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Chapitre 2. Cadre conceptuel

2.3. Le rapport à l’écrit (RÉ)

Dans cette section est d’abord présentée la notion de rapport à, qui permet d’introduire la notion traitée par la suite, soit le rapport à l’écrit (RÉ) (Chartrand & Blaser, 2008). Un concept complémentaire à considérer dans le cadre de notre recherche, le sentiment d’efficacité personnelle en écriture (Pajares, 2003) est par la suite explicité. Enfin, pour faire une synthèse des notions et concepts abordés au sein de ce chapitre, les recoupements existants entre ces notions et concepts sont exposés.

2.3.1. La notion de rapport à

Le rapport à se définit comme un lien, une relation à « des processus (les productions liées au langage), à des situations d'apprentissage, à des activités et à des produits (objets institutionnels, culturels et sociaux) » (Bautier, 2002, p. 43). Il est intimement associé au sens et à la valeur qu’un élève accorde à ces processus, situations, activités ou produits, puisque « l’individu valorise ou dévalorise les objets et les productions de langage en fonction du sens qu’il leur confère » (p. 43). Le rapport à est divisé en deux dimensions : identitaire et épistémique. Sa dimension identitaire correspond aux motivations et aux raisons personnelles qui déterminent la relation d’un élève à un objet, alors que sa dimension épistémique concerne la nature et la signification de cet objet aux yeux de l’élève. Enfin, la notion de rapport à permet de faire le lien entre deux des trois pôles du triangle didactique : les élèves et les savoirs et savoir-faire (Barré-De Miniac, 2008). Cette brève présentation du rapport à nous amène à aborder la notion suivante : le rapport à l’écrit (RÉ). En effet, le rapport à « légitime en quelque sorte la recherche sur les représentations/conceptions et attitudes » (Anctil, 2010, p. 169), ces dernières étant des éléments constitutifs du RÉ.

2.3.2. Le rapport à l’écrit (RÉ)

S’inscrivant dans la continuité des travaux de Barré-De Miniac (Barré-De Miniac, 1995, 1997, 2000, 2002, 2007, 2008; Barré-De Miniac, Cros, & Ruiz, 1993), en France, sur le rapport à l’écriture, des chercheurs québécois, dont Christiane Blaser et Suzanne-G. Chartrand, ont repris cette notion en y apportant quelques modifications. Un tel travail a été fait à la suite du constat de certaines lacunes et difficultés reliées à la notion de rapport à l’écriture telle que proposée par Barré-De Miniac, par exemple le fait qu’elle ne prenne pas en compte les pratiques des élèves en lien avec l’écriture. L’état actuel de la question en ce qui a trait à la nouvelle notion ainsi proposée, le RÉ, est présenté au sein de la présente section. C’est dans la foulée de ces travaux que nous situons la présente étude.

Selon Chartrand et Blaser (2008), le RÉ se définit comme « une relation de sens et de signification […] entre un sujet singulier, mais aussi nécessairement culturel et social, et l’écrit dans toutes ses dimensions » (p. 111). Le RÉ est lié aux pratiques de littératie au sens large et englobe donc à la fois les pratiques et les compétences associées à la lecture et à l’écriture, contrairement à la notion de rapport à l’écriture de Barré-De Miniac (Barré-De Miniac, 1995, 1997, 2000, 2002, 2007, 2008, 2012; Barré-De Miniac et al., 1993), qui ne concerne que l’écriture. Comme pour le rapport à, le RÉ est fortement dépendant du contexte dans lequel il se situe. Les enseignants peuvent avoir une influence sur son développement chez les élèves, ce rapport étant en constante évolution. Le RÉ est « susceptible d’évolutions, de modifications : un sentiment positif et l’expérience d’émotions agréables lors de la lecture ou de l’écriture augmentent ou soutiennent la motivation à mener ces pratiques et incitent à surmonter les difficultés qui

peuvent surgir » (Chartrand & Prince, 2009, p. 323). L’étude de cette notion paraît donc particulièrement pertinente en ce qui concerne les élèves en situation de grand retard scolaire, qui rencontrent de multiples difficultés dans le cadre de leur scolarisation et qui doivent surmonter divers obstacles dans leurs apprentissages.

