• Aucun résultat trouvé

La reconstitution des trajectoires d'aidantes vivant avec le VIH a montré combien le diagnostic de séropositivité « ébranle les catégories habituelles à travers lesquelles nous vivons le monde et nous vivons avec autrui » (Fischer, 2014, p. 5). L'anthropologie et la sociologie du handicap (Calvez, 1994; Murphy, 1990) nous offrent à ce titre un cadre analytique tout à fait intéressant nous permettant d'envisager le diagnostic de séropositivité au prisme de la théorie des rites de passage d'A. Van Gennep (1981), comme une « situation de seuil ». La découverte du statut sérologique oblige en effet les individus à passer d'un statut social à un autre,

« (…) passage [qui] se caractérise par une succession de trois stades, la séparation, le seuil et l'agrégation ; à chaque stade correspondent des rites particuliers qui permettent le changement de statut de l'individu. La phase de seuil caractérise le moment où l'individu a perdu un premier statut et n'a pas encore acquis le second. Cette situation liminaire est une condition essentielle et nécessaire du passage car, en annulant les marques d'un statut antérieur, elle rend possible l'acquisition de l'autre statut. L'individu se trouve alors dans une situation spéciale pendant un temps plus ou moins long : il flotte entre deux mondes. » (Calvez, 1994, p. 74).

Cependant, à la différence du handicap qui selon le sociologue assigne durablement l'individu à ce statut liminaire, nous considérons le diagnostic de séropositivité comme un moment transitoire de l'existence sociale de l'individu, dont la durée va dépendre des supports immédiats dont il peut se saisir pour passer au stade suivant : celui de l'agrégation traduit ici par la phase de reconstruction biographique. Nous avons étudié, dans la section précédente, les ressources dont disposent certaines femmes découvrant leur séropositivité pour faire face aux ruptures impliquées par le diagnostic du VIH et devenir aidante associative. Les questions qui se posent pour les usagères sont celles du manque de ressources immédiates permettant la négociation de ce passage et de l'effondrement de leur inscription dans l'univers social. Partant de là, l'objectif de ce premier point est d'examiner comment le recours associatif permet aux

personnes manquant de ressources de négocier la sortie de ce temps liminaire. Pour ce faire, nous examinerons d'abord les caractéristiques de la « situation de seuil » des futures usagères afin de mettre au jour le cumul de situations de vulnérabilité à l'origine du recours associatif. Nous verrons ensuite que le recours associatif assure les fonctions socialisatrice et stabilisatrice nécessaires à la re-signification de l'existence sociale.

1.1. L'inscription dans le temps liminaire comme genèse du recours associatif L’analyse des profils des dix-sept usagères associatives révèle l’hétérogénéité de leur parcours biographique et de leurs projets migratoires (Pourette, 2008b) qui s’articulent néanmoins autour de quatre situations-types. Premièrement, le diagnostic de séropositivité est découvert en France à l'occasion d'un séjour ponctuel tel qu’une visite familiale, un voyage touristique, un déplacement professionnel ou encore une consultation médicale pour des problèmes de santé persistants autres que le VIH. Les sept femmes concernées par cette première situation sont arrivées seules, sans aucun projet migratoire, avant d’être dépistées séropositives au VIH en France. Deuxièmement, le dépistage est réalisé en France à l’occasion d'un épisode de maladie ou d'une grossesse pour de jeunes femmes récemment arrivées seules sur le territoire et poursuivant un projet migratoire de plus ou moins long terme. Trois des cinq femmes concernées par cette seconde situation avaient un projet d’élévation socio-économique, pensant travailler quelques années en France afin d’améliorer leur situation puis rentrer au pays pour monter un projet professionnel. Une femme a dû fuir les violences politiques sévissant dans son pays. Une autre n’avait pas de projet migratoire clairement défini, simplement animée par le désir de découvrir le monde. Dans ces deux premières situations – l’absence de projet migratoire ou l’arrivée récente en France – l’entrée dans la « situation de seuil » (Calvez, 1994) est brutale, marquée par une installation contrainte en France pour les unes et l’effondrement du projet migratoire initial pour les autres. Troisièmement, l’immigration a pour objectif l’accès aux traitements antirétroviraux en France suite à une séropositivité au VIH diagnostiquée dans le pays d’émigration. Parmi les trois usagères concernées par cette immigration pour soins58, une femme a fait l’objet d’une évacuation sanitaire d’urgence. Les deux autres ont été encouragées à émigrer par des membres de leur famille résidant en France au courant de leur statut sérologique. Enfin, une dernière situation plus rarement évoquée parmi les usagères est

