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Au fondement : la doctrine des âges du monde

LE « MILLÉNARISME » DE SAINT AUGUSTIN

P RÉAMBULE : LES DEUX A UGUSTIN

A. L E « SABBATISME » DU PREMIER A UGUSTIN

1) Au fondement : la doctrine des âges du monde

La doctrine des âges du monde ne figure pas explicitement dans l’Écriture Sainte et elle n’a pas non plus été assumée à proprement parler par le Magistère ecclésial. Mais c’est une tradition suffisamment importante dans l’histoire des doctrines pour que l’on essaie d’en retracer brièvement les origines.

a) Les origines de cette doctrine

i. Dans les cultures de l’humanité

Cette doctrine consiste à segmenter l’histoire de l’humanité, passée et à venir, en différents âges ou périodes. Les origines de cette façon de concevoir l’histoire sont assez difficiles à discerner. Il existe une certaine multiplicité de traditions qui véhiculent la doctrine des âges du monde. Le septénaire, par exemple, n’est pas l’apanage d’une tradition religieuse ou philosophique particulière. Toutes le revendiquent. Les spéculations autour du chiffre sept étaient autant en vogue chez les juifs, chez les chaldéens (mages hellénisés) que chez les grecs11.

i.a. Dans la culture juive

Les théories sur les âges du monde ont d’indéniables racines juives, parfois en lien avec la Bible et son septénaire initial12, et quelquefois sans relation explicite avec le récit de Genèse 1. Ainsi dans la tradition juive apocalyptique, le nombre des périodes de l’histoire va non pas jusqu’à sept mais jusqu’à dix ou douze. Cette augmentation du nombre des âges a pour but de diminuer la durée de chacun et de plonger les fidèles dans l’attente d’une fin imminente13. La division de l’histoire du monde en six âges conformément aux six jours de la création du livre de la Genèse est, elle aussi, une tradition juive, consignée dans le Talmud et connue des Septante14. Et quand la doctrine s’en tient à sept âges, le septénaire est alors symbole de la durée du monde.

i.b. Dans la culture grecque et latine

11 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut chez les Pères de l’Église. La doctrine des âges du monde,

ThH 2, Beauchesne, Paris, 1964, p. 42-44.

12 Jean DANIÉLOU, « La typologie millénariste de la semaine dans le christianisme primitif »,

VigChr 2, 1948, p. 16 : « Cette interprétation de la semaine, comme figurant les sept millénaires

qui constituent l’histoire du monde, avait son origine dans le milieu pharisien des apocalypses ».

13 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 48. Jean DELUMEAU, Mille ans de bonheur,

Fayard, Paris, 1995, p. 421, pour qui la théologie des six âges du monde d’Augustin, c’est-à-dire sa façon de segmenter la chronologie, ne lui permettait pas d’envisager une très longue durée pour l’aventure humaine.

14 Albert DE VEER, note complémentaire 13, « Les six âges du monde », in AUGUSTIN D’HIPPONE,

Le magistère chrétien, Gustave COMBÈS, Jacques FARGES, BA 11, Desclée de Brouwer, Paris, 1949,

Il en va différemment de la tradition grecque des âges du monde. Ceux-ci, au nombre de sept également, sont la transposition dans le temps d’un schéma à l’origine cosmique et astrologique : « Il y aura alors sept âges de l’homme comme il y a sept planètes »15. Les sept âges sont ainsi le symbole, non pas de la durée du monde, comme dans la tradition juive, mais des réalités célestes, de la perfection de l’œuvre divine16. Autant les sept âges juifs sont tournés vers le monde, autant les sept âges grecs sont tournés vers le ciel.

Dans la tradition helléniste et romaine la doctrine des âges est aussi immanquablement liée à une conception cyclique du temps. Les anciens connaissaient, au sein des âges du monde, un âge d’or primitif, appelé également « grand âge »17. Ovide dit ainsi dans ses Métamorphoses :

L’âge d’or fut le premier de la création (...) lorsque Saturne eut été précipité dans les ténèbres du Tartare et que Jupiter fut le maître du monde, vint au jour une génération d’argent (...). À cette génération en succède une troisième de bronze (...). La dernière fut de fer dont elle a la dureté18.

