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Vivre avec le feu en région méditerranéenne : une approche participative multicritère et multi-scénarios appliquée au cas du massif des Maures (Var, France)

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Academic year: 2021

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Submitted on 2 Jan 2018

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Vivre avec le feu en région méditerranéenne : une

approche participative multicritère et multi-scénarios

appliquée au cas du massif des Maures (Var, France)

Albert Merino

To cite this version:

Albert Merino. Vivre avec le feu en région méditerranéenne : une approche participative multicritère et multi-scénarios appliquée au cas du massif des Maures (Var, France). Economies et finances. Université Paris-Saclay, 2015. Français. �NNT : 2015SACLV016�. �tel-01674179�

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NNT : 2015SACLV016

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ÉCOLE DOCTORALE SHS – Sciences de l’Homme et de la Société

Spécialité de doctorat : ECONOMIE

Par

Albert MERINO-SAUM

Vivre avec le feu en région méditerranéenne :

une approche participative multicritère et multi-scénarios appliquée au

cas du massif des Maures (Var, France)

Thèse présentée et soutenue à Rambouillet, le 26 novembre 2015 (1

er

dépôt : 24 juin 2015) :

Composition du Jury :

MARTIN O’CONNOR, Professeur en Sciences Economiques à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Université Paris-Saclay, France, Directeur de thèse.

JOAN MARTINEZ-ALIER, Professeur en Sciences Economiques à l’Université Autonome de Barcelone, Espagne, Rapporteur.

MARC MORMONT, Professeur en Sociologie à l’Université de Liège, Belgique, Rapporteur.

HENRY OLLAGNON, Professeur en Sciences Politiques à l’Institut des sciences et industries du vivant et de l'environnement (AgroParisTech), France, Président du Jury.

BEAT BURGENMEIER, Professeur en Sciences Economiques à l’Université de Genève, Suisse, Examinateur.

JEAN-MARC DOUGUET, Maître de Conférences en Sciences Economiques à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Université Paris-Saclay, France, Examinateur.

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Titre : Vivre avec le feu en région méditerranéenne : une approche participative multicritère et multi-scénarios appliquée au cas du massif des Maures (Var, France)

Mots clés : feux de forêt ; massif des Maures ; « Economie du feu » ; critère C+NVC ; gouvernance du risque ; scénarios environnementaux ; Approches Participatives MultiCritère (APMC) ; complexité ; incertitude ; ambiguïté ; incommensurabilité.

Résumé : Dans cette thèse, nous présentons une évaluation multicritère de plusieurs « scénarios de vie avec le feu » en forêt méditerranéenne. Le cas d’études concerne le massif des Maures (Var ; France), un territoire fortement soumis au risque « feux de forêt » et ayant connu d’importantes transformations socio-économiques au cours des dernières décennies. Cette étude cherche également à tester et comparer la pertinence de plusieurs cadres évaluatifs comme outils d’aide à la gouvernance du risque « feux de forêt ». La thèse est composée de trois parties principales clairement distinctes d’un point de vue aussi bien thématique que méthodologique.

La première partie de la thèse a pour objet l’« Economie du feu », autrement dit, l’ensemble de concepts et d’outils généralement proposés par la Science Economique pour l’analyse du risque « feux de forêt » (modèle C+NVC, « budget optimal de protection », etc.). Nous soulignons par rapport à ce premier cadre évaluatif jusqu’à trois sophismes fondamentaux qui démontrent son inadéquation par rapport à la complexité, l’incertitude, l’ambiguïté et l’incommensurabilité qui caractérisent le phénomène du feu. La thèse se focalise dans un deuxième temps sur la présentation d’une approche alternative au sein de laquelle plusieurs scénarios semi-qualitatifs sont évalués dans une logique participative et multicritère.

La deuxième partie de la thèse est ainsi consacrée à la présentation de l’approche des Scénarios Environnementaux, puis de chacune des étapes du processus prospectif mené sur le terrain avec la participation des acteurs locaux. Ce processus aboutit à quatre « avenirs du feu » dans les Maures : (i) l’AFFRONTEMENT technique ; (ii) la (RE)COLONISATION de la forêt ; (iii) la

DOMESTICATION du feu ; et (iv)

l’ADAPTATION collective.

Enfin, dans la troisième partie de la thèse, nous présentons les Approches Participatives MultiCritère (APMC), puis nous analysons le processus d’exploration réalisé sur le terrain par les acteurs locaux eux-mêmes à travers une plateforme heuristique inspirée de deux APMC communément employées dans la gestion de systèmes socio-écologiques et la gouvernance des risques, à savoir, la Multi-Criteria Mapping (cartographie multicritère) et l’Approche INTÉGRAAL. L’analyse des résultats obtenus à travers ce processus d’exploration permet d’établir plusieurs recommandations susceptibles d’améliorer les pratiques actuelles de gouvernance du risque et de décupler l’acceptabilité sociétale des mesures de gestion aujourd’hui en place.

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Title: Living with wildfires in the Mediterranean region: a Participatory Scenario and Multi-Criteria approach applied to the massif des Maures (Var, France)

Keywords: wildfires; massif des Maures; Fire Economics; C+NVC model; risk governance; Environmental Scenarios; Participatory Multi-Criteria Approaches; Complexity, Incertitude; Ambiguity; incommensurability. .

Abstract: This thesis aims to: (i) explore and evaluate several ways of living with fire in Mediterranean forests; (ii) appraise different evaluative frameworks for wildfire risk governance. The case study concerns the Massif des Maures (Var; France), a fire-prone territory

where structural socio-economic

transformations are coming about since 50 years now. The thesis consists of three main parts clearly distinguishable (thematically as well as methodologically).

First part focuses on “Fire Economics”, that is, the set of theoretical concepts and methodological tools commonly applied by economists for the study of wildfire risk (C+NVC model, “most efficient program level”, etc.). We highlight up to three fundamental sophisms in such an evaluative framework. We thus underline its inadequacy for dealing with the complexity, uncertainty, ambiguity and incommensurability of wildfires phenomenon. The focus of the thesis moves then to the presentation of an alternative approach in which several semi-qualitative and integrated Scenarios are explored through an inclusive Multi-Criteria reasoning.

Second part thus treats Environmental Scenarios, an approach which is first presented in a general way and whose application to our case study is then analysed in detail, from the very first interviews with local actors to the final scenarios generated with their participation. These scenarios are: (i) Technical Confrontation; (ii) Forest (re)Colonisation; (iii) Fire Domestication; and (iv) Collective Adaptation.

Third part deals with Participatory Multi-Criteria Approaches (PMCA). We first present and contextualise these evaluative frameworks as an example of Value-Articulating Institution (VAI). We then apply to our case study a hybrid PMCA inspired from two approaches frequently used in social-ecological systems management and risk governance: Multi-Criteria Mapping and INTÉGRAAL Approach. The thesis concludes with several recommendations that could improve social acceptability of current fire management strategies and more generally, enhance fire risk governance practices.

(5)
(6)

A ‘Tito’, ‘Kamuzo’, ‘Buje’ et à tous mes autres collègues de la brigade de

Sapeurs-Forestiers de Santo Domingo del Pirón (Ségovie, Espagne), campagnes d’incendies 2000 à 2004.

(7)

Remerciements

Mes remerciements vont tout d’abord à mon directeur de thèse, le professeur Martin O’CONNOR, pour son accompagnement humain et scientifique pendant ces années de recherches et pour la confiance qu’il a placée en moi, que ce soit vis-à-vis de mes travaux de recherche ou par rapport aux autres responsabilités que j’ai assumées sous son égide (enseignements universitaires, gestion de revue scientifique, etc.).

Je remercie aussi Jean-Marc DOUGUET et le professeur Beat BÜRGENMEIER pour l’intérêt qu’ils ont porté à mon travail, pour leurs commentaires précieux et pour leurs encouragements.

Je souhaite remercier aussi plusieurs chercheurs que j’ai croisés au fil de ces années et qui ont eu la gentillesse de m’aiguiller ponctuellement dans mes recherches. Je pense notamment au professeur Arild VATN, ainsi qu’à Andrew STIRLING, Sigrid STAGL et Thomas HENRICHS.

