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Le réalisme et le problème métaphysique des propriétés

Chapitre I : Le problème des propriétés

1. Le réalisme et le problème métaphysique des propriétés

Nous devons expliciter le cadre (réaliste) dans lequel se pose le problème métaphysique des propriétés, qui nous servira ensuite pour examiner les deux grandes réponses qu’on a pu y apporter, celle des tropes et celle des universaux.

1.1.Être réaliste à l’égard des propriétés ?

Soient F(a), F(b), F(c), etc., divers énoncés vrais qui attribuent un même prédicat F à différents particuliers a, b et c, etc. Quelles sont les conditions de vérité de ces énoncés ? Nous appelons « réalisme » la thèse selon laquelle il ne suffit pas, pour répondre à cette question, d’établir une sémantique en analysant les conditions de satisfaction de ces énoncés. On admet certes que si les particuliers a, b et c, etc. tombent dans l’extension du prédicat F, d’après une fonction sémantique d’assignation, alors les conditions de vérité de l’énoncé seront bien définies. Mais un réaliste pense de surcroît (1) que la vérité de ces énoncés, telle qu’analysée par cette sémantique, est fondée dans ce que

sont les choses dont on parle. Lorsque nous disons qu’une sémantique est ontologiquement fondée, cela

signifie qu’elle stipule des conditions sous lesquelles les énoncés sont vrais, et qu’il doit exister quelque

chose qui réalise et remplit ces conditions, et donc rend effectivement vrais les énoncés. Autrement dit,

notre réaliste pense qu’il existe des vérifacteurs. Mais ce n’est pas tout, car il pense aussi (2) qu’il faut proposer une conception ontologique de ce genre d’entités que sont ces propriétés, qui vérifont l’attribution de certains prédicats à des particuliers. Ainsi, nous allons devoir mener une enquête ontologique, à travers les propriétés, tropes, états de choses et universaux… Mais nous ne nous aventurons sur le terrain aveugle de l’ontologie qu’à la recherche du vérifacteur adéquat pour ces énoncés qui, pour le dire simplement, affirment la même chose de choses différentes. Loin de faire de l’ontologie pour elle-même, notre excursion sera contrainte par des exigences très strictes portant sur le vérifacteur recherché.

Deux voies principales ont été dégagées, au siècle dernier, pour mener à bien cette analyse ontologique. Toutes deux reconnaissent la réalité de ce qu’on peut appeler des « propriétés », qui servent de vérifacteurs à nos prédications. Toutes deux s’entendent donc sur le rejet de l’ontologie nominaliste

stricte, qui n’admet l’existence que des particuliers individuels (que nous appelons par la suite « particuliers de premier ordre », en suivant Armstrong, ou « particuliers concrets », en suivant les tenants des tropes). Quelles que soient les propriétés qui sont possédées par ces particuliers concrets, elles ne sont pas le même genre d’entités qu’eux. Mais justement, sont-elles à leur tour des particuliers (non-individuels, c'est-à-dire d’un autre ordre), ou bien des universaux, non particuliers ?

La voie des universaux d’abord, héritière de Platon et d’Aristote2, a été remise au goût du jour par Russell, Moore, puis plus récemment par David Armstrong3. Selon ces auteurs, il existe des entités non-particulières, qui peuvent être instanciées de manière répétée dans l’espace et le temps, tout en étant

numériquement unes. Ce sont les universaux. Mais d’autres auteurs, inspirés par la tradition nominaliste,

refusent l’existence de ces entités non-particulières. Comme les nominalistes, Stout, Williams, Campbell, n’admettent dans le monde que des entités particulières4. Mais contre les nominalistes, et pour rendre compte du statut des propriétés, ils admettent des particuliers abstraits ou tropes, qui ne sont pas des individus ou particuliers concrets, mais des « aspects particuliers » ou « manières particulières d’être » de ces particuliers. Ces tropes ne sont pas répétables comme les universaux. En effet, ils sont numériquement distincts s’ils sont distingués par des coordonnées d’espace et de temps (ou par les coordonnées des individus qui les possède). Autrement dit, ils sont des particuliers (abstraits ou de second ordre) présents dans des particuliers concrets et individuels (de premier ordre).

