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Chapitre II : Abstractivité et critique des nominalismes

3. Critique du nominalisme de l’autruche

En posant le problème des propriétés génériques, nous avons explicitement présupposé sa légitimité. Quelles sont les conditions de vérités de F(a), F(b), F(c), divers énoncés vrais qui attribuent un même prédicat F à différents particuliers a, b et c, etc. ? Nous appelions « réalisme » la thèse selon laquelle il ne suffit pas, pour répondre à cette question, d’établir une sémantique posant les conditions de satisfaction de ces énoncés. On admet certes que si les particuliers a, b et c, etc. tombent dans l’extension du prédicat F, d’après une fonction sémantique d’assignation, alors les conditions de vérité de l’énoncé seront bien définies. Mais un réaliste pense de surcroît (1) que la vérité de ces énoncés, telle qu’analysée par cette sémantique, est fondée dans ce que sont les choses dont on parle, et qu’il doit

exister des vérifacteurs, qui remplissent ces conditions sémantiques de vérité. Mais ce n’est pas tout, car

il pense aussi (2) qu’il faut proposer une conception ontologique de ces vérifacteurs, désignés par le nom de « propriétés ». Le problème des propriétés est donc tout entier orienté vers une fin réaliste.

La forme de nominalisme que nous abordons maintenant constitue certainement la meilleure attaque contre le réalisme des propriétés, dans la mesure où il nie l’existence des propriétés en sapant le problème même que leur existence est censée résoudre. Pour ce nominalisme, l’existence des particuliers concrets est une vérité empirique, alors qu’il sera toujours possible de douter de l’existence des propriétés « en plus et au-dessus » (over and above) d’eux, et toute tentative réaliste pour la démontrer paraît une aventure métaphysique suspecte. Le réaliste a beau, alors, lui jeter des noms d’oiseau, en raillant un « nominalisme de l’autruche », il demeure que le nominaliste jouit d’une sorte d’avantage intuitif apparemment incontestable, qui place le fardeau de la preuve sur les épaules réalistes. Notre objectif dans cette section n’est pas de critiquer frontalement ce nominalisme, mais de lui retirer définitivement cet avantage intuitif acquis, et de reformuler ainsi le problème des propriétés.

3.1.Comment montrer l’existence des propriétés ?

Dans le chapitre I, nous sommes directement entrés dans le débat sur la nature des propriétés, en regardant comment les théorie des universaux et des tropes pouvaient résoudre le problème posé. Maintenant, nous devons rétrograder et passer à la question, qui divise fondamentalement réalisme et nominalisme, de l’existence des propriétés : existe-t-il des propriétés « en plus et au-dessus » (over and

above) des particuliers ? Après un bref aperçu historique, nous établirons le cadre problématique précis

dans lequel les deux positions s’opposent et où le nominalisme a acquis une position systématiquement avantageuse. Nous exposerons ensuite notre stratégie pour lui reprendre cet avantage.

3.1.1. La voie directe et la voie problématique.

Quelles sont les diverses façons qu’a eues le réalisme pour démontrer l’existence des propriétés ? Nous recensons deux stratégies générales : une voie directe, suivant laquelle nous avons un accès épistémique ou sémantique aux propriétés, susceptible d’étayer leur existence, et une voie indirecte, qui défend le réalisme des propriétés comme l’unique solution acceptable d’un problème ontologique légitime.

La voie directe a été ouverte par Platon. On y trouve des arguments sémantiques et épistémologiques visant à montrer que des propriétés existent en plus des particuliers qui les instancient. Nous parlons des propriétés, nous formons des énoncés sur elles qui semblent vrais d’elles, nous pouvons penser à ces propriétés et peut-être même les connaître, ce qui semble exiger qu’elles existent. Cette ligne d’argumentation, a été plus récemment réinvestie et est encore féconde36. Pourtant, elle est considérablement affaiblie par l’attaque de (Quine, 1948) contre toute forme d’argument sémantique : le fait qu’un prédicat ait une signification n’implique pas qu’il est un nom pour quelque chose d’existant – par exemple, pour ce que divers particuliers partageraient. En reformulant adéquatement ces énoncés apparemment vrais sur les propriétés, il se peut toujours qu’on ne finisse par devoir postuler que l’existence de ces particuliers auxquels le prédicat s’applique, et qui, eux, sont donnés empiriquement.

