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Si les chansons de Boris Vian n'existaient pas, il nous manquerait quelque chose. [. . .] J'ai entendu dire à d'aucuns qu'ils n'aimaient pas ça. Grand bien leur fasse ! Un temps viendra comme dit l'autre, où les chiens auront besoin de leur queue, et tous les publics des chansons de Boris Vian. Georges Brassens

Les deux écrivains face aux discours dominants

Comme les romans précédents de Ducharme, L'hiver de force présente un para- texte qui tend à instaurer une relation de complicité avec le lecteur, notamment dans l'épigraphe où, en refusant le sérieux des énoncés qui y sont posés,  l'écrivain rappelle au lecteur non seulement la force signiante du langage, mais aussi que tout récit est, en tant qu'÷uvre littéraire, une construction soumise à des règles et à des codes1. 

Toute forme de discours auxquels sont associés des règles ou des codes est rejetée par les personnages principaux que sont André et Nicole Ferron qui cherchent à  accepter une absence de sens2 .

Le récit de L'hiver de force s'ouvre sur un refus radical d'adhésion à la société représentée par le  gros tas de braves petits crottés qui forment l'humanité  (HF, 15), rappelant la Milliarde de L'océantume (OC, 67). Il s'ouvre aussi sur une subversion du discours sartrien :

Faisons qu'y ait plus rien ; quand y aura plus rien on pourra plus dire du mal de rien. Comme quand on était aux Beaux-Arts puis qu'on lisait Sartre puis qu'on comprenait tout à l'envers ce que voulait dire réaliser l'existentiel. . .  (On croyait qu'il fallait fermer les yeux et regarder les mots tourner dans notre tête jusqu'à ce qu'ils ne veulent plus rien dire.) (HF, 16)

La  vie enregistrée  d'André et de Nicole débute par une mise en dérision du discours existentialiste qui, comme le souligne Józef Kwaterko, valorise le  travail sur soi  et fait

1. Yannick Gasquy-Resch,  Le brouillage du lisible : lecture du paratexte de l'hiver de force , dans Études françaises, vol, n1, 1993, p. 41-42.

2. Micheline Cambron,  Un roman montréalais à la Ducharme : L'hiver de force , dans Une société, un récit, Montréal, L'Hexagone, 1989, p. 168.

la promotion de  concepts clés , tels que  projet ,  choix  et  responsabilité3 .

Ainsi, André et Nicole se lancent ironiquement dans des  travaux d'introspection  (HF, 19) qui se résument à un bilan méthodique de leurs achats :

On s'est acheté cinq boîtes de panatelas Garcia y Vega. [. . .] On s'est acheté deux gros médaillons de let de b÷uf [. . .] On s'est acheté un billet de Mini-Loto [. . .] On a acheté enn quatre fascicules de l'encyclopédie Alpha [. . .] Tu ne peux rien inaugurer, même des travaux d'introspection pour trouver des solutions pour sortir de ton trou, sans que ça te coûte les yeux de la tête. (HF, 18-19)

De la même manière, quelques pages plus loin, André arme :  On a enn acheté le disque de Boris Vian. Ça faisait des mois qu'on le surveillait à la pharmacie Labow. $5,49 c'était trop cher. On a attendu notre prix. Patience et longueur de temps.  (HF, 40) Nous reviendrons sur ce passage de trois pages qui évoque le chansonnier parisien.

André et Nicole refusent d'adhérer à la société contre-culturelle, tout comme ils rejettent le milieu artistique montréalais. Ils se moquent ainsi à la fois des hippies et des existentialistes, et parodient le discours de Sartre qu'ils réduisent au statut de bruit de fond. Cette raillerie n'est pas sans rappeler celle de Vian dans L'écume des jours, lorsqu'il crée Jean-Sol Partre et la duchesse de Bovouard. Le roman, qui quant à lui a pour bruit de fond un air de jazz4, met en scène le philosophe. Vian se moque de lui en

caricaturant la conférence qu'il a donnée le 29 octobre 1945 au club Maintenant. Comme le raconte Simone de Beauvoir dans La force des choses5, il s'agit de la conférence alors

intitulée  L'existentialisme est-il un humanisme ?  :

Partout paraissaient des échos sur nos livres, sur nous. Dans les rues, des pho- tographes nous mitraillaient, des gens nous abordaient. [. . .] À la conférence de Sartre, il vint une telle foule que la salle ne put la contenir : ce fut une bousculade erénée et des femmes s'évanouirent6.

