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Deux leaders charismatiques : le Mahatma et le Duce

Chapitre I. Un désir d’appropriation de l’Inde

2. Deux leaders charismatiques : le Mahatma et le Duce

Dans une note du 7 décembre 1931, l'Ovra précisa que le pape recevrait Gandhi, mais pas le Duce, que Gandhi ne souhaitait pas rencontrer, non plus. Puis, le 12 décembre, les autorités italiennes accordèrent généreusement au « vieux Mahatma » un voyage en première classe. Le programme changea, et Pie XI, refusa de rencontrer le pèlerin venu d'Orient. Mario Prayer, l'indologue italien, explique ce refus, à la fois par la tenue de Gandhi, jugée inconvenante, et également par la perception de Gandhi, considéré comme un concurrent éventuel de l'Eglise catholique551. Quoique les informations collectées par

l’Ovra aient été contraditoires Ś il était décrit comme « un agitateur »552, voire

un « ...riche avocat...»553, qui souhaitait «...gouverner l’Inde...»554. Il fut

toutefois, reçu dignement comme un chef d’Etat. A Milan, une foule l'attendait

quand il sortit d'un wagon de troisième classe, comme à son habitude. Selon

Romain Rolland, cette foule rassemblait à la fois un groupe de fascistes « …au

garde à vous... », et de simples citoyens. Les autorités avaient mis à la disposition de leur hôte, un wagon magnifique, et le Mahatma y était monté, « ... contrairement à ses habitudes... ». Le train spécial arriva à Rome vingt minutes avant l'horaire habituel. Le commissaire de la gare vint saluer Gandhi et lui

déclara que le gouvernement italien l’invitait pendant le temps de son séjour555.

551PRAYER, Mario, In Search of an Entente: India and Italy, Italian Embassy Cultural Centre, Delhi, 1994, p. 22-23. Gianni Sofri a fait remarquer que l e pape qui était anglophile se serait bien gardé de heurter la sensibilité de ses amis britanniques. Source : Gandhi in Italia (Il Mulino), intervista a Gianni Sofri [en ligne]disponible sur le site

https://www.youtube.com/watch?v=9gJInYUJ, consulté le 10 février 2017.

552Les notes de la police politique concernant le Mahatma font état d'une précision minutieuse et témoignent parfois d'une interprétation fantaisiste telle celle qui présentait «... Gandhi [...comme...] un richissime avocat dont l’ambition serait de devenir empereur de l’Inde... » . Ibid. ACS, Interno, Direzione Generale Publica Sicurezza, Polizia Politica, b 555, notes du 7 décembre 1931 au 22 décembre 1931 et en particulier note de la Direzzione generale pubblica sicurrezza au Duce du 22 décembre 1931. Non numéroté.

553Ibid. ACS, Interno, Direzione Generale Publica Sicurezza, Polizia Politica, 22 décembre 1931, document non numéroté.

554Ibid, ACS, Direzione Generale Publica Sicurezza, Polizia Politica,22 décembre 1931, non numéroté.

555Op. Cit. ROLLAND, Romain, Inde, Direzione Generale Publica Sicurezza, Polizia Politica,p. 376.

Le général Morris556 avait eu l'accord du gouvernement italien pour héberger Gandhi. Ce dernier arriva la nuit à Milan dans son compartiment de troisième classe.

Deux dames : «...lui dirent qu'elles venaient le chercher en auto dans le palais d'un quidam, qui le priait d'accepter son hospitalité. Ce quidam était un ami de Scarpa, le consul italien […]

organisateur de toute l'affaire. …»557. […] «...Gandhi averti se carra

dans le coin de son compartiment et dit qu'il devait loger chez l'ami de Romain Rolland, le général Morris, et qu'il ne descendrait pas de son wagon avant [...qu'il...] ne fût là. Le service de la gare fut embarrassé, on n'osait ranger le train sur une autre voie, et les trains suivants étaient arrêtés...»558. […] Enfin Morris arriva [...] et emmena en auto Gandhi, Mira, et le policier anglais [ ...qui accompagnait Gandhi dans ses déplacements ] à sa villa du Monte Mario, Helbig suivait avec les autres Indiens dans une autre auto [...s'étaient installés...] deux policiers: l'un à l'entrée du salon, l'autre à côté du téléphone... »559. Gandhi était un invité très protégé et très surveillé par ses hôtes.

