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Ducharme et Vian, phonographes du pornographe

5. Le paratexte et les plaisirs du phonographe

À moi le prix Nobel de la désinvolture ! Réjean Ducharme

Tout a été dit cent fois Et beaucoup mieux que par moi Aussi quand j'écris des vers C'est que ça m'amuse C'est que ça m'amuse C'est que ça m'amuse et je vous chie au nez. Boris Vian

Contexte de l'écriture

Ducharme et Vian prennent plaisir à jouer avec les diérents discours et à établir un rapport de complicité avec leurs lecteurs. L'analyse du contexte d'écriture de leur ÷uvre permet d'approfondir cette idée de complicité. Selon Dominique Maingueneau,

[l]e contexte de quelque chose, de manière informelle, c'est ce qui l'environne. S'il s'agit d'une unité linguistique (phonème, mot, phrase, texte), cet environnement est à la fois linguistique (environnement verbal ou cotexte) et non linguistique (environnement physique immédiat, mais aussi social ou culturel)1.

Nous commencerons donc par analyser l'environnement dans lequel ont ÷uvré les deux créateurs, plus particulièrement pour ce qui est des deux romans à l'étude, soit Le nez qui voque et L'automne à Pékin. Nous verrons ainsi  [qu']hors contexte, un énoncé n'a qu'un sens potentiel2. 

L'écriture du Nez qui voque et de L'automne à Pékin s'inscrit dans deux environ- nements qu'il convient de distinguer. S'il est dicile de dénir l'environnement phy- sique immédiat pour ce qui est de Ducharme, cela est beaucoup plus aisé pour Vian. À l'époque où Ducharme envoie le manuscrit, il a déjà habité un temps à Montréal, de septembre 1959 à avril 1960, alors qu'il étudiait à l'École Polytechnique où il avait

1. Dominique Maingueneau, Les termes clés de l'analyse du discours, Paris, Éditions du Seuil (Points), 2009, p. 33.

2. Id.

amorcé des études qu'il n'a pas complétées. Il y serait resté pendant l'été qui avait suivi et aurait fait du travail de bureau. Selon l'entrevue accordée par sa mère au journal étudiant In formo, publié le 14 juin 1967, Ducharme aurait écrit Le nez qui voque à 17 ans, en 11ème année3. Le manuscrit a d'ailleurs été posté des îles de Sorel, de Saint-

Ignace-de-Loyola, dans le comté de Berthier. Ducharme aurait donc écrit Le nez qui voque en partie à Montréal et en partie dans les îles de Sorel. Il s'agit du deuxième roman que le jeune auteur adressait à Gallimard. En eet, la maison d'édition a reçu le manuscrit du roman le 25 janvier 1966, quelques mois après avoir reçu celui de L'océan- tume, soit en octobre 1965. Contrairement à l'idée répandue, L'avalée des avalés est le dernier manuscrit des trois à avoir été reçu à Paris, soit le 13 mai 19664.

L'écriture du manuscrit du Nez qui voque s'est donc faite conjointement à celle des deux autres, formant ainsi ce qu'on a appelé  la trilogie de l'enfance . Ainsi, il est possible de voir de nombreuses anités entre les trois romans, mais Le nez qui voque est un roman pivot dans l'÷uvre de Ducharme. Comme le soulignait Bernard Dupriez, il s'agit  du roman insolite d'un adolescent attiré par la grande ville5, celle de Montréal,

ce qui s'éloigne de l'univers davantage fantaisiste de L'océantume et des personnages enfants féminins que sont Bérénice et Ina. Dupriez rectie toutefois cette appellation de roman :  Bien que la couverture porte, en souscription, le mot roman, je doute qu'il s'agisse tout à fait d'un roman. En tout cas, la forme littéraire est celle du journal intime. Récits, poèmes, réexions alternent6.  Il convient également de souligner que,

selon les manuscrits déposés dans le fonds Réjean-Ducharme, à Bibliothèque et Archives Canada, Mille Milles aurait d'abord été une lle. L'arrivée du personnage masculin et le destin tragique de son acolyte, Chateaugué, viennent clore le cycle des récits de l'enfance et annoncer celui des romans de la seconde vague.