58

celles des femmes ayant appris leur séropositivité alors qu’elles vivaient en France depuis longtemps. En effet, seules deux usagères sont concernées par cette situation. Tandis que dans les trois situations précédentes, l'isolement géographique et social ainsi que le cumul de difficultés administratives et socioéconomiques plonge les femmes dans un statut liminal ; lorsqu’elles sont bien installées en France, c’est le poids du secret et l’isolement social qui en découle qui les mène à recourir aux collectifs (Poglia Mileti et al., 2014).

Léonie N., commerçante et mère de six enfants, perd son époux au début des années 2000, « on ne sait pas de quoi, on pensait que c'était la sorcellerie ». Séjournant quelques semaines en France pour les besoins de son activité professionnelle, elle tombe gravement malade. On lui annonce alors une tuberculose, puis le diagnostic de séropositivité est posé. Dépistée tardivement, elle cumule les maladies opportunistes, perd temporairement l'usage de ses fonctions psychomotriciennes et est envahie de délires paranoïaques. Sans projet migratoire, puisque son séjour n'était que de courte durée, elle entre dans une dépression profonde. Isolée socialement et géographiquement, elle est de plus envahie d'un fort sentiment de culpabilité à l'égard de ses enfants.

« Mon histoire est trop longue à raconter mais ça a été vraiment un grand traumatisme. Je pensais à mes enfants, ils étaient partagés dans la famille, ils souffraient ! Et je me posais beaucoup de questions sur l'avenir de mes enfants, c'était très dur, ça me prenait beaucoup la tête. » (Léonie N., 47 ans, usagère associative, séropositive au VIH)

Sans titre de séjour, sans logement ni ressource économique lui permettant d'assurer sa sortie d'hospitalisation, qui dure plus d'une année, elle sera hébergée en appartement de coordination thérapeutique (ACT) et réalisera pour obtenir quelques revenus, des heures de ménage ; activité qu'elle ne pourra poursuivre pour des raisons de santé. Elle ne reverra ses enfants que trois ans plus tard à l'occasion d'un voyage en Afrique et devra attendre près d'une décennie pour obtenir le regroupement familial pour les plus jeunes d'entre eux.

Le cas de Léonie est représentatif d'une entrée brutale dans le temps liminaire, en ce qu'elle cumule l'ensemble des difficultés auxquelles les usagères peuvent être confrontées. La découverte de séropositivité lors de séjours en France ponctuels ou de moyen terme bouleverse la démarche originale de mobilité des femmes anéantissant toute possibilité de retour. Les plongeant dans une temporalité flottante, l'incertitude teintée de long terme devient dans l'immédiat la principale modalité du nouveau projet migratoire. La séparation d'avec leurs enfants et l'abandon du « mythe du retour » (Memmi, 2007) sont les traumatismes les plus

fréquemment rapportés par les enquêtées et ce, quelque soit leur statut associatif59. D.Pourette (2008b), s'appuyant sur les analyses de D.Fassin, a montré que dans le cas des migrations pour soins, la vie sociale des immigrantes se restructure complètement autour de la maladie avec les contraintes de précarité économique et administrative que l'installation en France implique.