Parodie des plus grotesques, la conférence de L'écume des jours est portée en dérision d'une manière excessive (EJ, 406-411). En eet, les gens qui veulent y assister

3. Jozéf Kwaterko,  L'intertexte et le discours essayistique chez Réjean Ducharme , dans Le roman québécois et ses (inter)discours, Québec, Nota bene, 1998, p. 72-73.

4. L'avant-propos de L'écume des jours introduit ce bruit de fond en opposition au bruit des  masses  :  Dans la vie, l'essentiel est de porter sur tout des jugements a priori. Il apparaît, en eet, que les masses ont tort, et les individus toujours raison. Il faut se garder d'en déduire des règles de conduite : elles ne doivent pas avoir besoin d'être formulées pour qu'on les suive. Il y a seulement deux choses : c'est l'amour, de toutes les façons, avec des jolies lles, et la musique de La Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington. Le reste devrait disparaître, car le reste est laid .

5. Simone de Beauvoir, La force des choses, Paris, Gallimard, 1963, 686 p.

6. Citation retranscrite dans les  Notes et variantes de L'écume des jours , dans ×uvres roma- nesques complètes, op. cit., t. 1, p. 1213.

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utilisent des ruses invraisemblables, se faisant parachuter, arrivant par les égouts et usant d'autres moyens détournés. Partre lui-même arrive à dos d'éléphant pour éviter la foule hystérique. Se moquant du phénomène social plus que du discours du philosophe, Vian s'en prend à l'eet de mode que produit l'engouement pour Sartre, au même titre que Ducharme qui s'en prend aux discours contre-culturels et nationalistes alors dominants au Québec. Par ailleurs, selon Jozéf Kwaterko7, le seul ouvrage de Sartre

recensé dans l'÷uvre de Ducharme serait L'existentialisme est un humanisme8, qui est

le texte sténographié, à peine retouché par Sartre, de cette conférence.

Vian réitère cette attaque amicale envers Sartre à plusieurs reprises, notamment dans le Manuel de Saint-Germain-des-Prés où il divise les existentialistes en deux camps, les riches et les pauvres :  Au début, tous les existentialistes étaient pau- vres : mais depuis, Sartre, Simone de Beauvoir, Camus ont gagné de l'argent dans la littérature9 . Il tourne ensuite en dérision les existentialistes pauvres qui en viennent

à ne plus vouloir payer leur loyer, comme André et Nicole. Vian se moque aussi d'une photo de Juliette Gréco et Roger Vadim en la commentant ainsi :  Vadim et Gréco échangent des propos déprimants à l'entrée d'une cave existentialiste10, sorte de satire

des clichés alors répandus.

Si Ducharme se moque également du discours de Sartre en le transformant en bruit de fond, il se joue aussi de celui des Québécois engagés que le personnage de Roger Degrandpré représente. Roger dirige la revue La bombe Q et écrit avec ses collègues une  analyse historique hégélienne marxiste-léniniste  qu'André et Nicole se plaisent à corriger, pour  se payer leur tête  (HF, 62). Si l'éditeur Roger Grenier arme en parlant de L'hiver de force qu'il aurait eu des modèles et qu'  [o]n y a reconnu en particulier Pauline Julien [qui] aurait inspiré Catherine, alias Petit-Pois, alias la Toune11 , il est possible de voir dans le personnage de Roger Degrandpré une sorte

de caricature amicale de Gérald Godin, un des fondateurs de la revue Parti pris. Cette revue n'est pas sans avoir été inuencée par les idées de Sartre. En eet,  la rhétorique argumentative dans Parti pris reprend jusqu'à les paraphraser les termes fondamentaux de l'existentialisme sartrien  et cette rhétorique met en lien les concepts clés de cette

7. Jozéf Kwaterko,  L'intertexte et le discours essayistique chez Réjean Ducharme , loc. cit., p. 73.

8. Jean-Paul Sartre, L'existentialisme est un humanisme, Paris, Gallimard, 1996, 108 p. 9. Boris Vian, Manuel de Saint-Germain-des-Prés, op. cit., p. 62.