Chacune de ces voies soulèvent des problèmes propres. Le partisan des universaux affirme que les universaux sont la meilleure façon de rendre compte des faits objectifs de ressemblance. La relation de ressemblance s’entend ici au sens objectif et ne dépend pas d’un jugement sensible5, et dans tout ce travail, on la prendra comme synonyme de la relation de similarité (sameness). Son domaine est celui des particuliers, qui ont entre eux une relation de ressemblance dès qu’ils ont les mêmes aspects et paraissent donc avoir la « même » propriété. Pour le tenant des universaux, il faut prendre cette mêmeté au sens strict d’une identité (numérique) : à travers les différents cas particuliers, c’est une même et unique propriété (un universel) qui est instanciée6. L’argument principal de l’universaliste (du tenant des universaux) s’appuie sur ces faits de ressemblance : l’existence d’un universel est, selon lui, la meilleure façon de rendre compte des ressemblances entre particuliers concrets au moins numériquement distincts.

Mais on affronte alors le problème redoutable de l’instanciation : comment concevoir la relation d’instanciation entre un universel et des particuliers, par laquelle une même propriété se trouve dans

2 Le cas d’Aristote est ambigu, puisqu’il n’est pas facile de déterminer si d’après lui les propriétés possédées par les choses particulières le sont à titre d’universaux ou de particuliers (ou « tropes », comme on dit aujourd'hui).

3 Voir (Russell, 1959), (Moore, 1923), (Armstrong, 1978a), (Armstrong, 1978b), (Armstrong, 2004), (Armstrong, 1989).

4 Voir (Stout, 1921), (Williams, 1953), (Williams, 1953), (Campbell, 1981), (Campbell, 1990).

5 En particulier, elle n’est pas à réduire à la ressemblance sensible entre vécus élémentaires (erlebs) chez Carnap.

6 Ceci ne signifie pas que nous ne considérons que les universaux instanciés, c'est-à-dire prenons position dans la querelle entre platoniciens (qui admettent des universaux non-instanciés) et aristotéliciens (qui les refusent). Simplement nous considérons ce qui se passe, ontologiquement, quand un universel s’instancie, qu’il puisse ou non ne pas le faire.

divers particuliers ? Le danger bien connu qui menace une telle relation est celui d’une régression vicieuse si, tenant la relation d’instanciation elle-même pour un universel, il faut alors recourir à une nouvelle relation d’instanciation pour l’instancier entre tout particulier et l’universel. En général, la parade revient à tenir l’instanciation pour un fait primitif et non-relationnel, une connexion non analysable par une ontologie des relations (nous analyserons en détails les régressions et leur parade par le fait primitif de l’instanciation, dans la section 3.).

Si l’on pense que ce problème de régression est sérieux et fatal pour les universaux, et que tenir l’instanciation pour primitive revient à mettre la poussière sous le tapis, on peut adopter le point de vue des tropes. Les tropes sont ces aspects abstraits des choses individuelles et concrètes, qui sont eux-mêmes parfaitement particuliers et distincts les uns des autres, mais qui peuvent être exactement

ressemblants. Par exemple, deux émeraudes qui sont vertes possèdent, pour un tenant des tropes, deux

aspects particuliers et distincts : la couleur verte de l’une, la couleur verte de l’autre. Mais si, comme on le dit, « elles sont exactement de la même couleur », cela ne signifie surtout pas qu’il s’agit d’une même

et unique propriété (un universel), mais seulement que les deux tropes sont dans une relation d’exacte

ressemblance.

Voici alors ce qu’un tenant des universaux pourrait lui objecter (Armstrong, 1978a, pp. 83-88). La supposition réaliste de l’existence des propriétés, au départ, permettait de rendre compte des ressemblances entre les particuliers de premier ordre. Si deux particuliers se ressemblent, selon les aspects de la couleur, c’est qu’ils ont une propriété en commun. Mais si ces aspects dans les individus sont vus comme des tropes, numériquement distincts et exactement ressemblants, et non comme un même et unique universel, alors le problème de la ressemblance n’est pas résolu. Pour le résoudre entre les particuliers concrets, on le pose entre les particuliers abstraits, ce qui n’est guère satisfaisant, aux yeux de quelqu'un comme Armstrong. On pourrait même y voir l’amorce d’une régression vicieuse s’il fallait, pour analyser la ressemblance entre particuliers d’ordre n, poser l’exacte ressemblance entre leur tropes ou particuliers d’ordre n+1.

