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L’angle du jugement

LE « MILLÉNARISME » DE SAINT AUGUSTIN

ÂGE / JOUR

B. L A PROPOSITION AUGUSTINIENNE AMILLÉNARISTE DU D E CIVITATE D EI

1) L’angle du jugement

De die ultimi iudicii Dei, « Au sujet du jour du jugement dernier de Dieu »122. C’est par ces mots que saint Augustin inaugure le livre XX de La cité de Dieu. Et il termine ce même livre par : In illo itaque iudicio, « En ce jugement lui-même »123. Le thème du jugement correspond donc à celui de l’ensemble des trente chapitres de ce livre XX. Mais qu’entend au juste Augustin par le terme de jugement ? Ce mot désigne-t-il uniquement la venue judiciaire de Dieu au dernier jour ? A-t-il un sens plus générique ?

a) Un jugement dans le temps

i. « Jour » signifie « temps »

Dès le début du livre XX de La cité de Dieu, saint Augustin avance une affirmation de foi :

Ce qu’en sa confession et profession l’Église du vrai Dieu affirme tout entière : le Christ viendra du ciel pour juger les vivants et les morts, et c’est là ce que nous appelons le dernier jour du jugement divin, c’est-à-dire la fin des temps. Sur combien de jours, en effet, s’étendra ce jugement, nous n’en savons rien ; mais c’est l’usage courant des saintes Lettres d’employer jour pour temps124.

Le docteur africain reprend ici presque mot pour mot la formulation du credo de Constantinople, elle-même inspirée de 2 Tm 4, 1, le Christ « reviendra en gloire juger les vivants et les morts »125. Saint Augustin n’a donc pas d’autre intention que de commenter un article de foi, de l’expliciter. L’exégète et le théologien qui va s’exprimer dans les paragraphes suivants n’est pas un autre homme que le pasteur, responsable d’une portion du peuple de Dieu. Cette façon de commencer son exposé par un article de foi montre sa ferme volonté de réfléchir à l’intérieur même du donné révélé, dans l’espace délimité par la confession de l’Église. Tout le livre XX sera une confession développée de cet article de foi.

La première précision d’Augustin va justement dans le sens d’une dilatation. Ainsi l’expression « jour du jugement » n’est pas nécessairement à comprendre au sens littéral de « révolution d’un cycle solaire ». Ce dernier « jour », celui du jugement, pourrait en réalité s’étendre à toute une période. « Sur combien de jours, en effet, s’étendra ce jugement, nous n’en savons rien ». Comme à plusieurs reprises dans ce livre, Augustin avoue ne pas savoir combien de jours pourrait durer ce temps du jugement, incertum est. C’est une première trace de ce 122 De civ. Dei XX, 1, 1 (BA 37, p. 178-179).

123 De civ. Dei XX, 30, 5 (BA 37, p. 360-361).

124 De civ. Dei XX, 1, 15-21 (BA 37, p. 179-181) : Quod ergo in confessione ac professione tenet

omnis Ecclesia Dei veri Christum de caelo esse venturum ad vivos ac mortuos iudicandos, hunc divini iudicii ultimum diem dicimus, id est, novissimum tempus. Nam per quot dies hoc iudicium tendatur, incertum est ; sed Scripturarum more sanctarum diem poni solere pro tempore nemo, qui illas litteras quamlibet neglegenter legerit, nescit.

que maints commentateurs appellent « l’agnosticisme augustinien » sur la théologie de l’histoire et les événements de la fin des temps126. Mais le fait même de poser d’emblée la question de la durée précise du jugement dernier, même si elle est sans réponse, indique que c’est peut-être une préoccupation pour l’évêque d’Hippone. Ce serait un agnosticisme qui traduirait non pas une insouciance sur la fin des temps, mais au contraire une inquiétude.