Quatre âges se succèdent, symbolisés chacun par un métal de moins en moins précieux. L’époque la plus prospère est au début. L’histoire est perçue de manière pessimiste comme une certaine décadence. Cette conception de l’histoire entraînait un regard nostalgique en arrière19. Seul un nouveau cycle, appelé Grande année, pouvait laisser espérer un retour de l’âge d’or originel. C’est ce que chante Virgile dans son IVe Églogue : Iam redit et virgo, redeunt Saturnia

regna20. Le règne de Saturne signalé par Ovide comme le premier était ainsi de retour.

Selon J. Baillie, cependant, il n’y avait pas vraiment d’espérance chez ces auteurs païens, tel Hésiode, car même si un âge d’or revenait de manière cyclique, c’était pour dégénérer à nouveau vers un état bien pire. Au mieux, on

15 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 51. AUGUSTIND’HIPPONE, Sur la Genèse contre

les manichéens. Sur la Genèse au sens littéral, livre inachevé, Pierre MONAT, Martine DULAEY,

BA 50, Desclée de Brouwer, Paris, 2004, p. 526, où M. Dulaey explique que la tradition primitive de l’âge de l’humanité en sept millénaires n’a pas directement rapport avec les sept jours de la première semaine du monde, mais avec le nombre des planètes connues. L’astronome Ptolémée, au IIe siècle, avait fait le lien entre les sept âges de l’homme et les sept planètes. Mais il est vrai

aussi que la tradition juive puis chrétienne a fait le lien entre les sept âges du monde et les sept jours de la création.

16 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 44-45.

17 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 49 ; John BAILLIE, The belief in progress,

Cumberlege, Londres, 1950, p. 43.

18 Met. I, 89-127, in OVIDE, Les métamorphoses (I-V), Georges LAFAYE, CUFr, Belles lettres, Paris,

1928, p. 10-11. Cité par Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 69. Tradition similaire en Dn 2, 31-45 sur la statue en partie d’or, d’argent, de bronze, de fer et d’argile, qui représentent

différents royaumes.

19 John BAILLIE, The belief in progress, op. cit., p. 45-46.

pouvait espérer une « uniformité ennuyeuse » (wearisome sameness)21. D’après cet auteur, la même doctrine des âges décadents et cycliques se retrouve chez les Hindous, les Chinois, les Babyloniens et les Égyptiens22.

i.c. Dans d’autres cultures anciennes

Baillie met sur la piste de sources iraniennes pour la doctrine juive des âges du monde23. À F. Cumont on doit l’apport de certaines recherches épigraphiques sur les civilisations anciennes de la Mésopotamie. Lui aussi s’est orienté vers la piste iranienne. Sa conclusion est que la doctrine des âges du monde est née « de la combinaison de vieilles traditions mazdéennes avec l’astrologie babylonienne, et quand l’hellénisme eut conquis l’Orient, la doctrine chaldéo-persique s’adapta à la cosmologie stoïcienne »24.

Il semblerait ainsi qu’à l’origine, cette théorie des âges du monde ne soit ni juive, ni grecque, mais plutôt mazdéenne ou zoroastrienne25. Elle aurait rencontré d’autres cultures par la suite, notamment le judaïsme et l’hellénisme. Cumont donne un exemple de cette doctrine d’origine moyen-orientale aux multiples influences :

De même que les jours de la semaine sont régis par les sept planètes, la vie de notre monde, formé par quatre éléments, se divise en sept millénaires, dont chacun est dominé par un de ces dieux sidéraux et porte le nom du métal qu’on associe à cet astre. Une échelle à sept échelons, formés de ces métaux et surmontés d’un huitième degré, était le symbole de la destinée de l’univers. (...) Durant le premier âge, celui de Saturne ou du plomb, les hommes, doués d’une longue vie, ont joui dans leur simplicité primitive d’un bonheur inaltéré. Mais pendant les millénaires suivants, une décadence progressive raccourcit la vie humaine et la pervertit. L’Esprit du Mal acquiert une prépondérance de plus en plus marquée sur celui du Bien, et à la fin du sixième millénaire, celui de la Lune ou de l’argent, l’iniquité deviendra intolérable. Il faudra pour qu’Ahriman soit vaincu, qu’arrive le septième millénaire, celui du Soleil, qui doit amener l’âge d’or sur la terre26.