Je remercie aussi les professeurs Joan MARTÍNEZ-ALIER et Roger STRAND pour leurs encouragements au tout début de mon parcours, quand j’étais encore étudiant de Master à l’Université Autonome de Barcelone.

Je tiens également à remercier Clotilde D'EPENOUX et Marie-Françoise VANNIER, du Centre de Recherches REEDS, pour leur soutien logistique et surtout, pour leur disponibilité et leur gentillesse.

Mes remerciements s’adressent aussi à Philippe ROMAN et Pierre-Nicolas GRISEL, mes amis doctorants du centre REEDS, dont les commentaires et les relectures de certaines parties de ce travail de recherche ont été d’une valeur inestimable.

Une grande pensée va également à Renaud LAPEYRE, Melaine BRICET et Pascal TILLIE, collègues et amis de l’ancien laboratoire C3ED, avec qui j’ai partagé beaucoup de doutes et de si précieux moments.

Je tiens aussi à montrer toute ma gratitude à toutes les personnes qui ont participé à mon étude sur le terrain : merci infiniment pour leur accueil, leur disponibilité et leur enthousiasme. Je leur dois beaucoup. Je remercie particulièrement Antoine CATARD (du Conservatoire d’Espaces Naturels PACA), Etienne CABANNES (du Conseil Régional de la Propriété Forestière), Laurent BOUDINOT (du Conservatoire du Patrimoine du Freinet), Jean FALCOZ (du Syndicat des Propriétaires Forestiers du Var), Dominique GUICHETEAU (de l’ONF), ainsi que Patrice et Stéphane LECLERC (éleveurs-maraîchers à Sainte Maxime).

(8)

Table des matières

INTRODUCTION

1

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CHAPITRE 1

Genèse, cadre théorique et applications empiriques de

l’« Economie du feu » 9

CHAPITRE 2

Les trois sophismes de l’« Economie du feu » 67

CHAPITRE 3

Une estimation des dépenses de protection contre le feu

dans le massif des Maures 143

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CHAPITRE 4

L’approche des Scénarios Environnementaux 199

CHAPITRE 5

Une application de l’approche des Scenarios à la problématique du feu dans les Maures (1) : la construction des « scénarios préliminaires »

233

CHAPITRE 6

Une application de l’approche des Scenarios à la problématique du feu dans les Maures (2) : phases de consultation et de (re)formulation des scénarios

293

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CHAPITRE 7

Les Approches Participatives MultiCritère (APMC) 339

CHAPITRE 8

(re)Structuration du ‘problème’ du feu dans les Maures : analyse historique, identification des acteurs et

élucidation des enjeux

397

CHAPITRE 9

Exploration des « avenirs du feu » dans les Maures à

travers une APMC mixte et à deux niveaux 441

(9)

CHAPITRE 1 : Genèse, cadre théorique et applications

empiriques de l’« Economie du feu »

1.0 Introduction 11

1.1 Les origines : le modèle LC+L (Least Cost + Losses) 12

1.1.1 Contexte historique 12

1.1.2 L es trois composantes principales du modèle LC+L 14

1.1.2.1 Les coûts de « protection primaire » 14

1.1.2.2 Les coûts de suppression 14

1.1.2.3 Les dégâts provoqués par le feu 16

1.1.3 L es apports théoriques de Simard (1976) au modèle d’origine 19

1.2 Le modèle C+NVC : cadre théorique de référence 22

1.2.1 L es caractéristiques du modèle 23

1.2.1.1 Les coûts de pré-suppression 23

1.2.1.2 Les coûts de suppression 23

1.2.1.3 Le changement net de la valeur de la forêt 24

1.2.2 Quelques exemples d’application du modèle C+NVC dans la réalité 27

1.2.3 L es adaptations successives du modèle d’origine 28

1.2.3.1 L’introduction du risque dans le modèle C+NVC 28

1.2.3.2 La considération de plusieurs combinaisons de stratégies de protection 30 1.2.3.3 L’introduction de valeurs de non-usage à travers une Analyse Coûts-Efficacité 32 1.2.3.4 La transformation du modèle C+NVC en un exercice de maximisation de profits 34

1.2.3.5 La reformulation du modèle 36

1.2.4 Conclusion 38

1.3 Les économistes du feu à la recherche de valeurs monétaires… 39

1.3.1 L es évaluations monétaires de l’ensemble des « bénéfices » générés par les programmes de protection contre le feu

41

1.3.1.1 Les premières évaluations menées aux Etats-Unis 41

1.3.1.2 Les répliques en région méditerranéenne 43

1.3.2 L es évaluations monétaires de l’impact du feu sur la valeur récréative de la forêt 44

1.3.2.1 Les travaux pionniers des années 1980 44

1.3.2.2 Les évaluations focalisées sur une activité récréative en particulier 45 1.3.2.3 L’analyse de l’évolution temporelle de l’impact du feu sur la valeur récréative de la

forêt

45 1.3.3 L es évaluations des bénéfices générés par les réductions de la biomasse combustible 49 1.3.3.1 L’évaluation des bénéfices générés par plusieurs réductions du combustible 50

1.3.3.2 L’évaluation des bénéfices générés par les brûlages dirigés 54

1.3.4 L es évaluations monétaires dans l’Interface Forêt-Habitat (IFH) 57 1.3.4.1 Evaluations du CAP des habitants de l’IFH pour la mise en place de programmes de

protection contre le feu

57 1.3.4.2 L’analyse des facteurs explicatifs du CAP pour la réalisation de réductions du

combustible dans l’IFH

61 1.3.4.3 L’évaluation de l’impact du feu sur la valeur des biens immobiliers situés dans l’IFH 63

1.3.4.4 L’évaluation de l’impact du feu sur la santé 65

(10)

CHAPITRE 2 : Les trois sophismes de l’« Economie du feu »

2.0 Introduction 69

2.1 Les limites de l’assimilation de la gestion du feu à la théorie micro-économique du choix du producteur

71

2.1.1 Considérations générales 71

2.1.2 Manifestation du 1e r sophisme dans l’« Economie du feu » 72

2.1.3 La clause ‘ceteris paribus’ 75

2.1.4 La réversibilité des états 78

2.1.5 La séparabilité des attributs 79

2.1.6 Conclusion pour le 1e r sophisme 80

2.2 La monétarisation des impacts du feu 81

2.2.1 Mise en contexte 83

2.2.2 L es critiques internes 85

2.2.3 L es critiques socio-institutionnelles 86

2.2.3.1 L’influence de l’analyste (et du cadre théorique dont il s’inspire) dans la formation des préférences des individus vis-à-vis des enjeux exposés au feu

87 2.2.3.2 L’influence du contexte social et culturel dans la formation de ces préférences 98 2.2.3.3 L’essence forcément politique de l’exercice d’évaluation (rapports de pouvoir et

enjeux de distribution sous-jacents aux évaluations monétaires des enjeux exposés au feu)

104

2.2.4 L es critiques matérielles 114

2.2.4.1 Les limites du processus d’individualisation 115

2.2.4.2 Les limites du processus d’abstraction 119

2.2.5 L es critiques philosophiques 122

2.2.5.1 L’éthique conséquentialiste sous-jacente à l’« Economie du feu » 123 2.2.5.2 L’utilitarisme des préférences comme critère de définition du bien-être 126

2.3 La commensurabilité comme condition ‘sine qua non’ de rationalité 131

2.3.1 L’hypothèse de la commensurabilité « forte », à l’origine d’une comptabilité par l’absurde des propriétés de la forêt méditerranéenne

133

2.3.2 Une vision excessivement réductrice du problème du feu 136

2.3.3 L es implications de l’incommensurabilité de valeurs… 138

(11)

CHAPITRE 3 : Une estimation des dépenses de protection contre

le feu dans le massif des Maures

3.0 Introduction 145

3.1 Considérations générales 146

3.1.1 L es problèmes liés à l’estimation des dépenses de protection contre le feu 146

3.1.2 L es affectations territoriales retenues dans cet exercice 147

3.2 Les dépenses des acteurs opérant à l’échelle nationale ou européenne 152

3.2.1 Les dépenses ventilées par le Ministère chargé de l’Agriculture (MAAF) (y compris les aides de l’Union Européenne)

152 3.2.1.1 Subventions accordées par le MAAF et l’UE pour les actions de prévention 153 3.2.1.2 Financement par le MAAF des actions confiées à l’Office National des Forêts 157 3.2.1.3 Les subventions accordées aux départements pour le paiement des activités des

