• Aucun résultat trouvé

2. CADRE CONCEPTUEL

2.1. Les facteurs généraux liés à la réussite et l’échec scolaire

2.1.1. Le milieu socioculturel d’origine de l’élève

Le milieu socioculturel d’origine de l’élève apparaît comme l’un des facteurs prédictifs les plus puissants de la réussite ou de l’échec scolaire. En effet, les recherches sont nombreuses à signaler le taux élevé d’échec dans les milieux défavorisés comparativement aux milieux privilégiés (Bourdieu et Passeron, 1970 et 1999; Coleman, 1967 et 1988; DRHC, 1998 et 2000 ; Duru-Bellat et Van-Zanten, 1999; Portes, 1998). Ce constat n’est pas récent et a il a soulevé la question de l’inégalité des chances de réussite selon le milieu socioculturel d’origine. Dans les années 1960-1970, les recherches ont analysé cette problématique à partir de la thèse du handicap socioculturel puis des théories de la reproduction socioculturelle. Les études plus récentes essaient de nuancer l’impact du statut socioéconomique, du capital culturel et du capital social d’origine.

2.1.1.1. La thèse du handicap socioculturel

La démocratisation de l’école en Occident vers la fin du 19e siècle et le début du 20e

siècle avait ouvert les portes de l’école au plus grand nombre. On s’aperçoit toutefois assez rapidement que cette égalité d’accès n’assure pas une égalité de réussite, un grand nombre d’élèves de milieux ouvriers continuant à quitter l’école sans diplôme. L’une des hypothèses évoquées pour expliquer la non-réussite scolaire des enfants de milieux populaires est celle du handicap socioculturel.

Le débat sur le handicap socioculturel a particulièrement été virulent aux États-Unis dans les années 1960. En effet, le constat de l’inégale réussite des élèves en milieux populaires mettait en brèche le principe de méritocratie scolaire, selon lequel le mérite (le travail et l’effort), et non plus l’origine sociale, doit permettre d’accéder aux titres scolaires et, par leur intermédiaire, à une position sociale donnée. Le concept de « handicap socioculturel » postule que les nombreux échecs scolaires dans les milieux populaires sont dus aux carences intellectuelles, linguistiques et affectives induites par l’origine sociale des élèves. On se risque même à parler de « modifications biologiques liées aux conditions de vie des enfants » (Stambak, 1978, p.11). Pour « corriger » le handicap, les gouvernements mobilisent des sommes importantes qui serviront à mettre sur pied des « pédagogies de compensation ». Le programme « Head Start » en 1965 s’adresse aux enfants de la maternelle et visera à compenser les déficits intellectuels dus à une sous-stimulation du milieu sociofamilial. Ces programmes ont eu des échos en Europe comme au Québec où ils sont repris (Crespo et Lessard, 1985 ; Drolet, 1990). Au Québec, le « Head Start » est traduit dans le Projet d’action sociale et scolaire (PASS), adopté par la Commission des écoles catholiques de Montréal dans les années 1970. En utilisant les tests d’intelligence pour évaluer la capacité des élèves à poursuivre une scolarité régulière, la psychologie différentielle a largement supporté la thèse du « handicap socioculturel » et a contribué à une certaine « biologisation » de l’échec scolaire (Crespo et Lessard, 1985 ; Sicot, 2005). Dans le débat sur l’acquis ou l’inné de l’intelligence, l’influence du milieu social s’est confondu ou substitué à celle du

patrimoine génétique6. Ces hypothèses génétiques ont aussi servi des causes idéologiques racistes courantes à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, supportant la supériorité intellectuelle des Blancs sur les Noirs. Bien que ces hypothèses aient fait l’objet de nombreuses critiques, elles ont repris de la vigueur dans les années 1990 et 2000 comme modèle explicatif de l’échec scolaire et socioéconomique des Afro- américains (Wiggan, 2007).

La thèse du handicap socioculturel a été critiquée parce qu’elle « pathologise » le milieu d’origine des élèves. Selon Coleman (1967, 1968) et Bourdieu et Passeron (1970, 1999), le taux élevé d’échec scolaire des élèves de milieux défavorisés témoigne avant tout que « l’école inadaptée » n’arrive pas à assurer l’égalité des chances de réussite pour tous, malgré ses idéaux et les nombreux efforts réalisés. Cependant, dans des recherches plus récentes, des chercheurs retracent encore des arguments dans les propos des enseignants et d’autres acteurs du milieu scolaire qui évoquent les « manques », « carences » « déficiences » des élèves des milieux populaires. Suivant cette même logique, les bons résultats scolaires d’élèves de milieux plus favorisés sont souvent attribués à une « douance » perçue naturelle (Crahay, 2003; Deauvieau et Terrail, 2007; Gayet, 1997).