La redéfinition du projet migratoire dans une optique de soins modifie ainsi le sens de la « vie » ; l'isolement géographique et social éloignant les femmes du fondement même de l'existence humaine, le « sens des autres » (Augé, 1994b). D.Fassin reprend pour qualifier ce phénomène la distinction opérée par H. Arendt (1983) entre les termes zôé et bios, utilisés pour parler de la vie chez Aristote. La zôé s'assimile à la vie physique, biologique, au simple parcours de la naissance à la mort tandis que la bios désigne la vie sociale et politique, la manière d'être au monde, distinguant l'homme des autres espèces au sein du règne des vivants. Pour l'anthropologue, « le lien entre la condition d'immigré et la condition de malade est la réduction de la bios à la zôé » (Fassin, 2001d, p. 143). En effet, via le dispositif de régularisation pour soins, le corps souffrant prend le dessus sur la signification sociale de l'existence, la survie biologique justifiant la présence de l'individu sur le territoire français.

« Autrement dit, l’étranger a obtenu, sous la condition d’être atteint d’une pathologie grave, une reconnaissance qui lui était contestée dans tous les autres registres de l’activité sociale. Cette reconnaissance conférée par la maladie débouche ainsi sur une forme de « biocitoyenneté » qui relève, au fond, d’une politique de la « vie nue » (Agamben, 1997) ne donnant à l’étranger droit de cité que parce qu’il est menacé dans son existence biologique » (Fassin, 2002).

C'est ainsi que le « droit à la vie » devient synonyme de double peine, de double perte, de cumul de situations de vulnérabilité. L'objet et la temporalité de la migration étant bouleversés, un ensemble de ruptures biographiques et sociales viennent s'ajouter à la réduction de l'existence sociale au corps biopolitique.

L'installation sur le territoire français présente en outre un certain nombre de difficultés administratives et socio-économiques. Le parcours d'installation passe par trois étapes interdépendantes à savoir l'obtention d'un logement stable, la régularisation administrative pour soins dans un premier temps et l'accès aux ressources économiques. Dans la loi, seuls un certificat médical et la non-disponibilité des traitements dans le pays d'origine semblent conditionner l'obtention d'un titre de séjour pour soins. Dans la pratique, les agents de préfecture

59 L'abandon du mythe du retour a fait l'objet de témoignages des femmes, aidantes et usagères d'une association, à l'occasion de la journée nationale de l'un des COREVIH d'Île-de-France. Les retranscriptions de ces témoignages

exigent souvent plus de documents que nécessaires dont, entre autres, la preuve d'une certaine stabilité résidentielle par des justificatifs de domicile ou attestations d'hébergement. Or, l'hébergement se trouve fortement ébranlé par la découverte de séropositivité. Les hôtes découvrant la séropositivité de leur invitée réagissent fréquemment par le rejet et l'expulsion, influencés par leurs représentations négatives de la maladie. Parallèlement, même lorsque la séropositivité est tenue secrète, le prolongement du séjour des individus en France représente un poids pour les hébergeants, notamment en région parisienne où les logements sont exigus et le coût de la vie élevé. Par ailleurs, plusieurs enquêtées rapportent des situations de maltraitance, telles que l'assignation de tâches domestiques, les violences psychologiques ou encore l'exigence de services sexuels en contrepartie de l'hébergement. La nécessité de recourir à des hébergements d'urgence se pose alors. La pression sur le logement d'urgence est telle que de nombreuses enquêtées « vivotent » depuis plusieurs années, n'ayant aucun endroit stable où s'établir. Les lignes téléphoniques du 115 - numéro d'urgence pour l'accueil des personnes sans abri - sont saturées d'appels et les hôtels ou foyers sociaux dans lesquels sont envoyées les chanceuses en fin de journée sont parfois difficilement accessibles par transports en commun. Il existe des hébergements de stabilisation tels que les Appartements de Coordination Thérapeutique (ACT) permettant aux individus atteints de pathologies graves de bénéficier d'un accompagnement socio-médical et d'accéder à terme au logement de droit commun, cependant les places y sont rares. A titre d'exemple, en 2011, 5294 demandes d'admission ont été adressées en Île-de-France pour 166 réponses positives, soit 3.1% de taux d'admission60.