Le 12 décembre 1931, Gandhi fut reçu par le Duce qui se fit aimable, vint à sa rencontre, et le fit asseoir, avec Mirabehn, et laissa debout Desai et le général Morris, «...afin dit celui-ci doucement de bien montrer son autorité. ...»560. Le contenu de cet entretien a été retranscrit par le secrétaire de Gandhi, Mahadev Desai. Le Mahatma souhaitait s'exprimer librement lors de son séjour en Italie, voire émettre certaines réserves quant à la nature du régime politique italien. Au-delà des amabilités, Mario Prayer a relaté le bref entretien entre le Duce et le Mahatma, traduit du Gujarati :

« ...- Mussolini : Aimez-vous l'Italie ?

-Gandhi : J'aime beaucoup votre beau pays.

-Mussolini : Avez-vous rencontré le Pape ?

-Gandhi : Malheureusement, il n'a pu m'accorder de rendez-vous. Il

a dit qu'il ne recevait pas le dimanche, et ce matin, il était trop occupé.

-Mussolini : Quel est votre programme maintenant ?

556Ibid. ROLLAND, Romain, Inde, 4 février 1932, p. 376. le général Maurizio Mario Morris (1860-1944) fut un des pionniers de l'aviation italienne qu'il réorganisa. Il avait effectué de nombreux séjours en Inde.Source : MORIS, Maurizio Mario. In :, Enciclopedia Italiana, [en ligne], disponible sur le site http://www.treccani.it/enciclopedia/maurizio-mario- moris_(Dizionario-Biografico), consulté le 8 août 2016.

557Ibid, ROLLAND, Romain, p. 376. 558Ibid, ROLLAND, Romain, p. 377. 559 Ibid, ROLLAND, Romain, Inde p. 377. 560Ibid, ROLLAND, Romain, p. 363.

- Gandhi : Nous allons peut-être entreprendre une nouvelle campagne de désobéissance.

-Mussolini : [...] Voulez-vous une indépendance totale de l'Inde ?

- Gandhi : Oui, mais nous ne sommes pas opposés à une forme

d'association avec l'Angleterre sur un pied d'égalité.

- Mussolini : Etes-vous favorable à une certaine forme de

gouvernement ?

Gandhi : Bien sûr, nous voulons des institutions démocratiques.

- Mussolini : Pensez-vous qu'il y aura un homme dominant toute la

nation ?

Gandhi : Non, je pense qu'il y aura un président élu, représentant le pays tout entier.

- Mussolini : Ne pensez-vous que le communisme puisse réussir en

Inde ?

-Gandhi : Non, je ne pense pas.

- Mussolini : Moi non plus, que pensez-vous de la situation en

Europe ?

- Gandhi : Enfin, vous me posez la question que j'attendais. Si

l'Europe continue ainsi, elle ne pourra pas survivre à moins de changer de système économique et que chacun change d'attitude envers son voisin.

- Mussolini : Pensez-vous que l'Orient et l'Occident ne puissent pas

se rencontrer ?

- Gandhi : Pourquoi pas, aujourd'hui, l'Occident pille les richesses de l'Orient de toutes les façons possibles. Mais dès que cela cessera,

il sera possible d'entamer une coopération fructueuse...»561.