Quoiqu’il en soit, la première caractéristique du jugement dernier pour Augustin est qu’il se situe encore dans le temps présent. L’évêque d’Hippone, philosophe tout autant que théologien, lui qui a une conscience si ferme de la distinction entre temps et éternité127, n’hésite pas à placer le jugement nettement du côté du temps, de celui de la succession, « en ce siècle », selon une expression récurrente chez lui. Le jugement prendra donc un certain temps. Il ne se fera pas en un instant, dans la simultanéité parfaite. Certes cet acte de jugement sera tout imprégné de la transcendance de Dieu, mais il n’en gardera pas moins une dimension immanente propre aux choses de ce temps et de cette terre.

ii. Le jugement dernier comme une suite d’événements

Augustin dit d’ailleurs en la conclusion du livre XX :

En ce jugement lui-même [le jugement dernier], soit autour de ce jugement, nous savons qu’adviendront les faits et les personnages suivants : Élie le Thesbite, la foi chez les Juifs, l’Antéchrist persécuteur, le Christ juge, la résurrection des morts, la séparation des bons et des méchants, l’embrasement total du monde et sa rénovation. Tous ces événements auront lieu, il faut certes le croire ; mais sous quelles formes se présenteront-ils et dans quel ordre, l’expérience de la réalité nous l’apprendra alors, bien mieux que ne peut maintenant le concevoir l’intelligence des hommes dans la perfection. J’estime pourtant que ces choses se passeront dans l’ordre où je les ai mentionnées128.

126 Paula FREDRIKSEN, « Apocalypse and redemption in early christianity. From John of Patmos to

Augustine of Hippo », VigChr 45 (2), 1991, p. 165-166 ; Brian E. DALEY, « Apocalypticism in early

christian theology », in Bernard MCGINN (dir.), The encyclopedia of apocalypticism. T. 2 : Apocalypticism in Western history and culture, Continuum, New York, 1998, p. 33 ; Richard Allen

LANDES, « Millenarismus absconditus. L’historiographie augustinienne et le millénarisme du haut

Moyen Âge jusqu’à l’an mil », MÂ 98, 1992, p. 365 ; Robert A. MARKUS, Saeculum : history and society in the theology of St. Augustine, University Press, Cambridge, 1970, p. 158-159. 161-162.

127 Brian E. DALEY, The Hope of the Early Church, op. cit., p. 131 : « La clé pour comprendre

l’espérance eschatologique d’Augustin est de comprendre la distinction aiguë et métaphysiquement fondée qu’il établit entre le temps et l’éternité ». Ibid., p. 132 : « L’éternité, marquée par le néoplatonisme chrétien d’Augustin, n’est plus la durée sans fin des “éons” d’Origène, mais une libération totale de la durée, de l’extension ou de la succession : c’est tout simplement le présent immuable de l’être de Dieu ».

128 De civ. Dei XX, 30,5 (BA 37, p. 361-363) : In illo itaque iudicio vel circa illud iudicium has res

didicimus esse venturas, Heliam Thesbiten, fidem Iudaeorum, Antichristum persecuturum, Christum iudicaturum, mortuorum resurrectionem, bonorum malorumque diremptionem, mundi conflagrationem eiusdemque renovationem. Quae omnia quidem ventura esse credendum est ;

« En ce jugement lui-même, soit en ses circonstances ». De tout ce passage, c’est la seule occurrence du mot jugement. Augustin parlera ensuite de Christum

iudicaturum, mais il ne répétera pas le terme jugement. Cela indique que jugement est en fait un terme générique pour désigner les événements de la fin.

Le docteur africain a soin de distinguer « le jugement et ses circonstances », mais l’expression jugement veut tout aussi bien dire l’action judiciaire du Christ à la fin que tous les événements qui l’entourent.

Augustin distingue ainsi sept événements à la fin des temps, trois avant le Christ juge et trois après. Quand on sait l’importance que l’évêque d’Hippone accorde aux sept âges du monde, comment ne pas penser à une sorte de mise en abyme de toute l’histoire de l’humanité en ces sept événements de la fin. Le jugement récapitulera donc l’histoire de l’humanité. Il en sera comme la quintessence, pourrait-on dire en prolongeant la pensée d’Augustin. Le jugement semble ainsi être le septième âge, lui-même composé de sept périodes.

