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Le rôle du Riksdag dans la politique suédoise

V. SUÈDE : UN MODELE CONSENSUEL ET TRANSPARENT ?

2. Le rôle du Riksdag dans la politique suédoise

La Suède a depuis 1971 un parlement monocaméral de 349 députés élus pour une période de 4 ans (jusqu’en 1993, cette période était de 3 ans) par suffrage universel direct au système proportionnel. Le rôle du Riksdag est d’exercer le pouvoir législatif et de prendre des décisions quant aux impôts et au budget de l’Etat. Il examine également le travail

534 Ainsi par exemple le dernier avion de chasse développé par Saab-Scania, le JAS 39 – Gripen est le fruit d’une coopération suédo-britannique. 535

Regeringskansliet, « Sveriges säkerhetspolitik », 25 mars 2008. http://www.regeringen.se/sb/d/10660

du gouvernement et des administrations publiques. En outre, il exerce une influence considérable sur la politique étrangère. Le Riksdag désigne le chef de gouvernement sur les conseils du porte-parole (talman) du Riksdag. Le premier ministre désigne ensuite son gouvernement. Formellement, le porte-parole du Riksdag est la deuxième personne la plus importante du régime après le roi, mais avant le chef de gouvernement. Au sein de l’hémicycle, les députés sont assis selon la circonscription à laquelle ils appartiennent, et non selon leur appartenance partisane, comme dans beaucoup de Parlements européens.

En pratique, les nouvelles lois ou la modification de lois existantes est le plus souvent le résultat d’un projet de loi du gouvernement (y compris en ce qui concerne le budget). Mais une proposition de loi peut également provenir d’un ou de plusieurs députés. Toutes les questions examinées, votées ou discutées par le Riksdag doivent en vertu des lois constitutionnelles être examinées au préalable au sein d’une commission parlementaire (principe du beredningsplikt). Si une loi a été votée par le Parlement, elle ne peut être abrogée ou modifiée autrement qu’en passant par le Riksdag. Le Parlement contrôle de plusieurs façons le gouvernement et les administrations publiques :

1/ par les questions au chef de gouvernement et aux ministres ;

2/ par la Commission constitutionnelle (Konstitutionsutskottet/ KO) qui vérifie que le gouvernement suit la constitution, tout député peut porter plainte contre le gouvernement auprès de KO. KO a en principe accès à tous les documents qu’il requière, y compris les documents classifiés ;

3/ par le fait que le Riksdag peut révoquer par une motion de censure un ministre536 ou le chef de gouvernement ;

une motion de censure doit être soutenue par au moins 35 députés pour être pris en compte par le Riksdag. Pour aboutir à la révocation, au moins 175 députés doivent voter en faveur de la motion ;

4/ par le fait que toute personne peut déposer une plainte visant les administrations publiques auprès du

Justitieombudsman ou JO (médiateur) rattaché au Riksdag ;

5/ la cour de comptes (Riksrevisionen), qui est une administration publique formellement attachée au Parlement, examine comment l’Etat dépense l’argent.

Enfin, le Riksdag joue un rôle certain dans le débat public plus général, notamment au travers des débats très médiatisés entre chefs de partis.

Il faut cependant noter que les administrations sont formellement très indépendantes en Suède. Le gouvernement fixe leur mandat au travers de lettres de cadrage annuelles, mais ne peut intervenir directement dans leur gestion quotidienne de dossiers particuliers. La constitution interdit en effet formellement le ministerstyre, la « direction ministérielle ». De la même façon, les députés se voient, au sein du Riksdag, imposer des limites formelles à leur liberté d’expression en matière de critique des choix faits par les administrations publiques sur des dossiers particuliers. La critique ne peut viser que les lettres de cadrage et, par ce biais, des ministres particuliers ou le gouvernement dans son ensemble. Il en est ainsi notamment pour les forces armées, considérées comme administration publique ou agence (myndighet).

