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LE SYSTEME AMERICAIN DES ETUDES COOPERATIVES

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B. LE SYSTEME AMERICAIN DES ETUDES COOPERATIVES

1. Aperçu historique.

Le fondateur du système américain des études coopératives fut Herman SCHNEIDER. Il naquit en 1872 à Siammit Hill (Pennsylva­ nie) , dans une famille de petits boutiquiers. Pour payer ses étu­ des secondaires, Herman SCHNEIDER travailla dans une mine à ciel ouvert comme aide installateur d'équipements. Il entra à l'Uni­ versité de Lehigh (Pennsylvanie) en 1890 tout en travaillant à temps partiel dans un bureau d'architecte.

En 1894, il obtint son diplôme d'ingénieur.

En 1903, il obtint un poste de maître de conférences à l'Université de Cincinnatti (Ohio). Il y défendit l'idée de la liaison entre la théorie et la pratique.

En 1906, les autorités universitaires lui accordèrent la per­ mission de tenter une expérience dans ce sens ; vingt-sept élèves

ingénieurs acceptèrent de mener leurs études selon le nouveau système. La durée des études fut portée de quatre à six ans. Les étudiants devaient consacrer près de la moitié de ce laps de

temps à occuper des emplois dans des entreprises. Plusieurs autres établissements d'enseignement supérieur adoptèrent progressive­ ment ce système pour la formation d'ingénieurs.

En 1919, l'Université de Cincinnati étendit le système à la formation des cadres commerciaux.

1921 est une date très importante pour le mouvement coopé­ ratif. Pour la première fois, le système fut adopté pour des études sans finalité professionnelle. L'institution qui fit ce pas décisif fut Antioch College (siège principal à Yellow Springs- Ohio).

En 1926, dix-huit universités ou collèges employaient le sys­ tème coopératif.

Actuellement, on estime que le cap des 300 institutions

utilisant le système est dépassé et que 100.000 étudiants environ font des études supérieures de ce type.

En fait, l'éducation coopérative s'est répandue lentement aux Etats-Unis. Ce n'est que depuis 1972 que la grande presse s'est intéressée au mouvement des collèges et universités coopé­ ratifs.

2. Les objectifs du mouvement coopératif.

Le fond de la doctrine reste celui qui fut mis au point par Heman SCHNEIDER en 1906. Pour lui, il s'agissait de "faire coopé­ rer l'éducateur et l'employeur pour l'éducation d'une troisième personne" (1).

Cette conception a paru paternaliste à beaucoup des tenants actuels de l'éducation coopérative. N'oublions cependant pas qu'Herman SCHNEIDER a lancé le mouvement, il y a près de trois quarts de siècle et que ses conceptions le firent considérer longtemps comme un penseur d'avant-garde.

Après de longues discussions, une nouvelle définition fut mise au point en 1968 : "La méthode éducative appelée "éducation coopérative" consiste à introduire du travail extra-universi­ taire dans le curriculum même des études et à prévoir des rela­ tions organisées entre l'institution d'enseignement, l'étudiant et la firme procurant la situation de travail hors de la classe"(2)

Il est courant aux Etats-Unis de voir des étudiants exercer des emplois plus ou moins stables et plus ou moins réguliers en marge de leurs études. Des universités américaines encouragent même cette pratique. Le fait de mener des études en parallèle avec un emploi ne permet cependant pas de ranger cette façon de faire dans le système coopératif. Pour que ces activités soient considérées comme coopératives, il faut qu'il y ait une relation étroite entre le travail effectué et les études poursuivies.

"Nous excluons du système coopératif les institutions qui pré­ voient une alternance permettant aux étudiants de prendre un em­ ploi si celui-ci n'est pas relié à la carrière qu'ils préparent"(3)

(1) B. GIROD de L'AIN, Le système américain des études "coopéra­ tives" in L'enseignement supérieur en alternance, collectif, p. 22.

(2) Ibidem, p. 22. (3) Ibidem, p. 23.

