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Le personnel hospitalier

Annexe 4 : Cas déclarés en Valais du 30 juin 1918 au 29 mai 1920, Bulletin du Service suisse

4. Le monde médical

4.1.8. Le personnel hospitalier

A l’origine, dans les hospices ou les hôpitaux-asiles, les religieux avaient pour fonction d’héberger, d’offrir un repas, et occasionnellement, de soigner les personnes de passage. Ces 182

ACS Ho.B. 5/1 : lazaret de Chandoline : Etudes, travaux, installations 1902-1922, 1949-1957.

hospices étaient souvent situés à des points clef, comme près des cols du Grand-St-Bernard et du Simplon, ou alors, proches des villes de plaine, ils recueillaient les passants, bien sûr, mais aussi les vieillards, les orphelins, les indigents, sans distinction.

Illustration 38 : Sœurs de l’hôpital de Sion, entre 1910 et 1930, (Pantaléon Binder, Médiathèque Valais – Martigny).

A la fin du XIXe siècle quand les premiers hôpitaux sont créés sous l’impulsion de l’industrie et des ouvriers travaillant sur les grands chantiers, le personnel soignant est presque exclusivement composé de religieuses. Leur dévotion et leur charité en faveur du prochain les conduisent naturellement à fonder des œuvres de charité et à participer au bon fonctionnement des hôpitaux et infirmeries fraîchement créés. Assumant les fonctions de cuisinières, comptables, économes, intendantes, lingères et bien entendu infirmières, elles se révèlent bien vite un élément indispensable des hôpitaux. Par exemple, la Congrégation des Sœurs de St- Maurice prodigue des soins à la Clinique St-Amé dès sa création en 1901, la Congrégation de la Sainte Croix d’Ingenbohl fait de même à l’asile St-Joseph de Sierre dès 1901 également. A Brigue, l’hôpital St-Antoine est tenu de 1867 à 1887 par les Sœurs de Baldegg, remplacées par la suite par les Ursulines que l’on retrouve aussi à l’hôpital de Sion et à l’hôpital bourgeoisial de Loèche183. Les Sœurs hospitalières de Sion, communauté fondée en 1773 par le père Ignace Schueler, font figure de pilier central dans l’assistance aux malades. A Sion,

183

Donzé 2003, pp. 135-136.

elles succèderont aux Ursulines et resteront, pendant plus d’un siècle, fidèles à l’hôpital bourgeoisial : « Après les vœux, la sœur appartient à Dieu et à l’hôpital. »184

Elles doivent cependant s’exiler pour acquérir leur formation d’infirmière : à l’école de Pérolles pour les Sœurs hospitalières de Sion, à celle de la Croix-Rouge de Paris pour la Congrégation de St-Maurice. Face à la demande, toujours croissante, de personnel infirmier formé, la nécessité d’avoir une école capable de former des infirmières se fait sentir. Il faudra attendre 1944 pour que les Sœurs hospitalières de Sion inaugurent l’Ecole valaisanne d’infirmières de Sion qui, par ailleurs, continue de mêler subtilement, pendant plusieurs décennies, les infirmières religieuses et laïques. Durant la période de la grippe espagnole, elles sont mises à rude épreuve, comme en témoigne le Dr François Ducrey, médecin responsable de l’hôpital bourgeoisial :

«Le nombre croissant de malades à l’hôpital bourgeoisial de Sion, qui de 228 en 1904 a passé au nombre de 931 en 1918, l’âge avancé et les infirmités de plusieurs Sœurs obligent la commission de l’hôpital à augmenter le personnel destiné aux différents services (…) Le nombre actuel de Sœurs est de 23 dont 4 infirmes et 4 en âge avancé de 65 à 75 ans. Le nombre de Sœurs en 1904 était de 18 ayant 20 à 30 malades par jour, l’année dernière elles étaient au nombre de 24 avec 60 à 70 malades par jour. » 185

L’interrelation entre la religion et le temporel est en passe de se relâcher progressivement. A l’Hôpital bourgeoisial de Sion, en 1921, l’administration de l’hôpital est définie comme suit : « L’administration de l’hôpital est divisée en deux branches : le spirituel et le temporel. Le spirituel est représenté par l’aumônier, nommé par l’évêque du diocèse et a la charge de la pastoration des Soeurs, des malades et des hospitalisés. Il doit accompagner les défunts au cimetière et est complètement indépendant de l’administration temporelle dans laquelle il n’a pas à s’immiscer, comme d’autre part le directeur temporel n’a rien à voir dans l’administration spirituelle. Le temporel est représenté par le directeur de l’hôpital qui doit tout son temps à l’hôpital et qui devra être un catholique pratiquant. Il est chargé d’administrer et surveiller les services, soit : le ménage, la campagne, les malades et assistés.

184 J. Droux citée par Vouilloz Burnier & Barras 2004, p. 192.

185 ACS Ho.B.2/4.6 : Sœurs hospitalières 1903-1973, rapport du Dr F.Ducrey concernant l’augmentation du personnel destiné à desservir les différents services de l’hôpital bourgeoisial.

Il tient la comptabilité pour chacun des services et fait les rentrées, opère les paiements qui s’y rapportent. »186

En ce qui concerne la place du médecin à l’hôpital, il faut là-aussi, attendre le XIXe siècle pour que sa place soit affirmée au sein du personnel hospitalier, à côté de l’administrateur, des infirmières et des domestiques et qu’il ne soit pas uniquement appelé en cas de maladie contagieuse ou d’accident grave. Chaque hôpital dispose bientôt d’un médecin chef attitré qui a pour fonction, contre rémunération, d’assurer le soin et la visite quotidienne des patients avec l’aide des autres médecins du district.

La plupart des hôpitaux nomment un médecin chef par année. Il en est ainsi à Sion, par exemple, où le Conseil mixte de l’hôpital désigne un nouveau médecin chaque année (après la mort du Dr Jules Dénériaz en 1918). Certains d’entre eux vont même prendre l’initiative de fonder leur propre service. Comme en 1905 à Sierre, où le Dr Gustave Turini ouvre de sa propre initiative une infirmerie et un bloc opératoire dans une aile de l’asile St-Joseph187.

Nous avons vu que l’évolution du système de santé valaisan par l’intermédiaire des médecins, des institutions de surveillance ou des hôpitaux se fait parallèlement à celle des mentalités. L’histoire valaisanne se répercute sur l’histoire médicale et hospitalière du canton. Essentiellement rural au pouvoir central très faible, au début du XVIIIe siècle, éloigné des centres universitaires, où l’accès au médecin est souvent ardu et les hôpitaux sont essentiellement des structures d’assistance aux nécessiteux plus que de réels centre de soins, le Valais parvient, au début du XXe siècle, à se doter d’établissements de soins modernes. A la base de ce phénomène on retrouve l’industrialisation du canton qui a, d’une part, permis de prendre conscience des lacunes du système en place et, d’autre part, a fourni les fonds nécessaires à la construction de bâtiments modernes. Si la santé est désormais perçue comme un droit et l’hygiène devient la responsabilité de tout un chacun, la médecine doit être exercée par des professionnels reconnus. La règlementation des professions médicales, l’apparition de structures hospitalières modernes, la création d’un service cantonal d’hygiène publique et une information plus soutenue de la population sont toutes des mesures qui vont dans ce sens. C’est ce système de santé comptant peu de médecins et des hôpitaux en cours de création qui sera mis à rude épreuve dès le mois de juillet 1918.

186 ACS 5710-2.220 bis (vol 30), Hôpital de Sion, Organisation et administration de l’hôpital, 6 février 1921. 187

Donzé 2003, p. 135.