L'écriture de L'automne à Pékin s'est réalisée dans un environnement physique immédiat des plus inhabituels. En eet, Vian l'aurait presque entièrement écrit à son bureau à l'Oce du Papier lors des nombreuses heures de travail qu'il partageait avec son ami Claude Léon. Ce détail n'est pas anodin puisqu'il est à l'origine de bien des énoncés présents dans le roman, notamment des citations sur lesquelles nous revien- drons. L'ingénieur a rédigé le manuscrit de septembre à novembre 1946, soit en trois

3. Michel Saint-Germain,  Réjean Ducharme par sa mère , loc cit.

4. Voir Roger Grenier,  Éditer Ducharme , dans Présences de Ducharme, op. cit., p. 13-32. 5. Bernard Dupriez,  Ducharme et des celles , dans Voix et images du pays, vol. 5, n1, 1972, p. 166.

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mois. Si Vian semble avoir écrit la plupart de ses romans entre 1946 et 19507, il en

est de même pour Ducharme qui semble avoir rédigé ses premières ÷uvres en peu de temps. Dans les deux cas, les créateurs n'ont que la vingtaine et se présentent comme des écrivains de la jeunesse dont l'écriture est vive et abondante.

Ducharme envoie le manuscrit du Nez qui voque quelques mois après avoir envoyé celui de L'océantume aux éditions Gallimard, sans savoir s'ils seront publiés et s'il deviendra un  auteur . Vian, quant à lui, rédige son roman à la suite de ce qu'il perçoit comme un échec littéraire. En eet, en 1946, L'écume des jours a été mis en nomination pour le prix de la Pléiade, mais le gagnant a nalement été l'abbé Jean Grosjean. C'est ce qui poussera Vian à écrire un poème inédit assez comique,  J'ai pas gagné le prix de la Pléiade8 , mais aussi à créer le personnage de l'abbé Petitjean

dans L'automne à Pékin. La déception éprouvée par Vian lorsque ce prix lui a échappé est à la base de la création de plusieurs personnages de son quatrième roman, ce qui témoigne d'un certain marquage autobiographique et d'une sorte de  chassé-croisé entre l'imaginaire social et l'imaginaire littéraire9  qu'il fabrique10.

En plus de créer l'abbé Petitjean, Vian caricature certains membres du jury comme Jean Paulhan et Marcel Arland en créant le baron Ursus de Janpolent et le contremaître, toujours accompagné du même qualicatif, le  salaud d'Arland . La création de ces personnages satiriques, bien évidemment, n'est pas sans avoir inuencé la décision des éditions Gallimard qui ont refusé le texte à deux reprises, soit en 1947 et en 195111.

Ainsi, L'automne à Pékin est paru pour une première fois en 1947 aux éditions du Scorpion après avoir été refusé chez Gallimard. Les éditions du Scorpion étaient alors dirigées par Jean d'Halluin qui venait tout juste de publier, en 1946, J'irai cra- cher sur vos tombes. Le roman signé Vian a été assez négligé. Le pacte avec d'Halluin

7. J'irai cracher sur vos tombes, L'écume des jours, L'automne à Pékin, Les morts ont tous la même peau, Et on tuera tous les areux, L'herbe rouge, Elles se rendent pas compte et L'arrache-c÷ur ont été rédigés pendant ces années.

8. Ce poème est reproduit dans Marc Lapprand [dir],  Notice de L'écume des jours , loc. cit., p. 1197. Ce poème est reproduit en annexe.

9. Manon Brunet,  Réseau, lettre et édition critique : pour une anthropologie littéraire , dans le dossier  Édition critique et intertextualité. Réécritures, reprises, dérivations , dans Tangence, n74, hiver 2004, p. 74.

10. Peut-être serait-il possible de voir un tel chassé-croisé chez Ducharme, notamment dans L'hiver de force ou bien dans Va savoir. Les lettres que Marie-Claire Blais a déposées dans le fonds Réjean- Ducharme à Bibliothèque et Archives Canada (BAC) pourront peut-être un jour nous mener sur ces pistes. Il s'agit des lettres qu'elle a reçues de Ducharme. Cette correspondance ne pourra être consultée qu'après le décès de l'auteur de L'avalée des avalés.

a permis la circulation de L'automne à Pékin, mais celui-ci est pratiquement passé inaperçu, contrairement au livre signé Vernon Sullivan. Vian s'en est plaint dans une lettre adressée au critique Stuart Gilbert en 1950 :

Vous trouverez sans doute que L'Automne est areusement imprimé plein de coquilles, etc.  c'est vrai, mais c'est tout de même un des deux auxquels je tiens un peu  l'autre est L'Écume des jours12.

