonction C+NVC est d’autant plus importante que le niveau du budget en pré-suppression est bas (figure 1.8). Autrement dit, le risque est supposé être négativement corrélé à l’effort réalisé en matière de pré-suppression. Cela s’expliquerait selon ces

auteurs par la capacité de réaction qu’assurent des budgets conséquents face à des conditions anormales ou extrêmes. L’impact du feu serait donc d’autant plus dépendant des conditions météorologiques que les parades disponibles sont faibles. L’augmentation des dépenses de pré- suppression entraînerait donc non seulement une réduction de la valeur espérée de S et de NVC, mais aussi une réduction du risque, c’est-à-dire, de l’amplitude de l’intervalle de confiance autour de la valeur espérée (Blattenberger et al. 1984 : 5).

Figure 1.8 : Risque et critère C+NVC

Source : Mills & Bratten (1982 : 10)

Dans la logique de Mills & Bratten (1982), et du fait de la double incidence des augmentations du budget de pré-suppression (réduction des valeurs de S et de NVC ; diminution de la variabilité), le niveau de budget optimal minimisant la fonction C+NVC (P1 dans la figure 2.9) peut donc être volontairement dépassé par les gestionnaires averses au risque. Ces derniers, très majoritaires selon Maguire & Albright (2005), peuvent opérer en effet un arbitrage entre le niveau de risque et l’efficience économique, de telle sorte que le budget P2 (a priori inefficient) soit préféré à P1 , optimal mais étant associé à un niveau de risque supérieur. Dans ce cas, la prime de risque correspondante serait égale à la différence entre les deux niveaux respectif de la fonction C+NVC, soit : (C+NVC)2 – (C+NVC)1. Euros Budget alloué à la pré-suppression C+NVC (valeur espérée) MEL ou P*

Intervalle de confiance à 90% pour les différentes valeurs de C+NVC

C h a p it re 1

Figure 1.9 : Prime de risque dans la logique C+NVC

Source : Blattenberg et al. (1984 : 6)

1.2.3.2 La considération de plusieurs combinaisons de stratégies de protection contre les incendies

Une deuxième modification apportée à la version originale du modèle C+NVC est la considération de différentes combinaisons de stratégies de pré-suppression (Fire Management Mixes, FMM), autrement dit, des allocations distinctes du budget disponible entre plusieurs options de gestion (comme par exemple, des réductions de la biomasse combustible, de nouveaux moyens de détection, l’accroissement de la capacité d’attaque initiale, etc.).

Plusieurs économistes parmi lesquels Mills & Bratten (1982) et González-Cabán (1986), améliorent le modèle C+NVC initial dans le but de pouvoir déterminer non seulement le niveau de budget le plus efficient (P*), mais aussi (surtout) la répartition optimale de ce budget entre les différentes stratégies envisageables. Ce développement du modèle répond donc à la volonté d’analyser la pertinence d’éventuels arbitrages entre toutes ces activités, tout en retenant le critère du C+NVC dans la recherche d’une répartition optimale des ressources allouées.

Graphiquement, la considération de plusieurs combinaisons de stratégies (FMM) se traduit par une pluralité de courbes C+NVC, chacune d’elles étant associée à une répartition particulière du budget entre les diverses stratégies considérées (figure 1.10).

P1 MEL ou P* (C+NVC)2 Coûts Budget alloué à la pré-suppression C+NVC P2 (C+NVC) Prime de risque

Figure 1.10 : le critère C+NVC et la répartition du budget entre les différentes activités de protection

Source : González-Cabán et al. (1986 : 2)