La parade d’un partisan des tropes, face à ce problème, ressemble furieusement à celle d’un tenant des universaux face au problème de l’instanciation. Elle consiste à tenir la relation de ressemblance exacte pour interne et primitive. Quelle différence un partisan des tropes ferait-il valoir entre la ressemblance partielle entre particuliers concrets, et la ressemblance exacte entre tropes ? Deux particuliers concrets se ressemblent partiellement dans la mesure où ils se ressemblent exactement sous certains aspects, mais diffèrent sous d’autres aspects. La ressemblance exacte entre deux aspects se définit ensuite comme l’identité qualitative entre eux. La ressemblance exacte est donc plus primitive que la ressemblance, dans la mesure où elle tient entre des aspects abstraits des particuliers concrets.

S’il n’est pas besoin de l’analyser, alors la régression est évitée7 ; parade qu’un partisan des universaux pourrait très bien, à son tour, moquer comme stratégie de « poussière sous le tapis ».

Cette opposition entre les universaux et les tropes est structurante pour le débat actuel sur les propriétés. Il en va de la nature même de ce que nous appelons les « propriétés génériques », c'est-à-dire des propriétés rares correspondant à des prédicats qui se peuvent dire de plusieurs choses particulières distinctes8 : sont-elles de nature particulière (comme le sont les tropes), ou de nature universelle (c'est-à-dire unes et identiques à travers toutes leurs instanciations spatiotemporelles) ? Nous tenons cette opposition, irréductible, pour un symptôme ou un effet d’un unique problème, que nous appellerons « le problème métaphysique des propriétés génériques ». L’opposition entre tropes et universaux nous apparaît comme la projection, dans un champ de bataille purement ontologique, d’un dilemme qui concerne la vérifaction des énoncés qui disent la même chose de choses particulières différentes. En restaurant l’unité de ce problème, nous espérons faire apparaître les insuffisances conjointes des deux approches.

1.2.Le problème métaphysique des propriétés génériques.

Appelons « prédicat générique » tout prédicat F qui peut être véridiquement attribué à plusieurs particuliers, et qui désigne une caractéristique répétable de ces choses9. Soient les particuliers de premier ordre a, b, c, etc., dont il est vrai de dire qu’ils sont F. Comment peut-on affirmer véridiquement la même chose de particuliers divers ? Comment analyser les conditions de vérifaction des énoncés qui attribuent quelque chose de général (ou répétable) à plusieurs particuliers ? Les énoncés F(a), F(b), F(c), etc., désignent autant de faits particuliers distincts ; et pourtant, ce qui les rend tous vrais doit être quelque chose de similaire entre tous les cas. En termes vérifactionnels, voici la formulation que nous proposons du « problème métaphysique » (PM) :

(PM) Comment concevoir un vérifacteur commun à des énoncés qui attribuent un même prédicat générique à des particuliers distincts ?

7 Voir (Simons, 1994).

8 L’adjectif « générique » est redondant et pourrait paraître inutile, dans la mesure où toute propriété semble pouvoir s’attribuer à divers particuliers. Mais premièrement, ce n’est pas garanti, tant que nous n’avons pas exclu la possibilité de propriétés individuantes, c'est-à-dire de propriétés qui non seulement ne sont instanciées que par un seul particulier, mais ne peuvent pas être instanciées par d’autres. Or, si elles existaient, elles tomberaient immédiatement en dehors de notre problème, qui concerne le fait de l’instanciation multiple des propriétés et le ou les vérifacteurs de ces énoncés où l’on affirme quelque chose de général de divers particuliers. D’autre part, « générique » nous permet aussi de restreindre le champ des propriétés considérées aux propriétés « rares », c'est-à-dire les propriétés physiques fondamentales sur lesquelles toutes les autres surviennent.

