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Trois questions portaient sur les codes d’éthique (Q9, Q10 et Q12) pour faire la distinction entre l’éthique en temps de conflits et en temps de paix, entre le code médical et militaire et enfin, entre l’intérêt collectif versus l’intérêt du patient. Sous Nvivo les codes et sous codes sous « Code of ethics and legal doctrines » couvraient ce sujet.

Tous les participants adhèrent à l’idée que l’éthique médicale en temps de conflit doit être la même qu’en temps de paix. Les répondants disent toutefois que les ressources changent (#2,4,9) et que les conséquences des décisions sont plus importantes, mais que l’éthique des soins donnés demeure identique (#8,10).

Dans l’ensemble également, les participants (#2,3,6,7,9,10,11,12,13,14) considèrent que les codes d’éthique militaires et médicaux sont similaires, du moins dans leurs principes, normes, standards, valeurs et buts. Quoique les deux codes prônent des comportements éthiques, leur perspective est différente, l’un portant sur « l’interaction entre le patient et le médecin (avec moins d’emphase sur le rôle social du médecin dans son ensemble), alors que comme militaire, on est en service pour le gouvernement » (#7). De plus, « le code médical c’est centré sur le patient, tandis qu’au point de vue militaire c’est plus centré sur la chaîne de commandements et l’accomplissement de la mission » (#2). D’après certains participants, tous les codes d’éthique disent à peu près la même chose, sont présentés dans des termes assez larges (voir vagues selon un participant #6) appliquent des standards élevés en termes

d’éthique, ce qui reflète bien les valeurs de la société canadienne). Un répondant considère même que le fait d’avoir un code d’éthique militaire en plus du code médical, rend le tout encore plus fort et que ces derniers forment une synergie permettant aux médecins d’être encore plus responsables, tout comme de meilleurs citoyens (#10). Un autre mentionne que ce qui est intéressant dans le monde militaire, est que le médecin peut avoir une approche plus globale envers son patient et sa santé. Contrairement au milieu civil, le médecin militaire peut consulter plusieurs personnes à différents niveaux.de la hiérarchie, soit des supérieurs des collègues ou alors des évaluateurs indépendants, qui contribuent à prendre la meilleure décision pour le patient. (#11). Un autre répondant ajoute que la plupart des médecins (du moins chez les spécialistes) travaillent la majorité du temps au civil, c’est pourquoi ils ne changent pas leur façon de travailler, s’ils sont dans l’un ou l’autre contexte (#1). Enfin, un autre dit simplement que les deux codes sont semblables car « en bout de ligne, on essaie d’aider les gens » (#9).

Toutefois, on s’entend pour dire que c’est la situation et la façon d’appliquer ces codes d’éthique qui font une différence. Ainsi, la façon de pratiquer la médecine ou de prendre les décisions peut être différente (#2,3,8) en temps de conflit, notamment à cause des ressources limitées et du « contexte de tension chargé émotivement » (#14). Ainsi, « tu dois faire face à des dilemmes éthiques différents quand tu es à l’étranger ou dans une situation de conflit et avec lesquels tu n’as pas à composer ici au Canda (…) c’est plus compliqué en combat, et tu dois être préparé à composer avec des tourments intérieurs » (#13). Dix répondants précisent que le focus de l’institution militaire concerne l’ensemble de l’institution, de l’opération ou du groupe, comme c’est le cas en santé publique ; alors que celui du médecin concerne le patient et ils doivent composer avec ces deux visées (#1,2,3,4,6,7,8,10,12,14). Toutefois, un participant précise que les conflits potentiels engendrés par ce focus différent ne « sont pas fréquents et n’ont pas de conséquences significatives dans les faits » (#14). Cette conclusion semble partagée par neuf autres répondants, qui disent spontanément ne pas avoir vécu de conflit entre les deux codes (#5,6,7,9,10,11,12,13,14).