Le Riksdag compte 15 commissions parlementaires auxquelles il faut ajouter une Commission pour l’Union Européenne (EU-nämnden). Celle-ci n’est pas une commission parlementaire au sens strict, mais une instance ou gouvernement et Parlement se concertent sur la posture suédoise au sein des institutions de l’UE. En effet, le gouvernement n’a pas le droit de défendre une position au sein de l’UE qui ne bénéficie pas du soutien parlementaire. Comme dans les commissions stricto sensu, il y a 17 députés dans la Commission pour l’UE répartis de la même façon que dans le Riksdag dans son ensemble. Il y a en outre un Conseil consultatif de politique étrangère (en plus de la Commission parlementaire de politique étrangère) présidé par le roi et composé du porte-parole du Parlement et de 18 députés, dont 9 dits « ordinaires » (dont des députés de l’opposition) et 9 suppléants. Au sein de ce Conseil consultatif (Utrikesnämden), le Riksdag et le gouvernement fixent les grandes lignes de la politique étrangère. En matière de politique étrangère, le Riksdag exerce un pouvoir décisionnel important, notamment en matière de

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Cependant en principe la règle de la collégialité et de la responsabilité collectives est de rigueur au sein du gouvernement qui prend toutes les décisions importantes de manière collective et consensuelle, y compris lorsqu’il s’agit d’un gouvernement d’alliance.

projections de force et d’aide au développement. Tendanciellement, le rôle du Parlement dans l’élaboration de la politique étrangère suédoise est en augmentation.

Depuis 1995, la Suède est membre de l’Union Européenne. Concrètement, cela implique pour le Riksdag que les 15 commissions parlementaires ont, comme unes de leurs fonctions centrales, de suivre les travaux au sein de l’UE. Depuis le 1er janvier 2007, de nouvelles règles ont été introduites renforçant le rôle des commissions parlementaires

dans les questions relatives à l’UE. Les livres blancs et verts, ainsi que d’autres documents de l’UE, sont débattus dans les commissions et des formulations alternatives peuvent être proposées par la chambre. Le gouvernement doit se concerter avec les commissions sur les questions européennes que celles-ci estiment être importantes. Quand une question est traitée au sein des groupes de travail du Conseil de l’UE et du COREPER, le gouvernement doit déjà s’être concerté avec les commissions parlementaires. Le gouvernement doit également négocier avec les commissions parlementaires pertinentes en vue des Conférences intergouvernementales (CIG). La concertation formelle sur la position à adopter par le gouvernement dans le processus de prise de décision au Conseil de l’UE et la formulation du mandat final de négociation du gouvernement ont ensuite lieu au sein de la Commission pour l’UE. Au sein de cette dernière, l’accent est exclusivement mis sur les stratégies de négociation à adopter, puisque les questions techniques ont alors déjà été traitées dans les commissions parlementaires régulières. En dépit de ces mécanismes, les entretiens que nous avons pu mener semblent indiquer que nombre de députés estiment que le processus d’européanisation a affaibli le rôle du Riksdag suédois.

Les partis ont une importance cruciale pour la vie politique suédoise. Même si les députés ont un mandat personnel et n’ont de ce fait pas une obligation formelle d’être loyal au parti, cette loyauté est traditionnellement forte537. Cela

permet au gouvernement – qu’il soit un gouvernement minoritaire comme pendant l’essentiel des années 1990, ou un gouvernement majoritaire comme aujourd’hui – d’ancrer ses décisions et projets de loi au sein du Riksdag (par les négociations extra-parlementaires entre partis) avant même que celui-ci n’ait voté. La conséquence est que les relations entre Parlement et gouvernement sont généralement coopératives, y compris (et surtout) dans le domaine de la politique de sécurité et de défense. On observe toutefois une certaine tendance à des campagnes politiques personnelles – phénomène qui avait jusque-là été très rare dans la politique suédoise – qui risque d’affaiblir les loyautés partisanes. En effet, le vote pour un candidat en particulier (plutôt que pour la liste telle que proposée par le parti) devient – semble-t-il – tendanciellement de plus en plus fréquent.

Les 7 groupes politiques, composés des députés parlementaires de chaque parti, coordonnent la politique du parti au sein du Riksdag. Il y a un seuil de 4 % des votes nécessaire pour qu’un parti puisse siéger au Parlement. Alternativement, un parti doit avoir 12 % des votes au sein d’une même circonscription pour pouvoir être représenté au Riksdag, mais il n’est encore jamais arrivé qu’un député soit élu de la sorte.

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