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Chapitre 2. Cadre conceptuel

2.7. Vers le choix de la notion à utiliser dans la présente recherche : le RÉ+

Comme nous l’exposons à la section 2.5. et le résumons au sein du tableau I, il existe plusieurs recoupements entre l’engagement dans la littératie, le RÉ et le sentiment d’efficacité personnelle en écriture. Un tel constat se voit enrichi à la lumière des recherches empiriques présentées, qui nous amènent à réitérer la présence de liens étroits entre ces concepts et notions.

Tout d’abord, les recherches empiriques sur l’engagement dans la littératie en L2 révèlent qu’un tel engagement entraîne des modifications quant à la dimension affective de du RÉ des élèves. En effet, des approches stimulant l’engagement des élèves éveillent chez ces

derniers un plaisir et un désir d’écrire, d’apprendre et de corriger leurs erreurs ainsi qu’une confiance en eux-mêmes (Ivey & Broaddus, 2007; Lo & Hyland, 2007; Souryasack & Lee, 2007). Conséquemment, l’engagement dans la littératie influence les pratiques d’écriture des élèves, donc la dimension praxéologique de leur RÉ. Ce plus grand engagement est notamment relié à l’écriture de textes plus longs qu’avant l’intervention (Lo & Hyland, 2007; Souryasack & Lee, 2007). De plus, en lien avec la dimension conceptuelle du RÉ, une recherche empirique sur l’engagement des élèves dans leur apprentissage de la littératie en L2 signale que cet engagement entraîne une modification des fonctions et du sens qu’ils attribuent à la lecture et à l’écriture (Souryasack & Lee, 2007). Il est à noter que seul le développement de la dimension axiologique du RÉ ne peut être décelée dans les recherches sur l’engagement dans la littératie recensées. Cela pourrait être dû à la difficulté de recueillir des données sur celle- ci (Chartrand & Blaser, 2008; Gilbert, 2008).

Les recherches empiriques portant sur le RÉ permettent à leur tour d’établir une relation entre l’engagement et le RÉ. Cette relation se manifeste à travers l’investissement des élèves dans leur apprentissage de l’écriture et leurs pratiques de littératie ainsi qu’à travers leur prise en charge de cet apprentissage, ce qui se rattache à la dimension affective du RÉ (El Bakkar, 2007). De plus, les recherches présentant des interventions didactiques ayant un impact positif sur le RÉ soulignent l’importance de mettre en place des situations d’écriture stimulant l’engagement des élèves au moyen, entre autres, de l’expression et de l’affirmation de leur identité (Senoussi, 2010).

Bref, ces constats valident la pertinence de la définition d’une notion plus adaptée au contexte de notre recherche. Dans le cadre de la présente étude en didactique du français

L2 en contexte québécois, nous choisissons d’utiliser la notion de RÉ comme base conceptuelle. Par ailleurs, le choix de de cette notion nous permet de nous distinguer du cadre conceptuel utilisé dans la vaste recherche-action, davantage axé sur l’engagement dans la littératie. Afin de mieux cerner les particularités du RÉ d’élèves immigrants allophones en situation de grand retard scolaire, il nous apparaît néanmoins pertinent d’apporter un éclairage différent à cette notion en faisant quelques emprunts aux autres concepts présentés précédemment et paraissant pertinents à considérer dans le contexte d’une recherche portant sur une intervention en écriture en L2 auprès de la population visée (l’engagement dans la littératie et le sentiment d’efficacité personnelle en écriture). Nous proposons donc une version de la notion de RÉ plus adaptée au contexte de la présente étude : le rapport à l’écrit teinté du concept d’engagement, que nous nommons RÉ+.

