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Le millénarisme présenté par les Pères anti-millénaristes

INTRODUCTION À UNE ESCHATOLOGIE INTERMÉDIAIRE

P RÉAMBULE : LES LIEUX SCRIPTURAIRES DU MILLÉNARISME

B. S TATUS QUAESTIONIS

2) Le millénarisme présenté par les Pères anti-millénaristes

Chronologiquement, les Pères de l’Église millénaristes sont apparus avant les auteurs anti-millénaristes. Il serait donc louable de commencer par les premiers, en suivant un ordre d’apparition des doctrines. Mais les opposants au millénarisme semblent avoir eu le dernier mot. Dès lors, cette étude étant plus théologique qu’historique, il apparaît préférable de commencer par eux, même s’ils sont plus tardifs. De la position dominante aujourd’hui dans l’Église – la

Minneapolis, 1990, p. 158 ; Rodrigo POLANCO FERMANDOIS, « El milenarismo de Ireneo o teología

antignóstica de la caro capax Dei », TyV 41, 2000, p. 19, note 8.

37 Jean DANIÉLOU, Théologie du judéo-christianisme, op. cit., p. 395-397. 38 Claudio PIERANTONI, « El milenio en la patrística... », op. cit., p. 188.

39 Préface de Luís F. LADARIA, in Antonio ORBE, Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles, T. 1,

Joseph María LÓPEZ DE CASTRO, Agnès BASTIT KALINOWSKA, Jean-Michel ROESSLI, Luís F. LADARIA,

PC, Cerf, Paris, 2012, p. 15-16 : « Dans le cadre de la confrontation avec la théologie alexandrine, il [Orbe] indiquera, en ce qui concerne l’anthropologie, que la tradition asiate (en particulier celle d’Irénée de Lyon) est la plus exacte et la plus immédiatement fidèle aux vraies traditions, johannique et paulinienne, mais qu’elle est aussi la moins connue et la plus difficile ».

40 Everett FERGUSON, « Was Barnabas a chiliast... », op. cit., p. 158. Cf. Martine DULAEY, Victorin de

Poetovio, Premier exégète latin, op. cit., p. 257. 263.

41 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 85.

42 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 94 : Irénée a « synthétisé les courants asiates

et syriens en une position logique » ; Philippe LÉCRIVAIN, « Les millénarismes du christianisme

antique et médiéval », in Alain CAILLÉ, Christian LAZZERI, Michel SENELLART (dir.), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Le bonheur et l’utile, La Découverte, Paris, 2001, p. 153 ;

négation de tout millénium à venir – on en viendra à une théologie moins connue, plus archaïque, dite millénariste.

a) Origène (182-254)

i. Une critique acerbe

Parmi les Pères anti-millénaristes, l’histoire de la théologie a surtout retenu l’alexandrin Origène. Sa principale prise de position se situe dans le Traité des

principes :

Certains, refusant en quelque sorte le travail de l’intelligence, s’appliquant de façon superficielle au sens littéral de la loi, se complaisant d’une certaine manière dans ce qui les délecte et leur cause du plaisir, disciples de la lettre seule, pensent qu’il nous faut attendre l’accomplissement futur des promesses dans la volupté et la sensualité corporelles. Et c’est pourquoi ils désirent retrouver à la résurrection un corps charnel qui leur laisse pour toujours la possibilité de manger, de boire, et d’accomplir tous les actes qui relèvent de la chair et du sang (...). À cela s’ajoute logiquement la faculté de contracter mariage et de procréer des enfants même après la résurrection ; ils imaginent Jérusalem comme une ville terrestre qui sera réédifiée sur des pierres précieuses (...). Bref, ils veulent que tout ce qu’ils attendent de l’accomplissement des promesses soit exactement semblable à la manière de vivre ici-bas, c’est-à-dire que le monde actuel recommence à être. Telles sont les pensées des gens qui croient, certes, au Christ, mais comprenant à la juive les Écritures divines, n’y soupçonnent rien qui soit digne des promesses divines43.

Origène reproche ici aux millénaristes à la fois leur attachement exclusif au sens littéral de l’Écriture, leur esprit charnel et matérialiste et leur façon juive de penser. Selon lui, le millénium n’est que la réitération du monde actuel. La venue du Christ à la parousie n’apporterait alors rien de nouveau. Elle ne serait que le commencement d’un nouveau cycle, selon la manière grecque plus que chrétienne de penser le temps.