Forestiers-Sapeurs (FORSAP)

158 3.2.2 L es dépenses du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie 159 3.2.3 L es dépenses financées par l’Office National des Forêts (ONF) 160

3.2.4 L es dépenses du Ministère de l’Intérieur 161

3.2.4.1 Considérations générales 161

3.2.4.2 Les moyens aériens 163

3.2.4.3 Les moyens militaires de la Sécurité Civile 164

3.2.4.4 Subventions diverses du Ministère de l’Intérieur 164

3.2.4.5 Les structures de commandement 165

3.3 Les dépenses (nettes) des acteurs opérant à l’échelle régionale et départementale 165

3.3.1 L es dépenses du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur (CR PACA) 165

3.3.2 L es dépenses du Conseil Général du Var (CG 83) 166

3.3.2.1 Le débroussaillement aux abords des Routes Départementales (RD) 167 3.3.2.2 Les activités de protection réalisées par les Forestiers-Sapeurs (FORSAP) 170 3.3.2.3 Les travaux réalisés par les équipes du Génie Civil du Conseil Général 172

3.3.2.4 Les aides versées aux maîtres d’ouvrages des travaux DFCI 173

3.3.2.5 Le soutien au sylvopastoralisme DFCI 173

3.3.2.6 Subventions diverses pour la DFCI 175

3.3.3 L es dépenses du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS 83) 176

3.4 Les dépenses (nettes) des acteurs opérant à l’échelle locale 182

3.4.1 Dépenses liées aux travaux de débroussaillement et aux équipements DFCI 182

3.4.1.1 Les travaux subventionnés dans le cadre des PIDAF 182

3.4.1.2 Les travaux non subventionnables autofinancés par les communes 190

3.4.1.3 Les travaux financés par les particuliers 191

3.4.2 L es dépenses associées aux activités des Comités Communaux Feux de Forêt (CCFF) 191 3.4.2.1 La valeur du temps consacré par les bénévoles aux activités de surveillance 192

3.4.2.2 L’amortissement des véhicules 192

3.4.2.3 Les dépenses en carburant des patrouilles 193

3.4.2.4 La formation des bénévoles 193

3.4.2.5 L’achat de tenues et de radios 193

3.4.2.6 Estimations des dépenses totales annuelles nettes des CCFF 193

(12)

CHAPITRE 4 : L’approche des Scenarios Environnementaux

4.0 Introduction 201

4.1 L’approche des Scénarios 201

4.1.1 Evolution historique de l’approche des Scénarios 201

4.1.2 Vers une définition du concept de « scénarios » 206

4.1.3 L es éléments clés des scénarios 213

4.1.3.1 Une (ou des) représentation(s) de la situation initiale 213

4.1.3.2 Les facteurs d’évolution ou « forces motrices » (driving forces) 215

4.1.3.3 Une description des changements 216

4.1.3.4 Plusieurs images futures 216

4.1.3.5 Un titre distinctif 216

4.1.4 Pertinence des scénarios dans la gestion des systèmes socio-écologiques 217

4.2 Caractérisation des « avenirs du feu » dans les Maures 219

4.2.1 Vers une typologie globale des critères de caractérisation des scénarios 219

4.2.1.1 Les Méta-critères 220

4.2.1.2 Les critères situationnels 224

4.2.1.3 Les critères matériels 226

4.2.2 Proposition d’une « Carte d’identité » pour caractériser nos « scénarios de vie avec le feu »

230

(13)

CHAPITRE 5 : Une application de l’approche des Scenarios à la

problématique du feu dans les Maures (1):

la construction des « scénarios préliminaires »

5.0 Introduction 235

5.1. L’analyse institutionnelle (comme 1ère étape du processus de construction des scénarios) 236

5.1.1 Contextualisation de l’analyse institutionnelle 236

5.1.1.1 Les objectifs de l’analyse institutionnelle 236

5.1.1.2 La méthodologie utilisée 238

5.1.2 Répertoriage des principales critiques adressées par les acteurs à la gestion actuelle du phénomène

241

5.1.2.1. Une gestion « trop chère » 243

5.1.2.2 Une gestion « inefficace » 248

5.1.2.3 Des communes de plus en plus « dépendantes » vis-à-vis des bailleurs de fonds et des moyens techniques du SDIS.

253

5.1.2.4 Une gestion en vase clos 255

5.1.2.5 Une gestion axée sur la protection de l’habitat 256

5.1.2.6 Une gestion excessivement complexe d’un point de vue administratif 257

5.1.3 L es interprétation(s)du feu 259

5.1.3.1 L e feu « catastrophe » : mise en exergue du devoir de protection des Autorités Publiques

261

5.1.3.2 Le feu « dompté » : outil de gestion 262

5.1.3.3 Le feu « sauvage » : résultat de l’abandon de la forêt 263

5.1.3.4 Le feu : « simple » perturbation dans la trajectoire de l’écosystème forestier 264

5.1.4 Conclusion 265

5.2. L’identification des forces motrices clés (2ème étape dans la construction des scénarios) 266

5.2.0 Considérations générales concernant la 2ème étape du processus de construction 267

5.2.1 Inventaire des forces motrices 269

5.2.2 L’Identification des forces motrices clés 269

5.2.2.1 Les forces motrices indirectes 269

5.2.2.2 Les forces motrices directes 272

5.2.2.3 Deuxième niveau d’agrégation dans l’identification des forces motrices clés 273

5.2.3 L es évolutions possibles des forces motrices clés 276

5.2.3.1. Interprétations du feu 276

5.2.3.2. Fonctions environnementales dominantes 276

5.2.3.3 Positionnement face au risque 278

5.2.3.4 Echelles de gouvernance 281

5.2.4 Assemblage des évolutions possibles des forces motrices clés 282

5.3 Construction des scenarios préliminaires 284

5.3.0 Introduction 284

5.3.1 Présentation de la « méthode des deux axes » 285

5.3.1.1 Le raisonnement sous-jacent à la méthode 285

5.3.1.2 Une méthode interprétée (et utilisée) de diverses façons 288

5.3.2 La « méthode des deux axes » dans le cadre de notre recherche 290

(14)

CHAPITRE 6 : Une application de l’approche des Scenarios à la

problématique du feu dans les Maures (2):

phases de consultation et de (re)formulation des scénarios

6.0 Introduction 295

6.1. La phase de consultation des acteurs locaux 296

6.1.0 La deuxième série d’entretiens 297

6.1.1 L es critiques globales 298

6.1.1.1. Retours concernant la démarche dans son ensemble 298

6.1.1.2 Critiques et suggestions par rapport aux caractéristiques des scénarios 300

6.1.2 Modifications proposées au sein de chaque scénario 302

6.1.2.1 Identification des incohérences dans le contenu des scénarios préliminaires 302

6.1.2.2 Introduction de nouveaux éléments 305

6.1.2.3 Affinement des scénarios : dissociation progressive avec les quadrants initiaux 305

6.1.3 Explicitation des « passerelles » entre les scénarios 306

6.1.3.1 Les « Passerelles » thématiques 307

6.1.3.2 « Passerelles » chronologiques 310

6.1.4 Construction d’un « tableau de bord » 311

6.2 Les « avenirs du feu » dans les Maures 313

6.2.0 Eléments de caractérisation 313

6.2.0.1 « L’essentiel » 313

6.2.0.2 « L’interprétation du présent » 313

6.2.0.3 « L’avenir du feu dans les Maures » 313

6.2.0.4 « Les fonctions environnementales dominantes » 314

6.2.0.5 « Le scénario confronté aux actions » 314

6.2.0.6 Les diagrammes de causalités 314

6.2.1 L’affrontement technique 315

6.2.2 La (re)colonisation de la forêt 320

6.2.3 La domestication du feu 325

6.2.4 L’adaptation au feu 330

(15)