Voici les dimensions du RÉ+, fondées sur les quatre dimensions (affective, praxéologique, conceptuelle et axiologique) du RÉ selon Chartrand et Blaser (2008). Il est à noter que les dimensions du RÉ+ ne ciblent que l’écriture, comme cela est fait dans les travaux de Barré-De Miniac sur le rapport à l’écriture (Barré-De Miniac, 1995, 1997, 2000, 2002, 2007, 2008, 2012; Barré-De Miniac et al., 1993). Pour chacune des dimensions, des exemples de questions permettant de sonder le RÉ+ des élèves sont mentionnées. Ces questions sont tirées des guides d’entretien utilisés dans le cadre de la vaste recherche-action (voir annexes 2, 3 et 4) dans laquelle s’insère notre étude (Armand

et al., 2012-2015). Nous avons contribué, au sein de l’équipe de la vaste recherche-

ajouté à ces guides deux sections abordant des thématiques spécifiques à la présente étude, soit les dimensions conceptuelle et axiologique du RÉ+.

Des passages du texte ont été mis en italique afin de préciser, dans la présentation des dimensions, ce qui ce qui relève uniquement du RÉ+ et qui n’est donc pas directement repris de la notion de RÉ de Chartrand et Blaser (2008).

Dimension affective du RÉ+ :

La dimension affective du RÉ+ correspond aux sentiments et aux émotions éprouvés par un élève en lien avec l’écriture. Cette dimension permet de déceler l’intérêt de ce dernier pour l’écriture et son désir d’en faire l’apprentissage. Elle se mesure à travers l’investissement d’un élève en termes de temps, de fréquence et d’énergie dans le cadre d’activités de lecture et d’écriture. Cette dimension concerne également le sentiment

d’efficacité personnelle (Pajares, 2003). Des questions permettant de cerner cette

dimension du RÉ+ chez un élève pourraient donc être « Est-ce que tu aimes écrire en français/en langue(s) maternelle(s)? ? Pourquoi? » et « Comment te sens-tu lorsque tu écris en français/en langue(s) maternelle(s) (stressé, à l’aise, fier, etc.)? ».

Par ailleurs, la dimension affective du RÉ+ est un lieu privilégié de l’observation de l’engagement des élèves dans la littératie. En effet, elle permet l’observation de certains sentiments indicateurs d’un tel engagement, comme l’enthousiasme, le plaisir et l’intérêt affectif des élèves envers l’écriture. Enfin, l’affirmation de l’identité des élèves au cours de pratiques d’écriture, nécessaire à leur engagement dans ces pratiques, est également reliée aux sentiments éprouvés lors de cette activité.

Dimension praxéologique du RÉ+ :

Tout d’abord, la dimension praxéologique du RÉ+ correspond aux pratiques d’écriture d’un élève, soit ce qu’il écrit ainsi que l’endroit, la manière et la raison pour laquelle il le fait. Les questions « Dans une journée, quelles sont tes occasions d’écrire? » et « Cela t’arrive-t-il d’écrire pour le plaisir? Si oui, sur quels sujets écris-tu et qui sont tes lecteurs? » sont liées à cette dimension.

Par ailleurs, la dimension praxéologique du RÉ+ permet de cerner l’engagement d’un élève dans la littératie à travers la constatation de la diversité de ses pratiques d’écriture. Cette dimension est également liée aux habiletés métalangagières mises en œuvre par une élève et, du fait même, à son activité métaprocédurale et à son activité cognitive, ce qui est relié à son engagement dans la littératie (Guthrie, 2004).

Dimension conceptuelle du RÉ+ :

La dimension conceptuelle du RÉ+ concerne les conceptions, les idées et les représentations qu’un élève entretient par rapport à l’écrit, à son utilisation et à son rôle pour réussir à l’école et dans la société. Elle concerne la réponse d’un élève à des questions telles que : « À quoi cela sert-il de savoir écrire en français/en langue(s) maternelle(s)? » et « Comment apprend-on à écrire? »

Dimension axiologique du RÉ+ :

Liée à la valeur accordée par un élève à l’écriture dans sa vie personnelle et dans sa vie scolaire pour développer son potentiel et pour réussir à l’école, la dimension axiologique du RÉ+ correspond, à nos yeux, aux opinions des élèves envers « l’importance » de l’écriture. Une question permettant de sonder la dimension axiologique du RÉ+ serait : « Est-ce important pour toi d’apprendre à écrire en français/en langue(s) maternelle(s)? »