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Le patrimoine culturel immatériel et le développement durable

1. Le patrimoine culturel immatériel

1.2 Le patrimoine culturel immatériel et le développement durable

Les artisans du Courir de Faquetaique aspirent à perpétuer la tradition du Courir du Mardi gras cadien (Walker 2011). Il s'avère à-propos de poser un regard sur les notions essentielles du développement durable en lien avec le patrimoine culturel immatériel, afin d'obtenir une meilleure compréhension de ses enjeux. Cette partie proposera une explication sur les concepts les plus pertinents à cette recherche. Seront abordés l'évolution du patrimoine culturel immatériel dans les discours, la culture comme un pilier du développement durable, quelques exemples de mesures de sauvegarde du patrimoine, l'importance des communautés, la transmission ainsi que l'esprit du lieu.

Le Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de 1987, communément appelé « Rapport Brundtland », définit le développement durable comme un « développement qui répond aux besoins du présent, sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »33. De plus, l'UNESCO propose que le développement

durable touche à la fois la société, l'environnement, la culture et l'économie, quatre dimensions indissociables, afin d'améliorer la qualité de vie des humains34.

L'intégration de la notion du patrimoine culturel immatériel dans une optique de développement durable est une tâche délicate. D'ailleurs, les experts tentent encore, à ce jour, d'en tracer les balises (Bortolotto 2011). Comme mentionné précédemment, l’intangibilité du patrimoine culturel immatériel, ainsi que ses caractéristiques dynamiques et complexes, entraînent des défis de définitions et de forme (Grenet et al. 2011: 4, Bortolotto 2011: 21). Cette difficulté réside, également, dans l'influence réciproque entre les notions de patrimoine culturel immatériel, de communauté et de transmission (Kapp 2011: 4), thèmes centraux à cette étude, dont je ferai état plus loin dans ce chapitre.

33 Voir Commission mondiale sur l’environnement et le développement, op. cit.

34 UNESCO, « Le développement durable ». http://www.unesco.org/new/fr/education/themes/leading-the-international- agenda/education-for sustainabledevelopment/sustainable-development/, consulté le 16 décembre 2012.

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1.2.1 Du folklore au patrimoine culturel immatériel et de la protection à la sauvegarde : évolution des discours sur le patrimoine

La relation entre la notion du patrimoine culturel immatériel et celle du développement durable représente l'aboutissement d'un long cheminement au sein des réflexions qui entourent le patrimoine. À partir de leurs balbutiements, dans les années 197035, les discours concernant la

sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ont beaucoup évolué (Alexandre 2013: 8). En effet, les chercheurs ont élaboré une approche plus concrète de la notion de sauvegarde et de son application36.

Par exemple, les spécialistes n’utilisent plus le mot « folklore », dans son sens large, pour désigner les éléments non tangibles du patrimoine (comme la chanson, la danse, les traditions orales, etc.), mais plutôt « patrimoine culturel immatériel » (Alexandre 2013: II). De plus, plusieurs, notamment les experts de l'UNESCO, préfèrent le terme « sauvegarde » au terme « protection ». Ce dernier, dont la signification comporte une dimension évolutive, permet d’insister sur une « préservation et une pérennisation » du patrimoine culturel immatériel, plutôt que de suggérer une vision figée de ce dernier (Bortolotto 2011: 27).

En 1972, l'UNESCO adopte la Convention concernant la protection du patrimoine mondial,

culturel et naturel. Celle-ci vise à lier « les notions de protection de la nature et de préservation des

biens culturels », tout en misant sur l'importance des échanges entre les humains et la nature, ainsi que sur le besoin fondamental de conserver « l’équilibre entre les deux » (UNESCO 1972). Même si cette convention ne met pas l'accent sur la notion de développement durable comme telle, elle fournit, malgré tout, une introduction sur la question, qui engendra une réflexion subséquente par les experts (Alexandre 2013).

35 Les premiers discours visant une préservation des cultures traditionnelles et populaires datent des années 1950, suite

à la Seconde Guerre mondiale, au moment où les gouvernements vont réfléchir à des façons de protéger leurs traditions. Voir Ceacilia Alexandre, « L'insertion du concept de développement durable aux règles internationales et aux programmes nationaux et locaux de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : regard croisé Québec – Maroc », mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, 2013, p.1.

