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GENESE, CADRE THEORIQUE ET APPLICATIONS EMPIRIQUES DE

1.2 Le modèle C+NVC: cadre théorique de référence

1.2.1 Les caractéristiques du modèle

Le modèle C+NVC suit les grandes lignes du modèle LC+L en retenant trois éléments principaux :

(i) les coûts de pré-suppression ; (ii) les coûts de suppression ;

(iii) le changement net de la valeur de la forêt.

Comme nous l’avons fait pour le modèle de Sparhawk, nous proposons d’analyser un par un ces trois éléments centraux, ainsi que leurs interrelations.

1.2.1.1 Les coûts de pré-suppression (Presupression costs, P)

Ce premier élément, noté P, constitue la variable indépendante du modèle et occupe l’axe des abscisses dans sa représentation graphique. Il recouvre les dépenses de réduction de la biomasse combustible, de surveillance, de détection, ainsi que certaines dépenses de suppression déterminées avant le début de la saison d’incendies18. Cet élément est donc similaire à ce que Sparhawk dénomme la « protection primaire ». Il s’agit également de la variable décisionnelle du modèle.

1.2.1.2 Les coûts de suppression (Suppression costs, S)

Lorsque malgré les mesures de prévention le feu éclot et que les mesures dites d’attaque initiale ne suffisent pas pour le maîtriser, le gestionnaire du risque a recours à des ressources spécialement mobilisées pour l'occasion. Il assume alors des coûts de suppression (S). Comme dans le modèle de Sparahwk, la variable S est considérée ici aussi comme étant une variable de résultat négativement influencée par le montant dépensé en matière de pré-suppression (P)19. Par ailleurs, comme dans le modèle LC+L, le rendement marginal des dépenses de pré-suppression (en termes de coûts de suppression évités) est supposé être décroissant (voir figure 1.4)20.

18 Comme par exemple, l’achat de nouveaux hélicoptères ou le salaire fixe des membres des brigades dont le déploiement est prévu pour les mois d’été…

19 Il est d’autant plus important d’analyser en détail les liens existants entre ces variables que plusieurs auteurs les interprètent incorrectement ou confondent la version initiale du modèle avec des versions postérieures largement remaniées… Ainsi, par exemple, Mavsar et al. (2010 : 95) affirment erronément que « les dépenses

en pré-suppression (P) et celles en suppression (S) constituent deux inputs indépendants dans le modèle C+NVC ».

20 Exemple illustratif : la première tour de guet installée dans un massif forestier soumis à l’aléa « feu » permet d’augmenter la visibilité et la capacité de détection dans une très grande proportion. Elle permet ainsi de réduire très considérablement les dépenses de suppression liées aux grands incendies de forêt. La deuxième tour de guet permet elle aussi une réduction considérable de ces dépenses, mais cette réduction est un peu moins importante que celle de la première vigie. A partir d’un certain nombre de tours de guet, l’installation de nouveaux points d’observation n’apporte quasiment rien, la surface déjà couverte étant déjà très grande. L’impact sur les coûts de suppression des nouvelles tours de guet devient alors quasiment nul.

C h a p it re 1

Figure 1.4 : Illustration des rendements marginaux décroissants des dépenses en pré-suppression

Source : auteur

Dans ce nouveau modèle, les coûts de pré-suppression (P) et ceux de suppression (S) constituent l’ensemble des coûts de protection face au feu (Protection Costs), notés par la lettre C :

P + S = C

1.2.1.3 Le changement net de la valeur de la forêt (Net Value Change, NVC)

Ce troisième élément constitue la nouveauté principale par rapport au modèle LC+L. Il s’agit d’une fonction de coûts nets dont le signe est positif lorsque les dégâts provoqués par le feu (perte de bois commercial, destruction d’installations, etc.) sont supérieurs à ses bienfaits (ouverture du milieu, régénération de certaines espèces de faune et de flore, réduction du risque de grands incendies, etc.). A l’inverse, lorsque la valeur des bienfaits dépasse celles des dégâts, le signe du NVC est négatif21. La fonction NVC constitue donc une fonction composite dans laquelle sont agrégées les valeurs monétaires associées aux variations des quantités des différentes ressources conditionnées par le feu. Mathématiquement, cette agrégation peut être exprimée comme suit (Althaus & Mills 1982 : 1 ; Mills & Bratten 1982 : 8) :

avec :

Q = niveau de la ressource considérée avant le passage du feu ; Q’ = niveau de la ressource considérée après le passage du feu ;

V = valeur monétaire associée à chaque unité de la ressource en question ; i = ressource analysée ;

n = nombre total de ressources à prendre en compte dans l’analyse.