Par là est confirmée la constatation faite dès le début du livre : le jugement se situe bien dans le temps, dans ce temps chronologique dont l’homme fait l’expérience, dans ce temps composé d’une succession d’instants. Augustin ne paraît donc pas avoir une vision éthérée, spiritualisée et transcendante de la fin des temps. On distingue au contraire dans cette liste récapitulative des événements de la fin une grande sensibilité du docteur africain à l’histoire. Il croit avec force au déroulement futur, et sans doute imminent pour lui, de ces sept événements. Ce passage se termine d’ailleurs par l’expression existimo tamen. Le

incertum est de « l’autre Augustin », l’agnostique, a disparu pour laisser place à

une sorte de certitude de type apocalyptique.

Entre ces deux affirmations, au début et à la fin du passage cité, Augustin procède cependant à une remise en cause de l’ordre des faits et de leur mode de réalisation. Quibus modis et quo ordine veniant ? Il peut y avoir en ce retournement une part de rhétorique. C’est reconnaître aussi les limites de l’intelligence humaine face à un si grand mystère. Ceci est en tout cas une nouvelle illustration de « l’agnosticisme » augustinien. Selon cette perspective, il n’est pas possible de dire quoi que ce soit pour l’instant. C’est quand on y sera que l’on comprendra.

Augustin concluant ce passage par un retour à l’esprit historique et non agnostique – « les sept événements de la fin auront lieu dans l’ordre précis que j’ai exposé » –, le lecteur n’est-il pas quasiment contraint dans ces conditions à chercher dans les événements présents des signes tangibles du premier des événements de cette liste, c’est-à-dire le retour d’Élie ? C’est ici un bel exemple de

sed quibus modis et quo ordine veniant, magis tunc docebit rerum experientia, quam nunc ad perfectum hominum intellegentia valet consequi. Existimo tamen eo quo a me commemorata sunt ordine esse ventura.

l’esprit apocalyptique qui cherche à identifier les prophéties bibliques avec des événements concrets et imminents de l’histoire.

Cette alternance de deux positions – historique et agnostique – est sans doute un bon exemple de la dialectique, procédant par thèses et antithèses, qui anime la pensée d’Augustin.

Comme exemple complémentaire pour justifier cette idée de jugement dans le temps, dans un temps qui durera, riche en événements et rebondissements en tous genres, il est possible de citer la fin du livre précédent :

Pour parvenir à cette double fin des biens et des maux [la béatitude ou la damnation définitives], l’une enviable, l’autre redoutable, les bons comme les méchants doivent passer par le jugement ; aussi vais-je traiter de ce jugement dans le livre suivant129.

Les bons comme les méchants devront donc « passer par le jugement »,

iudicium transibunt. Cette expression pourrait être traduite également par

« traverser le jugement », le passer de bout en bout, comme on traverse les mers. Le jugement pour Augustin est donc une sorte de « réalité-passage », qui a non seulement une vraie consistance, mais aussi une étendue. Il semble correspondre à tout un processus eschatologique qui focalise l’attention du docteur africain.

b) Un jugement rendu visible

En plus de se situer dans le temps, ce jugement dernier présente la caractéristique de dévoiler une réalité jusque-là cachée. Il sera donc non seulement temporel, mais aussi visible. C’est ce qu’Augustin annonce dès le début du livre XX :

C’est bien dès lors le jour appelé proprement jour du jugement, car alors il n’y aura plus de place pour ces querelles malhabiles : pourquoi ce méchant est heureux, pourquoi ce juste malheureux. Alors, on verra clairement que la véritable et pleine félicité est le lot de tous les bons et d’eux seuls ; qu’un juste et suprême malheur est le lot de tous les méchants et d’eux seuls130.