Selon Renzo De Felice, le Mahatma aurait été reçu par le Duce, à la Villa Torlonia à Rome, comme le déclara plus tard Rachele Mussolini. L'invité aurait fait des éloges sur son époux et le Duce aurait également insisté sur le côté génial de Gandhi, et sur le caractère novateur de son arme en politique : la bonté562. La presse italienne, alors favorable à Gandhi, selon Romain Rolland, avait effacé de ses déclarations, toutes allusions à la « non-violence » et tout au contraire lui avait accordé des propos menaçants et violents contre l’Angleterre,

démentis par le Mahatma lui-même, à son arrivée à Port-Saïd. La visite de Gandhi fut un choc pour l'émigration antifasciste. La « Libertà », l’organe de

presse des exilés italiens à Paris, mit à la une de son numéro hebdomadaire, un titre empreint d'amertume concernant la rencontre de Gandhi et Mussolini, ce seul mot « Ingenuità ? »563.

561 PRAYER, Mario, In Search of an Entente: India and Italy, Italian Embassy Cultural Centre, Delhi, 1994, p. 22-23.

562Op. Cit. De FELICE, Renzo, Arabi, ebrei e indiani nella politica di Mussolini, cap. terzo,

Par lettre du 20 décembre 1931, Gandhi écrivait à Romain Rolland :

«… Mussolini est une énigme pour moi. Beaucoup de réformes

qu’il a faites m’attirent. Il semble avoir beaucoup fait pour la classe paysanne. A la vérité, le gant de fer est là. Mais la force, la violence est à la base des sociétés d’Occident. Les réformes de Mussolini sont dignes d’une étude impartiale. Son souci des pauvres, son opposition à la superurbanisation, son effort pour amener à une coordination entre le capital et le travail, me paraissent réclamer une attention spéciale ». … « Mon propre doute est que ces réformes soient [... mises en œuvre …] dans la contrainte. Mais il en est de même dans les institutions démocratiques. Ce qui me frappe est que derrière l’implacabilité de Mussolini est le dessein de servir son peuple. [ … ] Derrière ses discours emphatiques, il y a un noyau de

sincérité et d’amour enflammé pour son peuple. Il me semble que la

masse des Italiens aime le gouvernement de Mussolini…»564.

La carte de l'antiracisme et de la tolérance, affichée par le fascisme avait été avancée pour attirer les Indiens. A l'époque où certains lieux publics étaient réservés aux Européens en Inde, l'Italie avait accueilli avec tous les honneurs, Tagore et Gandhi, ce qui ne pouvait que les toucher, et indirectement tous les Indiens. Nous savons bien que ces entreprises n'étaient pas désintéressées565.

Renzo De Felice, nous rappelle que le Duce a manifesté son intérêt pour l’Inde avant la marche sur Rome. En effet, dans un article du “Popolo d’Italia”, daté du

4 septembre 1921, paru sous le titre “Verso il Suolo Asiatico”, Mussolini relatait la révolte des Moplah du Kérala, victimes d’une répression sanglante de la part

des Britanniques. Il était favorable à l’indépendance de l’Inde, à la fois pour des

raisons de stratégie, d’intérêt et peut-être de réelle sympathie, ce qui lui

permettait de manifester discrètement son opposition à la Grande-Bretagne,

grande puissance coloniale de l’époque.

563Op. Cit. ROLLAND, Romain, Inde, 1915-1943, p.364. 564Ibid, ROLLAND, Romain, p. 372.

565Lors du conflit avec l'Ethiopie et suite aux protestations des démocraties européennes, le journal Italian Community in India déclara : « Nous pourrions aisément réfuter les accusations britannique de lutte raciale. L'on sait bien que seulement les Britanniques insistent sur la question raciale et évitent les contacts et relations amicales avec les races de couleur, en particulier avec les noirs. La vie italienne ignore le lynchages des noirs qui se passe chez les autres peuples. L'Angleterre devrait tout d'abord nous expliquer le but réel du « Colour Bar Act » de 1925, qui régule certains aspects importants des relations entre noirs et blancs dans l'Union sud-africaine. Source : MAE, AP 4 , India 1, B4 fasc 11, propaganda culturale, Italian Community of India , Calcutta , 1934, n°8 non numéroté.