En raison d'un mauvais traitement éditorial, le livre n'a pas eu d'écho, ce qui a alimenté une forme de désillusion chez Vian quant à sa carrière de romancier.

L'automne à Pékin est le seul roman de Vian qui ait été réédité de son vivant. En 1956, les éditions de Minuit, une maison très prestigieuse, ont accueilli la deuxième ver- sion du roman, sur les recommandations du directeur de collection, Alain Robbe-Grillet. Vian a proté de cette publication pour peauner son texte, transformant l'édition de 1947 qu'il avait en véritable manuscrit.

Le paratexte au service du plaisir de l'écrivain

Les deux romans sont donc entrés dans le monde littéraire par diérentes portes et sous des titres qui méritent une attention particulière. En eet, Ducharme et Vian se rejoignent dans leur traitement des titres, premier contact avec le lecteur. Faisant partie de ce que Dominique Maingueneau désigne comme le paratexte auctorial13, les

intitulés des deux romans qui nous intéressent se présentent sous des formes des plus inhabituelles, qui au lieu de nous informer sur le récit, nous informent sur le discours, c'est-à-dire sur la manière dont sera présenté le récit.

Le titre du Nez qui voque n'est qu'un prétexte à un calembour faisant penser à un nez qui voguerait ou qui vaquerait, voire à un N (narrateur) qui évoque, comme le propose Franca Marcato-Falzoni14. Si nous pouvons retrouver ces éléments linguistiques

au début du récit, ce n'est que pour présenter le délire verbal dont il sera question tout au long du roman :  C'est une équivoque. C'est un nez qui voque. Mon nez voque. Je suis un nez qui voque. Mon cher nom est Mille Milles.  (NV, 13) L'usage de l'intitulé, qui

12. Ces propos sont retranscrits dans Marc Lapprand [dir],  Notice de L'automne à Pékin , loc. cit., p. 1222.

13. Dominique Maingueneau, Les termes clés de l'analyse du discours, op. cit., p. 94.

14. Franca Marcato-Falzoni, Du mythe au roman. Une trilogie ducharmienne, Montréal, VLB édi- teur, p. 188.

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instaure normalement un certain pacte de lecture, est détourné au prot d'un  ludisme verbal15 se jouant de l'utilité des discours.

S'il semble dicile de relier le titre au récit, il en est de même des diérentes unités linguistiques qui se mêlent à l'intérieur du roman et qui semblent parfois s'enchaîner sans cohérence. Comme le souligne Jean Valenti,  [l]e ludisme propre aux rapports associatifs impose cette réorganisation constante des données discursives16.  Le pacte

de lecture qui semble d'entrée de jeu s'annoncer se fonde donc sur l'appropriation d'un univers où la logique est malmenée et où de nouvelles associations sont appelées à être créées. Ainsi, Mille Milles s'excuse :  Je ne suis pas responsable de mes associations d'idées  (NV, 157) ce qui s'apparente à l'aveu d'Angel :  Je ne cherche pas à être clair [. . .] par ailleurs, je me fous en totalité de pouvoir ou non faire partager mon point de vue aux autres.  (AP, 191-192)

En eet, il en est de même pour L'automne à Pékin, roman où il n'est ni question de l'automne, ni de la Chine, et où les évènements s'enchaînent étrangement. La plus grande part du récit prend place dans un désert (où l'on retrouve tout de même de l'herbe17), sous un soleil contrasté par des éclats hachurés. Le titre serait, selon Jean-

Pierre Vidal,  une sorte de rébus phonographique18. Ce roman absurde présente un

discours qui est discontinu et met en scène des parties intitulées  Passages  ou bien  Réunions , ainsi que des chapitres chapeautés par des lettres suivies de chapitres numérotés qui morcellent le roman et appellent à une réorganisation. D'ailleurs, sur une page de dessins19 qui accompagnait le manuscrit de L'automne à Pékin, on peut lire à

plusieurs reprises le mot miscellaneus, signiant  choses mêlées20. Cela est d'autant

plus signicatif que sur une page de notes qui accompagnait également ces documents, Vian écrit qu'en augmentant la discontinuité  on peut accroître l'impression de vie et de mouvement21. Gérard Durozoi propose que cette esthétique soit le reet d'une

position :  le refus que l'Histoire puisse avoir une orientation générale compréhensible,

15. Jean Valenti  L'épreuve du Nez qui voque : des savoirs partagés au ludisme verbal , dans Voix et Images, vol. 20, n2 (59) 1995, p. 400-423.

