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CHAPITRE 1 – RECENSION DES ÉCRITS

1.5 Le degré d’influence

L’influence sous-jacente à la participation n’est pas absolue, il y a plusieurs niveaux d’influence. Dans la littérature sur les relations industrielles, le niveau d’influence exercé dans la participation est situé sur un continuum et plus particulièrement représenté par deux échelles d’influence. La première est appelée le continuum d’influence et de pouvoir (« Influence and Power Continuum ») (Heller, 2003; Heller 1998b; Dachler et Wilpert, 1978) qui est une adaptation de l’échelle utilisée par le Industrial Democracy in Europe (IDE) Research Project dans les années soixante-dix et quatre-vingt pour englober la participation représentative et la participation individuelle, et ce, à tous les niveaux de l’organisation. Ce continuum comporte six niveaux qui sont présentés dans la partie gauche du tableau 1.2. La seconde échelle, appelée « escalator of participation » (Wilkinson et autres, 2010) consiste en cinq

74 étapes représentées par cinq marches d’un escalier. Ces cinq étapes sont énumérées dans la partie droite du tableau 1.2.

Tableau 1-2 – Continuum d’influence et de participation

ÉTAPE CONTINUUM D’INFLUENCE ET DE POUVOIR ÉTAPE ESCALIER DE PARTICIPATION

6 Je décide par moi-même 5 Contrôle

5 Je prends part conjointement à la décision 4 Codétermination 4 Mon opinion est prise en considération 3 Consultation 3 Informé à l’avance et peut faire connaître

son opinion 2 Communication

2 Informé à l’avance 1 Information

1 Pas impliqué (n’a aucune information ou

peu d’information est partagée) - -

Sources : Heller (2003); Dachler et Wilpert (1978); Wilkinson et autres (2010)

Ces deux échelles illustrent l’influence sur un continuum vertical avec une progression du degré d’influence de bas en haut. Le continuum d’influence et de pouvoir est plus complet que l’escalier de participation parce qu’il oppose le manque de participation (étape 1) à l’autonomie (étape 6). Pour les autres étapes, les deux échelles se ressemblent. L’étape d’information correspond à une communication unidirectionnelle. L’étape de communication constitue un échange à deux sens, donc permet de faire connaître son opinion sans, toutefois, qu’elle soit prise en considération dans la décision. L’étape de la consultation correspond à une consultation qui précède la prise de décision, où l’opinion émise peut être prise en considération. En ce qui concerne notre problématique et en combinant les éléments des échelles mentionnées plus haut, nous proposons d’utiliser l’échelle présentée au tableau 1-3 pour analyser les données de cette thèse.

75 Tableau 1-3 - Continuum de participation et niveaux d’influence, d’inclusion et de voix

CONTINUUM DE PARTICIPATION INFLUENCE INCLUSION VOIX

Décision conjointe Réelle Réelle Voix réelle

Consultation

(opinion prise en considération) Certaine influence Réelle Voix réelle Communication

(deux sens) Peu d’influence Symbolique Voix symbolique Information

(sens unique) Aucune Symbolique Silence

Non-participation

(pas informé) Aucune Exclusion Silence

Source : Original, adapté de Wilkinson et autres (2010); Heller (2003)

Cinq étapes forment un continuum de participation dans la prise de décision. La décision conjointe est l’étape ultime de ce continuum et celle qui représente le plus haut niveau d’influence et d’inclusion dans la prise de décision. Nous nous intéressons à la participation de groupes fonctionnels et opérationnels travaillant ensemble et qui sont responsables de la prise de décision sur des enjeux communs. Nous excluons l’étape de contrôle qui représente une autonomie d’un groupe par rapport à l’autre. L’étape de consultation représente l’étape avant la prise de décision et marque un certain niveau d’influence et d’inclusion dans le processus de décision. Dans l’étape de la communication, on peut faire connaître son opinion, mais elle ne sera pas nécessairement prise en considération. Cela peut être une forme de rétroaction sur une proposition formulée. Cette étape constitue une inclusion symbolique parce qu’elle représente un niveau peu élevé d’influence dans la décision. L’étape d’information est aussi symbolique, car même si l’on est informé de la décision, il se peut qu’on n’ait aucune influence sur le processus et qu’on soit limité à poser des questions de clarification. Enfin, la non-participation constitue une exclusion de la prise de décision.

76 De plus, nous partons de la prémisse que le discours de participation est constitué de voix et de silence qui se présentent sur un continuum tel que présenté au tableau 1.3. La voix peut être réelle ou symbolique selon le niveau d’influence. Si la voix est constituée de divers niveaux comme discussion, communication et information, alors taire, c’est retenir la voix des autres; ainsi, le silence limite la participation et construit la non-participation.

1.6 Conclusion

La littérature sur l’administration publique envisage la participation principalement de façon structurelle (Osborne et Gaebler, 1993; Canada, 1990) et de façon processuelle (Kernaghan, 1992; Canada, 1990) alors que la présente étude l’examine de façon relationnelle. Le point de vue structurel se concentre sur la déconcentration et la délégation d’autorité en posant le niveau d’autonomie dans la prise de décision comme élément clé. Le point de vue processuel se penche sur l’habilitation en se focalisant sur l’exercice de l’autorité. Le point de vue relationnel s’intéresse au niveau d’influence dans la prise de décision en se fondant sur le postulat que le niveau de participation est lié au niveau d’influence réelle.

À la suite de la recension des écrits sur la participation dans la littérature en théorie des organisations, nous concluons que l’interprétation qui convient le mieux à cette thèse est celle de la participation comme voix ou la possibilité de prendre part directement à une décision organisationnelle. La non-participation est alors silence, c’est-à-dire l’exclusion de la possibilité d’influencer son travail. Le paradoxe de la participation, la contradiction entre l’inclusion et l’exclusion, peut être étudiée de façon discursive si l’on considère que la participation c’est prendre part directement à une décision pour exercer une certaine influence sur le travail. Maintenant, il convient de cerner la notion de paradoxe qui est au centre du cadre théorique de cette

77 recherche. Ce regard paradoxal sera expliqué au prochain chapitre où nous proposons notre cadre théorique.

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