Parmi les écrits sur Gandhi dans la presse italienne rédigés par une série de « journalistes-voyageurs », Arnaldo Cipolla, fut l'un des premiers à accorder son attention au nationalisme indien, et à Gandhi, dans un récité intitulé Nella fiamma dell'India566 . L'auteur était dans ce premier ouvrage favorable au colonialisme anglais et exprimait un désintérêt et un mépris souverain pour la civilisation indienne. Il décrivait les Indiens comme un peuple arriéré, sans idéaux religieux, sans respect pour les femmes.

Selon lui, il était impossible de parler d'indépendance pour un peuple aux

nombreuses langues, composé d’une multitude de races, de castes et de

croyances religieuses. L'auteur était peu intéressé par les idées du Mahatma qu'il qualifiait de « propagande destructrice » et de « renoncement », proche des « idéaux bolcheviques ». Lors d'un second voyage en Inde, Arnaldo Cipolla s'embarquera avec le Mahatma de Brindisi en 1931 et l'accompagna jusqu'à son arrestation en janvier 1932, les articles transmis à La Stampa étaient désormais

favorables à Gandhi et son mouvement. Peu de temps après l'ouvrage d’Arnaldo

Cipolla, parut en 1925 celui de Mario Appelius, India567, qui projetait des ambitions politiques sur le mouvement gandhien en déclarant que le Mahatma avait réuni toutes les classes sociales de l'Inde dans un fascio national. L'auteur essayait de relever des similitudes entre le Mahatma et le Duce, dans leurs vues sur la patrie, le Devoir, le Sacrifice, les rapports entre individu et collectivité, entre capital et travail, Etat et citoyens. En 1927, dans un ouvrage également intitulé India568, le journaliste Luciano Magrini, élaborait sa pensée selon les thèmes suivants : le peuple, les religions, les villes, les temples et le nationalisme. Magrini affichait son admiration pour Gandhi et ses inspirateurs : Ruskin, Tolstoï, Platon et Mazzini.

566CIPOLLA, Arnaldo, Nella fiamma dell'India, Viaggio in India nell'estate 1922, Milano, Alpes, 1922, 260 p. Cité par SOFRI, Gianni, Gandhi in Italia, Bologna, Il Mulino, 1988, appendice, L’immagine di Gandhi in Italia, p. 122-123.

5677APPELIUS, Mario, India, Milano, Alpes, 1925, 501 p. Ibid. SOFRI, Gianni, p. 123. 568MAGRINI, Luciano, India, Milano, La Promotrice, 1927, 342 p. Ibid. SOFRI, Gianni, p. 123- 124.

Quelques années plus tard, en 1932, un artiste Carlo Bergner publia un ouvrage : Due Anni di India, 1929-1931569. Il n’appréciait que les Indiens occidentalisés. Il prétendait que l’indépendance n’était pas une nécessité et que

Gandhi aurait été bien incapable de gouverner l'Inde. Ironique devant les

« marches du sel » menées par les nationalistes et après un attentat contre le vice-roi, Lord Irwin, il n'hésitait pas à parler de « terrorisme ». A la parution en Italien du livre de Katherine Mayo, traduit par Roberto Palmarocchi, India Madre, Gandhi, ennemi du progrès était comparé à un « inspecteur des égouts »570, la mentalité indienne était décrite comme particulièrement attardée, et les Indiens comme un peuple dégénéré physiquement et moralement571.

La traduction de cet ouvrage en Italien avait suscité les protestations de

l’association des Indiens qui vivaient dans le pays572. L’opinion des indologues

et sanscritistes eut moins d’impact en Italie. En effet, les universitaires écrivaient

généralement dans des revues académiques et universitaires à tirage limité. Toutefois il leur arrivait parfois de s’adresser à un large public dans la presse à

grand tirage. La première notice concernant « Gandhi » avait été rédigée en 1932 dans L' Enciclopedia Italiana, par le sanscritiste Ambrogio Ballini (1879-1950)

s’inspirait de l’autobiographie de Romain Rolland573. Ballini admirait

sincèrement le Mahatma, mais lui reprochait certains excès tels que la

destruction des marchandises européennes, et la création inconsciente d’une barrière entre l’Inde et l’Europe, barrière qui à notre avis était bien antérieure

aux évènements des années trente, et que l’on ne pouvait imputer au seul Gandhi. Selon l’historien Gianni Sofri, Carlo Formichi semble avoir été le

spécialiste de référence du monde indien pour Benito Mussolini. Si lors de la visite de Rabindranath Tagore, il fut le maître de cérémonie, il ne fut pas présent lors de la visite de Gandhi.