Comme on peut le constater sur la figure 1.10, les points 3 et 1 appartiennent à une même courbe FMM ; ils sont donc caractérisés par une même répartition du budget (FMM1)27. Pour cette combinaison de stratégies, P1 constitue le budget optimal. Si l’on considère d’autres répartitions de budgets telles que FMM2 ou FMM3, on constate qu’il est possible de trouver un niveau de budget encore plus efficient que P1 . Pour cela, les gestionnaires du risques doivent répartir différemment leur budget entre les diverses stratégies de protection, ce qui implique graphiquement le saut d’une courbe à une autre. La combinaison FMM2 permet par exemple d’atteindre pour son niveau optimal de budget (P2 ), une valeur de C+NVC encore moins importante que celle associée à P1 . Selon cette logique, le choix final des gestionnaires devrait donc être la combinaison de stratégies appelée

2

FMM et le niveau de budget P2 .

Comme le soulignent Mills & Bratten (1982 : 9), ce genre de raisonnement permet d’estimer le coût d’opportunité associé au choix d’une combinaison sous-optimale ou à l’existence d’un montant « plafond » de budget fixé de façon exogène. Dans ce sens, si le gestionnaire du risque adopte par exemple la répartition FMM1 (et choisit donc P1) parce que cette combinaison a un impact paysager ou environnemental moins important que FMM2, l’économie à laquelle il renonce (le coût d’opportunité) est égale à (C+NVC)1-(C+NVC)2. De façon similaire, si le budget maximal de pré- suppression est limité par les bailleurs de fonds à P3, l’économie à laquelle le gestionnaire doit renoncer (coût d’opportunité) est égale à (C+NVC)3 - (C+NVC)2.

Toujours selon le même raisonnement, il est possible de déterminer la meilleure répartition du budget de pré-suppression (FMM) pour chaque niveau de budget disponible (P). Le résultat correspond à l’enveloppe inférieure des différentes courbes FMM. Comme on peut l’observer sur la figure 1.11, le parallélisme avec la théorie micro-économique du producteur est frappant : cette enveloppe est similaire à celle qui caractérise la fonction de coûts moyens du producteur dans le long terme (voir par exemple : Pindyck & Rubinfeld [1995] 2009 : 265).

27 Le tracé d’une courbe FMM exige bien entendu que la répartition du budget (en pourcentages) reste inchangée quel que soit le niveau de P (González-Cabán et al. 1986 : 2).

(C+NVC)2 3 2 1 Euros Budget alloué à la pré-suppression FMM1 FMM3 FMM2 P1 P2 P3 (C+NVC)1 (C+NVC)3 C h a p it re 1

Figure 1.11 : Représentation de la FMM optimale selon le niveau de budget P

Source : Mills & Bratten (1982 : 9)

1.2.3.3 Introduction des valeurs de non-usage à travers une Analyse Coûts-Efficacité (ACE)

La modification proposée par Rideout et al. (1999) tente de surmonter (ou plutôt de contourner) les problèmes liés la monétarisation des biens non marchands englobés dans la fonction NVC et, plus concrètement, à l’estimation des valeurs dites de « non-usage ». Celles-ci, rappelons-le, font référence aux valeurs que les individus associent à certains biens environnementaux dont ils ne vont jamais jouir (Turner et al. 1994 : 113)28. Leur monétarisation est donc particulièrement

problématique. Certains auteurs estiment malgré tout ces valeurs en unités monétaires puis les englobent dans la fonction C+NVC ; cela implique cependant l’assomption d’hypothèses discutables et l’introduction de subjectivités supplémentaires dans le calcul de l’optimum (voir section 2.2). D’autres auteurs préfèrent ignorer tout simplement ces valeurs et calculer ainsi le minimum de la fonction C+NVC29 ; cette option entraîne cependant un biais dans l’estimation de la valeur optimale du budget de pré-suppression (P*). Rideout et al. (1999) proposent, eux, de compléter la fonction C+NVC à travers une Analyse Coûts-Efficacité (ACE) associant donc des unités physiques d’efficacité à différents niveaux de budget exprimés en unités monétaires (figure 1.12).

