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Le Service de santé des Forces Canadiennes (SSCF)

Plus particulièrement, les Services de santé des forces canadiennes (SSFC) ont été déployés en Afghanistan de 2005 à 2014, tout d’abord dans le cadre des opérations à Kandahar et, à partir de 2011, pour la formation d’équipe médicales. Le SSFC a été créé en 1959 par l’intégration, en un seul service des services médicaux de la marine, de l’aviation et de l’armée de terre. L’intérêt particulier et le rôle le plus important durant toute la mission en Afghanistan est certainement lorsque les SSFC ont reçu le mandat d’assumer le commandement de l’unité médicale multinationale de l’hôpital militaire et du rôle 3 de l’aérodrome de Kandahar dans le sud de l’Afghanistan. Il s’agissait de gérer et d’équiper en ressources matérielles et humaines, un établissement médical antérieurement sous contrôle américain et de moins grande envergure, afin d’en faire une unité de rôle 34 (Tien et al., 2006). Puisque l’unité médicale relevait de l’OTAN, cela impliquait également que les Canadiens devaient travailler avec des équipes provenant de la Hollande, du Danemark, des États-Unis, du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande (Brisebois et al., 2011). Les Canadiens travaillaient donc selon les normes

4 Le rôle 3 est « l’équivalent d’un centre de traumatologie de soins tertiaires en Amérique du Nord, c’est-à-dire

un centre hospitalier équipé pour offrir des soins spécialisés et des soins intensifs et réaliser des opérations chirurgicales majeures » (Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, 2008).

et sous les ordres d’un commandant de l’OTAN, avec un personnel médical provenant de plusieurs autres pays (Dauphin, 2013).

Les soins de santé en Afghanistan étaient organisés selon les consignes de l’OTAN, soit sous quatre niveaux de soins catégorisés par « rôles ». Le rôle 1 consiste en des soins de première ligne fournis à des petites unités (bataillon). Le rôle 2 fournit quant à lui, des soins de réanimation et de maintien des patients, y compris l’évacuation des patients du rôle 1, à une plus grande unité (brigade), sans toutefois qu’il n’y ait de chirurgie. Lorsqu’un rôle 2 est équipé pour faire des interventions chirurgicales, on dit alors qu’il s’agit d’un rôle 2 +. Le rôle 3 est chargé de donner des soins au niveau des divisions et comprend d’autres soins plus spécialisés : en chirurgie (ex : neurochirurgien, spécialiste vasculaire) et autres spécialisation (ex. : anesthésistes, radiologues), en équipement sophistiqué (ex. : CT scan, échographie), en ressources de médecine préventive, de dentisterie, ainsi que de gestion de stress opérationnel (ex. : psychiatres et travailleurs sociaux), qui ne se retrouvent pas dans le rôle 2. Le dernier niveau, soit le rôle 4, fournit des soins définitifs et de longues durées, pour la reconstruction, la réhabilitation, ou pour des besoins qui ne sont pas couverts par le rôle 3. Le rôle 4 est généralement dans le pays d’origine (Brisebois et al., 2011). Dans le cas de la mission en Afghanistan, les soldats canadiens étaient évacués au centre médical régional de Landstuhl en Allemagne, pour des procédures chirurgicales plus avancées, avant de revenir au Canada (NATO, 1997).

Les SSCF avaient connu l’expérience de déploiement d’équipes de chirurgie dans le cadre des missions en ex-Yougoslavie (1993-1996) et à Kaboul au début du conflit de 2003 à 2005, mais il s’agissait d’une première expérience pour le Canada à titre de responsable d’un rôle 3. D’ailleurs, de l’aveu du Médecin Général lui-même, les SSCF avaient très peu d’expérience en médecine de combat (Jung, 2011). Le mandat principal des équipes chirurgicales canadiennes lors des déploiements antérieurs, était principalement de réanimer, stabiliser et effectuer les chirurgies pour limiter les dégâts. Cela afin de pouvoir évacuer les patients hors du pays (Brisebois et al., 2011), alors qu’au niveau du rôle 3, les soins à fournir étaient beaucoup plus complexes et spécialisés.