36 « L'intérêt porté à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel remonte aux années 1970 avec le premier

instrument à vocation internationale visant la protection du Folklore, Opportunité d'assurer au plan international une

protection du Folklore (1975). Jusqu'à l'adoption de la Convention de l'UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003), plusieurs instruments se sont succédé faisant avancer la notion de 'patrimoine culturel

immatériel'. Au même moment émerge le concept de 'développement durable'. Mais le lien qu'entretiennent ces deux notions dépasse leur évolution simultanée ». Voir Ceacilia Alexandre, Ibid. p. II.

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D'ailleurs, la notion de « développement durable » s'est développée avec le rapport de la

Commission mondiale sur l’environnement et le développement (Rapport Brundtland), en 1987. Ce

rapport amène, de plus, une vision plus globale du développement durable, tout en désignant trois piliers fondamentaux: la croissance économique, l'inclusion sociale et l'équilibre environnemental. Enfin, il alimente et influence les discours au sujet du développement durable pendant de nombreuses années.

Par la suite, les experts réunis au Sommet de la terre de Rio de Janeiro, en 1992, proposent une définition plus précise du développement durable et de ses trois piliers, dans la Déclaration de

Rio sur l’environnement et le développement. Lors de ces rencontres, les spécialistes s’entendent

pour définir les trois piliers fondamentaux du développement durable, soit l'aspect économique, environnemental et social. On y souligne l'apport crucial des êtres humains dans le processus de sauvegarde37. C'est, aussi, à ce moment qu’est adopté l'Agenda 21, une série de mesures rappelant

l'importance de protéger les « savoirs locaux comme élément de stratégie pour le développement durable »38.

Une décennie plus tard, lors du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg, en 2002, les spécialistes suivent la même voie que celle tracée lors du Sommet de la

terre. Les trois piliers fondamentaux pour le développement durable sont au cœur des discours et

des réflexions de ce sommet. Toutefois, les chercheurs mettent de l'avant, également, l'importance de la culture39 et de la diversité culturelle comme éléments incontournables du développement

durable40. Encore là, on ne fait pas de mention directe du patrimoine culturel immatériel dans les

rapports de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement et de ceux du Sommet mondial

37 Gouvernement du Québec, Notre culture au cœur du développement durable. Plan d’action de développement

durable 2013-2015, Québec, Ministère de la Culture et des Communications, 2013, Gouvernement du Québec, Plan d’action de développement durable 2013-2015, Québec, Ministère de la Culture et des Communications, 2013, p.11-12.

38 Ibid. p.12.

39 La culture peut se définir comme « l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui

caractérisent une société. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Voir UNESCO, Déclaration de Mexico sur les

politiques culturelles, 1982. http://www.agenda21c.gouv.qc.ca/agenda21-Centre-du Québec/introduction/, consulté le 10

novembre 2013.

40 « La paix, la sécurité, la stabilité et le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, notamment le droit au développement, ainsi que le respect de la diversité culturelle, sont essentiels pour assurer un développement durable et faire en sorte que ce type de développement profite à tous », Vaia Tuuhia et al., « Suivi de la Déclaration de Rio +20, propositions et pistes d'actions. Note de décryptage de la mise en œuvre de la Déclaration, 'Le futur que nous voulons' », Paris, Organisation internationale de la francophonie, 2013, p. 20.

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pour le développement durable, mais on peut deviner les prémisses d'un discours plus concret sur

cette question41.

En effet, au tournant du XXIᵉ siècle, le champ du développement durable du patrimoine culturel immatériel se précise et suscite un vif intérêt auprès des experts et auteurs, des intervenants sur le terrain, des organismes gouvernementaux, et même d’institutions internationales. On en trouve la preuve dans plusieurs études, en plus de voir apparaître plus de mesures concrètes, et même des lois qui seront appliquées par certains gouvernements, et qui seront abordées ultérieurement (Bortolotto 2011, Gauthier 2012, UNESCO 2003).