Trois participants (#1,8,13) donnent cependant en exemple, la confidentialité ou le rapportage pouvant être différents dans un contexte militaire, puisqu’il faut penser aux patients mais

également à l’ensemble du groupe. On donne en exemple les discussions avec les supérieurs d’un patient, qui dans le monde militaire, sont qualifiées d’un peu plus « libérales », dans le sens de moins restrictif (#13). D’un autre côté dit le répondant, les congés de maladie dans le civil sont parfois donnés de façon automatique par les médecins. Chez les militaires, les limitations données à un soldat doivent être réfléchies en fonction du soldat lui-même, mais aussi de l’ensemble de son groupe, car il en va de la vie de tous. Un autre (#1) mentionne qu’il existe un règlement interne obligeant les militaires à rapporter toute transgression aux règlements (dans les « Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces

canadiennes »). Cela signifie qu’en principe, le médecin en tant qu’officier militaire, aurait le

devoir de rapporter, par exemple, le cas de consommation de drogues d’un patient. En tant que médecin, la règle de confidentialité est en contradiction avec le règlement militaire.

D’ailleurs, un participant (#12) explique que ce n’est qu’à la fin des années 1990, suite à des plaintes, que l’institution militaire a accepté et reconnu que les médecins puissent préserver la confidentialité des dossiers de leur patient et que seul le pronostic ou les limitations d’emploi sont maintenant révélés. Le secret médical est aujourd’hui préservé et ce répondant reconnaît qu’il en est mieux ainsi, car selon lui, « il est suicidaire pour une organisation d’avoir des règles qui font en sorte que les professionnels vont devoir briser leur code de déontologie pour fonctionner » (#12). Les éléments de rapportage demeurent toutefois plus ambigus car au niveau militaire, les cas où un médecin doit rapporter son patient sont moins clairs qu’au niveau civil, ce qui laisse plus de zones grises ou de flexibilité au médecin (#8).

Une autre incohérence entre les deux codes ayant été soulevée est le principe de « service avant soi », ne pouvant s’appliquer aux médecins qui peuvent en arriver à moins bien accomplir leurs tâches, s’ils s’épuisent. Ainsi, un participant suggère « qu’en médecine il est convenu que pour être fonctionnel il faut aussi s’occuper de soi, tandis que pour les militaires le principe prioritaire est le « service avant soi …en médecine c’est reconnu qu’on ne peut pas traiter des patients tout le temps, en s’épuisant et en mettant sa propre santé en péril » (#8). Cinq participants (#2,7,12,13,14) mentionnent que ce n’est pas le milieu civil et militaire qui diffèrent, mais plutôt le contexte de conflit, pouvant rendre la prise de décision plus

compliquée. Trois d’entre eux (#7,12,13) croient qu’il faudrait que les médecins soient préparés avant de se rendre en zone de conflit en comparant les codes et en réfléchissant sur leurs différences d’interprétation et d’application. .On mentionne également que cela devrait relever du Médecin-chef, de veiller à ce que ces distinctions soient soulevées. Laissé à lui- même, un participant (#6) dit que le choix se fait en fonction de « ce qui fait le moins mal » (la cour martiale ou le Collège des médecins), en spécifiant que le dernier est beaucoup plus coercitif. Huit répondants considèrent aussi que c’est le code d’éthique médical qui doit primer (#1,3,4,7,8,10,12,14) et soulignent qu’ils ont le devoir de refuser un ordre qui contrevient au code médical (#3).

Les règles d’engagement (incluant la matrice d’éligibilité) reviennent aussi lorsqu’il est question de code d’éthique. Ainsi, un participant (#4) mentionne que ces règles l’ont beaucoup plus guidé dans ses choix. Un autre ayant participé aux rotations alors qu’il n’y avait pas de matrice d’éligibilité claire au niveau médical, rapporte qu’il a été question que les médecins puissent intervenir dans les interrogations auprès des détenus (qui n’étaient pas considérés comme des prisonniers de guerre, car le Canada n’était pas officiellement en guerre). Après une consultation auprès du Collège des Médecins, ainsi qu’un avis du gouvernement, la décision a été que « les médecins ne seraient pas impliqués dans les affaires d’interrogation » (Anon).