569BERGNER, Carlo, Due anni in India, 1929-1931, 1931, Firenze, Barbera, 358 p. Ibid. SOFRI, Gianni, p.124.

570 Ibid. SOFRI, Gianni, p.125. 571 Ibid. SOFRI, Gianni, p. 125-126.

572Source : MAE, India, B 2 fasc. 4, 1933, lettre de l’Hindustan Association of Italy au

ministero degli Affari Esteri, suite à la parution de l’ouvrage de Katherine Mayo. Document non

Enfin, l’indianiste était à la fois convaincu des vertus du colonialisme et

de la nécessité d’une Inde indépendante qui n’avait nul besoin d’une tutelle

britannique. A la gare de Milan, le sanscritiste Angelo Maria Pizzagalli vint saluer le Mahatma, en lui souhaitant la bienvenue en sanscrit, par respect, bien

que cette langue soit la langue des rites religieux pour l’Inde à l’image du Latin pour l’Occident de cette époque. En effet, le Mahatma parlait le gujarati, sa

langue maternelle, le hindi, et l’anglais, langue de communication entre le nord

et le sud de l'Inde. Dans l’ouvrage Oriente ed Occidente, Giuseppe De Lorenzo

fit état de l’indépendance probable d’une Inde unie. Il allait jusqu’à comparer

Gandhi à Mazzini et Benito Mussolini à Bouddha, inspiré d’un discours de 1902

cité par Margherita Sarfatti dans sa biographie du Duce574. Dans Gandhi Il Mahatma, le premier des Sette saggi indiani, de Carlo Formichi, la sympathie était également de mise, la non-violence, selon l’auteur, semblait néanmoins être

difficile à appliquer dans un contexte où l’Arthasastra, était un ouvrage de

référence et l’indianiste ne cachait pas son inquiétude pour l’incompréhension

entre hindous et musulmans. Il était également inquiet à l’idée d’une éventuelle

et bien improbable influence bolchevique sur les nationalistes Indiens575. L'élève Giuseppe Tucci, en relation avec le ministre des affaires étrangères,

Dino Grandi, lui déclarait que l’Inde pouvait basculer soit vers le bolchevisme en raison d’une composante sociale très marquée dans le gandhisme ou encore

vers le fascisme, car ce mouvement national insistait sur « le respect de

l’autorité du mouvement gandhien » , l’idéologie corporatiste, le sens de la

responsabilité nationale, et la déférence envers toutes les grandes manifestations de la culture »576. A la suite de ces essais, certains auteurs qui écrivaient dans La vita italiana, comme Tommaso Salvotti déclaraient que l'indépendance du pays était imminente et qu'il convenait de s'y intéresser577.

574 Op. Cit. SARFATTI, Margherita, Dux, Ibid SOFRI, Gianni, p. 128., DE LORENZO, Giuseppe, Oriente ed Occidente, Bari, Laterza, 1931, 263 p.

575FORMICHI, Carlo, Sette saggi indiani, Bologna, Zacchinelli, 1938, 141 p. Cité par SOFRI, Gianni, p. 128-129.

576Ibid. SOFRI, Gianni, p.130.

577SALVOTTI, Tommaso, 1940. Gli ebrei e settari alla conquista dell' India, La vita Italiana, 28-325, p. 325-392. Cité par PRAYER, Mario, 2006. Nationalist India and World War II as Seen by the Italian Fascist Press, 1938Ŕ1944. In : Indian Historical Review ,Vol 33, Issue 2, p. 103.