120.-Un programme coopératif sérieux doit répondre aux quatre exigences suivantes.

a) Organisation d'une alternance de périodes d'études universi­ taires et de périodes d'expérience au travail.

b) Une politique systématique qui tend à relier le plus étroite­ ment possible les périodes de travail aux études suivies. c) Un contrôle sévère par l'université et l'employeur de la va­

leur du travail accompli à la fois sur les plans intellectuel et pratique.

d) Au fur et à mesure que l'étudiant approfondit ses connaissances on doit s'efforcer de lui fournir des emplois lui conférant des responsabilités accrues, en rapport avec les progrès intellec­ tuels accomplis.

Pour les tenants du mouvement coopératif, la liaison théorie- pratique ne peut qu'être bénéfique pour les individus en formation Ils affirment que leur objectif étant de faire de l'éducation, celle-ci a la priorité sur le travail. L'objectif essentiel ne consiste pas à fournir un emploi aux étudiants, mais à élaborer un projet éducatif comportant des phases d'approche théorique et des phases d'activité sur le terrain dans le but d'arriver à une formation équilibrée de la personnalité et d'éviter tout hiatus entre les connaissances reçues et les comportements exigés par la vie. Dans les dernières années, le mouvement coopératif est appa­ ru comme un moyen susceptible de résoudre la crise financière des universités. Le système permet, en effet, de doubler les effec­ tifs estudiantins, sans recourir à des constructions nouvelles, puisque chaque étudiant est hors du campus pendant la moitié de ses études ou presque. L'infrastructure universitaire n'est donc plus sous-utilisée.

Certains pensent aussi qu'il s'agit d'une solution au malaise de la jeunesse étudiante américaine dont l'un des thèmes majeurs de la contestation commencée en 1966 est le divorce entre les études universitaires et la vie.

3. Deux exemples aux Etats-Unis.

La première année est consacrée à l'étude pour tous les étudiants. A partir de la deuxième année d'enseignement supé­ rieur, les étudiants sont répartis en deux groupes (A et B) qui alternent, en sens inverse, les périodes d'études et les périodes de travail.

Le schéma suivant (1) donne une idée assez claire de la situation. Premier trimestre : automne Deuxième trimestre : hiver Troisième trimestre ; printemps Quatrième trimestre : été

1ère année études études études vacances

2ème année A, B. études travail travail études études travail travail études 3ême année A. B. travail études études travail travail études études travail

4ème et Sème aiinée ....

L'alternance se poursuit de la même manière durant toutes les années d'études. Tous les étudiants, qu'ils fassent partie du

groupe A ou du groupe B, se retrouvent ensemble, à l'université pour le dernier trimestre de leurs études. L'alternance est

basée sur le trimestre, mais chacun des deux groupes (A et B) dis­ pose de deux périodes de six mois d'études et de deux périodes de six mois de travail à un moment donné du cursus.

Ce calendrier s'applique non seulement aux études d'ingé­ nieurs, mais aussi à l'école d'administration et aux études géné­ rales. Les étudiants appartenant au groupe A et au groupe B sont répartis en binômes, c'est-à-dire en équipes de deux étudiants

122.-occupant le même emploi. Cela permet aux employeurs d'offrir de véritables emplois durant toute l'année. Le système permet éga­ lement aux étudiants d'un même binôme d'avoir des échanges fruc­ tueux sur l'expérience de travail qu'ils vivent.

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L'alternance commence dès la première année d'études. Le schéma suivant (1) donne un aperçu de la situation.

juillet - septembre octobre - décembre janvier - mars avril - juin 1ère année A. B. études travail études études travail travail études 2ème année A. B. travail études études travail travail études études travail 3ème année A. B. études travail travail études études travail travail études

4ème et Sème arinée ....

Antioch est un collège. Cela signifie que cette institution n'offre que le premier cycle d'études universitaires générales. Les étudiants doivent choisir obligatoirement plusieurs cours dans les matières scientifiques et littéraires et adopter un sujet d'études dominant. Habituellement, l'enseignement des

collèges dure quatre années. Avec le système coopératif, la durée a été portée à cinq ans. Les périodes de travail doivent atteindre au minimum 90 semaines.

