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1. D ÉFINITION DES OUTILS CONCEPTUELS EN LIEN AVEC LA PROBLÉMATIQUE

4.2 U NICITÉ SAMARITAINE

4.2.1 Le Pentateuque samaritain

Ce texte révélé est tellement central dans l'identité samaritaine que Sergio Noja a pu écrire ce qui suit : « without the Pentateuch there would be no Samaritans »423. Les Samaritains proclament qu'ils n'ont qu'un « seul livre inspiré »424. Ils tiennent donc pour consacrés les cinq livres du Pentateuque dont ils ont leur propre version, dite Pentateuque samaritain425 qui diffère du Texte massorétique426 juif. B. Tsedaka affirme, tout comme d'autres experts, qu’il y aurait entre 6000 et 7000 différences entre le PS et le TM, la plupart étant mineures et d’ordre orthographique. Il soutient aussi, s'appuyant sur les travaux du professeur R. Weiss, de l'Université hébraïque de Jérusalem, que le texte de la Septante427 est plus proche du PS que du TM.

It leads us to the conclusion that the translators of the LXX had before them texts that were closer to the SP texts, such as those found in Qumram cave 4, written in the same Ancient Hebrew script by Jewish writers, called “Proto Samaritan” texts. […] Thus, the SP presents before the reader the earliest known text of the Pentateuch. Hence, the MT portrays text that crystallized in later periods in the first part of the Second temple Period428.

422 Benyamim Tsedaka, « The Israelite-Samaritans », The Samaritan Update, (Holon: TheSamaritanUpdate.com: 2011), 5, <http://shomron0.tripod.com/articles/abhistorysamaritans.pdf>.

423 « The Last Decade in Samaritan Studies », dans The Samaritans, sous la direction d'Alan D. Crown (Tübingen: J. C. B. Mohr, 1989), 805.

424 M. Baillet, « Samaritains », dans SDB (Paris : Letouzey & Ané, 1990), 11 : col. 774. 425 Nous avons aussi utilisé l'abréviation PS dans le texte.

426 Nous avons aussi utilisé l'abréviation TM dans le texte.

427 Le nom Septante (en latin Septuaginta), ou son abréviation LXX, devrait être « réservé à la traduction grecque de la Torah ou Pentateuque, mais il est généralement étendu à l'ensemble de la Bible grecque », voir Mireille Hadas- Lebel, « Septante », dans le Dictionnaire de l'Antiquité, sous la direction de Jean Leclant (Paris : PUF, 2005), 2002. 428 Benyamim Tsedaka, « The Israelite-Samaritans », The Samaritan Update, (Holon: TheSamaritanUpdate.com: 2011), 3, <http://shomron0.tripod.com/articles/abhistorysamaritans.pdf>.

G. Gesenius (1815) a classé ces variantes en huit catégories principales, la huitième étant consacrée aux croyances religieuses (Margain, 1990, c. 763)429. Ces variations qui portent sur les croyances religieuses méritent ici notre attention : elles nous renseignent sur la théologie des Samaritains. Elles distinguent le groupe religieux samaritain de leurs vis-à-vis Israélites-Juifs.

Pour dissiper toute équivoque sur le strict monothéisme que professent les fils d’Israël, les Samaritains (et la Septante) attestent le singulier, contrairement à la version massorétique pour quatre verbes ayant comme sujet: םיתלא GN XX, 13 ; XXXI, 53 ; XXXV, 7 ; Ex XXII, 8. D’autres changements visent la suppression ou, du moins l’atténuation des anthropomorphismes. […] Enfin, d’importance capitale pour les Samaritains est la mention du mont Garizim (Dt XXVII, 4), au lieu de l’Ébal massorétique430.

L’ajout d’un 10e commandement, au sujet du Garizim, la montagne sacrée des Samaritains, doit être souligné ; il concerne « l’autel de pierres qui doit y être dressé, prélude à la construction du temple »431. « In this regard, it is well to remember that Samaritan traditions stress the holiness of Mt. Gerizim and the altar Moses supposedly commanded to be built there, and not a temple building as such »432. Ce dixième commandement est absent du TM.

Mais pour le leader samaritain, Benyamim Tsedaka:

The principle differences are in regard to the question of the chosen place of the Almighty to dwell His Name there. In twenty-two verses in the Book of Deuteronomy it is written in the Israelite Samaritan Version: “the place hat the Almighty HAS CHOSEN”, whereas, in the Jewish Masoretic Version the parallel verse is written as: “In the place that the Almighty WILL CHOOSE”433.

429 Jean Margain, « Samaritain (Pentateuque) », dans SDB, sous la direction de Jacques Briend et Édouard Cothenet, (Paris : Letouzey & Ané, 1990), 11: col. 763. J. Margain fait référence à G. Gesenius, De Pentateuchi samaritani

origine, indole et auctoritate commentatio philologico-critica, Halle, 1815. Il affirme que Gesenius aurait été le

premier à faire une étude complète du PS en le comparant au texte massorétique. 430 Ibid., col 767.