2.1.1.2. Les théories de la reproduction socioculturelle

Les théories de la reproduction socioculturelle ont quelques similarités avec le courant théorique fonctionnaliste. Celui-ci considère que les éléments d’une société forment un tout indissociable et jouent un rôle vital dans le maintien de l’équilibre d’ensemble. Le fonctionnalisme « tend à ramener l’explication des faits sociaux à la mise en évidence de leurs fonctions – puisqu’ils ne sont que par ce à quoi ils servent » (Boudon, Besnard, Cherkaoui et Lécuyer, 2005, p.100).

6 Le débat sur l’inné ou l’acquis de l’intelligence est encore très actuel et soulève passions et tensions dans les médias (écrits, télévisés, Internet) québécois et internationaux. On peut rappeler l’agitation suscitée par les propos du docteur Mailloux en 2005 sur la chaîne de télévision de Radio-Canada, à l’émission Tout le monde en parle. Le docteur Mailloux avait évoqué des résultats de recherches appuyant la thèse d’une moindre intelligence génétique des Noirs. Certains chercheurs (notamment britanniques) estiment que 50 % de l’intelligence est innée et 50 % acquise alors que d’autres (France) estiment que l’environnement est déterminant (Sicot, 2005).

Du point de vue de Bourdieu et Passeron (1970, 1999), l’école n’a pas cessé de remplir la fonction de reproduction que lui attribuait Durkheim (1934) en contribuant à pérenniser les classes sociales. Tous accèdent à l’école, mais tous n’ont pas les mêmes moyens et les prérequis pour réussir. En effet, les savoirs, le langage et les attitudes valorisés et enseignés à l’école correspondent essentiellement aux valeurs des classes dominantes. Les élèves issus de ces milieux se « retrouvent » dans le type d’enseignement dispensé à l’école, car il vient en continuité et en renforcement de l’éducation familiale. Quant aux élèves de milieux défavorisés, ils sont plus nombreux à échouer, à abandonner, à s’autoéliminer et à se retrouver dans les filières les moins cotées du système scolaire et universitaire (Bourdieu et Passeron, 1970, 1999).

Une autre variante de la thèse de la reproduction est proposée par Baudelot et Establet (1971). Dans la lignée des théories marxistes, ils décrivent l’école comme un appareil idéologique d’État qui sert à assurer la reproduction de la division sociale (et sexuelle) du travail, l’accumulation de capital et l’idéologie de la classe dominante. Suivant ce point de vue partagé par d’autres chercheurs américains et britanniques de l’époque (Bowles et Gintis, 1976; Poulantzas, 1978 cités dans Giroux, 1983), l’école fournit à chacun ce qui lui est indispensable en fonction de la place qu’il va occuper dans les rapports de production. Ainsi, la hiérarchisation scolaire reflète la hiérarchisation sociale.

D’un point de vue général, les théories de la reproduction socioculturelles sous- entendent que la solution au problème de l’échec scolaire réside dans un processus de transformation globale du système, social économique et politique. Sans se réclamer de ces théories, des auteurs contemporains (Develay, 2004) font valoir l’idée d’une transformation des rapports sociaux pour un type de rapport à l’école et aux savoirs plus démocratique.

Dès les années 1970, plusieurs auteurs (cités dans Forquin, 1997) vont réagir contre la vision mécaniste des théories de la reproduction. Se voulant plus critiques, ces auteurs soulignent d’une part la complexité des pratiques sociales qui ne peuvent être réduites à