Le RÉ peut être explicité à travers quatre dimensions (affective, praxéologique, conceptuelle et axiologique) qui en expliquent les différents aspects. En réaction aux dimensions mises de l’avant dans les travaux de Barré-De Miniac (2002), les quatre dimensions élaborées par Chartrand et Blaser (2008) dans le contexte de la recherche

Scriptura visent à rendre le RÉ « opérationnel à des fins de cueillette et d’analyse de

données » (p. 111).

Premièrement, la dimension affective du RÉ concerne les sentiments et les émotions reliés aux écrits. Elle se mesure à travers l’investissement des élèves en termes de temps, de fréquence et d’énergie dans le cadre d’activités de lecture et d’écriture.

Deuxièmement, la dimension praxéologique du RÉ correspond aux pratiques effectives de lecture et d’écriture des sujets, de même qu’à « l’activité métaprocédurale, voire cognitive, qu’ils mettent en œuvre et dont ils peuvent rendre compte » (El Bakkar, 2007, p. 32). Ainsi, cette dimension est associée à ce que les élèves lisent et écrivent ainsi qu’à l’endroit, la manière et la raison pour laquelle ils le font.

Troisièmement, la dimension conceptuelle du RÉ, aussi nommée dimension idéelle, est liée aux conceptions, aux idées et aux représentations qu’un élève entretient par rapport à l’écrit, à son utilisation et à son rôle pour réussir à l’école et dans la société.

Finalement, la dimension axiologique du RÉ se rapporte à la valeur accordée par un élève à l’écrit dans sa vie personnelle et dans sa vie scolaire pour développer son potentiel et pour réussir à l’école. Bref, c’est à travers ces quatre dimensions qu’il est possible de cerner le RÉ des élèves.

Malgré les modifications effectuées rendant le RÉ plus opératoire, les chercheuses ayant développé cette notion en soulignent quelques limites, notamment le fait que le RÉ ne permet pas de différencier les rapports à la lecture et à l’écriture (Chartrand & Blaser, 2008; Gilbert, 2008). En effet, l’observation du RÉ permet de recueillir davantage de données que si l’on ne se penche que sur le rapport des élèves à la lecture ou à l’écriture, mais cette observation s’avère moins pertinente lorsque l’on souhaite, par exemple, bâtir une intervention ciblant l’écriture et prenant donc en compte un seul des deux volets du RÉ.

Par ailleurs, certains questionnements sont apparus chez Chartrand et Blaser (2008) et chez Gilbert (2008) en lien avec la dimension axiologique du RÉ, qui n'est en mesure d'être saisie qu’à travers le discours d’un élève. Cela se révèle problématique, car ce discours peut n’être que la reproduction d’un discours de sens commun et, de ce fait, ne pas être représentatif des idées propres à l’élève, mais plutôt de ce qu’il croit désirable de mentionner. Les propos des élèves à ce sujet peuvent donc être difficiles à interpréter, ce qui présente une difficulté d’un point de vue méthodologique.

Ainsi, il est important de poursuivre la réflexion sur les quatre dimensions exposées précédemment, entre autres en ce qui concerne leur articulation et leur hiérarchisation (Chartrand & Blaser, 2008; Gilbert, 2008). Une dimension en particulier fait l’objet de critiques dans la théorisation du RÉ, soit la dimension praxéologique, puisqu’il est

difficile de mettre sur un pied d’égalité les pratiques effectives de littératie des élèves et les trois autres dimensions susmentionnées. La place accordée aux pratiques d’écriture des élèves au sein du RÉ est donc à revoir, car celles-ci se retrouvent à la fois en amont et en aval des autres dimensions mises de l’avant par Chartrand et Blaser. Certains chercheurs affirment que ces pratiques ne sont pas incluses dans le RÉ et qu’elles en sont plutôt les manifestations. À cela, Chartrand et Blaser répondent que les pratiques de littératie des élèves font partie du RÉ, qu’« elles contribuent à le forger » (p. 113).

Pour finaliser notre présentation des concepts et des notions jouant un rôle clé dans notre recherche, il est nécessaire d’exposer un dernier concept à considérer quant à l’engagement dans la littératie et au RÉ : le sentiment d’efficacité personnelle en écriture.

2.4. Une notion supplémentaire à considérer : le sentiment