CHAPITRE 7 : Les Approches Participatives MultiCritère

7.0 Introduction 341

7.1 Les APMC, un exemple d’Institution Articulatrice de Valeurs (IAV) « hybride » 342 7.2 Les principales IAV appliquées à la gestion des systèmes socio-écologiques 343

7.2.1 L es évaluations monocritère 345

7.2.2 L es Analyses MultiCritère (AMC) 345

7.2.2.1 Considérations générales et évolution historique 345

7.2.2.2 Formalisation multicritère d’un problème de décision 346

7.2.2.3 La méthode de la somme pondérée 349

7.2.2.4 Les méthodes de surclassement (outranking methods) 350

7.2.2.5 Le Procédé d’Analyse Hiérarchique (Analytical Hierachy Process, AHP) 352

7.2.3 L es Approches Participatives 354

7.2.3.1 Justifications 354

7.2.3.2 Une multitude de procédures envisageables… 355

7.2.3.3 … et de conceptualisations alternatives 355

7.3 Les IAV « hybrides » 357

7.3.1 L’Evaluation Monétaire Délibérative (EMD) 357

7.3.2 La Théorie de l’Utilité Multi-Attribut (Multi-Attribute Utility Theory, MAUT) 358

7.3.3 L es Approches Participatives MultiCritère (APMC) 359

7.4 Présentation et analyse de quatre APMC communément appliquées à la gestion des systèmes socio-écologiques

360

7.4.0 Mise en contexte 360

7.4.1 La « Social Multi-Criteria Evaluation » (SMCE) 362

7.4.1.0 Présentation 363

7.4.1.1 L’identification des acteurs sociaux 363

7.4.1.3 L’identification des options et la définition des critères d’évaluation 363 7.4.1.2 L’explicitation des valeurs, des souhaits et des préférences des acteurs 364

7.4.1.4 La construction d’une « matrice d’impact multicritère » 365

7.4.1.5 La construction d’une « matrice d’équité » 366

7.4.1.6 L’application de procédures mathématiques d’agrégation et de hiérarchisation des options évaluées

367

7.4.2 La « Multi-Criteria Mapping » (MCM) 370

7.4.2.0 Présentation 370

7.4.2.1 L’identification des options ou des scénarios à évaluer 371

7.4.2.2 La définition des critères d’évaluation 372

7.4.2.3 L’attribution de notes aux différentes options 372

7.4.2.4 La pondération des critères d’évaluation 374

7.4.2.5 La révision des résultats et leur interprétation globale 376

7.4.3 L e « 3-Stage Participation Model » (3-SPM) 377

7.4.3.0 Présentation 377

7.4.3.1 L’identification et la sélection des critères d’évaluation 378

7.4.3.2 L’identification des options et l’estimation de leurs impacts respectifs 379 7.4.3.3 L’évaluation des options et la pondération des critères d’évaluation 380

7.4.4 L’Approche INTÉGRAAL 383 7.4.4.0 Présentation 383 7.4.4.1 L’identification du problème 387 7.4.4.2 La structuration du problème 387 7.4.4.3 La représentation du système 388 7.4.4.4 L’évaluation 389

7.4.4.5 La communication des résultats 392

7.4.5 L eçons tirées de notre analyse comparative 392

(16)

CHAPITRE 8 : (re)Structuration du « problème » du feu dans le

massif des Maures : analyse historique, identification des acteurs

et détermination des enjeux

8.0 Introduction 399

8.1 Evolution historique de la problématique 399

8.1.1 La forêt « exploitée » (début du XVIIIe siècle - dernier quart du XIXe siècle) 400 8.1.2 La forêt « abandonnée » (années 1870 - moitié du XXe siècle) 401

8.1.3 « L es forêts multiples » (depuis la moitié du XXe) 402

8.1.4 Evolution des surfaces brûlées 404

8.2 Identification et présentation des acteurs du feu 406

8.2.1 L es agriculteurs en forêt 406

8.2.2 L es associations de protection de la nature 410

8.2.3 L es ‘chargés’ de PIDAF (maîtres d’ouvrages) 412

8.2.4 L e Conseil Général du Var (CG 83) 414

8.2.5 L es habitants en forêt 416

8.2.6 L es municipalités (Elus, CCFF, etc.) 419

8.2.7 L es propriétaires forestiers et les organismes de la Forêt Privée 421

8.2.8 L es services de l’Etat (DDTM, ONF, etc.) 425

8.2.9 L es sapeurs-pompiers (SDIS 83) 426

8.2.10 Conclusion 428

8.3 Elucidation des enjeux (ou critères d’évaluation) 430

8.3.0 Cadre d’analyse 430

8.3.1 La viabilité financière 433

8.3.2 La protection des personnes, des biens et des activités économiques 434

8.3.3 La confiance mutuelle et le niveau de participation 435

8.3.4 L es revenus générés par la forêt 436

8.3.5 L’identité locale 437

8.3.6 La qualité de l’écosystème 438

(17)

CHAPITRE 9 : Exploration des « avenirs du feu » dans les Maures

à travers une APMC mixte et à deux niveaux

9.0 Introduction 443

9.1 Contextualisation de la phase d’exploration des scénarios 444

9.2 Une exploration mixte et à deux niveaux 447

9.2.0 Considérations générales 447

9.2.1 L’analyse des résultats obtenus au 1er niveau d’exploration (à travers les critères) 450 9.2.1.1 Construction des « barres d’évaluation » pour chaque scénario 451 9.2.1.2 Analyse de l’intensité des préférences selon chaque critère d’évaluation et selon le

type de vision adoptée

452 9.2.1.3 Analyse de la « distribution de l’incertitude » entre les scénarios et entre les critères

d’évaluation

454 9.2.1.4 Analyse de l’importance relative attribuée à chaque critère d’évaluation et

construction deS classements globaux (tous critères confondus)

455 9.2.2 L’analyse des résultats obtenus au 2ème niveau d’exploration (à travers les indicateurs) 456 9.2.2.1 Analyse de la fréquence d’utilisation des indicateurs (toutes catégories d’acteurs

confondues)

457 9.2.2.2 Analyse de l’« importance relative » des indicateurs (toutes catégories d’acteurs

confondues)

458 9.2.2.3 Analyse (par catégories d’acteurs par critères d’évaluation) du choix des indicateurs

et de leurs pondérations

459 9.2.2.4 Analyse des jugements émis par les participants à travers les indicateurs 460

9.3 Présentation, catégorie par catégorie, des résultats obtenus au 1er niveau d’exploration (à travers les critères d’évaluation)

464

9.3.1 L es agriculteurs en forêt 464

9.3.2 L es associations de protection de la nature 468

9.3.3 L es chargés de PIDAF 472

9.3.4 L e Conseil Général du Var 476

9.3.5 L es habitants en forêt 480

9.3.6 L es municipalités 484

9.3.7 L es propriétaires forestiers 488

9.3.8 L es services de l’Etat 492

9.3.9 Mise en commun des résultats et analyse globale au 1er niveau d’exploration 495

9.3.9.1 Jugements globaux (tous critères confondus) 495

9.3.9.2 Poids attribués aux critères d’évaluation 498

9.3.9.3 Jugements désagrégés par critère d’évaluation 499

9.4 Présentation, enjeu par enjeu, des résultats obtenus au 2ème niveau d’exploration (à travers les indicateurs)

505

9.4.1 La viabilité financière 505

9.4.2 La protection des biens et des personnes 511

9.4.3 La confiance mutuelle et le niveau de participation 516

9.4.4 L es revenus générés par la forêt 520

9.4.5 L’identité locale 525

9.4.6 La qualité de l’écosystème 529

9.4.7 Mise en commun des résultats et analyse globale au 2ème niveau d’exploration 534

9.4.7.1 Présentation et analyse des résultats par scénario 534

9.4.7.2 Comparaison des résultats obtenus au 1er et au 2ème niveau d’exploration 537 9.4.7.3 Reconsidération des ententes possibles entre les catégories d’acteurs 539

(18)

Références bibliographiques 549

Liste des figures 570

Liste des tableaux 576

Liste des encadrés 578

Liste des cartes 580

Liste des photos 580

Liste des acronymes 581

(19)
(20)

INTRODUCTION

Mise en contexte

Depuis toujours, le feu a régulièrement parcouru la forêt méditerranéenne et a largement façonné son paysage. Même lorsque la forêt était moins dense et moins étendue qu'elle ne l’est aujourd’hui, même lorsqu’elle était exploitée et surveillée par une population qui dépendait économiquement d'elle, même lorsque la pression foncière et la fréquentation touristique étaient marginales, la « colline » a pris feu. Cependant, si le feu a toujours existé dans ce milieu, ses caractéristiques ont profondément changé au fil des années. Non seulement le régime du feu s'est transformé mais en plus, sa signification et son imbrication au sein du système socio-économique local ont clairement évolué.