De façon frappante, le fardeau de la preuve semble toujours reposer sur les épaules du réaliste. Un nominaliste dirait que c’est bien normal, puisque l’existence des particuliers est donnée empiriquement, alors qu’aucune entité non-particulière ne l’est. Par conséquent, si le réaliste prétend que les propriétés existent en plus et par-dessus les particuliers, alors c’est à lui d’en fournir les preuves suffisantes. Le réaliste ne peut en tout cas pas atteindre l’existence des propriétés par le même biais, immédiat et empirique, que celui par lequel l’existence des particuliers est avérée. Dans cette première approche, une alliance apparemment naturelle du nominalisme avec l’empirisme a permis d’acculer le réalisme : les propriétés ne sont pas des entités dont on peut montrer l’existence pour des raisons empiriques, puisque nous n’avons accès, dans l’expérience, qu’à des particuliers. Par conséquent, les propriétés ne pourraient être atteintes que par des raisons a priori, ce qui alourdit bien sûr le fardeau.

Pourtant, une stratégie plus prometteuse a été élaborée par les réalistes, depuis les travaux d’Armstrong à la fin des années 1970 – et c’est dans cette stratégie que toute la première partie de ce travail s’inscrit. L’existence des propriétés pourrait être la meilleure solution à un problème ontologique reconnu comme inévitable. Le postulat de leur existence serait alors la façon la plus raisonnable de résoudre le problème. On commence alors par décrier un « fait mooréen », c'est-à-dire un fait indéniable

36 Voir le Phédon, où Platon explique que nous ne désignons pas ni ne connaissons l’égalité dans les particuliers, mais l’égalité en soi (65a à 77e), puis (Jackson, 1977) et (Pap, 1959).

que le problème est d’analyser ontologiquement de façon satisfaisante. Dans notre cas, ce fait est l’applicabilité véridique du même prédicat à divers particuliers. Il existe donc des vérifacteurs qui sont tels qu’une même vérité (condition de généricité) vaut pour plusieurs particuliers distincts (condition de particularité). Comment concevoir l’ontologie de ces vérifacteurs ?

Plus généralement, comme on l’a signalé déjà, le fait mooréen est décrit non pas en termes de vérifacteurs mais de ressemblance objective : comment rendre compte du fait que différents particuliers sont qualitativement identiques bien que non numériquement ? Armstrong a bien montré, dans les premiers chapitres de (Armstrong, 1978a), que la position réaliste était mieux armée pour résoudre ce problème, en pointant les difficultés systématiques rencontrées par toute positions qui n’admet pas d’entité non-particulière. Il a passé en revue les différentes formes de nominalisme, en montrant pour chacune comment elle échoue constitutivement à le résoudre. En dépit alors de la persistance d’efforts nominalistes pour rendre compte de ce fait mooréen (Rodriguez-Pereyra, 2002), la position réaliste a été très efficacement défendue par cette approche problématique.

En réponse à cette stratégie, les nominalistes ont alors essayé de désactiver le problème, en refusant de voir dans ce fait mooréen un fait étrange qu’il faudrait analyser. Comment rendre compte du fait que les particuliers a et b sont tous les deux F ? En ne disant rien de plus que ce qu’on dit déjà en décrivant le fait, c'est-à-dire en affirmant que a est F et que b est F. Il n’y donc aucun besoin d’enquête ontologique sur une qualité « F » que les particuliers a et b partageraient. Cette réponse déflationniste a été qualifiée de « nominalisme de l’autruche » par Armstrong, qui y voit une attitude d’évitement pathologique d’un problème qui pourtant s’impose. Mais au yeux d’un nominaliste, Armstrong cherche un problème là où il n’y en a pas – ce pourquoi Devitt l’a qualifié en retour de « réalisme mirage » (Devitt, 1980). A travers ces échanges courtois, on s’aperçoit surtout que, quelle que soit la force de la stratégie problématique du réaliste, le nominaliste continue d’avoir l’avantage, puisqu’il peut toujours refuser d’analyser une « nature partagée » par des particuliers distincts. Tout ce qui nous est donné empiriquement sont des particuliers, qui existent distinctement et sont ce qu’ils sont. Bien sûr, on pourra toujours appeler « ce qu’ils sont » leur « nature », et le nominaliste pourra très bien alors admettre que chaque particulier a sa propre « nature ». Mais cela ne prouverait pas qu’il y a quoique ce soit de commun entre ces « natures » qu’il faudrait analyser ontologiquement.