La critique par Origène d’une lecture littérale des événements de la fin n’est pas absolue cependant. Dans le texte précédant, il accorde au moins aux millénaristes le mérite de croire au Christ. Un autre élément apparaît dans son 43 De princ. II, 11, 2 (SC 252, p. 396-399) : Quidam ergo laborem quodammodo intellegentiae

recusantes et superficiem quamdam legis litterae consectantes et magis delectationi suae quodammodo ac libidini indulgentes, solius litterae discipuli, arbitrantur repromissiones futuras in voluptate et luxuria corporis exspectandas ; et propter hoc praecipue carnes iterum desiderant post resurrectionem tales, quibus manducandi et bibendi et omnia, quae carnis et sanguinis sunt, agendi nusquam desit facultas (...). Quibus consequenter addunt etiam nuptiarum conventiones et filiorum procreationes etiam post resurrectionem futuras, fingentes sibimet ipsis Hierusalem urbem terrenam reaedificandam lapidibus pretiosis (...). Et, ut breviter dicam, secundum vitae huius conversationem per omnia similia esse volunt cuncta, quae de repromissionibus expectantur, id est ut iterum sit hoc, quod est. Haec ita sentiunt qui Christo quidem credunt, Iudaico autem quodam sensu scripturas divinas intellegentes, nihil ex his dignum divinis pollicitationibus praesumpserunt.

Commentaire sur saint Matthieu, au moment où l’alexandrin en explique la partie

apocalyptique, et plus spécialement Mt 24, 30 : « Et ils verront le Fils de l’homme venant sur les nuages avec puissance et grande gloire » (Et videbunt filium

hominis venientem in nubibus cum virtute et gloria multa). Origène explique alors

qu’il préfère de loin que ce verset soit interprété spirituellement, moraliter, selon son expression. Ainsi les nuages sur lesquels arrivera le Christ sont les prophètes et les apôtres qui ont figurativement apporté le Verbe au monde par leurs écrits sacrés :

Le second avènement du Verbe de Dieu venant sur les nuages prophétiques et apostoliques se produit quotidiennement avec beaucoup de puissance dans l’âme de tout croyant44.

La parousie du Christ n’est pas tant un événement cosmique à venir que la venue actuelle de la grâce dans l’âme de chaque croyant. Mais Origène précise cependant

qu’il faut pardonner comme à des enfants et des « petits dans le Christ » ceux qui comprennent ce texte sacré de manière corporelle45.

Il s’agit ici de ceux qui prennent les nuages dont parlent le verset de saint Matthieu au sens littéral, comme de vrais nuées, identiques à celles que l’on voit dans le ciel. La critique par Origène d’une eschatologie millénariste trop imagée est donc mitigée. Selon lui, comprendre les événements eschatologiques de façon littérale correspond à un stade très imparfait de l’intelligence de l’Écriture, mais il n’est pas à rejeter systématiquement. L’alexandrin se montre parfois compréhensif pour ces gens simples qui lisent les textes apocalyptiques de la Bible au sens premier, sans en comprendre le sens spirituel46.

ii. Une proposition théologique

Origène ne se contente pas d’atténuer sa critique acerbe du millénarisme. Il va plus loin. Il semble faire également une proposition de substitution. Il présente ainsi dans le Traité des principes, juste après son attaque contre le chiliasme, une théologie d’un état eschatologique intermédiaire. Celle-ci s’appuie en premier lieu sur une conception analogique de la notion de monde. Conformément à la cosmologie grecque, le monde d’ici-bas est entouré par une série de cercles concentriques, les cieux. Il existe selon Origène un univers réel, supérieur à notre monde actuel et qui l’englobe. Le théologien d’Alexandrie écrit ainsi à propos de ce « monde » analogique :

44 Comm. in Matt. 50, l. 15-19 (GCS 11, p. 112) : Cum multa autem virtute venit cottidie ad animam

omnis credentis secundus Verbi Dei adventus in nubibus propheticis et apostolicis.

45 Comm. in Matt. 50, l. 11-14 (GCS 11, p. 112) : Ignoscendum esse dicet quasi pueris et parvulis

in Christo eis qui corporaliter suscipiunt ista. Voir aussi Comm. in Matt. 49, l. 9-15 (GCS 11, p. 102).