Tout d’abord, le risque « feux de forêt » est devenu de plus en plus binaire : certains experts parlent d’ailleurs aujourd'hui d'une « nouvelle génération d'incendies de forêt » (Castellnou et al. 2005), parmi lesquels une grande partie est contrôlée par la société humaine tant que leur taille reste petite ou moyenne (dans le Var, plus de 80% des feux déclarés sont contrôlés avant que leur surface ne dépasse 1 hectare ; (DDAF 2008 : 12)), mais aussi avec quelques très grands incendies, très difficilement maîtrisables -voire complètement immaîtrisables- et affectant très souvent des zones semi-urbaines. Cette binarisation progressive du feu se concrétise dans le cas français par des périodes d’accalmie jusque-là jamais vues (1991-2002 ou 2004-2014) et par la survenance d’années « exceptionnelles », avec un ou plusieurs feux catastrophes dont l’impact est particulièrement lourd, aussi bien en termes de vies humaines que d'un point de vue économique, social ou environnemental.

A l'origine de cette transformation nous retrouvons une pluralité de facteurs multidimensionnels et pluriscalaires dont l’impact respectif sur le phénomène du feu et l’issue concrète de leur concaténation sont difficiles, voire impossibles, à déterminer : la déprise agricole a par exemple entraîné l'extension de la forêt (et donc du bassin à risque) à travers l'enfrichement progressif des champs autrefois labourés ; la sous-exploitation sylvicole a, elle, provoqué un accroissement de la continuité végétale et donc, de la probabilité de propagation du feu ; le réchauffement climatique a, lui, augmenté la fréquence d’épisodes caniculaires ; le phénomène du mitage et la transformation des attentes vis-à-vis de la forêt ont accru l’aléa induit (le milieu forestier étant passée de lieu de travail fréquenté et surveillé à simple paysage, cadre de vie ou terrain de jeu en déshérence partielle); l’implémentation d’une stratégie de suppression systématique du feu, ainsi que et la multiplication du nombre et de l’efficacité des moyens de lutte ont, elles, réduit la fréquence de feux de taille moyenne, mais ont favorisé par la même occasion la probabilité de survenance de Grands Incendies de Forêt (GIF) ; etc.

D’autre part, le feu est aussi devenu progressivement ambigu et fait désormais l’objet de perceptions de plus en plus disparates : alors que du côté des scientifiques (notamment des biologistes et des écologues) la vision du feu comme facteur de régénération de la forêt ou comme perturbation ponctuelle dans la trajectoire de l’écosystème forestier semble aujourd’hui largement partagée ; du côté de la population locale, le feu est majoritairement vécu comme une catastrophe naturelle mettant en exergue l'échec du devoir de gestion des autorités publiques. Par ailleurs, le foisonnement des

(21)

valeurs attachées aux massifs forestiers méditerranéens et la transformation des attentes vis-à-vis des gestionnaires du risque (allant désormais au-delà de la simple minimisation des surfaces brûlées ou du nombre d’habitations endommagées) ont conduit dans bon nombre de territoires à une exacerbation des conflits et à une méfiance croissante entre les acteurs du feu.

Dans ce contexte fondamentalement complexe, incertain et ambigu, la recherche collective d’un mode de vie soutenable avec le feu semble donc aujourd’hui plus pertinente que jamais.

Conception du risque proposée dans ce travail de recherche

A l’instar de bien d’autres risques naturels, les conceptions théoriques et opérationnelles dominantes du risque « feux de forêt » assimilent ce dernier au croisement de l’aléa (probabilité d’apparition du phénomène) et de la vulnérabilité (valeur des dommages potentiels).

Le premier de ces deux concepts, généralement défini comme la « probabilité qu’un phénomène naturel d’intensité donnée se produise en un lieu donné » repose à son tour sur deux composantes fondamentales : l’occurrence et l’intensité.

Dans le cas des feux de forêt, la combinaison de ces composantes peut par ailleurs se concrétiser en deux approches différentes, selon que l’on considère l’aléa « induit » (généré par une activité humaine sur son voisinage, cet aléa est souvent assimilé à la composante technologique du risque « feux de forêt ») ou l’aléa « subi » (aléa auquel sont exposés les enjeux ; élément souvent comparé à la composante naturelle du risque « feux de forêt ») (Jappiot et al. 2002 ; Peyre 2004 ; etc.). Dans la plupart des documents de gestion, l’aléa « induit » correspond donc au croisement de la probabilité d’éclosion et de la surface menacée, tandis que l’aléa « subi » est, lui, assimilé à la combinaison de la probabilité d’incendie et de l’intensité physique de l’incendie (voir tableau 0.1).

Tableau 0.1 : Croisement de l’intensité et de l’occurrence dans la conception de l’aléa « feux de forêt »

Aléa « subi » Aléa « induit »

O cc u rr e n ce probabilité d’incendie

Il s’agit de la probabilité qu’un feu se propage en un lieu donné. Cette probabilité combine le plus souvent la probabilité d’éclosion et un modèle de propagation intégrant plusieurs variables (combustibilité de la végétation, biomasse, pente du terrain, position dans le versant, exposition au soleil, exposition au vent dominant, etc.). Elle permet la construction de la « carte des surfaces potentiellement brûlées ».

probabilité d’éclosion

Elle exprime la probabilité de départ de feu en un lieu donné. Elle est fonction de la présence d’activités humaines de type « poudrières », de la sensibilité climatique (celle-ci considère la pluviométrie, les températures, etc.), et de l’inflammabilité de la végétation. Elle peut aussi être évaluée statistiquement à partir de données historiques disponibles. Elle est à l’origine de la « carte de mises à feu potentielles ».

In te n si intensité de l’incendie

Elle correspond à la puissance du front de flammes. Elle est généralement calculée à travers le croisement de trois facteurs (formule de Byram) : (i) le pouvoir calorifique ; (ii) la biomasse combustible ; et (ii) la vitesse de propagation.

surface menacée

Il s’agit de la quantité de surface menacée à partir d’un point d’éclosion potentiel.

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Comme on peut le constater, l’aléa « feux de forêt » est donc appréhendé de manière principalement numérique (hectares, kW/m, etc.) et paramétrable, et ce, dans le but de produire un ensemble de modèles, de cartes et de mesures très fortement demandées par les décideurs et les gestionnaires du risque (Gilbert 2009 : 27).

De son côté, la vulnérabilité est communément assimilée « aux conséquences prévisibles d’un phénomène naturel d’intensité donnée sur un ensemble d’enjeux ». Ainsi conçue, la vulnérabilité au feu est donc fonction de deux facteurs : (i) les enjeux et (ii) les parades de prévention et/ou de lutte mises en place pour limiter l’impact de l’aléa. Les enjeux considérés vis-à-vis du risque « feux de forêt » englobent généralement les personnes, les biens, les activités et les éléments du patrimoine culturel ou environnemental susceptibles d'être affectés ou endommagés par le feu. Le guide méthodologique des PPRif (Plans de Prévention du Risque « incendies de forêt ») structure par exemple ces enjeux en trois catégories principales : (i) les enjeux urbanisés (zones d’activité, zones d’habitat dense et diffus, zones industrielles et zones commerciales) ; (ii) les enjeux non urbanisés (zones agricoles, espaces naturels à vocation touristique ou de loisirs, forêts de production, espaces sensibles, etc.) ; et enfin, (iii) les infrastructures (routes, lignes électriques, voies de chemin de fer, gazoducs, etc.).

