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GENESE, CADRE THEORIQUE ET APPLICATIONS EMPIRIQUES DE

1.1 Les origines : le modèle LC+L (Least Cost + Losses)

1.1.3 Les apports théoriques de Simard (1976) au modèle d’origine

Le travail de Simard (1976) a, lui, un impact sensiblement plus important dans l’évolution de l’Economie du feu. Ceci s’explique par la mise en parallèle particulièrement explicite que cet auteur propose entre la gestion du feu et la théorie micro-économique. Simard complète en effet le travail de Sparhawk en extrapolant le choix du producteur à la gestion du risque « feux de forêt », et en y appliquant des concepts et des raisonnements typiquement micro-économiques. Son travail repose sur trois fonctions de base. Parmi celles-ci, deux sont similaires à celles proposées dans tout manuel de micro-économie : il s’agit de la fonction de production et de la fonction de coûts. La troisième fonction (celle de dommages) constitue, elle, une nouveauté, mais n’implique en aucun cas un bouleversement significatif par rapport à la théorie micro-économique de la production.

La fonction de production proposée par Simard (1976 : 7) relie le niveau de gestion du feu (fire management effort)14 et la surface brulée (area burned). Le niveau de gestion - exprimé en unités physiques (nombre de patrouilles, hectares débroussaillés, etc.) - est considéré comme le facteur de production, tandis que la surface brûlée - exprimée en hectares - est l’équivalent de l’output du processus de transformation (ou plus concrètement, son inverse). La forme de cette fonction de production est calquée sur celle d’une fonction de production classique (voir par exemple : Pindyck & Rubinfeld [1995] 2009 : 211) : dans un premier temps, l’addition de nouvelles unités de « protection primaire » permet des réductions plus que proportionnelles de la surface brûlée. A partir d’un certain seuil cependant, l’impact de ces nouvelles unités sur la surface brûlée devient moins que proportionnel (tout en restant positif). La fonction de production prend donc la forme d’une courbe décroissante, d’abord concave, puis après convexe (quadrant inférieur droit sur la figure 1.2).

En ce qui concerne la fonction de coûts, celle-ci met en relation les dépenses en matière de « protection primaire » et l’effort de cette protection en unités physiques (nombre de patrouilles, hectares débroussaillés, etc.). Graphiquement, cette relation est illustrée par une ligne droite croissante15 (quadrant inférieur gauche sur la figure 1.2). On suppose donc qu’il n’existe pas de réductions sur le prix unitaire lorsque par exemple, on augmente la quantité d’hélicoptères achetés.

Enfin, la fonction de dommages relie la valeur des dégâts provoqués par le feu (exprimés en unités monétaires) à la surface brûlée (en hectares). L’hypothèse est faite que lorsque la surface brûlée augmente, les dégâts par hectare augmentent eux aussi, ce qui peut être expliqué par l’intensité plus importante des grands incendies de forêt, entraînant donc un impact accru sur la végétation, la faune et les infrastructures existantes). La représentation graphique de cette relation est donc une courbe croissante et strictement convexe (quadrant supérieur droit sur la figure 1.2)

14 Simard ne précise pas la façon dont il conçoit les coûts de suppression. On ne sait donc pas si ces derniers sont inclus dans ce qu’il appelle l’effort de gestion (ils seraient alors considérés comme des inputs) ou s’ils sont plutôt englobés dans sa fonction de dommages (dans ce cas, cela correspondrait au choix fait par Sparhawk). A partir de sa représentation du modèle de Sparhawk et de la terminologie qu’il utilise dans celle-ci, nous interprétons qu’il opte pour la deuxième des options évoquées. Les coûts de suppression seraient donc inclus dans sa fonction de dommages (assimilée à la total liability de Sparhawk). L’effort de gestion dont Simard parle peut donc être assimilé au niveau de « protection primaire ».

15 En règle générale, le coût marginal est considéré variable selon les quantités produites. Sa représentation graphique diffère donc de celle proposée par Simard. Cette différence découle du fait que Simard met en relation le coût total non pas avec le niveau de production, mais avec le niveau de ressources (en unités physiques). C h a p it re 1

La mise en commun de ces trois fonctions, parmi lesquelles la fonction de production joue un rôle principal16, permet à l’auteur de déterminer les niveaux optimaux des dépenses en « protection primaire » (P*), de l’effort en « protection primaire » (E*), des dommages causés par le feu (D*) et de la surface brûlée (S*). Comme dans le modèle d’origine, ces optimums sont obtenus à travers la minimisation de la fonction agrégeant les coûts de « protection primaire » et les dommages causés par le feu (courbe en vert sur la figure 1.2). Le raisonnement est donc similaire à celui de Sparhawk, mais encore plus « économicisé » et rapproché de la théorie de la production.

Figure 1.2 : Raisonnement graphique proposé par Simard (1965)

Source : adapté de Simard (1976 : 12)

16 La fonction de production permet notamment de transformer les fonctions de dommages et de dépenses en « protection primaire » et de les exprimer en unités communes. Ces fonctions « transformées » apparaissent en pointillés sur la figure 1.2.

45° Dommages Dommages + dépenses en « protection primaire » Coûts de « protection primaire »

Effort en « protection primaire » (en unités physiques)

Euros Surface brûlée

Fonction de production Euros Coûts de « protection primaire » en fonction de la surface brûlée Dommages en fonction de l’effort en « protection primaire » Dommages + dépenses en « protection primaire » S* D* P* E*

Le rapprochement opéré par Simard débouche par ailleurs sur une analyse marginaliste explicite dans laquelle sont comparés le coût marginal de « protection primaire » (c’est-à-dire, le coût associé à l’achat d’un hélicoptère supplémentaire, où à la création d’un kilomètre de piste) et le dommage marginal évité, celui-ci étant exprimé en fonction de l’effort réalisé en matière de « protection primaire » (en unités physiques donc). Logiquement, l’effort optimal de « protection primaire » est déterminé par l’égalisation du coût marginal et du dommage marginal évité (figure 1.3).

Figure 1.3 : Détermination de l’effort optimal de « protection primaire » à travers une analyse à la marge

Source : Simard (1976 : 12)

Malgré son ancienneté, malgré l’échec quasiment systématique des auteurs qui tentent de valider empiriquement le modèle, le travail de Sparhawk (1925) reste une référence centrale dans l’étude de l’efficacité économique des programmes de protection contre les feux de forêts (Gorte & Gorte 1979 : 4). Comme nous avons eu occasion de le voir, des développements postérieurs sont proposés (Flint 1924 ; Craig 1945 ; Arnold 1949 ; etc.) et des modifications par rapport à sa formulation initiale se succèdent dans le temps jusqu’à l’avènement du modèle C+NVC dans les années 1980 qui depuis, devient la référence incontournable dans la matière (section 1.2).

Comme nous le verrons par la suite, le cadre d’analyse du modèle LC+L est largement présent dans la structuration du modèle C+NVC (Cost plus Net Value Change) (Blattenberg et al. 1984 : 1 ; Gilless & Fried 1991 : 312 ; Donovan & Rideout 2003 : 318). Cette influence explique sans doute le fait qu’il soit encore aujourd’hui très souvent cité par les auteurs travaillant dans ce domaine.

Effort en « protection primaire » (E) Effort optimal en

« protection primaire » (E*) Euros Dommage marginal évité Coût marginal C h a p it re 1