16. Ibid., p. 419.

17. En eet, plusieurs allusions à de l'herbe sont présentes dans le roman, notamment aux pages 76, 146, 165,182, 217 et 279.

18. Jean-Pierre Vidal,  La déviance générale , dans Colloque de Cerisy, Paris, U.G.E., (10/18), 1977, t. 1, p. 268.

19. Ce carton est reproduit dans Noël Arnaud [dir], Boris Vian de A à Z. Obliques, op. cit., p. 7. 20. Le Robert. Dictionnaire historique de la langue française, 1993, p. 1252

21. Alain Costes,  Présentation des manuscrits , dans Boris Vian : Le corps de l'écriture. Une lecture psychanalytique du désir d'écrire vianesque, Limoges, Lambert-Lucas, 2009 , p. 233.

un sens global22. En refusant la stabilité, la xité, voire la généralité, Vian opte pour

une vision chaotique de l'histoire et de la compréhension de celle-ci.

Deux auteurs inquiétants

Ces titres qui transgressent les conventions nous portent à la fois à rire et à nous questionner. Dans son essai  Ducharme l'inquiétant23, Michel Van Schendel soulignait

que L'avalée des avalés a eu droit a une  obscure réticence24  qui s'est traduite par

des expressions telles que :  Ça m'a tout l'air d'un roman farfelu  ou bien  Ça sent l'originalité à tout prix, la fausse naïveté  ou encore  Quel drôle de titre25! . Ces

réexions, faites à la simple lecture du titre, manifestent une forme de dépréciation du jeu de mots, du calembour, de la gratuité que celui-ci peut représenter, mais aussi, une forme de réticence face à l'exploration du langage que l'on voudrait ger.

Si l'inquiétude suscitée par Ducharme est relevée au début de son parcours, celle de Vian est aussi soulignée par Jacques Bens, en 1963, alors que l'on découvre l'auteur de L'écume des jours d'une manière posthume grâce à Jean-Jacques Pauvert et Chris- tian Bourgois. Dans sa postface26, Jacques Bens se questionne à propos du  langage-

univers  de L'écume des jours :

D'où viennent cet étonnement, cette inquiétude, cette angoisse que nous ressentons peu à peu. Nous comprenons, d'une manière de plus en plus précise, que tout peut arriver dans ce monde, et singulièrement ce que nous n'avons pas prévu27.

Cette forme d'incertitude face aux évènements, aux pensées du personnage, aux mots qui les énonceront, est ce qui, selon Michel Van Schendel,  ne laisse pas de repos ,  exerce un terrorisme de l'éveil28 .

À la lecture, le lecteur est saisi par un besoin de guetter les détours, les doubles sens, les prises au pied de la lettre, les refus, les adhésions, les répétitions, le rire, l'angoisse qui

22. Gérard Durozoi,  Narration nie et ction interminable dans L'automne à Pékin , dans Colloque de Cerisy, op. cit., t. 1, p. 251.

23. Michel Van Schendel,  Ducharme l'inquiétant , dans Rebonds critiques II, Montréal, l'Hexa- gone (Essais littéraires), 1993 [1967], p. 260-272.

24. Ibid., p. 262. 25. Id.

26. Jacques Bens,  Un langage-univers , loc. cit., p. 177-187. 27. Ibid., p. 178.

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proviennent du désir de  casser le langage29, reet de la société. Comme le souligne

Jacque Bens,  le mettre en question [. . .], c'est mettre en question le monde  ou, plutôt, la société qui est le monde tel que les hommes le conçoivent30.  En explorant

ainsi le langage, Ducharme et Vian refusent son caractère gé.