10. Id.

philosophie avec  la responsabilité sociale de l'écrivain12.

L'hiver de force, paru trois ans après la Crise d'octobre, est un récit fondamentale- ment provocateur du point de vue du discours. André s'exclame :  Province de Québec mon cul ! Ah c'est bon ! Ah je suis bien d'accord !  (HF, 107), dans un contexte où la création d'un pays anime nombre d'artistes et d'écrivains. Il se présente ainsi comme faisant partie de ce que Roger qualie de  déserteurs sociaux  qui ne s'occupent que de leur derrière (HF, 125). La Bombe Q n'est pas sans rappeler les bombes posées par le Front de libération du Québec (FLQ) dans des endroits représentant le pouvoir fédéral. Ainsi, l'apparition du  Déserteur  dans le roman semble aller de pair avec le refus de participer à la vie sociale et politique, et d'entrer dans ce qu'André nomme  Le Bordel des Patriotes  (HF, 89) qui caricature le milieu indépendantiste des années 1960 et 1970, mais au-delà de tout cela, il s'agit surtout d'un refus de toute autorité et de toute hégémonie discursive.

Mise en place de l'idole

L'écoute du disque de Vian arrive à un moment critique du récit d'André et de Nicole. Celle-ci se produit alors qu'ils viennent de subir une  catastrophe , un  échec sentimental  (HF, 39), dû au fait qu'ils ont manqué leur conversation téléphonique avec la Toune, n'ayant su quoi lui dire. En eet, André et Nicole, en plus d'être envahis par nombre de chansons provenant de leur radio, de leur tourne-disque ou de la télévision,  ont une toune dans la tête , Catherine, qu'ils surnomment aectueusement Petit Pois, et ils n'attendent que de pouvoir lui parler. À la suite de cet échec de communication avec Petit Pois, ils partent à la pharmacie Labow an d'y trouver un antiacide, du Bromo-Seltzer, mais reviennent avec le vinyle de Vian acheté pour 0,99 $ (HF, 40- 41). L'achat du disque de Vian apparaît donc comme un remède, une médecine douce, mais aussi comme une source d'excitation :  Une pluie battante chassait les gens des trottoirs et on n'avait plus mal au ventre ; rien ne nous gênait pour faire les fous.  (HF, 41). Les deux acolytes chantent avec exaltation  Le déserteur  qui est devenu, depuis leur passage aux Beaux-Arts, leur  leitmotiv , leur  theme-song , leur  plus belle chanson du monde  (HF, 41) et qui, comme le souligne Petr Vurm, est une des rares

12. Jozéf Kwaterko,  L'intertexte et le discours essayistique chez Réjean Ducharme , loc. cit., p. 89. Les concepts clés qui sont soulignés par Kwaterko sont le travail sur soi, le défaut d'être / désir d'être, le délaissement, le projet, le choix et la responsabilité.

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choses qui donnent des frissons positifs à André et Nicole13.

Ils écoutent aussi les chansons provocatrices que sont  Fais-moi mal ,  Bourrée de complexes ,  Je suis snob  et  toutes les autres  (HF, 41), en se couchant à la manière de gisants, parodiant leur posture et leur silence sacré.  Le déserteur  revient :  c'était si bon qu'on croyait qu'on ne pourrait jamais se lasser. De toute façon, ça n'arrivera pas demain puisqu'on a ouvert la fenêtre et lancé le disque dans le parc Jeanne-Mance.  (HF, 41) Dans un désir de conserver la pureté qui caractérisait, selon eux, le disque de Vian, initialement décrit comme vierge, de ne pas le laisser s'anéantir par le temps,  l'usure  et la répétition, ils sacralisent, à leur manière, les chansons du parolier français.