Dans cette tradition iranienne entrée en contact avec l’hellénisme et le judaïsme, nous retrouvons bien l’approche astrologique et la décadence des âges

21 John BAILLIE, The belief in progress, op. cit., p. 51.

22 John BAILLIE, The belief in progress, op. cit., p. 50 ; Gerhart B. LADNER, The idea of reform. Its

impact on Christian Thought and Action in the Ages of the Fathers, Harvard University Press,

Cambridge, 1959, p. 13.

23 John BAILLIE, The belief in progress, op. cit., p. 64.

24 Franz CUMONT, « La fin du monde selon les mages occidentaux », RHR 103, 1931, p. 93. 25 Le zoroastrisme est une réforme du mazdéisme.

vues chez les grecs, et aussi un certain messianisme proche de celui des juifs avec l’âge d’or se situant à la fin et non au début27.

ii. Chez les Pères de l’Église

En conséquence, la tradition patristique est héritière d’un donné riche. L’Orient et l’Occident chrétiens ne vont pas en hériter de la même façon. Jean Daniélou remarque à propos des deux « poumons » de la tradition patristique :

Tandis que la tradition orientale interprétait de façon symbolique le septénaire biblique comme figure du temps total du monde, à quoi s’oppose le huitième jour éternel, la tradition occidentale, plus réaliste et historique, continuait de chercher dans la semaine biblique une clef de la succession des époques historiques28.

Le fait de segmenter l’histoire du salut en périodes précises avec un commencement et une fin identifiés, situés dans le temps, est donc une théorie occidentale ignorée des Pères grecs29. Ces derniers, influencés par la philosophie platonicienne, voyaient simplement dans les sept âges du monde un symbole de la durée totale du temps, elle-même image de la perfection des Idées divines. Mais ils ne cherchaient pas à identifier précisément ces âges du monde.

Parmi les Pères occidentaux, on retrouve cette théorie chez Ambroise30, Jérôme et Victorin de Poetovio31. Tertullien utilise aussi le thème antique des âges du genre humain ou des périodes du cosmos correspondant aux âges de l’individu – rudimenta, infantia, iuventus, maturitas – mais il néglige celui de la vieillesse et de la décrépitude32.

iii. Chez saint Augustin

Saint Augustin est donc l’héritier d’une tradition à la fois classique et patristique. Sa pensée sur les âges de l’humanité est tout autant chrétienne qu’héritée de la culture romaine païenne de son temps. Il y restera fidèle toute sa vie33. En tant que Père latin, il est aussi dépendant d’une tradition plus réaliste et historique que celle des Pères grecs. Il propose par cette doctrine « une vision 27 Les origines de la doctrine des âges de l’humanité ne sont pas sans point commun avec

certaines sources du millénarisme. Cf. Première partie, p. 37-42.

28 Jean DANIÉLOU, « La typologie millénariste... », op. cit., p. 16.

29 Olivier ROUSSEAU, « Les Pères de l’Église et la théologie du temps », MD 30, 1952, p. 41-43. 30 Lope CILLERUELO, « Origen del simbolismo del numero siete en S. Agustin », CDios 165, 1953,

p. 506, pense qu’Ambroise et son Hexaemeron est le principal inspirateur d’Augustin pour sa théorie des sept âges du monde.

31 Martine DULAEY, note complémentaire 12, « Les sept âges de l’humanité », in AUGUSTIN

D’HIPPONE, Sur la Genèse contre les manichéens, BA 50, op. cit., p. 525.

32 Henri DE LUBAC, La postérité spirituelle de Joachim de Flore. T. 1 : De Joachim à Schelling, Le

Sycomore, Lethielleux, Paris, 1979, p. 39. Peut-être cette façon de faire optimiste a-t-elle été empruntée à saint Irénée. Cf. AH IV, 38, 3 (SC 100**, p. 957) : « Quant à l’homme, il fallait qu’il vînt d’abord à l’existence, qu’étant venu à l’existence il grandît, qu’ayant grandi il devînt adulte, qu’étant devenu adulte il se multipliât, que s’étant multiplié il prît des forces, qu’ayant pris des forces il fût glorifié, et enfin qu’ayant été glorifié il vît son Seigneur ».

synthétique de l’histoire du genre humain »34. Chez lui, cette théorie s’avère plutôt indépendante du millénarisme, puisqu’il abandonnera ce dernier et conservera la première.