Les étudiants bénéficient de six semaines de vacances par an : deux entre les trimestres d'été et d'automne, deux également entre les trimestres de printemps et d'été et deux fois une semai­ ne entre les autres trimestres.

souple. Les étudiants peuvent éventuellement aller étudier à l'étranger. Antioch dispose d'une filiale en France. Les

étudiants qui veulent étudier un an dans ce pays, le font sui­ vant les modalités suivantes :

- arrivée au printemps : deux mois de perfectionnement linguis­ tique au centre d'enseignement du français à l'Université de Besançon;

- travail en France pendant l'été;

- études dans une université française d'octobre à juin;

- éventuellement une seconde période de travail, l'été suivant.

4. La coordination entre les périodes de travail et les périodes d'études.

Le fait que les étudiants alternent les périodes d'études à l'université et les périodes de travail effectif sur le terrain pose le problème de la coordination entre ces deux types d'acti­ vités. N'oublions pas qu'un des principes de base de l'éducation coopérative proclame qu'il s'agit de développer une politique systématique qui vise à relier le plus étroitement possible, les périodes de travail aux études suivies (1) .

Pour y parvenir, Keith Lupton, directeur-adjoint du programme coopératif de l'Université de la Floride du Sud préconise les

mesures suivantes (2).

"- Une séquence planifiée de l'emploi de l'étudiant, afin de lui fournir des tâches à responsabilités croissantes, à mesure qu'il s'en révèle capable.

- Une seule personne de l'entreprise doit assumer l'entière responsabilité de la direction du programme.

- Les adultes qui participeront dans l'entreprise à la formation des étudiants doivent y être préparés et mis au courant des objectifs de l'éducation coopérative. Sans quoi, l'étudiant

(1) Supra, p. 120.

124.-risque d'être laissé dans un coin ou traité coirane une 'merveille' de quatre-vingt-dix jours".

Pour effectuer le contrôle de la situation, les établissements d'enseignement supérieur qui pratiquent l'éducation coopérative ont recours à des coordinateurs. La plupart des coordinateurs ont fait des études de psychologie. L'Association de l'Education

Coopérative effectue chaque année une enquête statistique. En 1971, chaque coordinateur avait la charge de cent étudiants en moyenne dans les collèges ou les universités et de cinquante dans les "junior colleges", établissements d'enseignement supérieur présentant un cycle court de deux ans à l'issue des études secon­ daires .

Le travail de ces coordinateurs consiste à sensibiliser le monde des employeurs au mouvement coopératif et à obtenir d'eux, des emplois valables pour les étudiants.

La phase suivante du travail consiste à interviewer ces der­ niers, afin de les aider à prendre conscience de leurs motiva­

tions et de leurs besoins et de les aider ainsi à trouver l'emploi qui leur convient.

Enfin, durant les périodes où les étudiants sont au travail, les coordinateurs doivent aller sur place pour vérifier si leurs étudiants sont satisfaits de leur travail et si les firmes sont satisfaites également. Si l'on constate que certaines firmes ne confient aux étudiants que des tâches sans intérêt, la collabora­ tion avec ces entreprises est interrompue.

D'autre part, les étudiants effectuent non pas un stage, mais ils occupent un emploi dans le plein sens du terme. Ils ont donc droit aux rémunérations légales en vigueur. Par l'entremise des coordinateurs, l'université veille au respect de cet aspect social du problème.

On voit que les coordinateurs sont confrontés à une tâche écrasante. Il ne faudrait pas croire que le système est idyllique et qu'aucun problème ne se pose.

Lors d'une enquête effectuée en 1970-1971 (1), 14 % des étudiants au travail ont déclaré n'avoir pas été visités par leur coordinateur; 55 % l'avaient vu une fois, 22 % deux fois. D'autre part, des problèmes de collaboration se posent aussi parfois entre les coordinateurs et les enseignants. Certains parmi ces derniers auraient tendance à ignorer ce qui se passe en dehors de l'université, voire même à considérer les coordi­ nateurs comme des collaborateurs de seconde zone. Cela n'est évidemment pas fait pour accentuer le rendement du système d'éducation coopérative.

5. Analyse critique.

Notre mise au point d'une stratégie de l'éducation perma­ nente a abouti à la conclusion qu'une véritable ouverture de l'université n'était possible qu'en la libérant du temps et de l'espace, ce qui impliquait la prise en considération, par une politique de crédits, de l'expérience acquise à divers moments, éventuellement hors du campus universitaire.