Par conséquent, même face à la stratégie problématique, les nominalistes continuent de bénéficier d’une sorte de privilège intuitif, dans la mesure où les seules entités qu’ils admettent, les particuliers existant et étant ce qu’ils sont, sont en même temps les seules qui sont rencontrées empiriquement. Ils peuvent donc en permanence se retirer dans un scepticisme raisonnable à l’égard de toute entité non-particulière. Leur avantage vient de ce que seuls les particuliers, qui existent et sont ce qu’ils sont, sont empiriquement donnés, alors que les entités non-particulières comme les propriétés, voire même le besoin de prouver leur existence, sont pour le moins douteux.

Il serait donc incroyablement efficace, pour affaiblir le nominalisme, de nier cet avantage intuitif. C’est ce que nous comptons faire dans cette section, en lui retirant son soutien empirique apparent. Dans la suite, cous commençons par expliquer en quoi cette assise empirique repose en réalité sur une présupposition ontologique très forte, à l’œuvre dans la description que le nominalisme donne des situations empiriques. Ensuite, nous soutiendrons que le nominaliste ne peut pas, dans le débat sur l’existence des propriétés, s’appuyer sur une présupposition qui, en lui conférant un avantage considérable, suppose déjà un cadre ontologique nominaliste d’analyse des situations empiriques.

3.1.2. Cadre problématique de l’opposition nominalisme vs. réalisme.

Rappelons rapidement le cadre problématique. Nous avons une diversité de particuliers a, b, c, etc., qui sont tous F. « F » est un prédicat dont nous avons de bonne raison de penser qu’il désigne une propriété rare et non abondante, comme « être massif » ou « être électriquement chargé ». Ce qui est en jeu, pour le réaliste des propriétés, est de montrer que a, b, c sont membres d’une classe naturelle (la classe des particuliers étant F), ou bien instances d’une même propriété F, en vertu seulement de ce

qu’ils sont, à savoir, F. Expliquons cela précisément.

Que tous ces particuliers soient F, c’est vrai par hypothèse. Mais le réaliste doit montrer qu’il existe une propriété « F » dont ils seraient tous les instances diverses, ou bien une classe naturelle composée de ces particuliers qui sont F. Nous n’avons pas, dans cette discussion, à déterminer précisément ce que « F » désigne ontologiquement : une classe naturelle d’instances, comme le pense le partisan des tropes, ou bien une entité unique, comme l’affirme le tenant des universaux, puisque nous discutons des raisons mêmes d’être réaliste plutôt que nominaliste. Utilisons donc indifféremment « être instance d’une propriété F » ou « être membre de la classe naturelle des F ». Voici alors ce que nous pensons être la question (Q1) qui oppose explicitement le réalisme et le nominalisme :

(Q1) Les particuliers a, b, c, etc., sont-ils instances de la même propriété F en vertu seulement de ce qu’ils sont ?

Pour rendre (Q1) parfaitement claire, nous devons expliquer ce que signifie « en vertu seulement de ce qu’ils sont ». D’abord, « en vertu de » renvoie directement à la relation de fondation (grounding

relation) dont on accepte aujourd'hui largement l’utilité, sinon la légitimité, en métaphysique. C’est une

relation qui exprime comment un état de fait est réalisé, à un certain niveau de réalité, en raison de faits réalisés à un niveau plus fondamental de réalité. On la conçoit généralement comme une relation

asymétrique, transitive, et le plus souvent irréflexive37. Mais ce qu’il faut surtout expliquer sont ici ses

relata.