431 Ibid., col. 770. L’auteur mentionne sa source : F. Dexinger, DasGarizimgebot, StudienzumPentateuch (1977), 111-133. La question du Temple sur le Mont Garizim a soulevé plusieurs interrogations et elle a divisé les spécialistes. Les résultats des fouilles archéologiques au 20e siècle ont nourri ce débat qui reste ouvert.

432 J. P. Meier (2000), «The Historical Jesus and the Historical Samaritans », Biblica 81, fasc. 2 (2000), 201-213. Voir la longue note 22, p. 213 dans l’article de John P. Meier pour une synthèse efficace au sujet des traditions rivales concernant la suprématie du temple sur les monts Garizim et Sion.

433 Benyamim Tsedaka, « The Israelite-Samaritans », The Samaritan Update, (Holon: TheSamaritanUpdate.com: 2011), 4, <http://shomron0.tripod.com/articles/abhistorysamaritans.pdf>. Rappelons que Benyamim Tsedaka a traduit et édité la première version comparée et en anglais du PS et du TM: The Israelite Samaritan version of the

Torah; first English translation compared with the Masoretic version (Grand Rapids, Michigan: William B.

Une des questions importantes concerne la date de rédaction du PS434. Plusieurs experts estiment qu'elle aurait commencé peu après la destruction du temple du Garizim par le souverain hasmonéen Jean Hyrcan (128 av. J.-C.) et la dévastation de la ville sainte des Samaritains, Sichem (107 av. J.-C.)435.

At the time of John Hyrcanus, political strife augmented the religious dispute. John’s reign reflected the Hasmonaean desire to destroy the Samaritan sect. These events convinced the Samaritans that there was no way for them to join Judaism. During this time they began to legitimize their separate identity as a sect outside Judaism436.

L’entreprise de rédaction du PS amorcée par les Samaritains pourrait être considérée comme une tentative d’asseoir la légitimité et même la suprématie de leur lieu sacré du mont Garizim sur celui de Jérusalem. Elle marque aussi le début d’un processus de définition identitaire :

It now appears evident that the Samaritan sect (as it is known from the Roman period) was a community whose self-understanding was not clearly defined until around 100 B.C.E., much later than the earlier studies had proposed. The chief monument of this self-definition was the distinctively sectarian redaction of the Pentateuch which the Samaritans promulgated at that time437.

Dans le texte de Tsedaka, la mention première du PS nous apparaît être une proclamation du fondement sur lequel s'appuie l'unicité samaritaine. Elle sert d'ancrage aux autres caractéristiques identitaires qui prennent ainsi racines dans LE texte sacré samaritain.

434 Au sujet du PS, de sa composition, de sa rédaction, des textes dits « proto-samaritains », le lecteur pourra consulter : James D. Purvis, « Samaritan Pentateuch », dans The interpreter's dictionary of the Bible, supplementary

volume (Nashville: Abingdon Press, 1976), 772-775, reproduit dans Ferdinand Dexinger et Reinhard Pummer dir., Die Samaritaner, (Darmstadt: Wiss. Buchges, 1992), 408-417; Robert T. Anderson, « Samaritan Pentateuch: general

account », dans The Samaritans, sous la direction d'A.D. Crown (Tübongen: J.C. B. Mohr, 1989), 390-396; Emanuel Tov (1989), « Proto-Samaritan texts and the Samaritan Pentateuch », dans The Samaritans, sous la direction d'Alan D. Crown (1989), 397-407; J. Margain, « Samaritain (Pentateuque) », dans SDB (1990), 11: col. 762-773 ; M. Morgenstern, « The Hebrew, Aramaic and Arabic versions of the Samaritan Pentateuch », dans Samaritans: past and

present, sous la direction de M. Mor et F. V. Reiterer (Berlin: De Gruyter, 2010), 133-145. Pour une synthèse en

français, accessible mais néanmoins rigoureuse, consulter : J.-D. Macchi, Les Samaritains : histoire d'une légende (Genève : Labor et Fides, 1994), 11-15.

435 Menachem Mor, « The Persian, Hellenistic and Hasmonaean Period », dans The Samaritans, sous la direction d'Alan D. Crown (1989), 16. Les dates de destruction du temple et de Sichem sont celles que donnent Flavius Josèphe dans AJ, XIII, 255-256 et BJ I, 62-63.

436 Ibid., 18. L’auteur donne ses sources à la note 94:J. D. Purvis, « The Samaritan problem: A case study in Jewish sectarianism in the roman era », in Traditions in transformation, Turning points in biblical faith (Winona Lake, Indiana: Eisenbrauns, 1981), 334-337; J. D. Purvis, « The Samaritans and Judaism », dans Early Judaism and its

modern interpreters, sous la direction de R. Kraft et G.E.W. Nickelsburg (Atlanta, 1986), 81-98.

437 J. D. Purvis (1981), « The Samaritan problem: A case study in Jewish sectarianism in the roman era », in

4.3 L'identité samaritaine, son fondement théologique et ses prolongements dans le