Ainsi donc, lorsque l’aléa considéré est l’aléa « subi », les enjeux sont assimilés à des cibles potentielles et ne sont conçus que par rapport à l’aléa en question. Cette conception des enjeux comme des objets « passifs » (car assujettis à l’aléa selon un certain degré d’exposition), correspond à la vision traditionnellement retenue dans l’analyse des risques naturels, dont la logique sous-jacente est une relation de cause à effet entre un aléa exogène à la société humaine et les pertes que celle-ci subie ou risque de subir (Gilbert 2003 ; Pigeon 2005 ; D’Ercole & Metzger 2005 ; Gaillard 2006 ; Léoné & Vinet 2007 ; etc.).

Dans le cas des feux de forêt, cette critique peut être nuancée du fait de la considération de l’aléa « induit » qui, comme nous l’avons vu, considère aussi les enjeux comme facteurs d’aggravation de l’aléa. Cela étant dit, même dans ce cas de figure, l’appréhension qui est faite des enjeux dans la plupart des documents de gestion se limite généralement à un simple répertoriage et se concrétise factuellement en un catalogue de poudrières potentielles et, éventuellement, en une représentation cartographique indiquant plusieurs niveaux d’aléa (ces mesures sont le plus souvent calculées à partir des bases de données concernant les causes d’incendie d’origine humaine). Autrement dit, le concept d’aléa « induit » permet certes de dépasser la relation unidirectionnelle traditionnellement établie entre l’aléa et les enjeux, mais n’attribue pas pour autant une vraie autonomie conceptuelle à ces derniers. D’ailleurs, le plus souvent, ces enjeux ne sont intégrés dans l’analyse du risque qu’à travers une expression probabilistique propre au cadre des sciences de l’ingénieur et aux sciences de la terre (les aspects sociaux, politiques et économiques étant, eux, le plus souvent ignorés).

Dans cette thèse, nous proposons donc d’insérer le risque « feux de forêt » dans une perspective plus large en l’imbriquant explicitement à la façon dont la société locale transforme son environnement (en l’occurrence la forêt méditerranéenne) pour « mieux » répondre à ses besoins et « améliorer » ses conditions de vie. Nous proposons donc une réflexion sur la problématique du feu au sein de laquelle l’« endogène » prend le dessus sur l’« exogène », et où le feu n’est plus considéré comme un aléa par rapport auquel il s’agit d’identifier les meilleures parades possibles, mais plutôt comme un élément intégrant un système économique, politique, social et naturel dont les composantes co-évoluent de façon plus ou moins conflictuelle. Ce nouveau prisme implique un double renversement par rapport à

(23)

la vision prévalante du risque « feux de forêt » : (i) elle se base sur une logique « enjeu-centrée » (les enjeux étant volontairement et explicitement mis au premier plan dans notre démarche évaluative) ; (ii) elle attribue par ailleurs à ces enjeux un caractère autonome et dynamique qui dépasse largement le seul problème du feu. Dans cette logique, la vulnérabilité au feu n’est plus associée à un ensemble d’enjeux inertes, mais plutôt à l’(in)capacité d’une communauté d'assurer la survie du système dans lequel elle se déploie à travers la satisfaction de divers impératifs enchevêtrés, voire mutuellement exclusifs, et traversant le phénomène du feu aussi bien en amont qu'en aval de celui-ci.

Présentation du cas d’étude

L’étude de cas sur lequel se base cette thèse concerne le massif des Maures1,2 (Var, France) (voir carte 0.1 ci-dessous). Il s’agit d’un territoire assez vaste (160 000 hectares3) concernant une trentaine de communes et environ 215 000 habitants. Le massif, fortement boisé (110 000 hectares, soit environ deux tiers du territoire4), est régulièrement parcouru par les flammes (voir carte 0.2, page suivante).

Carte 0.1 : Localisation du Massif des Maures

Source : auteur

1 Les Maures tirent leur nom du provençal « Leï Mauro », littéralement « la montagne noire », qui désigne les forêts sombres qui le boisent. Le Massif des Maures reste le plus important espace forestier du département du Var. Sur les versants nord (ubacs), les forêts de chênes lièges et de châtaigniers sont largement prédominantes. Les versants sud (adrets) sont, eux, majoritairement occupés par les pinèdes (pins parasols et pins d’Alep) et par le maquis (bruyères, arbousiers, genêts, etc.).

2 Plus précisément, dans ce travail de recherche, nous avons retenu comme territoire d’étude le périmètre de la Charte Forestière de Territoire des Maures, comprenant le massif des Maures stricto sensu, la dépression permienne (zone de vallée intégrant la plaine des Maures) et les îles d’Hyères.

3 Source : Charte Forestière de Territoire des Maures.

(24)

Plusieurs raisons justifient le choix de ce cas d’étude :

(i) il s’agit d’un territoire très bien délimité géographiquement : au sud, par le littoral ; au nord, par la dépression permienne et l’autoroute A8 ; à l’ouest, par l’agglomération de Hyères ; à l’est, par celle de Fréjus. Le territoire est par ailleurs très homogène d’un point de vue paysager et suscite un sentiment identitaire assez marqué. Certains auteurs attribuent d’ailleurs aux Maures un caractère quasiment insulaire ;

(ii) les Maures ont connu régulièrement au cours de ces dernières décennies plusieurs très grands feux. En 2003, par exemple, les feux de Vidauban 1 et 2 ont parcouru à eux seuls 6 744 ha et 5 646 ha respectivement, causant 4 victimes mortelles et endommageant ou détruisant 51 habitations, 39 autres bâtiments et 1 camping (Perchat & Rigolot 2005 : 42). Le massif est associé au feu dans l’esprit collectif des Français ;

Carte 0.2 : Surfaces parcourues par le feu dans le Var au cours des 50 dernières années

Source : PDPFCI (annexes)

(iii) les transformations socio-économiques qui y ont eu lieu au cours du XXe siècle sont semblables à celles que l’on peut observer dans beaucoup d’autres massifs méditerranéens, mais elles ont été dans le cas des Maures particulièrement brusques et profondes : effondrement de l’exploitation du pin maritime suite à la colonisation du massif par la cochenille Matsucoccus feytaudi ; vulnérabilité extrême de la filière liège locale face à la concurrence internationale et l’utilisation croissante de bouchons synthétiques dans le secteur viticole ; progression particulièrement rapide et intense du processus de balnéarisation du territoire ; etc. ;

(iv) les Maures constituent certainement l’un des massifs français les mieux dotés en termes d’aménagement préventif du terrain et de moyens de lutte. Ils constituent en quelque sorte une référence en la matière et suscitent une littérature scientifique abondante ;

(v) le territoire a une importance symbolique irréfutable par rapport à notre problématique : grands incendies de forêt récurrents ; présence d’espèces faunistiques emblématiques (la tortue d’Hermann, ou « tortue des Maures », constitue par exemple l’unique tortue terrestre de France métropolitaine) ; stations balnéaires de renommée internationale (notamment Saint Tropez) ; innombrables activités forestières traditionnelles tombées en désuétude, etc.

(25)

Plan de la thèse

La thèse est structurée en trois grandes parties nettement différenciées d’un point de vue aussi bien thématique que méthodologique. Leur enchaînement illustre l’avancement chronologique de notre recherche et peut donc être lu comme une sorte de « parcours initiatique » :

En tant qu’économistes, nous avons d’abord étudié la façon dont la Science Economique traite le problème du feu, les postulats sur lesquels elle se base, les méthodes qu’elle propose et le type de réponses qu’elle fournit. Le chapitre 1 présente en détail la genèse de cette « Economie du feu » dont les origines remontent à il y a environ un siècle, son cadre théorique, ses applications et les efforts réalisés par les économistes du feu pour donner un contenu matériel et concret à leur modèle de base. Le chapitre 2 expose trois sophismes sous-jacents à l’« Economie du feu », à savoir : (i) l’assimilation du ‘problème’ du feu à la théorie micro-économique du choix du producteur ; (ii) la monétarisation systématique des impacts du feu ; et (iii) la considération de la « comparabilité forte » comme condition sine qua non de rationalité. Le chapitre 3 (premier chapitre à caractère empirique) est consacré à l’estimation des dépenses de protection contre le feu dans notre territoire d’études.