46 Cf. Introduction d’Annie JAUBERT, in ORIGÈNE, Homélies sur Josué, SC 71, Cerf, Paris, 1960,

p. 13 : contre les juifs, « Origène triomphe un peu trop facilement de l’absurdité du sens littéral ». Mais l’auteur pense qu’il ne rejette pas pour autant la réalité du récit biblique, l’historicité du texte.

Nous venons de dire qu’il est difficile d’exposer ce qu’est ce monde, de peur que quelques-uns n’y trouvent occasion de comprendre que nous affirmons par là l’existence de certaines images que les Grecs appellent idées : il est cependant tout à fait étranger à notre mode de penser de parler d’un monde incorporel qui n’a de consistance que dans l’imagination et sur le terrain glissant des pensées ; et je ne vois pas comment ils pourront affirmer que le Sauveur en vient et que les saints s’y rendront. Cependant il n’est pas douteux que le Sauveur nous indique par là quelque chose de plus éclatant et de plus splendide que le monde présent, et qu’il invite et exhorte ceux qui croient en lui à y aspirer. Ce monde en question, dont il veut donner la pensée, est-il séparé de celui-ci, très éloigné de lui par le lieu, la qualité et la gloire, ou bien le dépasse-t-il seulement en gloire et en qualité, tout en étant contenu dans les limites de ce monde, opinion qui me paraît plus vraisemblable, cela est incertain et, à mon avis, étranger aux pensées et aux compréhensions humaines47.

« Ce monde en question » n’est pas encore l’éternité définitive puisqu’Origène pense qu’il se situe vraisemblablement dans les « limites de ce monde ». Ce n’est pas non plus un monde purement idéal ou imaginaire qui n’aurait aucune consistance réelle. Il semble au contraire posséder une certaine « matérialité ».

Dès lors, il n’est pas étonnant que dans la suite de son Traité, Origène voie la destinée définitive des bienheureux comme l’accomplissement de la béatitude des doux qui reçoivent la terre en héritage :

Lorsque la condition des choses qui se voient aura passé, toute corruptibilité ayant été rejetée et purifiée et tout l’état de ce monde, où l’on dit que se trouvent les sphères des planètes, ayant été dépassé et transcendé, c’est au-dessus de la sphère dite des étoiles fixes que la demeure des pieux et des bienheureux sera établie, comme dans la bonne terre, la terre des vivants, que recevront les paisibles et les doux. (...) Ainsi s’accompliront ces paroles : « Bienheureux les doux car ils recevront en héritage la terre »48.

47 De princ. II, 3, 6 (SC 252, p. 266-267) : Cuius mundi difficilem nobis esse expositionem idcirco

praediximus, ne forte aliquibus praebeatur occasio illius intellegentiae, qua putent nos imagines quasdam, quas Graeci ἰδέας nominant, adfirmare : quod utique a nostris rationibus alienum est, mundum incorporeum dicere, in sola mentis fantasia vel cogitationum lubrico consistentem ; et quomodo vel salvatorem inde esse vel sanctos quosque illuc ituros poterunt adfirmare, non video. Verumtamen praeclarius aliquid et splendidius, quam iste praesens est mundus, indicari a salvatore non dubium est, in quem etiam credentes in se tendere provocat et hortatur. Sed utrum mundus iste, quem sentiri vult, separatus ab hoc sit aliquis longe que divisus vel loco vel qualitate vel gloria, an gloria quidem et qualitate praecellat, intra huius tamen mundi circumscriptionem cohibeatur, quod et mihi magis verisimile videtur, incertum tamen est et, ut ego arbitror, humanis adhuc cogitationibus et mentibus inusitatum. Cf. le commentaire de Henri CROUZEL et Manlio

SIMONETTI (SC 253, p. 151, note 31), à propos de De princ. II, 3, 6 : « Cela correspond à peu près à

la pensée d’Origène : dans le Logos-Sagesse se trouvent les types, les plans, ou comme les germes des choses, sous le nom d’idées ou de raisons ».