Le système coopératif américain permet-il une véritable ouverture dans l'espace ? A notre avis, la réponse doit être positive. Il s'agit d'un point auquel tiennent le plus, les défenseurs du mouvement coopératif. Ils s'efforcent de trouver pour les étudiants, des emplois en rapport avec la formation

qu'ils reçoivent à l'université. Le système du binôme d'étudiants permet d'ailleurs l'attribution d'emplois réels rémunérés. Il ne s'agit en aucune façon de stages, qui laissent toujours les étu­ diants en quelque sorte hors du coup et ne les amènent pas vrai­ ment à prendre conscience des problèmes pratiques qui se posent dans l'entreprise et hypothèquent par conséquent la liaison

théorie-pratique. Le rôle des coordinateurs consiste d'ailleurs à veiller au bon fonctionnement du système. Même si, comme nous l'avons vu, des problèmes d'harmonisation se posent dans le chef des enseignants, il s'agit incontestablement d'un effort appré­ ciable, qui va dans le sens où nous entendons l'ouverture de l'université. Les étudiants prennent mieux conscience des besoins

126.-réels des entreprises. Le fait de recevoir un traitement pendant près de la moitié de leurs études et de pouvoir éventuellement encore prétendre à une bourse de complément les libère en grande partie des contraintes de leur milieu d'origine. Cela constitue un pas vers une plus grande démocratisation. Les étudiants sont d'ailleurs non seulement les bénéficiaires, mais surtout les artisans de ce progrès social.

Enfin, la liaison de la théorie à la pratique permet aux enseignés de mieux comprendre le pourquoi des notions qui leur sont inculquées et d'avoir éventuellement à leur égard, une attitude critique. L'adéquation de l'enseignement à l'évolution scientifique et technique s'en trouve stimulée ainsi que la moti­ vation à l'étude.

Toutefois, un indice nous amène à penser que cette ouver­ ture dans l'espace n'est pas totale et que l'expérience acquise hors du campus universitaire n'est pas prise en considération à 100 %. L'adoption du système coopératif par des universités et des collèges a abouti chaque fois à un allongement de la forma­ tion de un ou de deux ans. Cela semble indiquer que l'on a opéré plutôt une juxtaposition qu'une intégration entre la théorie et la pratique. Cela pourrait être dû à la résistance au changement des enseignants déjà mise en évidence dans notre analyse. Une réaction contre cet état de choses commence heureusement à se manifester. Une réduction du temps de formation actuel est pré­ conisé par plusieurs collèges et universités. Antioch College et Kalamazoo College (Michigan), notamment offrent déjà des pos­ sibilités d'études coopératives étalées sur le délai normal de quatre ans et non plus de cinq années. Quoi qu'il en soit, les avantages mentionnés aux points de vue socio-économique, social et psychologique restent acquis.

Nous sommes moins optimistes en ce qui concerne l'ouverture dans le temps de l'université, qu'en ce qui concerne l'ouverture dans l'espace. En fait, le mouvement coopératif américain prati­ que l'alternance (théorie-pratique) interne. Il s'agit en fait de l'introduction de périodes de travail pendant les études mêmes, mais celles-ci restent présentées en bloc. L'étalement dans le

temps n'est pas possible. Le découpage en périodes de travail et d'études est très strict. Tout est à prendre en bloc ou à laisser La population reste donc une population relativement homogène quant à l'âge : il s'agit de jeunes gens aux études.

L'ouverture dans le temps n'est donc pas assurée. Seule, l'adoption de l'alternance externe, c'est-à-dire la prise en con­ sidération des expériences pratiques extérieures au campus uni­ versitaire, acquises à divers moments permettrait l'accroissement dans la population estudiantine, de la proportion d'adultes ou de jeunes ayant déjà eu une expérience du travail.

En fait, nous faisons au système coopératif américain, le reproche inverse de celui émis à l'encontre de 1' "Open Universi- ty" britannique. Celle-ci avait réalisé l'ouverture dans le temps par sa politique des crédits, mais son ouverture dans l'espace laissait à désirer. Quant au mouvement coopératif américain, il a assez bien développé l'ouverture dans l'espace, mais il a négligé l'ouverture temporelle.

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