Qu’est-ce qui fonde quoi ? Si on répondait positivement à la question (Q1), alors l’existence d’une propriété F serait fondée, et le serait uniquement sur le fait que les particuliers a, b, c sont ce qu’ils sont, à savoir, F. Pourtant, nous n’avons pas écrit « l’existence de la propriété F » dans le terme de gauche de (Q1), mais seulement que les particuliers a, b, c sont « instances de la même propriété F ». En effet, nous prenons ces formulations pour équivalentes, car a, b, et c sont des instances d’une propriété F, ou membres de la classe naturelle F, si et seulement s’il existe une propriété F qu’ils ont en commun et partagent, ou une classe naturelle dont ils sont les membres et qui les rassemblent. Mais nous la préférons parce qu’elle énonce l’existence de F tout en ne parlant que des particuliers a, b, c et de ce qu’ils sont, « instances de F ». Dans la suite, il apparaitra clairement pourquoi il est préférable de faire ainsi, plutôt que de se référer à une « propriété F » qui existerait « en plus et au-dessus » des particuliers qui l’instancient. Prenons donc les énoncés « il existe une propriété F partagée par tous ces particuliers a, b, c » et « tous ces particuliers a, b, c sont instances d’une même propriété F » comme énonçant des faits équivalents.

Ce que nous devons souligner en revanche, c’est qu’« être instance de F » est, pour chacun de ces particuliers, tout à fait distinct de simplement « être F ». Que tous les a, b, c, soient F, c’est un fait que nominaliste et réaliste admettent ensemble, par hypothèse. Mais ce que le premier refuse, et que le second recherche, c’est que le fait qu’ils soient F soit un fondement métaphysique suffisant pour le fait qu’ils soient tous instances de la même propriété F. C’est, nous semble-t-il, dans ce refus que le nominaliste jouit d’un privilège intuitif considérable. Les particuliers a, b, c sont F, et cela peut très bien être le cas sans ajouter à leur « être F » tout niveau ontologiquement supplémentaire comme « être instance de la propriété F ». Contre cette réponse nominaliste implacable à (Q1), nous réalistes avons à établir au contraire que la relation de fondation est bien le cas, ce qui semble une tâche impossible.

Enfin, que faut-il entendre par « ce qu’ils sont », en vertu de quoi a, b, c devraient ou non être instances d’une même propriété F ? Cette expression n’est pas technique, mais on peut tout de même la préciser. Elle désigne tout ce qu’un particulier a est comme particulier : d’abord, qu’il est, le fait qu’il existe, et ensuite, ce qu’il est. En cherchant la meilleure façon de le désigner, nous ne trouvons rien d’autre que : « son être ». Aussi lâche et vétuste que semble devenu le terme « être », il fait à vrai dire mieux l’affaire que tout autre terme technique, qui aurait l’inconvénient immédiat de conférer à l’être de a qui est F trop de structure ontologique. Par exemple, on pourrait parler de « la nature » de a comme particulier, mais le terme « nature » tend à signifier ce qu’est a, quelque chose qu’il possède et qu’il partagerait avec d’autres particuliers de même nature, et non aussi son existence distincte. Mais « ce

37Pour des discussions sur la relation de fondation (grounding), son univocité, sa primitivité, sa forme logique et sa connexion à l’explication métaphysique, voir (Bliss & Trogdon, 2016) et (Trogdon, 2013).