leur dimension économique et, d’autre part, la résistance des acteurs sociaux dits « dominés » (Forquin, 1997). Willis (2011) s’inscrit dans cette perspective plus critique. Dans une recherche ethnographique réalisée en Angleterre dans les années 1970, il décrit l’expérience socioscolaire de jeunes issus de la classe ouvrière et montre que ceux-ci ne font pas que subir la domination de la structure scolaire mais y résistent en développant une culture anti-école. Celle-ci consiste à déjouer les objectifs formels de l’école et l’ordre scolaire. Ce faisant, les jeunes en viennent à « choisir » les mêmes emplois d’ouvriers que leurs parents, à « entrer librement dans une condition de non-liberté » et à participer ainsi à la reproduction des classes sociales. Toutefois, selon Willis (2011, p.7), « cette damnation est vécue, de manière paradoxale, comme un véritable savoir, une affirmation, une appropriation [de la culture ouvrière d’origine] et une forme de résistance ». D’après l’auteur, la reproduction sociale et culturelle n’est pas déterminée mécaniquement. Elle est faite de tensions et disjonctions, et comporte toujours une part d’incertitude (d’imprédictible) suivant l’action des acteurs. L’étude de Willis (2011) est intéressante et originale en ce qu’elle confronte les approches théoriques à la réalité sociale et à la perspective des acteurs impliqués.

Les théories de la reproduction socioculturelle restent encore très actuelles comme modèle d’interprétation de l’échec et de la réussite scolaire. Mais au-delà de leurs variantes, on reproche aux auteurs leur pessimisme et leur déterminisme eu égard aux vertus démocratisantes de l’école (Duru-Bellat et Van Zanten, 1999; Queiroz, 2005). Les approches interactionnistes, ethnométhodologiques et anthropologiques qui se sont développées en réaction aux perspectives fonctionnalistes de la reproduction socioculturelle vont pousser plus loin la réflexion sur le rôle des acteurs sociaux dans leurs interactions avec leur environnement. Forquin (1997, p.40) souligne que ces approches s’inscrivent « dans un cadre théorique qui fait apparaître la construction interactive des situations et des significations comme le ressort ultime des phénomènes observés ». Nous verrons un peu plus loin que la perspective du rapport aux savoirs que nous adoptons s’inscrit dans cette perspective.

Ceci dit, indépendamment des courants théoriques dans lesquels les chercheurs placent leurs travaux, ils ne démentent pas l’influence du milieu socioculturel familial sur la réussite des élèves, tel que nous le soulignons dans la section qui suit.

2.1.1.3. L’influence relative du statut socioéconomique, du capital culturel et du capital social

Pour continuer l’analyse de l’influence du milieu socioculturel familial sur la réussite scolaire, nous allons appréhender ce profil selon trois angles : le statut socioéconomique, le capital culturel et le capital social.

Le concept de classe sociale, hérité de Marx et ses disciples, était très utilisé dans les années 1960-1970 et on le retrouve fréquemment chez les auteurs des théories de la reproduction socioculturelle. Toutefois, il s’agit d’un concept très englobant qui renvoie à des phénomènes sociaux, culturels, économiques et idéologiques qui structurent les conditions de vie et le rapport des individus/groupes à la société (Bourdieu (1985) parle d’habitus de classe). D’après Dofny et Rioux,

On risque de confondre les classes sociales avec les groupes d’occupation, d’intérêts socio-économiques que l’on retrouve dans la composition des classes sociales, mais qui ne confondent pas avec elles. Les classes sociales sont des groupes réels de très grande envergure, apparues dans les sociétés où les structures économiques prédominent et déterminent le jeu des incompatibilités concernant les autres systèmes d’activité, groupes dont la différenciation est surtout fondée sur l’inégalité économique. (Dofny et Rioux, 1962, p.290)

Le statut socioéconomique, le capital culturel et le capital social constituent des attributs de classe. Ces classes sociales forment alors des sous-cultures, soient des systèmes culturels relativement cohérents (Dofny et Rioux, 1962), mais ces attributs sont appropriés de manière différenciée par les individus de la société globale.

• Le statut socioéconomique

Le statut socioéconomique d’une famille est généralement évalué à partir du revenu et du niveau de scolarité des membres. On y associe parfois d’autres variables comme la profession ou catégorie professionnelle (ou le prestige professionnel), la structure familiale et l’état matrimonial (familles biparentales, monoparentales, avec enfants, sans enfants, séparées, divorcées, recomposées), le soutien social.

