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CHAPITRE 3. LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

5. Le terrain de recherche et l’échantillonnage

Dans une approche qualitative, le choix du site de l’étude et l’échantillonnage sont guidés au regard de leur pertinence par rapport à la question de recherche (Deslauriers et Kérisit, 1997). Notre recherche portant sur l’asymétrie de pouvoir chez des chercheurs dans les pays du Sud, notre choix s’est porté sur deux institutions de recherche en santé dans des pays du Sud, ces milieux offrant une diversité de situation, de pratiques de recherche et d’expériences concrètes pour éclairer le phénomène étudié. Afin de bien comprendre ce terrain de recherche, nous avons

recueilli des données pertinentes comme l’aperçu historique et l’organisation de la recherche dans ces pays. Ces aspects ont été abordés en détail dans le chapitre 1. La collecte de données a été réalisée en deux parties, la première à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin durant le mois d’avril 2014 et la seconde à l’Université Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire au cours du mois de juin 2015. La collecte de données en deux parties n’était pas prévue dans le processus de recherche initial, ce sont les contraintes de terrain qui ont appelé une adaptation de notre enquête. En effet, nous avons rencontré des défis non anticipés pour l’approche et le recrutement des participants au Bénin lors de notre séjour au mois d’avril 2014. Afin de bien comprendre la nature de ces contraintes, il est important de rappeler quelques éléments du contexte dans lequel la collecte de données s’est effectuée. Cette étude a été financée dans le cadre d’un projet de recherche portant sur le renforcement des capacités en bioéthique francophone lui-même financé par l’Agence universitaire de la Francophonie. Trois universités et institutions étaient partenaires de ce projet : l’Université de Montréal, l’Université Alassane Ouattara de Bouaké en Côte d’Ivoire et l’Institut des Sciences Biomédicales de l’Université d’Abomey-Calavi à Cotonou au Bénin. Le financement que nous avions obtenu couvrait un séjour d’étude d’une durée d’un mois à l’Institut des Sciences Biomédicales de l’Université d’Abomey-Calavi (ISBA) à Cotonou. Un répondant local au sein de l’ISBA était chargé de nous accueillir afin de faciliter les démarches administratives et de collecte de données. Avant notre voyage au Bénin, nous avions obtenu toutes les autorisations administratives ainsi que le certificat éthique préalable à la recherche. Des contacts préliminaires avec des participants potentiels avaient été pris. Cependant une fois rendu sur place, la direction de l’ISBA a exigé une autorisation écrite avant de pouvoir solliciter en personne les chercheurs. Cette demande a été introduite dès la

première semaine, mais c’est seulement à la fin de la deuxième semaine de notre séjour que nous l’avons obtenue, ce qui a eu un impact sur la collecte des données.

Pour sélectionner les participants, nous avons utilisé le bottin des chercheurs de l’ISBA mis à notre disposition par notre répondant, 63 chercheurs étaient répertoriés dans ce bottin. Précisons que ce bottin contenait les adresses courriels et/ou numéros de téléphone de tous les chercheurs sans faire mention ni de leur spécialité, ni de leur domaine de recherche. Nous avons sollicité ces répondants par courriel et 12 nous ont répondu. Après avoir présenté la recherche, 3 participants ont été retenus en correspondance aux critères de notre étude. Deux participants nous ont été référés par les premiers répondants, complétant ainsi notre échantillon pour le Bénin à 5.

Nous avons fait le choix d’analyser et publier les résultats issus de ces données dans le cadre d’une phase exploratoire de la thèse, cet article scientifique faisant l’objet du chapitre 3.

L’approche qualitative permettant d’adapter la recherche au regard des contraintes non anticipées (Pires et Groulx, 1997) et fort du retour d’expérience des premières entrevues, nous avons fait le choix de poursuivre la collecte de données en Côte d’Ivoire, auprès de chercheurs de l’université Alassane Ouattara de Bouaké, laquelle était partenaire au projet de recherche portant sur le renforcement des capacités en bioéthique francophone. Tant au Bénin qu’en Côte d’Ivoire, la formation académique ainsi que le développement professionnel des chercheurs en santé s’inscrivent dans un cadre institutionnel et réglementaire harmonisé à travers la Conférence Africaine et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES, 2013). Par ailleurs ces deux pays font face aux mêmes défis en matière de gouvernance de la recherche en santé,

particulièrement l’absence de stratégies et politiques publiques claires ou de cadre institutionnel de financement (CRDI, 2010).