qu’est » un particulier est aussi et simplement le fait qu’il est, et donc qu’il existe en étant tel qu’il rend vrai ou faux tout ce qu’on pourrait affirmer de lui. Donc « ce que sont » les particuliers a, b, c, etc., ce sont simplement des « étants F », c'est-à-dire des êtres distincts qui sont F. Il faut concevoir un étant F exactement comme ce que désigne aussi le nominaliste lorsqu’il dit que ce qui rend vrai l’énoncé « a est F », c’est simplement l’existence du particulier a, étant ce qu’il est, F. Donc l’expression est conçue comme pouvant être utilisée à la fois par un nominaliste ou un réaliste, et sert de terrain d’entente initial. Dans ce débat, l’avantage systématique des nominalistes vient de ce qu’ils peuvent toujours dire : nous rencontrons empiriquement que les particuliers a, b, c, etc. qui sont seulement des étants F, mais rien qui en feraient des instances de la même propriété F. Donc le réaliste ajoute de façon illégitime une propriété F, « en plus et au-dessus » (over and above) de ce que sont déjà les étants F particuliers. Donc on devrait évidemment apporter à la question (Q1) une réponse négative : les particuliers a, b, c, etc., ne sont pas des instances de la même propriété F en vertu seulement de ce qu’ils sont. Pourtant, nous allons défendre une réponse positive à (Q1). Mais pour y arriver, nous devons retirer au nominalisme son avantage intuitif systématique, qui repose tout entier sur l’idée qu’une propriété, si elle existe, s’ajoute à des particuliers qui sont donnés empiriquement, comme existant distinctement et par eux-mêmes. Sans remettre en cause cette présupposition, nous devrions certainement abandonner tout espoir d’affaiblir définitivement le nominalisme.

3.1.3. La particularité des particuliers empiriques n’est pas empirique.

Commençons par donner un aperçu de la démarche que nous allons suivre. De façon générale, nous soutenons que les nominalistes, en répondant à (Q1) par la négative, font en réalité une présupposition ontologique très forte sur ce qui fait la particularité des particuliers empiriques : ils présupposent qu’ils sont des individus.

Caractérisons rapidement ces « individus », avant de les analyser en détail. Un individu est un particulier qui existe, et est ce qu’il est, sans être l’instance d’une entité non-particulière, comme une propriété. Évidemment, cette caractérisation fait de la réponse nominaliste à (Q1) une conséquence simple et directe de la définition des individus, et de la présupposition que les particuliers empiriques sont des individus. Mais c’est précisément en cela que consiste notre stratégie générale : déplacer le conflit de la question de l’existence des propriétés vers celle de la conception des particuliers, car c’est ici que tout se décide. Ensuite, personne ne nierait, et certainement pas le nominaliste, que des individus divers sont le genre de choses qui sont capables d’exister et d’être ce qu’elles sont sans aucune propriété ou classe naturelle pour les rassembler. Même les réalistes des propriétés font cette présupposition, lorsqu’ils admettent que des particuliers peuvent exister sans entité ontologique supplémentaire, mais affirment que c’est pour rendre compte de leur ressemblance ou de leur nature qualitative commune qu’il faut enquêter sur les propriétés. En admettant que les propriétés ne sont nécessaires que pour fonder

la ressemblance ou la nature commune des particuliers, cette approche ratifie en réalité la même présupposition que le nominaliste. Être parvenu à faire accepter aux réalistes des particuliers a, b, c, etc. individuels est certainement la première et plus importante victoire du nominalisme.

Détaillons maintenant l’argumentation étape par étape. En premier lieu, nous admettons (1) qu’une diversité de particuliers qui sont F est empiriquement donnée. C’est une vérité empirique très forte que tout le monde, réalistes comme nominalistes, devrait accepter. Ensuite, bien que les particuliers soient empiriquement donnés, l’expérience ne suggère ni ne fournit aucune conception de la particularité. Nous soutenons en effet (2) qu’on doit rendre compte de la particularité des particuliers empiriques, et que cette particularité est l’objet d’une enquête et d’une hypothèse ontologiques, et non d’une vérité empirique. Ensuite, nous soutenons (3) que prendre les particuliers a, b, c, etc. pour des individus c’est opter en faveur d’une certaine analyse ontologique de la particularité au détriment d’une autre. Et (4) il apparaît que cette hypothèse nominaliste sur la particularité est précisément ce qui lui procure un avantage systématique face au réaliste, dans la configuration classique du problème des propriétés. Or, si les nominalistes ne peuvent répondre « non » à (Q1) qu’en présupposant une analyse nominaliste de la particularité, alors (5) leur avantage apparent n’est pas du tout soutenu par des raisons