D’un point de vue économique et statistique, la pauvreté ou défavorisation renvoie à une insuffisance du revenu dont l’effet direct se traduit par « un manque d'accès à des biens et à des services de base ainsi qu'à des possibilités qui sont communément accessibles aux groupes plus favorisés de la population » (Ferland, 1995, p.14). Cette définition minimaliste de la défavorisation ne prend pas en compte d’autres variables comme la perception de la situation, sa durée et l’exclusion sociale qu’elle entraîne (Ferland, 1995). La perception de la situation de défavorisation, aussi désignée privation relative, a parfois un impact beaucoup plus important sur la vie des personnes que la privation objective, mesurée par des indices économiques. Par exemple, des immigrés classés « pauvres » n’auront pas les mêmes perceptions de leur situation ni les mêmes réactions à cet égard selon qu’ils estiment vivre dans un contexte moins défavorisé par rapport au pays d’origine ou suivant qu’ils auront connu en migrant un déclassement socioéconomique. D’après Kanouté (2007c), une étude de la défavorisation devrait dépasser une vision « économiste » servant à classer les individus en pauvres et non pauvres. Une telle étude devrait opérer un changement paradigmatique qui, tout en considérant les diverses formes de privation matérielle, analyse la problématique en termes d’inégalités sociales, de distribution déséquilibrée des ressources collectives et d’asymétrie de pouvoir. La notion de précarité est aussi utilisée pour rendre compte d’une situation de défavorisation moins « mesurable » et caractérisée par l’instabilité, l’incertitude, la déstabilisation affectant diverses sphères de la vie (logement, vie de couple, santé, rapport à l’avenir, liens sociaux, etc.) (Barbier, 2005).

Questionner la capacité de la société à diminuer la précarité et à mobiliser ses institutions pour ne pas reproduire les inégalités n’empêche pas les chercheurs de documenter l’impact objectif de la défavorisation sur le vécu scolaire de l’enfant. En milieux défavorisés, les ressources économiques plus limitées des parents ne leur permettent pas toujours d’offrir les conditions matérielles les plus propices à la réussite scolaire : manuels scolaires complémentaires, cours de rattrapage, ordinateur, espace de travail personnel (chambre personnelle, bureau). Le manque de ressources matérielles peut aussi avoir un impact sur la santé physique des enfants (malnutrition, fatigabilité, maltraitance) et la précarité peut engendrer des bouleversements qui se répercutent sur

les résultats scolaires. Les déménagements fréquents entraînent par exemple des changements d’école pouvant déstabiliser l’élève (Moisan et Simon, 1997).

• Le capital culturel

D’après Bourdieu (1979), le capital culturel renvoie à un ensemble de dispositions, principes et pratiques intériorisés ou « habitus » (capital culturel incorporé), à des biens culturels tels des tableaux, livres, dictionnaires, instruments, etc. (capital culturel objectivé) et aux titres scolaires ou diplômes (capital culturel institutionnalisé). Ce capital diffère selon le milieu social. Yosso (2005) fait remarquer à cet égard que la théorie du capital culturel de Bourdieu est souvent utilisée pour faire valoir l’idée que certains groupes sociaux seraient richement dotés culturellement tandis que d’autres seraient pauvrement dotés. Elle souligne :

This interpretation of Bourdieu exposes White, middle class culture as the standard, and therefore all others forms and expressions of “culture” are judged in comparison to this “norm”. In others words, cultural capital is not just inherited or possessed by the middle class, but rather it refers to an accumulation of specific forms of knowledge, skills and abilities that are valued by privileged groups in society (Yosso, 2005, p.76).

Le capital culturel valorisé par les groupes sociaux dominants est aussi celui qui est valorisé à l’école. Néanmoins, il faut rappeler que les élèves de milieux défavorisés possèdent aussi un capital culturel hérité de leur famille, même si celui-ci (en tout ou en partie) n’est pas privilégié par l’école.

Maintes ressources culturelles familiales sont scolairement convertibles et influencent significativement la réussite scolaire. Par exemple, la présence d’un ordinateur, d’une bibliothèque bien pourvue à la maison, l’abonnement à des journaux et revues, et la pratique de lecture et d’écriture supportent l’entrée dans l’écrit des élèves. De même, certains types de pratiques langagières, de comportements et de formes de relations sociales préparent et renforcent la scolarisation et la socialisation à l’école. Les familles qui exposent et entraînent leur enfant à la maison aux usages variés de lecture et d’écriture et corrigent leur expression orale pour la rapprocher des formes écrites supportent davantage leur entrée dans l’écrit (Terrail, 2004). Les visites au musée, les spectacles, les cours de musique, les voyages, etc. leur ouvrent aussi des possibilités d’exploration.

