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1. D ÉFINITION DES OUTILS CONCEPTUELS EN LIEN AVEC LA PROBLÉMATIQUE

1.2 Identité, identités revendiquée et octroyée et marqueurs identitaires

monde [de l'ensemble de ses membres] »94.

1.2 Identité, identités revendiquée et octroyée et marqueurs identitaires

Tout au long du texte, les termes menaces identitaires, maintien identitaire, stratégies identitaires, frontières identitaires apparaîtront. L'identité religieuse demeure, comme nous le verrons, le fondement de l'identité samaritaine. Le cadre limité de ce mémoire ne nous autorise pas à traiter de tous les aspects de la « dynamique de la construction identitaire »95. Ces termes, et d'autres font cependant partie de notre arsenal conceptuel. Grâce à ces outils, nous pourrons aborder certaines dimensions de la dynamique identitaire samaritaine.

Les vocables identité et identitaire reviennent régulièrement dans notre texte. L’identité semble devenu un concept « passe-partout dont se délectent les praticiens des sciences humaines et sociales »96. C'est que « le thème de l'identité se situe non pas seulement à un carrefour mais à plusieurs. Il intéresse pratiquement toutes les disciplines, et il intéresse aussi toutes les sociétés qu'étudient les ethnologues »97.

Louis-Jacques Dorais articule sa propre définition autour de trois mots-clés : rapport, construit, environnement.

L’identité est un rapport. […] Le rapport identitaire relève très largement du subconscient, mais il n’en demeure pas moins qu’il façonne la perception que chaque individu a de sa place dans l’univers. […] elle n’est pas donnée une fois pour toute ; elle est plutôt construite. […] L’identité équivaut à la relation qu’on construit avec son environnement 98.

94 Ibid., 57.

95 Claude Gélinas, « Les fonctions identitaires de la religion en milieu autochtone au Canada : ébauche d'un modèle d'analyse », dans Qu'est-ce que le religieux contemporain?, sous la direction de Patrick Snyder et Martine Pelletier (Montréal : Fides, 2011a), 175.

96 Louis-Jacques Dorais, « La construction de l'identité », dans Discours et constructions identitaires, sous la direction de Denise Deshaies et Diane Vincent, Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d'expression française en Amérique du Nord (CEFAN) (Québec : Presses de l'Université Laval, 2004), 1, consulté le 4 juin 2014, <http://www.erudit.org/livre/CEFAN/2004-1/000660co.pdf>.

97 Claude Lévi-Strauss, dir., L'identité; séminaire interdisciplinaire, 5e éd. [1ère éd. 1983], Quadrige (Paris: PUF, 2007), 9.

98 Louis-Jacques Dorais, « La construction de l'identité », dans Discours et constructions identitaires, sous la direction de Denise Deshaies et Diane Vincent (Québec : Presses de l'Université Laval, 2004), 2-3.

Claude Gélinas constate que les définitions de l'identité se sont multipliées depuis que cette question a reçu « une attention exponentielle de la part des chercheurs »99. Il propose cette définition que l'on pourrait qualifier d’opérationnelle :

[L'identité] naît de la conscience et de la reconnaissance individuelle ou collective de posséder un particularisme qui distingue des autres et qui s'exprime à travers la mise en valeur de traits culturels pragmatiquement choisis pour leur capacité discriminante100. Dans une perspective sociologique et anthropologique, il insiste sur deux dimensions essentielles de la dynamique identitaire « à savoir la nécessité d'un contexte d'interaction sociale de même que le caractère dynamique et conjoncturel, non statique et hérité de l'identité »101. La dynamique identitaire « ne peut être comprise hors de la dynamique sociale »102 et elle s'exerce dans un jeu de rapports où se définissent identité revendiquée et identité octroyée. La première correspond « à l'ensemble des traits culturels mobilisés pour symboliser une frontière sociale entre le groupe et ses voisins »103. La seconde est une sorte de réponse à la première identité affichée et défendue par le groupe initial. L'autre attribue en retour une identité au premier nous initial, pour bien marquer sa différence. Identité revendiquée et identité octroyée peuvent présenter des différences. Tout groupe, soutient C. Gélinas, possède à la fois une identité revendiquée « celle qu'il construit pour lui-même » et une identité octroyée « celle ou celles que lui attribuent ceux avec qui il interagit »104. Dans ce processus dynamique, un groupe retient certains traits culturels qu'il mobilise dans le cadre de stratégies identitaires en fonction des enjeux qu'il perçoit et qui émergent d'un contexte social qui, par ailleurs, peut constamment évoluer. Ces « traits culturels jugés discriminants »105, selon l'expression de Gélinas, qui sont ainsi retenus et mobilisés dans l'action et le discours identitaire, deviennent des marqueurs identitaires. Ils deviennent pour les uns et les autres des référents, des déterminants d'une identité, revendiquée ou octroyée. Ces marqueurs finissent par résumer une identité. C'est ce qu'Alex Mucchielli veut dire par ce constat :

99 Claude Gélinas, Indiens, Eurocanadiens et le cadre du métissage au Saguenay-Lac-Saint-Jean, 17e-20e siècles

(Sillery: Septentrion, 2011b), 36. 100 Ibid., 35. 101 Ibid., 36. 102 Ibid. 103 Ibid., 37. 104 Ibid., 38. 105 Ibid., 39.

Mais, plus certainement, la définition d'une identité se fait à partir de quelques-uns de ces critères parce que la structure schématique ainsi tracée suffit pour identifier différentiellement le groupe ou l'individu […] Dans l'identification on retient en effet, d'une part, les caractéristiques essentielles et, d'autre part, les caractéristiques marquant la dissemblance106.

Nous le constatons l'identité se manifeste obligatoirement dans un rapport à l’autre : « il n'y a que des identités en situation, produites par des interactions »107. C. Gélinas le formule ainsi : « toute identité ne trouve son sens qu'à la lumière du contexte social dans lequel elle s'inscrit et qui la conditionne »108.

Ce rapport étant dynamique, l'identité elle-même doit être considérée comme une réalité dynamique. Ainsi comprise l'identité peut par conséquent être définie comme : « l’ensemble structuré des éléments identitaires qui permettent à l’individu [ou au groupe] de se définir dans une situation d’interaction et d’agir en tant qu’acteur social »109. Nous sommes ainsi passés d'une définition « où le déterminisme biologique et culturel a cédé la place à une identité construite et modifiée par des acteurs sociaux, libres et responsables de leurs choix et de leurs actes »110. Les prochains concepts présentés, ceux de frontières identitaires et de stratégies identitaires, éclaireront la nature de ce processus identitaire.