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Dynamique identitaire : des stratégies identitaires conduites en fonction de l'environnement interne et

1. D ÉFINITION DES OUTILS CONCEPTUELS EN LIEN AVEC LA PROBLÉMATIQUE

5.3 Dynamique identitaire : des stratégies identitaires conduites en fonction de l'environnement interne et

Dans cette section, nous ferons appel aux notions de frontières identitaires et de minorité religieuse (perpétuation du groupe). Selon J. Kastersztein « [c]'est dans l'interaction avec l'environnement que se négocient et se renégocient constamment les buts et les enjeux de l'action »536. Tout groupe maintient une frontière avec les autres groupes et avec son environnement. Et selon Barth, ces frontières sont entretenues, elles ne sont pas rigides, fixées une fois pour toutes537. Elles évoluent, elles se déplacent selon les contextes. Nous l'avons dit plus haut, toute frontière identitaire est contingente, socialement construite, auto-attribuée et, reformulée par l'autre. Cela suppose qu'il existe un processus de négociation et de renégociation des frontières identitaires.

La communauté samaritaine, selon Ireton, serait « more recognisably bounded than most ethnic or religious groups »538. Les Samaritains eux-mêmes reconnaissent leur exclusivisme : « It is very difficult to be Jewish, it is more difficult to be Samaritan »539. Dans une société aussi conservatrice que Naplouse, les Samaritains utilisent probablement les modalités de contrôle les plus strictes. Ils vivent dans un isolement qu'ils se sont imposé (retrait à Kiryat Luza). Les régles

535 En 2002, le bulletin électronique The Samaritan Update faisait part d'une attaque violente de la part de Hassidim de la colonie illégale de Bracha 'B'. « Radicals and Eccentric Hassids are waylaying Samaritans on the road to Mt. Garizim » (24 octobre 2002), consulté le 24 juin 2014, <http://www.thesamaritanupdate.com>.

536 J. Kastersztein, « Les stratégies identitaires des acteurs sociaux : approche dynamique des finalités », dans Carmel Camilleri, Stratégies identitaires, Psychologie d'aujourd'hui (Paris, PUF, 1990), 32.

537 Fredrik Barth, « Les groupes ethniques et leurs frontières », traduit de l'anglais par Jacqueline Bardolph, Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart, dans Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart, Théories de l'ethnicité, Le sociologue (Paris : PUF, 1995), 205-206.

538 Sean Ireton, « The Samaritans: A Jewish Sect in Israel. Strategies for Survival of an Ethno-religious Minority in the Twenty First Century » (mémoire de maîtrise (M.A), Université de Kent (Canterbury), 2003), 7, consulté le 4 mai 2014, <http://www.anthrobase.com/Tx/I/Ireton_S_01.htm>.

539 Ibid., 38. Ces paroles ont été prononcées par Israel Tsedaka lors d'une entrevue avec Sean Ireton qui a eu lieu le 19 avril 2002.

d'endogamie sont très sévères: « [They] used to be absolute, no Samaritan man or woman would marry outside their community and remain a Samaritan »540.

Les Samaritains utilisent d'autres traits diacritiques pour marquer leurs frontières identitaires. Ils ont leur propre calendrier encore calculé par leurs prêtres. Ils observent des prescriptions alimentaires plus strictes que celles des Juifs. Ils ont leurs rituels. « When it comes to hospitality and food consumption, it can be argued that is the Samaritans who stand out as most exclusivist amongst the three religious communities in Nablus »541.

Cela démontre bien que les Samaritains savent, en tant que minorité religieuse préoccupée de sa préservation, utiliser différentes procédures de clôture et de contrôle interne542. Ces règles servent de marqueurs des frontières identitaires samaritaines. Elles sont claires pour les autres groupes et balisent leurs relations. Mais elles aussi sont significatives pour les membres de la communauté qui partagent les valeurs qui dictent ces conduites (notamment l'obéissance aux règles de pureté et d'impureté).