Les familles issues de milieux favorisés possèdent plus souvent ces ressources et, de par leurs valeurs et pratiques culturelles, partagent une convergence culturelle avec l’école. Autre exemple, l’école valorise des compétences transversales comme l’initiative, la créativité et l’autonomie qui sont aussi très encouragées dans l’éducation familiale des élèves issus de milieux aisés. Il est intéressant de noter l’effet paradoxal d’une sur- instrumentalisation du capital culturel. En effet, certains élèves de milieux aisés se rebellent contre le rythme de vie contraignant imposé par leurs parents où, du réveil au coucher, tout est programmé. Ils se plaignent de ne pas avoir le temps de vivre, de profiter de leur jeunesse entre les heures d’école et les devoirs, les cours supplémentaires, les leçons de musique, de danse, d’art, etc. qui doivent leur assurer le meilleur parcours possible dans un milieu où règne une compétition féroce (Careil, 2007). Chouinard et al. (2007) soulignent un peu dans le même ordre les effets négatifs de la compétition sur le rapport à l’école et aux savoirs des élèves (baisse d’intérêt) en milieux scolaires favorisés.

En revanche, selon Lahire (1995, p. 18), parlant des élèves de milieux populaires, « très peu de ce qu’ils ont intériorisé à travers la structure de coexistence familiale leur permet d’affronter les règles du jeu scolaire ». D’après d’autres chercheurs, c’est toute une perception de la vie, du temps et du corps qui distancie le monde de l’école, de l’univers des groupes défavorisés disposant d’un capital culturel catégorisé de faible (Keddie, 2007; Terrail, 2004; Thin et Millet, 2005a et 2005b).

Certains parents avec un faible niveau de scolarisation se sentent moins outillés pour superviser le travail scolaire de leurs enfants et les orienter dans le système scolaire : comprendre les objectifs pédagogiques et les critères d’évaluation des programmes ; cerner justement les difficultés de leurs enfants (Saint-Laurent et al., 1994). D’après plusieurs chercheurs, la scolarité des parents influence de manière plus significative la réussite scolaire des enfants7 par rapport au revenu familial. On souligne en particulier l’importance du niveau de scolarité de la mère à qui incombe le plus souvent la charge

7 D’ailleurs, les deux tiers de la valeur de l’indice de défavorisation calculée par le MEQ sont fonction du niveau de scolarité de la mère, tandis que le niveau d’activité économique des parents compte pour un tiers.

du suivi scolaire des enfants. À ressources économiques égales, plus son niveau d’étude est élevé plus les résultats scolaires des enfants sont positifs (Duru-Bellat et Van Zanten, 1999; Queiroz, 2005; Thélot et Valet, 2000). Ainsi, les effets directs du revenu sur la performance scolaire sont moins absolus, surtout dans le cas de familles récemment immigrées (Mc Andrew, Ledent, Garnett et Ungerleider, 2008; Shea, 2000).

Certaines familles de milieux défavorisés saisissent l’impact de ce capital culturel. Cependant, elles ne sont pas nombreuses à pouvoir offrir des « extras » comme des encyclopédies, des visites au musée, des cours de musique, des voyages (Esterle- Hedibel, 2004; Gilbert, 2008). Ces ressources sont parfois accessibles en dehors du milieu familial (bibliothèque de quartier, centre communautaire, etc.), mais le recours à celles-ci dépend aussi du degré de familiarité et de la distance symbolique de la famille à leur égard et du temps disponible après le travail. L’inégale répartition des ressources économiques renforce ainsi les inégalités culturelles.

Nous aimerions revenir sur la dimension « pratiques culturelles » du capital culturel. Dans leur ouvrage sur les inégalités d’apprentissage, Bautier et Rayou (2009) font un clin d’œil à cette dimension en rapportant une scène du film « Entres les murs » :

Lorsqu’un des élèves […] pense que le terme « argenterie », trouvé dans un texte littéraire, désigne un habitant de l’Argentine, il y a dans son erreur plus qu’une lacune de vocabulaire, l’incapacité à imaginer un univers dans lequel les divers ustensiles de table sont regroupés dans un terme générique connotant un type de statut social. (Bautier et Rayou, 2009, p. 3)

Ainsi, si le capital culturel joue un rôle dans la réussite scolaire, tous les élèves n’en sont pas également équipés à leur rentrée à l’école. L’institution scolaire a une responsabilité particulière à cet égard et est appelée à compenser pour les familles dont le capital est moins en résonnance avec la culture scolaire (Garon et Théorêt, 2000; Meirieu, 1993;