En plus de consacrer Boris Vian idole des Ferron, le texte crée un espace d'inter- discursivité. En eet,

J'suis snob, critique miniature de la contre-culture de consommation, appelle le Roger de L'hiver de force et tout l'entourage  artistique  de Catherine ; Le dé- serteur et son dialogue avec  Monsieur le Président  annonce la thématique de la révolte et toutes les manières de narguer l'autorité ; tandis que Bourrée de com- plexes fait penser à des personnages féminins tels que Laïnou ; enn, Fais-moi mal, Johnny, avec son brin d'ironie typique, laisse entrevoir en ligrane les relations complexes et jamais résolues de Johnny avec Exa Torrent, de Rémi avec Raïa, et d'autres personnages ducharmiens14.

Ce microcosme vianesque inscrit dans l'÷uvre de Ducharme se perçoit aussi lorsque, par exemple, André parle d'un lm de Jean-Luc Godard, La Chinoise, et qu'il le qualie dans le genre  quand je sors avec Hildegarde c'est toujours moi qu'on regarde  (HF, 141). Faisant allusion à la chanson  J'suis snob , André utilise les mots de Vian pour qualier le lm. Il en est de même pour l'humour de Vian, souvent ironique, qui est celui que Nicole préfère (HF, 105). C'est d'ailleurs le sens de l'humour qui les soutient alors qu'ils n'ont plus rien, plus de tourne-disques, plus d'électroménagers ni de téléphone (HF, 169).

André et Nicole secouent leur  twistesse  (HF, 142) en jouant avec les mots, en se réconfortant avec les paroles de Vian une fois de plus :  Hé ! C'est assez les chansons tristes. On ferme Adamo, on se prend par le cou, on laisse éclater notre verve. Je roule en Torino... dans les rues de Paris... depuis que j'ai compris la vie.  (HF, 120)

13. Petr Vurm,  Ducharme et Vian : deux créativités aux conns des mots , loc. cit., p. 87. 14. Ibid., p. 88.

S'appropriant les mots du Parisien qui chante ironiquement  Le petit commerce , André s'explique :  Torino, c'est pour la petite blonde bêcheuse. C'est Cadillac que Boris Vian dit.  (HF, 120). Se moquant de la luxueuse Cadillac, symbole américain de réussite sociale, et la transformant en voiture de sport populaire, André s'approprie les mots du chanteur et oppose ainsi deux marques de voitures américaines, l'une propre aux riches, l'autre à la classe moyenne ou populaire, et préfère attribuer ironiquement à la blonde prétentieuse la voiture populaire.

L'allusion à cette dernière, sorte de bouc-émissaire des Ferron, scande le récit après sa première apparition :  Notre voisine est une petite Allemande blonde qui a toujours l'air bête et qui roule en Ford Torino fast-back jaune moutarde (elle doit être bunny au club Playboy : elle a un lapin collé dans une de ses petites vitres).  (HF, 35) Appartenant à l'univers des pornographes blasés, elle fait partie des personnages qui inspirent à la fois répulsion et fascination chez Ducharme.

Vian se joue aussi des gures blasées comme l'alcoolique de la chanson  Je bois , qui boit  sans y prendre plaisir , au même titre que Ducharme qui se moque de l'écrivain pornographe Blasey Blasey qui écrit  comme d'autres vont à l'usine (AA, 284) . C'est à ce détachement en particulier que fait référence la dérision chez Vian comme chez Ducharme, à ce manque d'appropriation sensible des choses, que ce soit une appropriation d'un état éthylique ou d'un discours culturel, les deux étant traités sur le même plan.

Ducharme mélange la chanson à d'autres objets culturels et s'approprie librement les diérents discours populaires et savants pour faire voir ou faire entendre du sens. Nous soulignerons ici un croisement d'ordre culturel qui nous semble intéressant en ce qui concerne le dialogue entre Ducharme et Vian, le lm Rendez-vous avec Callaghan, dont les répliques s'imbriquent aux paroles des chansons du Parisien, alors qu'André et Nicole reviennent de la pharmacie avec le vinyle. Tout comme  [l]es Ferron semblent ignorer que Le blé en herbe a d'abord été un roman15, ils semblent ignorer que Rendez-

vous avec Callaghan est tiré d'un livre écrit par Peter Cheyney, auteur que Vian a traduit de l'anglais. Créateur de roman policier de série noire, l'écrivain britannique a publié son premier roman en se faisant passer pour un américain, suite à un pari, tout comme Vian qui a inventé Vernon Sullivan après une gageure. La présence de Peter Cheyney rappelle Vernon Sullivan que Ducharme connaît certainement, puisqu'il fait

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allusion à la mort de Vian qui est étroitement liée à l'existence de Sullivan :  Ça a fait un gros boum quand il a cassé sa pipe, Boris. . . mais là, c'est pas riche. . .  (HF, 105).