28 La valeur d’existence constitue un exemple de valeur de non-usage. Elle peut être associée à certains ‘biens’ environnementaux du simple fait de leur existence et indépendamment de tout usage. Son fondement réside dans la sympathie qu’inspirent certaines espèces animales ou végétales et plus généralement, dans la reconnaissance du droit à l’existence des non-humains (Faucheux & Noël 1995 : 215). La valeur de legs est elle aussi une valeur de non-usage (au moins en partie), puisqu’elle se base sur la considération de l’usage que pourront faire les générations futures d’un certain bien environnemental (ibidem).

29 C’est l’option choisie par Sparhawk (1925) dans son modèle LC+L. 3 2 1 Euros Budget alloué à la pré-suppression FMM1 FMM2 FMM3 P1 P2 P3 C+NVC d’ensemble (C+NVC)3 (C+NVC)1 (C+NVC)2

Figure 1.12 : Introduction des valeurs de non-usage dans le modèle C+NVC à travers une analyse coût-efficacité

Source : Rideout et al. (1999 : 224)

La partie gauche de la figure 1.12 représente la parabole typique du modèle C+NVC, avec une valeur minimale correspondant au montant optimal de budget dédié à la pré-suppression (P*). Dans ce diagramme, les valeurs de non-usage ne sont pas prises en considération : le coût associé à leur protection (C’) est donc nul. Dans ce cas particulier, nous avons donc C+NVC = C+NVC+C’.

La courbe orange (partie droite de la figure) relie, elle, les valeurs de C+NVC+C’ à des mesures physiques d’efficacité, dénotées EF. Ces mesures englobent des biens ou des ressources aux quels sont associées des valeurs de non-usage (disons, par exemple, le nombre de tortues d’Hermann ou de lézards ocellés existant dans un massif). Le niveau d’efficacité EF0 (qui indique donc le nombre de tortues ou de lézards avec C’ = 0) correspond au budget optimal P*, estimé sans considérer les valeurs de non-usage.

Ainsi, selon cette logique, si le gestionnaire du risque vise la protection d’un plus grand nombre de tortues, disons par exemple EF1, il doit alors assumer des coûts de pré-suppression supplémentaires. Si le budget alloué à la pré-suppression n’est pas limité, cette protection additionnelle peut être accomplie à travers une augmentation de P (déplacement le long de la courbe C+NVC d’origine, avec P’ > P*).

Lorsqu’il existe un budget maximal (disons par exemple P’), la protection additionnelle des valeurs de non-usage doit être assurée autrement, par exemple, à travers des dépenses de suppression (S). Dans ce cas-là, le gestionnaire ‘saute’ de la courbe C+NVC initiale à une nouvelle courbe située au- dessus. Ce cas de figure est illustré par les points 2 et 3, associés respectivement aux unités physiques EF2 et EF3, avec P’ représentant un plafond du budget de pré-suppression. Notons enfin que dans la représentation proposée, le point 2 est inefficient puisque la même quantité de tortues ou de lézards peut être protégée à un coût moins important.

Euros Euros P EF C+NVC C+NVC+C’ 1 2 3 EF1 EF2 EF3 P* P’ EF0 C h a p it re 1

1.2.3.4 Transformation du modèle C+NVC en un exercice de maximisation de profits

Rideout & Omi (1990) vont encore plus loin dans la critique du modèle initial et proposent de calculer le budget optimal de pré-suppression non plus à travers la minimisation du C+NVC, mais plutôt en maximisant une fonction de profits. Celle-ci est composée de deux inputs (variables décisionnelles du modèle), à savoir les dépenses de suppression (S) et celles de pré-suppression (P)30, et d’un output (variable de résultat), correspondant au dommage net évité (D)31. La volonté des auteurs est de rapprocher explicitement le calcul du niveau optimal de protection contre les incendies à la théorie micro-économique de la firme et au choix optimal du producteur. Une modification principale par rapport au modèle d’origine est la considération de S comme une variable de décision. C’est une piste qui sera suivie quelques années plus tard par Donovan & Rideout 2003 dans leur reformulation du modèle (voir sous-section 1.2.3.5).

