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Annexe 4 : Cas déclarés en Valais du 30 juin 1918 au 29 mai 1920, Bulletin du Service suisse

4. Le monde médical

4.1.7. Les hôpitau

Le développement hospitalier valaisan, qui explose au début du XXe siècle, a débuté, lui- aussi, lors de la période napoléonienne lorsque les hospices valaisans et les hôpitaux bourgeoisiaux de Sion et Brigue sont transformés en véritables structures de soins. A partir de ce moment, en effet, la nécessité de séparer les malades des nécessiteux s’est imposée comme une évidence.

Au XIXe siècle, la population des hôpitaux-asiles était des plus hétéroclites. Selon le type d’établissement, on y trouvait pêle-mêle des baigneurs, des pèlerins, des vieillards, les indigents de la commune, les orphelins, etc.173

Sous protectorat français, les hôpitaux de Sion, Brigue et St-Maurice sont réquisitionnés par l’administration napoléonienne pour y soigner les soldats malades ou blessés, ce qui marque déjà un début de spécialisation.

172 Histoire du Valais 2002, p. 703. 173

Donzé 2003, p. 135.

Illustration 37 : Ancien hôpital bourgeoisial, Sion, entre 1930-1940, (Raymond Schmid, Bourgeoisie de Sion, Médiathèque Valais – Martigny)

Etablissements privés et auto-suffisants appartenant au clergé, comme l’hospice du Grand-St- Bernard ou du Simplon, ou à la bourgeoisie, les hôpitaux-asiles vont peu à peu passer sous le contrôle de l’Etat. En effet, la prise en charge des nécessiteux et des malades incombe à la commune, et celle-ci va vouloir avoir un droit de regard sur les établissements gérés par la bourgeoisie. Bien vite va se poser la question de créer de nouveaux hôpitaux. La loi sur la police sanitaire de 1896 va, une fois de plus, réveiller les consciences et l’idée d’un hôpital cantonal par opposition à la création de multiples infirmeries locales va faire son chemin. La participation de l’Etat va peu à peu s’accentuer pour aboutir au décret de l’Etat du Valais de 1913 qui soutient l’essor hospitalier en décidant de la participation financière de l’Etat à l’établissement d’hôpitaux, de cliniques et d’infirmeries de district et d’arrondissement. 174 Par ce décret, le canton assure de participer au 25% des frais de construction (mais au maximum 20'000 francs par année), et ce, avec effet rétroactif. Le canton reconnaît à quel point il est essentiel de pouvoir compter sur des structures hospitalières modernes qui puissent prodiguer des soins médicaux au sens propre, et il souhaite également avoir un droit de regard sur les structures de soins.

En 1918, le Valais ne possède pas d’hôpital cantonal, bien que sa création ait été débattue à maintes reprises par les différentes autorités politiques du canton et, ce, depuis la moitié du XIXe siècle. Pourtant, vu le nombre de Valaisans hospitalisés à Lausanne ou Genève (environ 174

Registre des Lois du canton du Valais, décret du 20 novembre 1913.

180 patients par an dans chacun des hôpitaux), la nécessité d’un établissement de soins aigus spécialisés se fait sentir175. Mais les fonds insuffisants malgré les legs et dons privés et les velléités communales provoquent des litiges entre les différentes villes de la plaine (Sion et Sierre principalement) pour accueillir le nouvel hôpital et empêcheront le projet de voir le jour. De plus, confronté à un régionalisme exacerbé, le Conseil d’Etat ne sera jamais capable d’imposer un établissement cantonal malgré le décret du 21 novembre 1917 concernant la création d’un hôpital cantonal dans une localité à déterminer176. Le pouvoir cantonal est faible, ce qui fait dire aux historiens que « l’histoire de l’intervention de l’Etat valaisan dans le système hospitalier cantonal est celle d’un échec permanent.»177 En outre, la majorité des médecins préfèrent la création d’établissements régionaux à un hôpital cantonal. Les obstacles à la création d’un établissement cantonal sont multiples et restent, encore de nos jours, difficilement surmontables. Ainsi, à la fin de l’Entre-deux-guerres, le Valais ne compte pas moins de huit centres de soins qui répondent avant tout à la volonté d’avoir des soins de proximité plutôt qu’un établissement central. Ces hôpitaux sont stratégiquement situés en plaine, proches de l’entrée des vallées latérales.

Année de création Localité Nom de l’établissement

Nombre de lits 1901 Saint-Maurice Clinique St-Amé ?

1907 Martigny Infirmerie de district 33

1908 Brigue Kreisspital 80

1910 Monthey Hôpital-Infirmerie 27

1920 Sion Clinique Germanier 40

1922 Sierre Hôpital

d’arrondissement

27

1934 Viège Clinique Sancta-

Maria

25

1935 Sion Hôpital bourgeoisial 100

1962 Sierre Clinique Sainte-

Claire

100

Tableau 28 : Etablissements de soins valaisans, source : Donzé 2003, p. 85.

La plupart des hôpitaux sont inaugurés dans la première partie du XXe siècle. Respectant la mouvance hygiéniste de l’époque, ces établissements de soins mettent l’accent sur l’hygiène, comme à l’hôpital-infirmerie de Monthey :

175 Donzé 2003, p. 86. 176 Ibid., p. 87. 177

Ibid., p. 85.