Vian et son  alter-negro 

Vernon Sullivan, auteur afro-américain imaginé par Vian16, a écrit J'irai cracher

sur vos tombes, Les morts ont tous la même peau, Et on tuera tous les areux ainsi que Elles se rendent pas compte17. Taxée de pornographie, cette ÷uvre a été censurée et

a fait scandale en France. En eet, peu après la publication de J'irai cracher sur vos tombes en 1946, une plainte est déposée par le Cartel d'action sociale, alors représenté par Daniel Parker qui s'était déjà attaqué à Henry Miller. Peu après, un fait divers déplorable avait eu lieu à Paris, le meurtre de Marie-Anne Masson, assassinée par son amant éconduit qui avait laissé le livre de Vian ouvert à la scène du crime sur la table de chevet.

Vian a dû subir un long procès qui a alimenté ses réexions ironiques sur le rôle de la littérature et du lecteur. En novembre 1948, Vian avoue devant le juge d'instruction être le véritable auteur du roman. Si ce scandale l'a poursuivi, il n'en demeure pas moins qu'il a parallèlement continué à créer une ÷uvre artistique riche sous son véritable nom. Un peu plus de dix ans après ce scandale, soit en 1959, Vian assiste, sans y tenir particulièrement, à la projection d'un lm inspiré de son roman J'irai cracher sur vos tombes. Il décède, quelques minutes après le début de la projection.

Roger Degrandpré, qui fait allusion à la mort de Vian dans L'hiver de force, rappelle implicitement, nous semble-t-il, J'irai cracher sur vos tombes et l'existence de Vernon Sullivan. Puisque les répliques du lm Rendez-vous avec Callaghan accompagnent la première référence au chansonnier parisien, il nous semble possible de faire un bref parallèle entre une réplique du lm et l'existence de Sullivan18. Alors que les Ferron

chantent  Le déserteur , la télévision laisse entendre  Trouvez le chapeau et vous aurez l'assassin , ce qui semble faire écho à Vian qui doit écrire aux journalistes, se

16. Le terme alter-negro a été proposé par Michel Rybalka, voir Boris Vian, essai d'interprétation et de documentation, Paris, Minard, 1984, p. 98.

17. Publiés respectivement en 1946, 1947, 1948 et 1950.

18. Selon Élisabeth Nardout-Lafarge,  chez Ducharme, les sources les plus importantes sont sans doute les plus soigneusement dissimulées . Voir Élisabeth Nardout-Lafarge, Une poétique du débris, op. cit., p. 112.

défendant de ne pas être un assassin19, de ne pas porter le chapeau. Sans pousser plus

loin les possibles manigances ducharmiennes, nous soulignerons seulement le fait que l'auteur a peut-être voulu présenter les deux visages du chansonnier en juxtaposant à ses paroles un lm de série noire, créé à partir d'un livre dont l'auteur a été traduit par Vian20.

C'est si beau  Fais-moi mal 

Le côté scandaleux de Vian est salué dans la dédicace des Enfantômes, où Du- charme écrit :  à Magali Noël, c'est si beau Fais-moi mal  (EN, 7), faisant référence à la chanson écrite par l'idole des Ferron. Si Ducharme fait allusion à lui à travers la chanteuse française, il le fait aussi en évoquant, toujours dans la dédicace, Patrick Straram, qui avait pour pseudonyme le Bison Ravi, anagramme qu'il avait empruntée à Vian avec l'autorisation d'Ursula Kübler. Ducharme glisse donc, nous semble-t-il, deux allusions cachées à Vian.

Ces références côtoient des noms d'artistes n'ayant que très peu de lien entre eux, si ce n'est l'époque. Ducharme dédie son roman à diverses personnes, les mettant toutes