Etant donné les limites intrinsèques de l’« Economie du feu », le focus de ce travail de recherche est placé dans un deuxième temps sur des approches plus hétérodoxes. La deuxième partie de la thèse est ainsi consacrée à la présentation de l’approche des Scénarios Environnementaux, de sa pertinence par rapport à notre problématique et de son application concrète à notre étude de cas. Le chapitre 4 (principalement théorique) met en avant les particularités de cette approche essentiellement plurivoque et propose une typologie générique de scénarios basée sur une quinzaine de critères aussi bien conceptuels, que matériels ou situationnels. Les deux autres chapitres de cette deuxième partie sont de nature empirique. Le chapitre 5 présente les premières étapes du processus de création de plusieurs « scénarios de vie avec le feu » dans les Maures. Les étapes en question sont : (i) la réalisation d’une analyse institutionnelle ; (ii) l’identification des « forces motrices » ; et (iii) l’application de la méthode « des deux axes » (ces étapes aboutissent à la création de quatre scénarios préliminaires). Le chapitre 6 présente les étapes suivantes dans ce processus prospectif : (iv) la phase de consultation des acteurs ; et (v) l’élaboration de la version finale des scénarios.

La troisième et dernière partie de ce travail présente l’exploration à travers une Approche Participative MultiCritère (APMC) des quatre « avenirs du feu » auxquels aboutit le processus décrit dans la partie précédente. Le chapitre 7 (de nature théorique) présente l’évolution et les caractéristiques des APMC et propose une analyse comparative de quatre APMC communément appliquées à la gestion des systèmes socio-écologiques et à la gouvernance du risque. Les deux autres chapitres de cette troisième partie sont de nature empirique. Le chapitre 8 propose une (re)structuration de la problématique du feu dans notre territoire d’études selon une logique multicritère. Enfin, le chapitre 9 présente en détail l’exploration des scénarios par les acteurs locaux à travers une APMC « hybride » créée pour l’occasion et inspirée de deux des APMC étudiées dans le chapitre précédent, à savoir, la Multi-Criteria Mapping (Stirling 1997 ; Stirling & Mayer 1999 ; etc. ) et l’Approche INTEGRAAL (O’Connor 2006b ; O’Connor et al. 2010 , etc.).

(26)

PREMIERE PARTIE

L’Economie du feu :

fondements théoriques, limites intrinsèques et pertinence

réelle de l’analyse économique des incendies de forêt…

…Une boule de cristal derrière le critère d’efficience sociale ?

Euros

S

Min (C+NVC)

Niveau de budget alloué à la pré-suppression

C+NVC

P

NVC

Niveau optimal de budget (MEL ou P*)

NVC* S*

(27)

Dans cette PREMIERE PARTIE, composée des chapitres 1 à 3, nous étudierons en détail la pertinence de l’analyse économique de la problématique du feu. Comme on le verra, l’économiste répond à notre question initiale (« comment vivre avec le feu ? ») à travers l’utilisation de concepts tels que le « budget optimal de protection » ; « la minimisation de la fonction de coûts nets de protection » ou « l’efficience sociale des activités de protection ». Comme on le verra aussi, selon la logique économique, la forêt et les enjeux qui y sont présents ne méritent être ‘protégés’ que dans la mesure où la valeur que la société leur attribue est supérieure ou égale au coût de leur protection. En dessous de ce seuil, en effet, le coût d’opportunité associé aux activités de protection devient trop important et rend alors la protection injustifiée ou irrationnelle (chapitre 1). A travers ce genre de raisonnement, l’« Economie du feu » fournit donc aux décideurs un critère concret et directement applicable dans la gestion du phénomène (tout au moins d’un point de vue théorique).

Comme on aura l’occasion de le souligner, l’application d’une telle logique à la problématique du feu se base cependant sur des postulats contestables et peut conduire à des choix regrettables aussi bien d’un point de vue écologique, que social ou politique (chapitre 2).

Compte tenu des limites inhérentes à cette approche, nous ne proposerons son application vis-à-vis du « problème » du feu que de façon partielle, en nous focalisant sur l’offre de protection et en limitant la considération d’unités monétaires à la « simple » estimation des dépenses de protection sur notre territoire d’étude (chapitre 3).

Dans un deuxième temps, nous élargirons donc le prisme d’analyse à travers la création (aux côtés des acteurs) de plusieurs scénarios de vie avec le feu (DEUXIEME PARTIE), puis à travers l’exploration de ces derniers dans le cadre d’une Analyse Participative MultiCritère (APMC) (TROISIEME PARTIE).

(28)

CHAPITRE 1

GENESE, CADRE THEORIQUE ET

APPLICATIONS EMPIRIQUES DE

L’« ECONOMIE DU FEU »

C h a p it re 1

(29)
(30)

1.0 Introduction

Comment la théorie économique analyse-t-elle la problématique des feux de forêt ? Quels concepts et quels raisonnements mobilise-t-elle ? Quels outils et quelles méthodes propose-t-elle d’employer ? Quelles réponses fournit-elle ? Bref, qu’est-ce que l’« Economie du feu »1 et que peut-elle nous apporter dans notre recherche ? Tpeut-elles sont les questions auxqupeut-elles nous tenterons de répondre dans ce premier chapitre.

Pour y arriver, pour mieux connaître et mieux comprendre l’essence de l’Economie du feu (et donc sa pertinence réelle par rapport à notre problématique), nous procéderons de manière chronologique, depuis les années 1920 jusqu’à nos jours. Nous prêterons une attention particulière à l’évolution du contexte social, économique et scientifique dans lequel se développe l’Economie du feu, ainsi qu’à celle de sa légitimité institutionnelle, des centres d’intérêt majoritairement traités et des techniques utilisées.

Nous analyserons tout d’abord les origines de l’Economie du feu, qui remontent à il y a environ un siècle. Nous présenterons plus concrètement le modèle pionnier de Sparhawk (1925), le dénommé LC+L (Least Cost + Losses), qui constitue la première formalisation du problème du feu selon les standards théoriques majoritaires en Economie. Ce modèle, ignoré pendant plusieurs décennies et par les décideurs politiques et par les gestionnaires du risque, inspire cependant la plupart des travaux publiés ces dernières années dans ce domaine (section 1.1).

Nous nous centrerons ensuite sur le modèle C+NVC (Cost plus Net Value Change) (Mills & Bratten 1982), une adaptation du travail initial de Sparhawk, devenue aujourd’hui le cadre théorique principal de l’Economie du feu et la référence incontournable dans la matière. Comme on le verra, ce modèle de base globalement reconnu suscite néanmoins des critiques diverses qui vont du simple amendement à sa reformulation complète (section 1.2).

Enfin, dans un troisième temps, nous nous pencherons sur les travaux plus récents des économistes du feu. Comme on aura l’occasion de voir, les efforts de ces derniers se centrent désormais sur la recherche d’un contenu concret (numérique) et adapté (monétaire) au cadre d’analyse déjà évoqué. Dans cette troisième section, nous analyserons donc les différentes tentatives menées par les économistes du feu pour estimer des valeurs monétaires associables aux différents enjeux exposés au feu (intérêt récréatif de la forêt, qualité de l’écosystème, paysage, etc.) (section 1.3).

La conclusion du chapitre nous permettra de revenir sur les caractéristiques principales de l’Economie du feu et de faire la transition avec le chapitre 2, portant sur les limites de cette approche.

1 L’économie du feu englobe l’ensemble des travaux que les économistes ont proposé sur la problématique des feux de forêt. Ces auteurs partagent non seulement une thématique commune (le feu), mais aussi un même cadre théorique, à savoir l’Economie Environnementale, dont ils s’inspirent plus ou moins fortement pour créer leur propre cadre d’analyse et leurs propres outils d’évaluation. Plus concrètement, et d’un point de vue strictement « fonctionnel » (dans le sens de Polanyi), l’Economie du feu cherche à déterminer : (i) la fraction optimale du montant total de ressources disponibles devant être allouée à la gestion du feu ; et (ii) la distribution de cette fraction entre les différentes activités de prévention et de lutte (Gorte & Gorte 1979 : 1).