9 Dans la langue ontologique contemporaine, le terme « répétable » renvoie ordinairement aux universaux, que l’on définit parfois comme des « propriétés ou caractéristiques répétables », au sens où elles peuvent être présentes et exister plusieurs fois dans le monde. D’après cet usage, l’utilisation de ce terme serait déjà un parti pris dans la querelle entre universaux et tropes. Mais nous pensons au contraire qu’il nomme parfaitement le problème des propriétés, et non l’une de ses solutions possibles : comment concevoir qu’une propriété se répète dans l’existence ? Est-ce la même et unique entité qui est multiplement instanciée (universaux), ou bien cette répétition est-elle un fait de ressemblance exacte (tropes) ?

Ce problème est formulé dans le langage des vérifacteurs, et non directement dans les termes ontologiques des propriétés. Nous allons donner sa traduction purement ontologique, pour mieux les distinguer.

1.2.1. Propriété générique et ressemblance.

Appelons « propriété générique » cette caractéristique F, quand elle existe. Elle est une caractéristique que possèdent tous les particuliers concrets a, b, c, etc. dont sont vrais les énoncés F(a), F(a) ; F(c), etc. Tout le problème ontologique (PO) est justement de savoir si, dans cette répétition, F est une seule et même chose (un universel) ou bien des tropes particuliers mais exactement ressemblants.

(PO) Comment concevoir le mode d’être de la propriété générique F commune à des particuliers concrets distincts ?

On pourrait croire que (PO) est le simple décalque ontologique de (PM). Pourtant, on s’aperçoit que (PO), le problème de la répétition d’une propriété générique, s’identifie rigoureusement à celui connu dans la littérature sous le nom de la ressemblance objective (objective sameness) ou similarité de type entre particuliers. Comment deux particuliers numériquement distincts peuvent-ils se ressembler exactement sous un certain aspect ? Faut-il analyser cette ressemblance comme la possession par chacun d’une même entité, ou bien comme une relation irréductible entre aspects abstraits ? Faut-il concevoir la propriété générique comme universel ou comme classe de tropes exactement ressemblants ? Formulé ontologiquement, le problème (PM) des propriétés génériques se réduit au problème de la ressemblance. Les tenir pour équivalents, ce serait donc présupposer que si plusieurs énoncés disent la même chose de particuliers distincts, alors ces particuliers se ressemblent sous l’aspect désigné par le prédicat, et que ce qui rend vrais tous ces énoncés est ce qui explique la ressemblance entre les particuliers. Dit plus simplement, c’est présupposer que la possession d’une propriété générique commune F est équivalente à la ressemblance entre les particuliers qui la possèdent. Ne pas distinguer (PM) de (PO), c’est donc présupposer que la possession par différents particulier de la même propriété équivaut à une ressemblance objective entre eux.

Ce présupposé de la ressemblance est largement admis, aujourd'hui, dans la littérature sur l’ontologie des propriétés génériques, et il peut paraître encore irrésistible. La ressemblance objective n’est-elle pas justement ce qui permet au réaliste de dire qu’il y a des « propriétés naturelles », peu nombreuses et réellement possédées par les choses, en face de toutes les « propriétés artificielles » qui ne sont que les ombres projetées de nos prédicats sur les choses ? Par exemple, qu’est-ce qui distingue

les propriétés « être verte » et « être vleue »10, projetées parmi les émeraudes, sinon que la première fonde un fait de ressemblance objective de couleur entre émeraudes (qui sont toutes vertes) ? Au contraire, la seconde avèrerait son caractère artificiel par la dissemblance de couleur qu’elle engendrerait parmi les émeraudes, si toutes la possédaient.

Pourtant, nous ne voulons ni présupposer que la ressemblance est un bon indice de l’existence d’une propriété réelle et naturelle, ni surtout contraindre la solution à notre problème métaphysique (PM) à être une solution au problème de la ressemblance objective. Rien ne rend nécessaire, à première vue, que deux particuliers qui possèdent la même propriété simplement au sens où un même prédicat générique est vrai d’eux, possèdent la même propriété au sens où il y aurait entre eux une ressemblance objective. Au contraire, nous montrons dans ce premier chapitre et le deuxième que ce présupposé est en grande partie responsable de la double impasse que constituent les voies des universaux et des tropes, et notre propre solution à (PM), donnée dans le chapitre III, s’en émancipera. Nous montrerons que nous ne pouvons concevoir les vérifacteurs des attributions d’un même prédicat générique à des particuliers distincts qu’en postulant une forme très précise de dissemblance entre eux, la différence quantitative. C’est pourquoi nous devons maintenir (PM) et (PO) bien distincts.