Concernant la régularisation pour soins, les étrangers doivent attester d'une année de présence sur le territoire français pour pouvoir entreprendre une procédure de régularisation pour soins, qui prendra en moyenne une année supplémentaire pour déboucher sur l'obtention d'un titre de séjour. Au cours de cette période, les individus ne peuvent transmettre de demandes d'aides sociales ni travailler de façon légale et régulière. Cette temporalité incertaine renforce ainsi les risques d'exploitation économique et sexuelle. L'écart entre les temps administratifs de traitement des dossiers et l'urgence vécue par les femmes est notable. La précarité de leur situation favorise une grande dépendance des immigrant-e-s aux professionnel-le-s de l'action sociale, en particulier au sein des structures d'hébergement. Ce décalage exacerbe les situations de vulnérabilité dans le sens où les relations entretenues par les femmes avec les travailleurs sociaux sont déséquilibrées. Les professionnel-le-s de la prise en charge maîtrisent le langage

60

Bilan national des ACT 2012, Fédération Nationale d'Hébergements VIH et autres pathologies. http://www.fnh- vih.org [consulté le 14.01.2015]

et le fonctionnement de la société d'accueil, occupent une position professionnelle institutionnellement reconnue et disposent des savoirs administratifs et juridiques nécessaires au parcours d'installation des femmes étrangères. Ils détiennent, de plus, un ensemble d'informations biographiques à leur sujet, dont le secret de leur séropositivité. Ces dernières doivent leur rendre des comptes, leur confier certaines de leurs expériences afin d'espérer recevoir les aides escomptées. On retrouve ici l'échange de paroles inégales, construit à partir de la théorie du don, qu'évoquait J-C. Métraux (2011) dans son ouvrage La Migration comme

Métaphore. Les travailleurs sociaux tiennent des discours professionnels, « paroles-monnaie »

qui peuvent être transmises de façon répétée à l'ensemble des usagères. À l'inverse, ces dernières leur confient des « paroles précieuses » voire des « paroles sacrées » au sujet de leur biographie. Cet échange de parole non-équitable est renforcé par l'allocation d'un ensemble d'aides sociales, forme de potlatch ou surabondance de dons empêchant tout contre-don équivalent, toute forme de réciprocité pour les bénéficiaires. Les travailleurs sociaux, interface entre usagers et institutions, sont ainsi détenteurs d'un pouvoir infini et incontestable face aux femmes étrangères qui accumulent les dettes envers la société française. Ces relations de pouvoir inégales sont rendues possibles par un contexte national particulier. En effet, comme le souligne D. Fassin (2001d, p. 137),

« (…) le sida, parce qu'il s'est d'emblée inscrit dans un double registre de la transgression (sexuelle) et de l'agression (par l'autre), s'est avéré une illustration remarquablement efficace de cette représentation d'une liaison dangereuse entre épidémie et immigration (...) ».

La double peine de l'immigrante malade entre ainsi dans ce qu’A.Sayad (1999a) nomme les catégories de la pensée d'État, l'étranger en France étant soumis à une sorte d'hyper- correction sociale, devant continuellement faire preuve de sa bonne volonté à vouloir « s'intégrer », de sa soumission aux représentations nationales de l'altérité. On comprend dans quelle mesure les relations entre professionnels de l'action sociale et immigrantes séropositives peuvent être influencées par ce cadre national, en plus d'être soumises à un système bureaucratique lourd prolongeant le temps de dépendance de l'étrangère malade aux services d'assistance sociale. L'installation sur le territoire français, véritable parcours du combattant, expose les femmes au triple niveau de vulnérabilités précédemment évoquées (Delor & Hubert, 2000) renforçant les ruptures biographiques et entravant leur capacité de reconstruction : des trajectoires individuelles semées d'embûches ; des rapports de pouvoirs inégaux avec les travailleurs sociaux ; un contexte national ambivalent oscillant entre politique humanitaire (Ticktin, 2011) et rejet de l'altérité.

Quelque soit le contexte d'entrée dans la situation de seuil, le diagnostic de séropositivité au VIH illustre pour les immigrantes ce flottement « dans les interstices de la structure sociale » (Calvez, 1994; Murphy et al., 1988) : ni malades, ni en bonne santé, ni mortes ni pleinement vivantes, ni en dehors de la société ni tout à fait à l'intérieur. C'est face à cette « vie nue » (Agamben, 1997) que le recours associatif favorise une forme de reconstruction de soi.