C h a p it re 1

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1.1 Les origines : le modèle LC+L (Least Cost + Losses)

Dans cette première section, nous présenterons tout d’abord le contexte historique et géographique particulier dans lequel naît l’Economie du feu (sous-section 1.1.1). Nous présenterons ensuite les trois composantes principales du modèle LC+L et la façon dont elles sont reliées (sous-section 1.1.2). Enfin, nous exposerons les différents compléments apportés par Simard (1976) au modèle d’origine (sous-section 1.1.3).

1.1.1 Contexte historique

L’idée d’un niveau optimal de protection face aux incendies de forêt est tout d’abord évoquée par Headly (1916), puis formalisée quelques années plus tard par Sparhawk (1925). Il y a donc quasiment un siècle, ces auteurs soulignaient déjà l’existence d’un seuil de dépenses au-delà duquel il n’est plus rationnel -d’un point de vue économique- d’investir davantage d’argent dans la prévention et/ou dans la limitation de l’impact du feu sur les différents enjeux exposés (bois commercialisable, paysage, biodiversité, intérêt récréatif, etc.). Ayant pour corolaire logique l’existence d’un niveau de « dommage optimal »2, un tel argument peut paraître choquant aux non-économistes, mais constitue en fait un élément caractéristique de l’approche marchande vis-à-vis des problèmes environnementaux (Jacobs [1991] 1997 : 132 ; Faucheux & Noël 1995 : 179 ; Gowdy & O’Hara 1995 : 153 ; Spash 1997a : 177 ; Martínez-Alier & Roca [2000] 2001 : 118 ; Söderbaum 2000 : 10 ; Vatn 2002 : 152 ; etc.)3.

L’application de l’idée d’optimalité dans le domaine des incendies de forêts est donc très ancienne. Dans le cas d’Headly (1916), elle précède même les travaux de Pigou (1920) sur le concept des « externalités », qui influence largement l’Economie Environnementale tout au long du XXe siècle. Des parallélismes existent pourtant entre ces auteurs (Headly cherche en effet à internaliser dans le calcul d’un niveau optimal de protection la valeur monétaire des dommages évités par les activités de prévention et de lutte4.

Comme on le verra par la suite, l’application du concept d’optimalité à la gestion du feu est surtout assimilable au problème du choix d’un producteur (en l’occurrence, d’un « producteur de protection ») cherchant à maximiser son profit à travers la comparaison de ses recettes marginales (dommages évités à la marge) et de ses coûts marginaux (dépenses de protection à la marge) (Simard 1976 : 7 ; Bellinger et al. 1983 : 373). Ce chapitre mettra en évidence les nombreux parallélismes entre les différents modèles de l’Economie du feu et la théorie microéconomique de la production (la

2 Autrement dit, le budget de protection permettant d’éviter tous les feux et réduisant la surface brulée à zéro hectare de forêt n’est pas forcément le plus efficient (Althaus & Mills 1982 : 2). On suppose bien évidemment que cela est faisable techniquement.

3 Ce raisonnement est particulièrement présent dans l’analyse économique des problèmes liée à la pollution. 4 Ces dommages concernent dans la plupart des cas des ‘biens’ non marchands dont la valeur (monétaire) doit être estimée d’une façon ou d’une autre, selon le raisonnement économique standard, pour pouvoir être ensuite « internalisée » dans le calcul de l’optimum. Dans le cas du feu, les dommages éventuels ne peuvent pas être associés à une activité marchande déterminée (élément pourtant central de l’analyse pigovienne des externalités), puisqu’ils découlent d’un aléa naturel en principe indépendant de toute activité productive ou de tout échange marchand. De ce fait, et toujours selon la logique économique, il n’existe pas de divergence entre le coût marginal social (CmS) et le coût marginal privé (CmP), celui-ci étant tout simplement inexistant.

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plupart de ces modèles conçoivent en effet les activités de protection comme des inputs -ou facteurs de production- complémentaires au sein d’une fonction de « production » dans laquelle l’output -le bien produit- correspond à la sauvegarde du milieu forestier face à la menace du feu).

L’existence d’un niveau optimal de protection contre le feu (ou de dommages) justifie donc l’idée selon laquelle il n’est pas sociétalement souhaitable de prévenir ou supprimer le feu de façon systématique et à n’importe quel coût. Aujourd’hui, suite au développement de l’Ecologie du feu (ayant souligné notamment les bienfaits de certains feux de forêt) et à l’accroissement continu des budgets de protection dans la plupart des pays soumis au risque « feux de forêt » (la facture de protection contre le feu est devenue financièrement insupportable même pour les plus grandes puissances économiques), une telle idée est partagée par un nombre relativement important d’experts, de décideurs politiques et de citoyens. Il n’en allait pas de même cependant aux Etats-Unis au moment où le modèle LC+L est publié pour la première fois dans les années 1920, et encore moins dans le contexte des années 1930, largement influencé par la politique des grands travaux menés par Franklin Roosevelt et par le bilan particulièrement sévère des incendies survenus en début de décennie5 (Rothman 2007 : 55 ; Donovan et al. 1999 : 99)6. Dans ce contexte particulier, en effet, les recommandations de Sparhawk sont tout simplement ignorées par les Services Forestiers Américains, qui appliquent dès le début des années 1930 la politique dite « de 10h du matin » (10 AM Policy). Selon cette doctrine, tout départ de feu ayant échappé à son attaque initiale, devait faire l’objet d’une stratégie de suppression immédiate et systématique dont l’objectif était, coûte que coûte, le contrôle de la situation au plus tard à 10h du lendemain (Gorte & Gorte 1979 : 2 ; Arno & Allison-Bunnell 2002). Cette doctrine a été implémentée à l’échelle nationale des Etats-Unis jusqu’aux années 1970 et s’est traduite par des niveaux de dépenses extrêmement élevés pendant toute la période concernée (Lundgren 1999 : 72 ; Moseley 2007 : 174).

En ce qui concerne la littérature académique, et mis à part les auteurs déjà évoqués et quelques autres rares exceptions postérieures (Flint 1924 ; Craig et al. 1945, etc.), peu d’économistes de l’époque s’opposent à la doctrine des Services Forestiers des Etats-Unis. Au contraire, certains cherchent même à la justifier économiquement. C’est le cas, par exemple, de Hornby (1936), pour qui l’immense valeur des enjeux exposés au feu exige rationnellement un chèque en blanc dédié aux moyens de suppression.

A son origine donc, l’Economie du feu constitue une approche minoritaire et quelque part contestatrice vis-à-vis de la politique forestière dominante dans les Etats-Unis. Celle-ci prône en effet un développement massif du dispositif de prévention et la multiplication des moyens du suppression. Comme nous aurons l’occasion de le voir plus loin dans ce même chapitre, son statut a depuis lors changé profondément. Aujourd’hui, en effet, les textes règlementaires définissant la Politique Fédérale des Etats-Unis sur les Incendies de Forêts sont largement influencés par les dogmes de l’Economie Environnementale et exigent explicitement que la gestion du feu soit basée sur des « principes économiques » conduisant à une gestion « efficiente » du risque (Hesseln 2000 : 322).

5 Ces grands feux ont raison de plusieurs vies humaines et de plus de 200.000 hectares de forêt. Ils marquent largement les esprits de la société et des décideurs, influençant la gestion du feu pendant plusieurs décennies. 6 Le New Deal fournit des ressources financières « inimaginables » aux gestionnaires des Parcs Nationaux (Rothman 2007 : 53). Ceux-ci les allouent principalement à la stratégie de suppression du feu. Roosevelt envoie par ailleurs des « armées de chômeurs » dans les forêts publiques pour les débroussailler et y créer des pare-feu (ibidem : 56). C h a p it re 1

Figure

Figure 1.6 : Bénéfices de la protection contre les incendies de forêt
Figure 1.10 : le critère C+NVC et la répartition du budget entre les différentes activités de protection
Figure 1.11 : Représentation de la FMM optimale selon le niveau de budget P
Figure 1.12 : Introduction des valeurs de non-usage dans le modèle C+NVC à  travers une analyse coût-efficacité
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