21 Cette particularité peut sembler peu logique selon la méthodologie classique dans l'évaluation de projets, mais elle permet d'additionner directement le NVC aux coûts de protection contre le feu (Schweitzer et al. 1982).

Euros

Niveau de budget alloué à la pré-suppression (P) S P1 P2 P0 P3 S0 S1 S2 S3

[

]

∑ =

=

n 1 i i ' i i

Q

)V

Q

(

NVC

Graphiquement, on assume le plus souvent que le signe de la fonction NVC est positif, c'est-à-dire, que la valeur associée aux dommages dépasse la valeur estimée pour les bienfaits du feu22. Le résultat est donc une fonction généralement représentée au-dessus de l’axe des abscisses (avec NVC ≥ 0 pour toute valeur de P).

Comme c’était déjà le cas pour les coûts de suppression, le montant de NVC ne peut être déterminé à l’avance (il s’agit d’une variable de résultat négativement influencée par le niveau des dépenses en pré-suppression). Ici encore, les rendements marginaux de ces dépenses sont supposés être décroissants (NVC est donc une fonction décroissante et convexe).

L’agrégation de NVC et C permet d’obtenir une fonction nommée C+NVC englobant donc les trois éléments du modèle. Le minimum de cette fonction en forme de U (figure 1.5) correspond au niveau optimal du budget alloué à la pré-suppression (Most Efficient Level -MEL- ou P* selon les auteurs).

Figure 1.5 : Représentation graphique du modèle C+NVC

Source : adapté de Mills & Bratten (1982 : 2)

Le modèle C+NVC représenté ci-dessus est en fait semblable à une Analyse Coûts-Bénéfices (ACB) traditionnelle où l’on comparerait pour chaque niveau de budget les coûts de pré-suppression et les bénéfices tirés de cette gestion (de telle sorte que si les deuxièmes dépassent les premiers, le programme devrait être logiquement appliqué). Dans le modèle C+NVC, cependant, ces bénéfices sont implicites et correspondent aux dommages nets évités (c'est-à-dire, à la valeur inverse de la somme des éléments S et NVC). Ainsi, par exemple, les bénéfices implicites engendrés par le niveau de budget optimal P* équivaudraient à la différence existante entre la valeur du dommage total net estimée pour ce niveau de budget (soit S*+NVC*), et celle estimée en l’absence totale de pré- suppression, c’est-à-dire lorsque P = 0 (ces deux cas de figure sont représentés par les points A et B respectivement dans la figure 1.6)

.

22 La reconnaissance des bienfaits que le feu peut entraîner sur la qualité de l’écosystème forestier (ouverture du milieu, régénération de certaines espèces…) a constitué une des grandes modifications introduites par le modèle C+NVC par rapport à l’ancien modèle LC+L.

Min (C+NVC) Euros

Niveau de budget alloué à la pré-suppression

C+NVC

P

NVC

S

Niveau optimal de budget (MEL ou P*) NVC* S* C h a p it re 1

Figure 1.6 : Bénéfices de la protection contre les incendies de forêt

Source : adapté de Rideout et al. (1999 : 219)

Logiquement, plus le budget dédié aux activités de pré-suppression augmente (déplacement vers la droite sur le graphique), et plus le bénéfice implicite associé aux activités de protection sera important (graphiquement, cela se traduit par la décroissance de la courbe de dommage net total). Cela dit, au fur et à mesure que P augmente, le bénéfice lié à une augmentation supplémentaire de ce budget de pré-suppression devient de moins en moins important (graphiquement, cela explique la convexité de la courbe de dommage net total). Théoriquement, il est donc possible de calculer une fonction de « bénéfices » (ou plus exactement, une fonction de dommages nets évités) exprimée en fonction du budget de pré-suppression (figure 1.7). Cela revient à calculer la distance entre A et B pour chaque valeur possible de P. Le résultat est une fonction croissante et concave (du fait des rendements marginaux décroissants de P)23. Le niveau de budget qui maximiserait la différence entre les bénéfices et les coûts de pré-suppression correspondrait au budget optimal P*. Pour ce niveau optimal P*, les bénéfices marginaux seraient bien sûr équivalents aux coûts marginaux.

Figure 1.7 : Logique de l’Analyse Coûts-Bénéfices (ACB) et C+NVC

Source : auteur

23 Le raisonnement est semblable à celui proposé par Rideout & Omi (1990). Euros

Budget alloué à la pré-suppression (P) Niveau optimal (MEL ou P*)

Bénéfices engendrés par la protection A B Dommage net total Euros P

Bénéfices liés aux activités de pré-suppression (Dommage total net évité) Coûts de pré-suppression

MEL ou P*