« Pour se garantir des microbes et de la poussière, tous les coins des plafonds furent arrondis ; tous les murs, peints à l’huile, sont lavables ; les parquets de chêne, établis sur béton dans toutes les chambres, peuvent facilement être entretenus ; tous les corridors sont revêtus de mosaïque, ce qui permet une grande propreté.»178

Le personnel recruté est aussi plus professionnel : de plus en plus de sœurs engagées au service des malades sont des sœurs ayant un diplôme d’infirmière179.

L’ouverture de nouveaux centres de soins coïncide avec le début de l’industrialisation et la construction des tunnels et voies de chemin de fer. En effet, au fur et à mesure que les grands chantiers (ferroviaires, tunnels, usines hydroélectriques) s’ouvrent sur le territoire valaisan, les ouvriers blessés et malades affluent et les hôpitaux vont avoir à traiter ce nouveau genre de patients180. Les usines (Lonza à Viège, aluminium Chippis) malmènent les corps et bon nombre de nouvelles pathologies apparaissent. Au XXe siècle, c’est précisément cet afflux qui va engendrer de profonds changements au sein des structures hospitalières, qui vont progressivement se tourner vers le soin exclusif des malades. Un exemple de l’apport de l’industrie au développement hospitalier nous est donné par la ville de Brigue, qui se situe au carrefour des tunnels du Simplon et du Lötschberg. A la fin du XIXe siècle, le Haut-Valais ne possède que 46 lits répartis comme suit : 30 lits à l’hôpital St-Antoine de Brigue (fondé en 1304 et maintenu jusqu’en 1908, année de fondation du Kreisspital) et 16 à l’hôpital bourgeoisial de Loèche. Ces quelques places disponibles sont déjà insuffisantes pour la population locale, mais les communes n’ont pas les moyens de s’offrir de plus grands centres de soins. Lorsque les ouvriers des tunnels, blessés, arrivent en masse, l’infirmerie de l’entreprise est vite débordée et les structures de plaine sont incapables de prendre en charge l’excédent de malades. C’est ainsi que la carence est mise à nu, et que la compagnie BLS (Berne-Lötschberg-Simplon) propose de participer financièrement à la création d’un nouvel hôpital à Brigue. Il ouvre ses portes en 1908, fort de 80 lits181.

Signe de changements également, en 1921, l’hôpital de Sion, jusqu’alors entièrement géré par le clergé, décide de scinder son administration en deux parties, une temporelle et une spirituelle. La mainmise des ecclésiastiques diminue pour laisser plus de place au politique. Le pôle spirituel est assuré par un aumônier nommé par le Diocèse et le pôle temporel par un

178 Donzé 2003, p. 137. 179 Ibid. 180 Ibid., p. 154. 181 Ibid., p. 155.

directeur laïc, catholique pratiquant, désigné par le conseil mixte de l’hôpital. Ce dernier est sensé administrer et surveiller le ménage, la campagne et bien évidemment les malades.

A côté des établissements de soins généraux, plusieurs lazarets sont aménagés le long de la plaine du Rhône. Il s’agit de lieux d’isolement et de soins pour les maladies offrant un danger général et à déclaration obligatoire, c’est-à-dire la peste, le choléra, le typhus pétéchial et la variole. Les points stratégiques sont les portes d’entrées du canton comme Brigue, centre névralgique de la surveillance sanitaire des frontières, ô combien importante en période de guerre, ainsi que Le Bouveret et la capitale, Sion. Le lazaret de Sion est créé en 1903 mais il n’est pratiquement jamais utilisé. Mal situé car loin de la ville et sis dans un marais, il souffre de problèmes d’humidité et de fosse septique pouvant contaminer la zone environnante. De 1903 à 1911, le bâtiment est livré à lui-même, puis, alors qu’une menace de choléra se fait sentir en 1911, le médecin du district de Sion, le Dr François Ducrey, préconise une remise en état du lazaret et insiste sur l’aménagement d’une route d’accès et de conduits d’évacuation des eaux. Mais rien de tout cela n’est effectué et, lors de l’inspection de l’établissement en février 1918, fortuitement juste avant l’épidémie de grippe espagnole, le recteur et directeur de l’hôpital, M. Müller, décrit avec un style épique au président de la Commission de la salubrité publique la visite du lazaret qui se transforme en véritable expédition :

« J’ai visité hier en compagnie de deux Révérendes Sœurs le lazaret. Nous n’y avions rien trouvé d’anormal. Le dessus ne souffre pas trop d’humidité, mais le sous-sol est fort humide. L’installation du téléphone et de la lumière électrique est de toute nécessité. L’abord du lazaret est impossible par le chemin ordinaire, tout est glacé, les piétons mêmes ne peuvent y parvenir et cela déjà à une centaine de mètres devant la maison Sartoretti. Notre voiture avant cette maison a dérapé et nous a jetés sur le terrain gelé. Nous nous en sommes tirés avec quelques contusions heureusement pas graves. Comment ferait-on s’il s’agissait de conduire des malades ? Où passer si ce n’est dans le marais ?»182

A défaut d’avoir un lazaret accessible, la commune de Sion a dû s’organiser autrement pendant l’épidémie de grippe espagnole.