Ces marqueurs peuvent se transformer, la frontière qu'ils dessinent peut être négociée en fonction d'un contexte bien précis. L'application des règles d'endogamie en offre un exemple. Ces règles ont eu des effets démographiques désastreux, la population samaritaine ayant un taux élevé de malformations congénitales ainsi qu'un taux de natalité féminine bien moindre que celui de la natalité masculine. Ces difficultés menaçaient la survie d'une si petite communauté qui comptait à peine cent membres au début du 20e siècle. « Faced with these problems, the Samaritan leadership decided to slightly relax the strict endogamy rule »543. C'est ainsi que vers 1910 et plus tard à la fin des années 1980, des femmes juives (5 vers 1910, 25 plus tard), chrétiennes (5) et musulmanes (3) ont accepté de se convertir au samaritanisme pour épouser des Samaritains. Ici la communauté a reconnu qu'un changement était nécessaire et que la règle d'endogamie devait être enfreinte mais dans un contexte bien précis, limité et non récurrent. Les membres tenaient ce geste pour nécessaire mais ils n'en étaient pas heureux, inquiets à la pensée que leur identité

540 Julia Droeber, The Dynamics of the coexistence in the Middle East; Negotiating Boundaries between Christians,

Muslims, Jews and Samaritans (Londres: I.B. Tauris, 2014), 140.

541 Ibid., 151. J. Droeber fait ici référence aux Chrétiens, aux Samaritains et aux Musulmans.

542 Isabelle Rivoal, « Minorité religieuse », dans Dictionnaire des faits religieux sous la direction de Régine Azria et Danièle Hervieu-Léger, Quadrige Dicos poche (Paris : PUF, 2010), 718-725.

543 Julia Droeber, The Dynamics of the coexistence in the Middle East; Negotiating Boundaries between Christians,

pouvait être diluée544. Depuis comme nous l'apprend Droeber, la règle d'endogamie s'applique strictement dans l'environnement immédiat de Naplouse. Les leaders samaritains affirment ne pas vouloir perturber les relations que la communauté entretient avec ceux qui vivent dans le même espace c'est-à-dire les Palestiniens musulmans et chrétiens.

Pour conclure cette section, un mot concernant les entreprises samaritaines de paix. Elles ont été rendues possibles parce que la communauté a su réussir diverses actions de médiation et faire reconnaître sa neutralité politique durant les années 1970 et 1980 et les épisodes d'Intifada. Les Samaritains sont bien conscients de la précarité de leur situation. Leur stratégie de neutralité et d'offre d'espace de paix fait dorénavant partie de leurs marqueurs identitaires. En témoigne cette citation :

[The Samaritans] keep their activity with an aim in becoming a bridge of peace between all entities involved in the Middle East Conflict, by keeping friendship with all sides. This policy proves itself every day when Palestinians from every stream and the Israelis from all of their streams give respect to the Samaritans and speak favorably about the Samaritans. This is also expressed by both sides granting aid to the Samaritans for different projects on Mount Gerizim545.

Nous voyons dans cette stratégie une réelle négociation d'une frontière identitaire qui distingue les Samaritains des majorités environnantes. Cette frontière peut évoluer très finement en regard des évènements, des incidents, des intérêts fondamentaux des groupes en présence. Ils ont tous des intérêts, des enjeux et par conséquent, des frontières à marquer et à négocier en tenant compte les uns des autres. Comme le dit Droeber, en faisant allusion aux Chrétiens, Musulmans et Samaritains qui de nos jours entrent en interactions à Naplouse: « that members of the three main religious communities are negotiating boundaries within and between themselves, all the time balancing local, national, international, community, and personal interests »546. Le même processus de négociation des frontières identitaires est en cours du côté de Holon entre Israéliens et Samaritains.

544 S. Ireton, « The Samaritans: A Jewish Sect in Israel. Strategies for Survival of an Ethno-religious Minority in the Twenty First Century » (mémoire de maîtrise (M.A), Université de Kent (Canterbury), 2003), 17-18, consulté le 4 mai 2014, <http://www.anthrobase.com/Tx/I/Ireton_S_01.htm>.

545 Benyamim Tsedaka, « The Israelite Samaritans Today », The Samaritan Update, consulté le 21 mars et le 8 décembre 2014, <http://shomron0.tripod.com/articles/israelitesamaritanstoday2011.pdf>. Reproduction de l'article «°The Israelite Samaritans Today », A. B. – The Samaritan news, no 1090-1091 (15 juillet 2011).

546 The Dynamics of the coexistence in the Middle East; Negotiating Boundaries between Christians, Muslims, Jews

5.4 Des initiatives médiatiques indispensables à la dynamique identitaire samaritaine