Chez Origène, plus on s’élève vers sa demeure définitive et plus le lieu où l’on pénètre semble avoir de la consistance. Ici en effet il est question de l’état définitif, à l’ultime fin de l’économie du salut. Et curieusement ce « ciel absolu » est appelé « terre ».

Origène prévoit alors une étape eschatologique intermédiaire en chemin vers cette « terre ». Il l’expose dans les deux passages suivants :

Celui qui aura quitté cette vie avec une connaissance insuffisante, mais en apportant des œuvres dignes d’approbation, sera instruit dans cette Jérusalem, cité des saints, il recevra l’enseignement et la formation et il deviendra une pierre vive, une pierre précieuse et choisie, parce qu’il aura enduré avec courage et constance les luttes de cette vie et les combats pour la piété49.

Ici, la Jérusalem du royaume millénaire semble réapparaître. Elle n’est plus le lieu de tous les débordements charnels décrits plus haut, mais devient plutôt une école, un centre de formation. À l’image de la « Jérusalem – salle de noces » succède l’idéal de la « Jérusalem – école ». Un peu plus loin, le théologien alexandrin explicite sa pensée sur ce sujet :

Je pense en effet que les saints, en quittant cette vie, demeureront en un lieu situé sur la terre, celui que l’Écriture divine appelle le Paradis, comme dans un lieu d’instruction, ou, pour ainsi dire, un auditoire ou une école d’âmes, pour être instruits de tout ce qu’ils ont vu sur la terre, pour recevoir aussi quelques indications sur les réalités qu’ils verront dans la suite. De la même façon, quand ils étaient encore en cette vie, ils ont conçu quelque idée des réalités futures, à travers un miroir, en énigme, certes, cependant en partie : ces réalités seront révélées de façon plus claire et plus lumineuse aux saints dans des lieux et temps convenables50.

Origène commence par préciser : « les saints, en quittant cette vie ». Par conséquent, l’alexandrin parle ici de l’état intermédiaire entre la mort et la parousie, de ce que l’on appelle communément l’eschatologie individuelle. Pour

et omni corruptibilitate decussa atque purgata omni que hoc mundi statu, in quo πλανητῶν dicuntur sphaerae, supergresso atque superato, supra illam, quae ἀπλανής dicitur, sphaeram piorum ac beatorum statio collocatur, quasi in terra bona et terra vivorum, quam mansueti et mites hereditate percipient (...) ; ita dignis conpleatur illud, quod dictum est : Beati mansueti, quia ipsi hereditate

possidebunt terram.

49 De princ. II, 11, 3 (SC 252, p. 400-401) : Quis ex hac vita minus eruditus abierit, probabilia

tamen opera detulerit, instrui possit in illa Hierusalem civitate sanctorum, id est edoceri et informari et effici lapis vivus, lapis pretiosus et electus, pro eo quod fortiter et constanter pertulerit agones vitae et certamina pietatis.

50 De princ. II, 11, 6 (SC 252, p. 408-409) : Puto enim quod sancti quique discedentes ex hac vita

permanebunt in loco aliquo in terra posito, quem paradisum dicit scriptura divina, velut in quodam eruditionis loco est, ut ita dixerim, auditorio vel schola animarum, in quo de omnibus his, quae in terris viderant, doceantur, indicia quoque quaedam accipiant etiam de consequentibus et futuris, sicut in hac quoque vita positi indicia quaedam futurorum, licet per speculum et aenigmata, tamen ex aliqua parte conceperant, quae manifestius et lucidius sanctis in suis et locis et temporibus revelantur.

cet auteur, l’intervalle eschatologique des âmes séparées de leur corps est perçu comme un temps d’école pour apprendre la cause des choses du monde, rerum

causa, ratio providentiae. Ceci correspond à un désir fondamental de l’homme,

reçu de Dieu pour qu’il soit comblé, « autrement c’est en vain que l’amour de la vérité semblerait avoir été mis dans notre intelligence par le Dieu créateur, s’il ne pouvait jamais obtenir ce qu’il désire »51.