Au sujet des âges du monde, la pensée de l’évêque d’Hippone peut être définie par trois caractéristiques : anthropologique, biblique, arithmologique35. On peut dire qu’il y a chez Augustin les six périodes de la vie d’un homme (dimension anthropologique), les six jours de la création (donné biblique), les six âges du monde (approche arithmologique)36. Ce sont ces trois points qui vont maintenant être étudiés à partir des écrits du docteur africain.

iii.a. Parallèle avec les âges de l’individu : approche anthropologique

Dans le De diversis quaestionibus octoginta tribus, 58, saint Augustin expose sa doctrine des six âges du monde. Celle-ci n’est pas inspirée du récit des six jours de la création en Genèse 1-2, mais des six âges de l’homme individuel. Elle repose sur le postulat, hérité du stoïcisme puis de saint Paul, d’une humanité conçue comme un seul homme37.

L’accomplissement des temps, ou la sénilité du vieil homme (si l’on se représente l’ensemble du genre humain comme un individu), correspond au sixième âge, où parut le Seigneur. Car il y a pareillement six âges dans l’homme individuel : le bas-âge, l’enfance, l’adolescence, la jeunesse, la maturité, et la vieillesse. Ainsi, le premier âge du genre humain va d’Adam à Noé ; le second, de Noé à Abraham : ces époques sont manifestes et bien connues. Le troisième, d’Abraham à David : c’est la division de l’évangéliste Matthieu (Mt 1, 17). Le quatrième, de David à la déportation en Babylonie. Le cinquième, de la déportation en Babylonie jusqu’à l’avènement du Seigneur. Le sixième, il faut l’étendre depuis l’avènement du Seigneur jusqu’à la fin des temps, période où se décatit en quelque sorte de vieillesse l’homme extérieur, qu’on appelle aussi le vieil homme, tandis que l’intérieur se renouvelle de jour en jour (2 Co 4, 16). Alors commence le repos éternel, signifié par le sabbat. À quoi s’adapte le

34 Albert DE VEER, note complémentaire 13, « Les six âges du monde », in AUGUSTIN D’HIPPONE,

Le magistère chrétien, BA 11, op. cit., p. 553.

35 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 352-356.

36 Johannes VAN OORT, Jerusalem and Babylon. A study into Augustine’s City of God and the

sources of his doctrine of the two cities, SVigChr 14, Brill, Leiden, 1991, p. 94-95 ; Brian E. DALEY, The Hope of the Early Church. A Handbook of Patristic Eschatology, Baker, Grand Rapids, 2010,

p. 133.

37 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 291. Paul ARCHAMBAULT, « The ages of man and

the ages of the world », REAug 12, 1966, p. 205, Augustin a été le premier dans la littérature occidentale à faire la synthèse de trois thèmes littéraires communs avant lui : le thème des âges de l’homme, le thème des âges du monde, et le thème du monde considéré comme un seul homme. Martine DULAEY, note complémentaire 12, « Les sept âges de l’humanité », in AUGUSTIN D’HIPPONE, Sur la Genèse contre les manichéens, BA 50, op. cit., p. 525 : « Quant à l’idée que l’histoire du

monde doit connaître les mêmes phases que celle de l’individu, elle est fondée sur l’analogie du macrocosme et du microcosme, qui est presque universelle ».

fait que l’homme fut créé le sixième jour, à l’image et ressemblance de Dieu (Gn 1, 27)38.

Ce qui semble premier dans la pensée d’Augustin, ce sont les six âges que traverse l’individu : « le bas-âge (infantia), l’enfance (pueritia), l’adolescence (adolescentia), la jeunesse (iuventus), la maturité (gravitas), et la vieillesse (senectus) ». Ce découpage de la vie d’un homme en six périodes n’est pas une invention d’Augustin. Elle est un héritage de la culture grecque et romaine depuis Hippocrate39. L’humanité étant conçue comme un individu, c’est tout logiquement que l’histoire de cette humanité comportera elle aussi six âges : le bas-âge d’Adam à Noé, l’enfance de Noé à Abraham, l’adolescence d’Abraham à David, la jeunesse de David à la déportation à Babylone, la maturité de la déportation à Babylone jusqu’à l’avènement du Christ, et la vieillesse de l’avènement du Christ jusqu’à la fin du monde.