Pour la collecte de données en Côte d’Ivoire, quatre-vingt-six chercheurs ont été sollicités, de ce nombre 19 ont accepté de participer aux entretiens semi-dirigés. Ce nombre s’explique par les raisons suivantes : les chercheurs approchés ont dans un premier temps été identifiés à partir d’une liste de 86 chercheurs que nous avons obtenue auprès du Directeur Médical et Scientifique de leur institution. Avant notre voyage de Montréal en Côte d’Ivoire pour la collecte de données, un courriel initial d’invitation a été envoyé à partir de la liste de diffusion, puis un courriel de relance a suivi quelques semaines plus tard. Une fois rendus sur place, nous avons sollicité des rendez-vous en personne auprès des 9 chercheurs qui avaient répondu favorablement à notre demande. Nous avons également adressé des demandes de rendez-vous auprès de ceux qui n’avaient pas répondu à nos différents courriels. Par ailleurs 5 participants potentiels se sont désistés par la suite après avoir répondu favorablement à notre invitation.

Bien que nous ne pouvions pas demander les raisons de leur refus, ce qui constituerait une atteinte à la leur vie privée au regard des normes de l’éthique de la recherche, certains participants ont invoqué un manque de temps ou un déplacement les empêchant de participer ou des contraintes d’agenda ou encore l’éloignement géographique du chercheur durant notre séjour. Les contraintes d’agenda et de disponibilité géographique peuvent s’expliquer par le contexte institutionnel de notre terrain de recherche. En effet les chercheurs approchés interviennent en qualité de cliniciens, enseignants et chercheurs au sein de plus d’une institution dans différentes villes. Ce critère a pu constituer une limite à la participation à notre enquête. Il est important de souligner que nous n’avons pas reçu de réponses négatives clairement exprimées. Enfin cette enquête s’inscrivant dans le cadre d’une thèse de doctorat, le calendrier

ainsi que le budget dont nous disposions nous ont imposé des choix dans la conduite des entrevues.

Notre échantillon final pour la Côte d’Ivoire inclut donc 19 chercheurs, ce qui représente 22% des chercheurs approchés. La littérature souligne qu’un tel pourcentage de participants peut être considéré comme significatif si l’on considère les défis pour le recrutement et la constitution des échantillons en recherche qualitative. C’est ce que rapportent Baker et ses collègues à propos des études sur des sujets peu explorés ou avec des participants considérés comme faisant partie de l’élite ou qui ont des positions privilégiées dans un contexte donné (Baker et Edwards, 2012). Par ailleurs, Reilly et ses collègues décrivent que c’est la profondeur des entrevues qui détermine la qualité des données de recherche plutôt que le nombre de participants (O’Reilly et Parker, 2013). Pour Hagaman et ses collègues, la saturation peut être atteinte dans des études qualitatives à partir d’une dizaine de participants (Hagaman et Wutich, 2017). Enfin Hurlimann et ses collègues ont souligné les défis de recrutement importants auxquels les chercheurs font face dans des études impliquant des professionnels de la santé (Hurlimann, Groisman et Godard, 2017).

Les chercheurs qui ont accepté notre invitation sont des cliniciens avec une carrière universitaire d’enseignement et de recherche. Ceci n’était pas anticipé dans l’étude, c’est une particularité découlant de l’organisation institutionnelle du contexte de notre enquête où la recherche en santé est majoritairement faite par des chercheurs avec un tel profil. Leur titre et grade résultent de la classification administrative applicable aux universités au Bénin et en Côte d’Ivoire. Ainsi dans notre échantillon nous avons les profils suivants : « assistant-attaché de

recherche », « maitre assistant-chargé de recherche », « maitre de conférence maitre de recherche », « professeur titulaire directeur de recherche ».

Comme le montrent les tableaux ci-dessous, les répondants représentent une diversité de profil notamment de genre, de nombre d’années d’expérience, de spécialité et domaine de recherche ainsi que des titres et grades dans leurs institutions. Nous avons enfin une diversité dans le financement et la nature des partenariats de recherche.

Tableau III. Caractéristiques sociodémographiques des répondants

Caractéristiques démographiques Répondants (n) Répondants (%)

Genre Féminin Masculin 6 18 25% 75%

Nombre d’années d’expérience de recherche

0-4 ans 5-9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20 ans et plus 2 6 7 3 4 8% 25% 29% 13% 17% Titre et grade Assistant-attaché de recherche Maitre-assistant chargé de recherche Maitre de conférence maitre de recherche Professeur titulaire directeur de recherche

Domaine de recherche Recherche clinique Santé publique Santé environnementale Réadaptation Spécialité de recherche Chercheur clinicien Chercheur non clinicien

2 9 7 6 15 6 2 1 19 5 8% 38% 29% 25% 63% 25% 8% 4% 79% 21%

Tableau IV.Financement et nature des partenariats

Financement et nature des partenariats (n) (%) Origine du financement Financement local Financement international Fonds personnels 2 5 17 8% 21% 71%

Nature des partenariats

Partenariats nord-sud Partenariats sud-sud 9 15 37,5% 62,5%