Dans cette nouvelle version du modèle C+NVC, l’exercice d’optimisation passe par la définition préalable d’une fonction de profits jusque-là inexistante. De façon analogue aux préceptes de la théorie de la firme, les bénéfices de la gestion du feu sont donnés par l’écart existant entre les recettes totales (RT) et les coûts totaux (CT) :

CT

RT−

=

π

La définition des coûts de « production » ne pose pas de problème particulier, ils correspondent à la quantité d’inputs P et S multipliée par leurs prix unitaires respectifs (WP et WS) :

CT = WPP + WSS

Par contre, la définition des recettes est, elle, moins intuitive. L’astuce proposée par les auteurs consiste à mobiliser le concept de « dommage net évité » (déjà évoqué dans la sous-section 1.2.1) et à le déterminer en fonction du NVC. Celui-ci peut être assimilé en effet à la différence existante, pour chaque niveau de pré-suppression32, entre la valeur des dommages nets en absence de toute activité de pré-suppression (soitΦ) et la valeur du « dommage net évité » pour chaque niveau de P (soit D) :

) S , P ( D NVC =Φ−

Les auteurs expliquent la relation entre ces trois éléments à travers un raisonnement graphique :

30 Ici, P et S sont considérées toutes les deux comme des variables décisionnelles. Les dépenses en suppression ne sont pas déterminées uniquement par le niveau de pré-suppression, mais aussi par le choix réalisé par le gestionnaire du risque.

31 Dans une version plus approfondie de leur modèle, les auteurs vont encore plus loin dans la concrétisation des outputs en considérant et la réduction de la surface brûlée (A) et la diminution de l’intensité des incendies (I). Les auteurs s’inspirent ici des travaux de Hesseln et al. (1998), qui ont été les premiers à introduire dans le modèle C+NVC des éléments naturels comme la vitesse du vent, la quantité de biomasse combustible et la teneur en eau de la végétation, tous pouvant altérer le comportement du feu et ayant donc une incidence sur la relation entre P et NVC.

32 Le niveau de suppression (S) est maintenu constant afin de pouvoir représenter graphiquement le raisonnement autour du concept de dommage évité.

Figure 1.13 : Relation entre le critère NVC et le dommage net évité

Source : Rideout & Omi (1990 : 616)

A partir de l’équation précédente, le « dommage net évité » (assimilable donc aux recettes) peut être défini comme suit :

RT =

D(P,S)=Φ−NVC=Φ−[D(P,S)−B(P,S)]

L’exercice que proposent Rideout & Omi (1990) consiste donc à maximiser la fonction de profits suivante :

[

D(P,S)

B(P,S)]

WP

WS

CT

RT

max

P S

+

Φ

=

=

π

;

Il est important de noter que la maximisation de cette expression et l’obtention des valeurs optimales P* et S* ne dépendent pas de l’obtention de la valeur de

Φ

, qui peut sembler particulièrement délicate. En effet, cet élément n’est présent dans aucune des conditions de premier ordre de la fonction de profit ( 0

P = ∂ π ∂ et 0 S = ∂ π ∂ ).

Les auteurs démontrent par ailleurs que ces deux conditions sont identiques à celles découlant d’un exercice de minimisation « classique » de la fonction C+NVC avec les mêmes hypothèses de départ, et concluent que les deux procédés conduisent à un résultat identique. Nous illustrons cette correspondance à travers la figure 1.14).