Chez Origène, toute l’eschatologie semble assez tributaire de certains présupposés philosophiques. Si la terre signifie fondamentalement l’éternité des bienheureux plus que l’élément matériel que l’on peut tenir dans sa main hic et

nunc, c’est sans doute que la philosophie origénienne de la connaissance

possède quelques particularités52. Elle risque d’être différente de celle des millénaristes. Chez saint Irénée, par exemple, la béatitude des doux héritant de la terre est appliquée sans ambiguïté au millénium :

Si ni Abraham ni sa postérité, c’est-à-dire ceux qui sont justifiés par la foi, ne reçoivent maintenant d’héritage sur terre, ils le recevront lors de la résurrection des justes, car Dieu est véridique et stable en toutes choses. Et c’est pour ce motif que le Seigneur disait : « Bienheureux les doux, parce qu’ils posséderont la terre en héritage »53.

La terre est donc pour Irénée cette réalité concrète dont on fait l’expérience ici et maintenant. Cet élément matériel fut promis par Dieu en héritage à Abraham. C’est lui qui sera donné à la fin dans le regnum iustorum. « Terre » a cependant dans l’esprit d’Irénée valeur de concept biblique plus que de notion strictement matérielle.

51 De princ. II, 11, 4 (SC 252, p. 403) : Alioquin frustra a conditore Deo menti nostrae videbitur

amor veritatis insertus, si numquam desiderii compos efficitur.

52 Le mythe cosmologique de Platon est sans doute à la source de la pensée d’Origène.

Cf. introduction de Léon ROBIN, in PLATON, Phédon, Œuvres complètes 4/1, CUFr, Belles lettres,

Paris, 1926, p. LXVI : « Dès que la complexité des choses concrètes ne permet plus de les rattacher à leurs essences intelligibles, le mythe devient indispensable. (...) Tout ce qui par conséquent n’a pu être démontré par la méthode logique appartient de droit à l’exposition mythique » ; ibid., p. LXVII : « La terre que nous habitons, nous ou d’autres hommes pareils à nous, n’est pas la totalité de la terre ; celle-ci est en réalité un très grand corps et qui comprend trois parties ou, si l’on veut, trois terres concentriques ; l’une qui est au-dessus de celle que nous habitons, nous et d’autres hommes, la troisième au-dessous. (...) La terre supérieure est la terre pure, le paradis terrestre ». Quelques extraits de ce mythe du Phédon, moins eschatologique que cosmologique, d’après Platon (ibid., p. LXXVIII) : ibid., 109b, p. 88 : « Quant à la terre, en elle- même et toute pure, c’est dans la partie pure du monde qu’elle se trouve, celle où sont les astres et à laquelle le nom d’éther est donné par la foule de ceux qui ont coutume de discourir sur de telles questions » ; ibid., 110b-111c, p. 89-91 : « C’est d’abord que l’image de cette terre, pour qui la regarde de haut, est à peu près celle-ci : un ballon bariolé pareil aux balles de peau à douze pièces, et dont les quartiers se distinguent par les couleurs qu’imitent à leur façon les couleurs mêmes d’ici-bas, celles notamment que les peintres emploient. Or, dans cette région lointaine, c’est la totalité de la terre qui est faite de telles couleurs ; bien mieux, de couleurs beaucoup plus éclatantes et plus pures que celle-ci : ici en effet elle est pourpre et d’une merveilleuse beauté, là elle est comme de l’or, ailleurs toute blanche et plus blanche que la craie ou que la neige ; et les

Pour conclure sur Origène, notons qu’au millénium terrestre des auteurs chiliastes, il préfère substituer un intermédiaire « céleste » situé dans le temps de l’âme séparée, la schola animarum. Sa doctrine semble largement dépendante d’un substrat platonicien, où la réalité se situe en définitive dans les idées immuables transcendantes plutôt que dans un royaume à venir encore terrestre.

b) Saint Denys d’Alexandrie (~200-264)

Un autre auteur alexandrin, saint Denys, disciple du précédent, a pris position au sujet du millénarisme. Voici ce qu’Eusèbe de Césarée rapporte de l’ouvrage

Sur les promesses au sujet du livre de l’Apocalypse :

Certains de ceux qui ont vécu avant nous ont rejeté et repoussé de toute manière ce livre ; ils l’ont critiqué chapitre par chapitre, en déclarant qu’il était inintelligible et incohérent et que son titre était mensonger. Ils disent en effet qu’il n’est pas de Jean, qu’il n’est pas une révélation, celle-ci étant complètement cachée sous le voile épais de l’inconnaissance, que ce n’est pas du tout quelqu’un des apôtres et