Celui qui apparaîtra au jour du jugement, c’est bien sûr le Christ. Mais Augustin va insister tant et plus sur ce qui semble être une autre apparition : celle des bons et des mauvais, des justes et des réprouvés que toute l’histoire de l’humanité a contenus. Ce qui est à présent invisible, caché bien souvent sous le voile de l’antithèse – que le méchant soit visiblement heureux par exemple, alors

129 De civ. Dei XIX, 28 (BA 37, p. 173) : Ad hos autem fines bonorum et malorum, illos expetendos,

istos cavendos, quoniam per iudicium transibunt ad illos boni, ad istos mali ; de hoc iudicio, quantum Deus donaverit, in consequenti volumine disputabo.

130 De civ. Dei XX, 1 (BA 37, p. 183) : Iste quippe dies iudicii proprie iam vocatur, eo quod nullus ibi

erit imperitae querellae locus, cur iniustus ille sit felix et cur ille iustus infelix. Omnium namque tunc nonnisi bonorum vera et plena felicitas et omnium nonnisi malorum digna et summa infelicitas apparebit.

qu’invisiblement il a la mort spirituelle en lui – apparaîtra au grand jour, deviendra visible.

C’est la même idée que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le cours du livre XX, par exemple, à l’occasion d’un commentaire sur Malachie 3, 17 – 4, 3 :

Cette différence entre les récompenses et les peines séparant les justes des injustes, qui ne se voit pas sous notre soleil en la vanité de cette vie, quand elle éclatera sous le soleil de justice dans la révélation de la vie future, alors aura lieu un jugement tel assurément qu’il n’y en aura jamais eu de semblable131.

Le rôle du jugement sera de faire la vérité sur les agissements, souvent cachés en cette vie, des justes et des injustes. Il y aura à ce moment un passage de l’invisible au visible, une vérité devenue visible pour tous sur le bien et le mal contenus dans toute l’histoire du monde.

De prime abord, à en juger par ces premières citations, Augustin ne semble pas être un disciple d’une eschatologie en cours d’accomplissement dans le temps présent. Ce qui l’emporte maintenant, c’est l’invisible, l’inaccompli. Le jugement dernier à venir aura cette importance sans précédent de faire passer du caché au manifeste, au réalisé, à l’accompli. Le passage suivant confirme encore cette approche :

Au jugement dernier, il n’en sera plus de même ; mais dans la claire misère des impies et la claire félicité des justes, on verra quelque chose de tout différent de ce qu’on voit maintenant132.

Ici Augustin insiste sur l’antithèse entre le temps présent et le jour du jugement. Au jugement, tout sera ouvert, clair, évident, longe aliud, tout autre que la situation présente. Celle-ci, par déduction, semble être marquée du signe de l’inévidence, de la dissimulation, des ténèbres.

En définitive le jugement sera le passage à une visibilité. Ce qui se manifestera, ce n’est pas tant le Christ, que la vérité sur tout l’agir moral de l’humanité entière depuis la création. Ou plutôt ce qui apparaîtra, c’est le Christ – ou l’absence du Christ – dans tous les hommes depuis Adam.

c) Un jugement sur terre

Une troisième caractéristique du jugement, après la durée et la visibilité, est son aspect terrestre. Cela apparaît notamment à la fin du livre XX, à l’occasion d’une exégèse d’Isaïe 42, 4 : « Jusqu’à ce qu’il publie le jugement sur la terre ». Augustin poursuit :

131 De civ. Dei XX, 27 (BA 37, p. 343) : Haec distantia praemiorum atque poenarum iustos

dirimens ab iniustis, quae sub isto sole in huius vitae vanitate non cernitur, quando sub illo sole iustitiae in illius vitae manifestatione clarebit, tunc profecto erit iudicium quale numquam fuit.

132 De civ. Dei XX, 28 (BA 37, p. 345) : Iudicio quippe novissimo non sic erit ; sed in aperta

Voici clairement découvert le sens caché que nous cherchions. Il s’agit en effet du dernier jugement qu’il [le Christ] publiera sur la terre quand il viendra lui-même du ciel133.