Ce désir d'appropriation et cette révolte face au langage sont transposés chez des personnages de jeunes adultes et dans les deux cas  l'étonnante pureté des héros31 se

double d'une  violente armation d'adolescence32. En achant une forme de jeunesse

dans leurs discours, Ducharme et Vian semblent refuser l'esprit de sérieux et opter pour une  esthétique de rupture et de diérenciation qui caractérise les littératures dites mineures, celles qui aux valeurs instituées de la maturité préfèrent les valeurs de vraie vie liées à l'immaturité33. En optant pour un parti pris d'immaturité et en

attaquant le langage, ils se positionnent à l'écart du monde littéraire conventionnel et se présentent comme des  parasites  de la littérature qui se débattent entre  intégration et marginalité34.

Le ludisme des épigraphes

Le nez qui voque et L'automne à Pékin présentent dans leurs titres une forme de tromperie qui déstabilise. Les citations en exergue poursuivent ce jeu sur le langage et ne font que porter en dérision l'utilisation de celles-ci. Ces oensives aux conventions littéraires, sans éclairer les canevas des romans, apportent du sens au discours que le lecteur s'apprête à lire.

Les épigraphes35 eectuent une deuxième mise à distance du lecteur. Le nez qui

voque s'ouvre sur une subversion manifeste de la dédicace, voire une  mutinerie36

pour reprendre les mots de Marie-Andrée Beaudet. Nous pouvons lire dès la première

29. Ibid., p. 266.

30. Jacques Bens,  Un langage-univers , loc. cit., p. 181. 31. Ibid., p. 184

32. Michel Van Schendel,  Ducharme l'inquiétant , loc. cit., p. 261. 33. Élisabeth Haghebaert, Une marginalité paradoxale, op. cit., p. 46.

34. Dominique Maingueneau, Le discours littéraire. Paratopie et scène d'énonciation, op. cit., p. 79.

35. Ces épigraphes se trouvent en annexe.

36. Marie-Andrée Beaudet,  Entre mutinerie et désertion. Lecture des épigraphes de L'hiver de force et du Nez qui voque comme prises de position exemplaires de l'écrivain périphérique , loc. cit., p. 103-112.

page que les citations des diérents personnages présentes dans cette dédicace ont été  glané[es] au hasard de leurs ÷uvres pour l'édication des races  avec entre parenthèses le calembour  au hasard de leurs ÷uvres pour l'érection d'Érasme  (NV, 9), sorte de paillardise que l'ont pourrait d'ailleurs aisément mettre en lien avec les calembours des Cent sonnets de Vian.

L'épigraphe, sorte  d'adaptation libre de L'éloge de la folie, d'Érasme37 , se

poursuit sur une citation du poète Émile Nelligan faite  de mémoire , ce qui la libère de l'usage traditionnel qui veut que, dans une épigraphe, l'on démontre son savoir et que l'on soit dèle au texte d'origine qui lui doit avoir reçu une certaine reconnaissance. Ce détournement se fait au prot d'une appropriation plus sensible de la citation que Ducharme préfère se rappeler librement, prétendant ne pas avoir pris la peine de vérier sa source. Il ne s'agit donc pas de déployer son érudition. La suite nous le démontre bien. En eet, les citations subséquentes ne contiennent, pour la plupart, qu'un seul mot sans signication particulière. Elles proviennent de gures bien diérentes telles que Colette, Kierkegaard, Platon, Mauriac, Hitler, Iberville, le patriote canadien Léandre Ducharme ainsi qu'un  Auteur imaginaire .

Si Vian ne construit pas une épigraphe aussi élaborée, il n'en demeure pas moins qu'il pose des citations en exergue, ici et là, sans logique apparente, un peu comme les mots  glanés  par Ducharme. Le fait qu'il ait rédigé son roman à son bureau prend ici tout son sens. Les citations mises en exergue des chapitres proviendraient, entre autres, de son collègue de travail et ami Claude Léon. En eet, pendant la rédaction de L'automne à Pékin, ces deux compagnons travaillaient à l'Oce du Papier et se partageaient des citations de toutes sortes pendant les longues heures de travail :  Bo- ris écrivait tandis que Claude lisait. Boris, pris du besoin d'une épigraphe, lançait à Claude : Sors m'en une. Et Claude en sortait une, au hasard, du livre qu'il avait sous les yeux38. . Cela explique le fait que certaines citations proviennent de livres tels

que Le papier ou bien Plantes à bres. Les deux collègues agrémentaient la bibliothèque de leur bureau de leurs lectures personnelles dans lesquelles on retrouvait Le tabou de