Au départ, il était prévu que le Canada assume le commandement de l’hôpital militaire de Kandahar pour une période d’un an, mais le mandat s’est prolongé sur près de 3 ans et demi (44 mois), soit de février 2006 à juillet 2009. Huit contingents hospitaliers ont été déployés, communément appelés huit « rotations », au cours de cette période (Brisebois et al., 2011). La population desservie par l’hôpital de Kandahar était variée. On compte d’abord les 15 000 travailleurs de l’aéroport, en plus de quelques dizaines de milliers de soldats de la coalition à travers l’Afghanistan, sans compter les membres des forces armées et de la police afghane. À cette liste s’ajoutent les personnes victimes des combats ainsi que la population en général, s’il s’agissait de leur sauver « la vie, des membres ou la vue » (life, limb or eye sight) (Brisebois et al., 2011). Les cas transférés au rôle 3 par d’autres « Medical treatment facilities » (unités de soins médicaux) étaient toujours les plus graves : il s’agissait de patients qui ne pouvaient être pris en charge par les autres niveaux de soin (Dauphin, 2013).

L’hôpital était doté d’équipements médicaux de toutes sortes, mais demeurait tout de même un bâtiment en contreplaqué d’un seul étage, ainsi que d’une architecture très rudimentaire (Beckett, 2012). « À la fin de l’hiver 2009, l’hôpital comptait 8 postes de traumatologie; une salle de 13 lits; une unité de soins intensifs de 9 lits; 3 salles d’opération; une salle de radiologie avec scanner de tomodensitométrie; un laboratoire médical de soins dentaires, de physiothérapie et de soins primaires cliniques; et une pharmacie » (CSHP, 2009). Les soins offerts étaient également variés, allant des maux les plus communs pour les patients externes, jusqu’aux soins hospitaliers reliés aux grands brûlés et à la traumatologie, due aux engins explosifs improvisés (EEI) entraînant des traumatismes multiples. Les spécialités pouvaient varier selon les rotations, mais de façon générale, l’hôpital était doté de deux chirurgiens en traumatologie, deux chirurgiens orthopédistes, un chirurgien spécialiste de la chirurgie buccale et maxillo-faciale, ainsi que d’un neurochirurgien (Rapport du Comité sénatoriale permanent de la sécurité et de la défense nationale, 2008). Durant le commandement canadien de l’hôpital de Kandahar, 6 735 interventions chirurgicales ont été réalisées auprès de 4 434 patients. La majorité des patients (66,4%), étaient des ressortissant afghans (1 545 civils, 1 403 forces de sécurité). Les membres de la coalition FIAS ayant été traités à l’hôpital de Kandahar représentent seulement 25,3% (1 121 des patients), tandis que 208 détenus (4,7%) ont subi des chirurgies. Près de la moitié des chirurgies (49,5%), soit 3 329, ont été de nature orthopédique,

suivies par 2 053 chirurgies générales (30,5%), 930 chirurgies maxillo-faciales orales (13,8%) et 272 neurochirurgies (6%) (Brisebois et Tien, 2011).

La préparation pré-déploiement consistait surtout à un entraînement physique et militaire, une formation spécifique au théâtre d’opération (incluant une formation à la culture afghane), ainsi qu’une formation médicale sur l’unité de rôle 3, selon des scénarios spécifiques pour le traitement de nombreux blessés (Brisebois et al., 2011). Plus particulièrement, un programme de Secourisme en situation de combat (SSC), classant les soins à fournir en situations tactiques (selon 3 phases, soit les soins sous feu ennemi, les soins tactiques et ceux d’évacuation), c’est- à-dire selon le niveau de danger pour le blessé et le soignant (un programme enseigné et suivi par les professionnels de la santé) (Savage, 2011). Cette formation et ce programme auraient, entre autres, permis aux FAC de connaître le plus haut de survie aux blessures de son histoire (Savage, 2011).

À partir de 2011, et dans le cadre de l’opération Attention, des membres du personnel médical des FAC ont participé aux efforts de formation dans deux camps : l’un à Kaboul, auprès de l’Académie des sciences médicales des forces armées (ASMFA), qui est l’école de soins de santé pour l’ANA; l’autre au camp Mike Spann, à Mazar-e-Sharif, à plus de 300 km au nord- ouest de Kaboul, au nouveau Centre d’instruction militaire régional où se trouvait un hôpital militaire (Lafond, 2013).