Dans l’esprit d’Augustin, ces âges ne sont jamais des millénaires, des périodes de mille ans, ni dans ce texte, ni ailleurs dans son œuvre40. Ils n’en comportent pas moins un nombre variable mais précis de générations : dix pour les deux premiers âges, quatorze pour les trois suivants. Seule la durée du sixième âge est inconnue puisqu’il dure encore et que le Seigneur a dit qu’on ne pouvait connaître ni le jour ni l’heure de son retour41.

Dans cette perspective, les âges du monde sont calqués sur le réalisme des âges d’un individu qui termine sa vie par la vieillesse et la mort. Augustin rejoint ainsi le thème classique, lui aussi hérité du stoïcisme, de la senectus mundi, ou du

saeculum senescens42. Le sixième âge de l’humanité, celui de l’avènement du Christ, événement de salut par excellence, sera donc associé à la vieillesse de 38 De div. quaest. LXXXIII, 58, 2 (BA 10, p. 172-173) : Finis autem saeculorum tamquam senectus

veteris hominis, cum totum genus humanum tamquam unum hominem constitueris, sexta aetate signatur, qua Dominus venit. Sunt enim aetates sex etiam in uno homine : infantia, pueritia, adolescentia, iuventus, gravitas et senectus. Prima itaque generis humani aetas est ab Adam usque ad Noe, secunda a Noe usque ad Abraham, qui articuli evidentissimi sunt et notissimi, tertia ab Abraham usque ad David, sic enim Matthaeus evangelista partitur; quarta a David usque ad transmigrationem in Babyloniam ; quinta a transmigratione in Babyloniam usque ad adventum Domini. Sexta ab adventu Domini usque ad finem saeculi speranda est, qua exterior homo tamquam senectute corrumpitur, qui etiam vetus dicitur, et interior renovatur de die in diem. Inde requies sempiterna est, quae significatur sabbato. Huic rei congruit quod homo sexto die factus est ad imaginem et similitudinem Dei. Voir aussi De ver. relig. 27, 50 (BA 8, p. 94-95) : « Il en va de

même, toutes proportions gardées, pour l’humanité. Sa vie se déroule comme celle d’une seule personne, depuis Adam jusqu’à la fin des temps ». Et aussi En. in Ps. 6, 2 (BA 57 A, p. 246-251), où le chiffre quatre est rapporté au corps de l’homme et le chiffre trois à son âme. Ainsi les sept âges (4 + 3) accomplissent tout l’homme ainsi que toute l’histoire de l’humanité.

39 Auguste LUNEAU, L’histoire du salut..., op. cit., p. 291 ; Olivier ROUSSEAU, « Les Pères de l’Église

et la théologie du temps », op. cit., p. 48 ; Olivier ROUSSEAU, « La typologie augustinienne de

l’Hexaemeron et la théologie du temps », in Erwin ISERLOH, Peter MANNS (dir.), Festgabe Joseph Lortz. T. 2 : Glaube und Geschichte, Grimm, Baden-Baden, 1958, p. 52-53.

40 Sur ce sujet, Gerald BONNER, « Augustine and millenarianism », op. cit., p. 240, se trompe, à

notre avis. Augustin n’a jamais pensé à des âges de mille ans. Il ne s’est jamais appuyé sur l’adage : « Mille ans sont comme un jour », sauf pour dénoncer cette représentation chez les

l’homme. Cela oblige Augustin à opérer une sorte de dichotomie entre l’homme extérieur qui vieillit et l’homme intérieur qui, lui, se renouvelle, à partir de la venue du Christ43. Ainsi le sixième âge est, dans la pensée augustinienne, une période marquée à la fois par la mort et la vie, et donc un temps que l’on pourrait qualifier de pascal.

Enfin, à la fin de ce passage, le docteur africain greffe la tradition biblique sur des éléments qui jusqu’à présent étaient hérités des païens. En effet le sixième âge débouche sur le repos éternel du sabbat. Ce dernier est une allusion au septième jour de Gn 2, 2-3, qui lui-même est en lien avec la tradition du sabbat juif (cf. Ex 20, 11).

Dès lors, le sixième âge devient à la fois celui de la nouvelle création de l’homme, de sa recréation, comme au sixième jour où il fut créé (Gn 1, 26-27), et celui de la vieillesse de l’homme, selon la doctrine des âges du monde calqués sur ceux d’un individu. La métaphore biblique vient se fondre, se greffer sur la