1.2. De la socialisation à la stabilisation, les ressorts de la reconstruction

L'installation contrainte par la maladie plonge les femmes dans une « zone de vulnérabilité sociale » (Castel, 1995) conjuguant précarité économico-administrative et rupture des liens sociaux. Les associations représentent, de ce fait, l'espace par excellence où surmonter cette situation extrême. La reconstruction individuelle puise sa source dans le collectif dont la force repose sur le partage d'une identité objective (la région d'émigration) et d'expériences subjectives (être femme, vivre avec le VIH et faire l’expérience de l'immigration). Les échanges et l'établissement de relations de confiance permettent aux femmes de faire face aux ruptures qu'implique la découverte de séropositivité en France. La mise en place d'interactions sociales horizontales et solidaires donne du « sens » à leurs expériences, phénomène plus difficile lors des interactions avec les professionnel-le-s de la santé et de l'action sociale. Le « sens des autres » devient ainsi le moteur d'une réappropriation de l'existence sociale par les individus.

« Le sens, c'est la relation, et en l'occurrence l'essentiel des relations symbolisées et effectives entre humains appartenant à une collectivité particulière. Parler du sens, dans ce contexte, c'est parler du sens social » (Augé, 1994b, p. 49).

La démarche associative des usagères est en effet orientée, dans un premier temps, par la recherche de sens, comme le souligne l'histoire de Sanya M. jeune femme d'Afrique australe d'une trentaine d'années. Benjamine d'une fratrie nombreuse, elle arrive en France à la fin des années 2000 pour une visite familiale. Elle décide de prolonger son séjour pour soutenir la personne qui l'héberge et se faire examiner pour des problèmes de santé, sans gravité apparente. En couple depuis plusieurs mois, Sanya M. doit se marier. Elle ne peut pas officiellement fréquenter un garçon si elle n'est pas fiancée, « c'est la règle dans [sa] culture ». Pensant être enceinte, elle consulte un médecin et est diagnostiquée séropositive au VIH à cette occasion. Son compagnon met alors un terme à la relation. Lorsque nous la rencontrons, Sanya M. vient de découvrir sa séropositivité au VIH, annonce qui bouleverse profondément le sens de son existence ainsi que son ancrage social en France. Orpheline et prise en charge à l'adolescence

par ses aîné-e-s, elle ne sait comment leur annoncer la nouvelle. « J'avais honte, j'avais honte, j'avais trop honte ! ». Elle annonce finalement sa séropositivité à ses frère et sœur résidant en France. « J'ai senti que ma sœur était bizarre, que ça n'était plus pareil ». Sanya M. est mise à l'écart par cette dernière qui continue cependant de l'héberger tout en lui faisant subir une pression psychologique difficilement supportable61. Son frère, quant à lui, refuse jusqu'à aujourd'hui de lui adresser la parole. Rejetée par ses proches et craignant le renouvellement de cette expérience douloureuse, elle évite désormais les membres de sa communauté tout comme elle limite les contacts avec sa famille restée au pays. Dans le cas de Sanya M., l'isolement s'inscrit dans un souci de survie sociale. Cette jeune femme plonge dans un état dépressif profond et tente à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours. « Je voulais mourir, je cherchais tous les moyens pour me suicider ». À l'isolement social s'ajoute ses propres représentations de la maladie et une mal-connaissance du virus qui l'habite.

« Parce que moi j'étais trop perdue, j'étais trop trop perdue. Et quand j'ai vu que quelqu'un m'accompagnait, je me suis dit « mais attends, je suis pas toute seule! » Parce que moi je pensais que voilà, j'ai la maladie, je vais le vivre toute seule ! Je vais avoir personne pour en parler, personne ... parce que quand j'avais la maladie, je me suis dit, je suis la seule qui avait cette maladie grave. Je pensais que j'étais la seule et quelqu'un qui va savoir que j'avais la maladie, il va s'écarter de moi. En fait j'avais des idées comme ça. Mais quand on m'a accompagnée chez

Documents relatifs