Euros Budget alloué à la pré-suppression (P) Φ Dommage net (NVC) Dommage net évité ( ) Valeur du dommage net sans pré- suppression (P=0) C h a p it re 1

Figure 1.14 : Equivalences entre l’exercice de minimisation et celui de maximisation

Source : auteur

1.2.3.5 Reformulation du modèle (remise en cause des relations supposées entre P et S)

La dernière modification sur laquelle nous proposons de nous arrêter est celle suggérée par Donovan & Rideout (2003). Ces derniers reconstruisent largement le modèle à partir de la redéfinition des relations existantes entre P et S. Ces auteurs réfutent en effet la relation négative généralement admise entre ces deux types de dépenses33. Selon eux, la variation du niveau de dépenses de pré- suppression n’entraînerait pas forcément une variation des dépenses de suppression. Ces deux types de coûts seraient indépendants : l’achat d’un hélicoptère (P), par exemple, ne déterminerait pas combien de fois celui-ci est utilisé pendant la saison des feux (S) (Donovan & Rideout 2003 : 319).

Le fait que P et S soient indépendants n’empêche pas cependant le fait que, pour un niveau de NVC constant, la variation du montant de l’un se traduise par la variation du montant de l’autre. Autrement dit, selon ces auteurs, P et S constitueraient des inputs substituables (voir figure 2.15)34.

33 Selon Donovan & Rideout (2003 : 320), l’influence de P sur S ne peut s’accepter que pour un niveau de NVC constant. Le montant de S doit donc être conçu comme un choix et non pas comme un résultat.

34 La convexité de cette courbe indique un taux marginal de substitution décroissant entre les deux inputs. Mendes (2010) propose elle aussi d’appliquer ce raisonnement à la problématique des incendies de forêt. Cet

min C+NVC Euros P Dommage net évité (RT) Coûts de protection (CT) P* C+NVC « Profits » Π = RT-CT C+NVC P max Π WSS WPP

Figure 1.15 : Substituabilité des coûts de suppression et de pré-suppression

Source : adapté de Donovan & Rideout (2003 : 319)

Selon cette logique donc, et pour un même niveau de NVC, le gestionnaire du risque peut répartir à son goût le budget de protection dont il dispose entre des activités de pré-suppression (réalisation de grandes coupures de combustible, développement du linéaire de pistes DFCI, installation de points de surveillance, etc.) et des activités de suppression. Le gestionnaire peut par exemple allouer la plus grande partie de son budget à la réalisation de grands débroussaillements ou brûlages dirigés (point A), ou au contraire dédier la plus grande partie de ce budget à la suppression (point B), ou encore répartir les fonds disponibles de façon à peu près équilibrée entre les deux catégories de dépenses (point C). Dans tous les cas, le NVC reste le même. Encore une fois, le parallélisme avec la théorie micro-économique de la production est évident : la fonction NVC est clairement assimilée à une isoquante exprimant un niveau de production en fonction de deux inputs substituables. D’ailleurs, Donovan & Rideout (2003 : 319) assimilent de façon tout à fait explicite les activités de pré- suppression au facteur capital (K) et les moyens de suppression au facteur travail (L).

Mathématiquement, la considération de P et S comme deux inputs substituables se traduit par une nouvelle fonction à minimiser (Rideout & Omi 1990 : 617; Donovan & Rideout 2003 : 321) :

min (C+NVC) = min [WP P + WS S + NVC (P,S)]

D’un point de vue graphique, la représentation de P, S et NVC sur un même plan bidimensionnel exige logiquement de fixer l’une de ces trois variables et de se centrer sur la relation existante entre les deux autres. La figure 1.16 montre une nouvelle représentation du modèle C+NVC. Comme on peut le constater, l’axe horizontal correspond aux dépenses en matière de suppression. Celles-ci sont représentées par ailleurs par une droite à 45° qui constitue la bissectrice du plan. L’effort en pré- suppression, lui, est maintenu constant, tandis que la variable NVC est représentée par une courbe convexe décroissante. L’agrégation de P, S et NVC donne lieu à une parabole dont le minimum correspond au budget optimal pour la suppression du feu (S*).