Eros Vicari, diplomate et écrivain, voyait la jeunesse indienne comme une force pour un pays, quasiment au bord de la catastrophe578. Selon l'essayiste Giuliano Ongaro, le gouvernement britannique frappait le peuple indien dans le dos, lors du mouvement « Quit India », et la cohabitation dans une Inde indépendante entre hindous et musulmans était désormais impossible579. Pour Tommaso Salvotti et Eros Vicari580, Gandhi aurait été lié à des Juifs franc- maçons et préparait également avec des loges théosophiques, la chute de l'Empire britannique581. La revue semi-officielle Relazioni internazionali

consacrait en 1943 la carrure morale et spirituelle de Gandhi582. La Storia

dell’India moderna583 favorable à la Grande-Bretagne qu’il avait écrite ne put

paraître en 1941 en raison de la censure exercée par les autorités fascistes. Les

revues de l’IsMEO, Il Bolletino, Asiatica, et Relazioni Internazionali de

l’Istituto per gli Studi di Politica Internazionale de Milan accordaient un intérêt

de premier plan aux évènements indiens. Comme l’a souligné Gianni Sofri, les

cercles d’études indiennes étaient conservateurs et connotés politiquement à

droite584. Les contributions intellectuelles sur l’esprit, l’éthique, la patrie, l’aryanisme, une conception hiérarchique de la société, l’affirmation d’une

politique internationale fort pragmatique inspirée du Principe de Machiavel,

furent autant de marques de soumission de l’indologie à l’égard du pouvoir.

Gianni Sofri dans son ouvrage Gandhi in Italia a rappelé comment dans la revue Asiatica le sanscritiste Ferdinando Belloni-Filipi (1877-1960) commentait fréquemment les évènements de la vie indienne, Gandhi et sa pensée585.

578VICARI, Eros, 1942. Perchè l'India non è insorta. In : La vita italiana, 30-349, p. 324-328. Ibid. PRAYER, Mario, p. 104.

579ONGARO, Giuliano, 1942. Rassegna coloniale italiana. In : La vita italiana, p.319. Ibid. PRAYER, Mario, p. 100.

580FS, 1943, Uomini del giorno : Mohandas Karamchand Gandhi, Relazioni Interazionali, 9-10, p. 243. Ibid. PRAYER, Mario, p. 105.

581Ibid. SALVOTTI, Tommaso, 1940. Gli ebrei e settari alla conquista dell' India, p. 325-392. 582PRAYER, Mario, 2006. Indian Historical Review, vol. 33, 2, p. 89-111

583SUALI, Luigi, Storia dell’India moderna, Milano, Istituto per gli studi di politica internzionale, Milano, 1941, 2 vol. I, 421 p, 412 p.

La presse catholique étudiait avec intérêt les idées du Mahatma. Un opuscule rédigé par un père jésuite marquait toute sa sympathie pour le gandhisme, en soulignant toutefois que seul le christianisme émanciperait les âmes indiennes, et condamnait le principe de non-obéissance à l’autorité586.

L’article du père Férroli, professeur de mathématiques à l’université de

Bangalore, affichait la Civiltà Cattolica un scepticisme non seulement à l’idée

que les Indiens puissent se gouverner eux-mêmes, mais aussi à l’égard de la

non-violence, dans un climat d’hostilité anti-britannique déclarée587. Dans un

manuel de formation missionnaire, l'incanto dell'Induismo, Mario Barbera, jésuite également, s'opposait au syncrétisme de Gandhi et à ses idées néfastes, tant pour l'Empire britannique, que pour le peuple indien qui selon lui, n'était pas mûr pour la liberté 588. En termes économiques, dès 1918, Tabasso Volterra,

économiste avait souligné l'intérêt de liens commerciaux entre l’Inde et l’Italie.

L'idée du boycott des marchandises anglaises laissait penser aux cercles gouvernementaux que les intérêts économiques italiens pourraient très bien pénétrer en Inde. Cette idée fut reprise dans les essais de Roberto Mandel 589 qui