1.2.2. Conditions de particularité et de généricité.

Pour préciser le problème métaphysique des propriétés génériques (PM), nous allons formuler deux propositions, et demandons d’admettre l’une séparément de l’autre, en raison de sa plausibilité propre. (PM) émerge comme problème lorsque nous cherchons à les remplir toutes les deux ensemble.

1.2.2.1.Deux conditions vérifactionnelles.

Formulons d’abord les deux conditions, avant de faire deux précisions sur leur interprétations. Elles sont deux conditions portant sur les vérifacteurs des énoncés attribuant des prédicats génériques à divers particuliers.

Condition de particularité : ce qui rend vrai l’énoncé « F(a) », c'est-à-dire l’attribution du prédicat générique F au particulier a, c’est « quelque chose de a », c'est-à-dire quelque chose où le particulier a est impliqué, ou quelque chose qui concerne le particulier a.

10 C'est-à-dire « être observé avant t et être vert, et être bleu sinon ». Cf chapitre IX pour les définition et discussion de ce prédicat étrange.

Nous restons volontairement vagues dans ces formulations, car il reviendra à l’examen des solutions au problème d’en analyser plus précisément les termes. Mais tout le sens de cette condition de particularité est de garantir, par l’ontologie de son vérifacteur, que l’énoncé F(a) porte bien sur le

particulier a. Et concernant le particulier a, la vérité de l’énoncé « F(a) » est une vérité particulière. Par

exemple, si l’on dit que cette pomme est rouge, c’est bien de cette pomme particulière que l’on parle, et c’est donc quelque chose de ce particulier qui doit rendre vraie l’attribution. On ne voudrait pas, en revanche, se retrouver à dire que c’est la « Rougeur », ou bien la « classe des choses rouges », qui rendent vraie cette attribution, car ils n’ont rien à voir avec cette pomme rouge particulière. Mais il faudra dire au contraire que c’est « la possession de la Rougeur par a », ou bien « l’appartenance de a à la classe des choses rouges », qui la rend vraie. Ces deux exemples de réponse satisfont bien la condition de particularité, parce qu’ils impliquent le particulier a dans l’identification du vérifacteur. Bien sûr, cette condition doit valoir également pour les autres énoncés F(b), F(c), etc., qui parlent d’autres particuliers.

Condition de généricité : ce qui rend vrai l’énoncé « F(a) » dans a est identique à ce qui rend vrai les énoncés F(b), F(c), etc., qui attribuent le même prédicat générique à des particuliers distincts.

En effet, nous parlons de choses particulières distinctes, mais nous en disons la même chose. Il semble dès lors raisonnable d’exiger que, dans la conception que l’on se fait de ce qui rend vrais ces énoncés, on retrouve un élément commun. Si, en effet, cette condition de généricité n’était pas satisfaite, alors cela signifierait qu’on pourrait reformuler ces énoncés en utilisant pour chaque particulier un prédicat différent des autres, puisqu’on ne dirait en réalité pas la même chose de tous. La condition de généricité traduit seulement cela en contrainte sur les vérifacteurs de ces énoncés. A propos de cette « même chose » – la propriété, la question ontologique est de savoir ce que c’est : un universel, ou bien l’appartenance à une même classe de tropes exactement ressemblants ? Cette condition formule une exigence propre à la conception de la vérité de ce genre d’énoncés, et exerce donc en amont une contrainte sur l’ontologie des propriétés génériques.

Avec ces deux conditions, les exigences propres à la conception de la vérité des énoncés génériques contraignent l’enquête ontologique. Cela signifie que nous nous refusons à faire de l’ontologie gratuitement, mais toujours en suivant un problème posé à l’ontologie, mais venu de la

conception de la vérité de certains énoncés. Nous allons montrer ensuite comment ces deux conditions

vérifactionnelles, tenues ensemble, tirent l’ontologie du vérifacteur dans deux directions contraires. Mais avant cela, nous devons faire deux précisions sur ces conditions et leur insertion dans la littérature sur le problème des propriétés et des universaux.

1.2.2.2.La sémantique n’est pas une voie d’accès à l’ontologie.

Premièrement, il faut bien préciser que la seconde condition ne constitue pas un retour à une