Le jugement dernier se fera donc encore sur terre. Il n’appartient pas déjà à l’éternité, au temps de la nouvelle terre et des nouveaux cieux, mais à « ce siècle », à cette économie. Augustin évacue ici une conception trop transcendante du jugement. Un jugement terrestre, visible et temporel ne peut se situer déjà dans l’éternité. D’emblée la synthèse eschatologique d’Augustin partage ces trois catégories avec les systèmes millénaristes étudiés dans la première partie134. Il n’y a pas, de prime abord, opposition radicale, rédhibitoire, entre De civitate Dei XX et le millénarisme.

d) « L’éternel jugement de Dieu »

Pour saint Augustin, il semble que non seulement les derniers événements de l’histoire soient un jugement, mais également que tout le dessein bienveillant de Dieu le soit.

i. Les multiples jugements de Dieu

« Jugement » est en réalité un terme théologique important dans la pensée d’Augustin. Un passage du début du livre XX permet de mieux comprendre cette notion chez l’évêque d’Hippone :

Et c’est pourquoi, lorsque nous disons jour du jugement de Dieu, nous ajoutons ultime ou dernier de tous, car, maintenant même, Dieu juge et dès le commencement du genre humain il a jugé quand il a renvoyé du paradis et éloigné de l’arbre de vie les premiers hommes coupables du grand péché. Bien plus, quand il n’a pas épargné dans leur péché les anges dont le chef, après s’être abîmé lui-même, a par jalousie précipité les hommes dans la ruine, sans aucun doute, il a porté un jugement ; et ce n’est pas non plus sans ce profond et juste jugement de Dieu que, dans les sphères aériennes et sur la terre, la vie des démons et des hommes est très misérable et toute remplie d’égarements et de tribulations. Mais, si même personne n’avait péché, ce ne serait pas sans un juste et équitable jugement que Dieu garderait toute la création raisonnable unie à lui, son Seigneur, de la manière la plus étroite et la plus constante dans l’éternelle béatitude. Dieu ne se contente pas de juger d’une façon générale la race des démons et des hommes, voués au malheur du fait de ceux qui péchèrent les premiers, il juge encore les œuvres personnelles de chacun accomplies par décision volontaire135.

133 De civ. Dei XX, 30 (BA 37, p. 361) : Donec ponat in terra iudicium. Ecce manifestatum est quod

absconditum quaerebamus ; hoc enim est novissimum iudicium, quod ponet in terra, cum venerit ipse de caelo.

134 On pense notamment à la proposition de Lactance, elle aussi, très axée sur le jugement.

Cf. Première partie, p. 107-108.

135 De civ. Dei XX, 1 (BA 37, p. 181) : Ideo autem, cum diem iudicii Dei dicimus, addimus ultimum

Ce texte apporte sept éclairages successifs sur la notion de jugement selon Augustin. Commençant par la fin, l’évêque africain mentionne le jugement appelé dernier. Celui-ci n’apparaîtra qu’au terme d’une série de décisions divines qui sont déjà des jugements. En effet, Dieu juge maintenant aussi bien qu’au commencement. À ce moment, il a jugé d’une part de ne pas épargner les mauvais anges et d’autre part de renvoyer du paradis les premiers hommes. Dieu a jugé aussi durant toute l’histoire de l’humanité les anges et les hommes mauvais par toutes sortes de tribulations. Le jugement de Dieu ne concerne cependant pas uniquement les réalités mauvaises, car si ni anges ni hommes n’avaient péché, ce serait tout de même par un jugement que Dieu les maintiendrait dans la béatitude. Enfin, le jugement divin est prononcé non seulement pour des groupes, mais aussi pour les œuvres personnelles de chacun136. Ainsi, anges et démons, bons et mauvais, hier et aujourd’hui, au commencement et jusqu’à la fin, dans l’économie du salut en général et pour chacun en particulier, tout est inclus dans « ce profond et juste jugement de Dieu ». Le jugement semble être la vue qui unifie toute la théologie augustinienne de l’histoire137. Il est avant tout compris dans l’esprit d’Augustin comme un dessein divin, une décision de Dieu. C’est le jugement- dessein qui comprend à la fois un jugement-séparation et un jugement-rétribution.

ii. Un jugement incompréhensible

Cependant, si le jugement se produit tout au long de l’histoire du salut,