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Etude 2. Courrier_psy

1. Population

2.1. Constitution des groupes et intégration des sujets

2.2.2. Déclination des courriers

2.2.2.1. Le courrier classique GC

Le courrier d’invitation et la relance R2+test sont ceux classiquement employés par

ADECA Alsace (cf. annexes). Les trames sont nominatives (civilités, date de naissance,

caisse d’affiliation) de sorte à motiver le traitement (Dignan et al., 1994 ; Edwards et al.,

2002). Elles mêlent des induits d’expertise (« spécialistes » ; « votre régime d’Assurance

Maladie » ; « les Conseils Généraux ») et de proximité identitaire (« en Alsace » ; « votre » ;

« de la région ») renforçant la crédibilité perçue du message (Hovland et Weiss, 1951). Le signataire est médecin donc légitime (Weeb et Sheeran, 2006) (« votre médecin généraliste,

partenaire d’ADECA Alsace »). La référence permet à ADECA Alsace de reconnaître

l’investissement des médecins traitants dans le dépistage organisé. Elle permet aussi de renforcer l’impact de l’intervention (Hewitson et al., 2011 ; Karwalajtys et al., 2006 ; Stein et al., 2005 ; Zajac et al., 2011) compte tenu du poids de l’avis médical (Cole et al., 2002 ; Menon et al., 2011 ; Streltzer et Koch, 1968 ; Zajac et al., 2011).

Question sensibilisation, le courrier GC articule la vulnérabilité (« vous avez entre 50 et

74 ans, vous êtes concerné » ; « le cancer colorectal est fréquent » ; « particulièrement en Alsace ») mais pas la sévérité ; le cancer représentant une menace explicite en soi. La

solution, quant à elle, est introduite par un cadrage positif centré sur les bénéfices de l’action recommandée (« dépisté tôt, on peut […] »). Elle est présentée comme efficace (« En Alsace,

la campagne a déjà permis de guérir 428 cancers et d’en éviter 2166 »), l’effet étant appuyé

par un procédé de surenchère (« le cancer […] peut être guéri et même évité grâce au

dépistage » ; « on peut le guérir 9 fois sur 10. Il est même possible d’en éviter un grand nombre ») (Burger, 1986). Des évocations de praticité (« un test simple à faire chez soi » ;

« simple à utiliser »), de gratuité (« pris en charge à 100% ») et de soutien (« il vous

conseillera et répondra à vos questions ») renforcent enfin le sentiment d’auto-efficacité.

En invitation, le courrier GC1 adresse le sujet à son médecin traitant (« nous vous invitons

à vous rendre chez votre médecin généraliste »). Il lui explique succinctement ce qu’il doit

attendre de la consultation (« il vous conseillera » ; « vous remettra le test »).

En deuxième relance, le courrier GC2 porte directement l’attention du sujet sur le test

joint. Il décrit les grandes lignes de la démarche d’utilisation, le renvoyant à la notice explicative. La trame ne fait aucune distinction entre participants (P) et non-participants (NP)

162 (envoi standard). Un coupon-réponse (cf. annexes) sert aux sujets relancés à renseigner tout motif de non participation (« si vous n’êtes pas concerné ou ne désirez pas bénéficier de ce

dépistage […]»). L’encadré est le même que dans l’étude Cotelco (cf. figure 12). Pour inciter

les sujets à le renseigner, l’accent est porté sur leur sens du civisme et de l’éco-citoyenneté (« merci de nous en informer […] cela nous évitera de vous relancer inutilement et nous

permettra d’économiser cet argent pour une meilleure utilisation des fonds publics »).

2.2.2.2. Déclinaison du courrier A

Le courrier A (cf. annexes) est ergonomique. Les blocs principaux d’informations qu’il contient se détachent distinctement, les titres marqués par une police plus lisible (caractères

gras, plus élevés), cela pour capter l’attention du récepteur et susciter son intérêt même en

lecture superficielle (Petty et Cacioppo, 1986). La référence impersonnelle au médecin signataire (Hewitson et al., 2011) se voit par ailleurs remplacée par le nom du médecin référant d’ADECA Alsace (« Dr. Isabelle GENDRE, Médecin coordinateur »).

La trame du courrier A recèle plusieurs informations (épidémiologie du cancer, histoire

médicale, sensibilisation sur les bénéfices du dépistage, sensibilisation sur ses limites et ses risques). La menace est portée par des indices de vulnérabilité (« fréquent » ; « vous concerne ! ») et un cadrage négatif arguant les risques de l’attentisme (« lorsqu’on attend les symptômes, il est difficile à soigner et à guérir » ; « 500 Alsacien(ne)s décèdent de ce cancer chaque année »). Le contrôle est quant à lui opéré par un cadrage positif de l’information sur

les bénéfices du dépistage (« il diminue le risque de mourir d’un cancer colorectal » ; « il

augmente les chances de guérison et diminue le recours aux traitements lourds, chimiothérapie et rayons »). On note le recours à un procédé de surenchère (« De plus, il permet de détecter et d’enlever les polypes avant qu’ils ne progressent vers le cancer ») ainsi

qu’à des inducteurs d’auto-efficacité (« simple » ; « chez vous » ; « quelques minutes » ; « pris

en charge à 100% » ; « quand vous voulez » ; « en cas de difficultés, vous pouvez nous appeler au […] », etc.).

Le courrier A informe des limites du test (« le test proposé n’est pas fiable à 100% » ; « Un test négatif n’est pas une assurance tout risque contre le cancer » ; « le test peut

manquer un cancer ») et des risques du dépistage (« la coloscopie n’est pas sans risque : environ 5 complications pour 1000 coloscopies (hémorragie, perforation) »). Nuançant le fait

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Le courrier d’invitation A1 reprend les mêmes recommandations que pour le courrier GC1

(« parlez-en à votre médecin » ; « il saura vous conseiller »). L’emphase est néanmoins placée sur l’autonomie du sujet dans sa prise de décision. Ce par un procédé d’évocation sémantique de la liberté (« vous êtes libre d’accepter ou de refuser »).

Le courrier de relance A2 renvoie au test comme le fait GC2 (« le test est joint » ; « suivez

les indications de la notice d’utilisation »). Les mentions « votre dernier test de dépistage date de plus de 2 ans » et « C’est le même [test] que la dernière fois » sont cependant ajoutées

dans une version A2P du courrier destinée au groupe participant (P). Le coupon-réponse

classique est remplacé par un nouveau formulaire de retour (cf. annexes) qui proroge la distinction entre participant (P) et non-participant (NP) (« si vous décidez de ne pas

faire/refaire le test de dépistage proposé »). Le sujet est par ailleurs amené à s’engager dans

sa décision en apposant son nom et sa signature au refus. 2.2.2.3. Déclinaison du courrier B

Le courrier B (cf. annexes) reprend la structure et l’ergonomie du courrier A. Il n’évoque cependant ni les limites ni les risques du dépistage. Le courrier B acte sur des indices de vulnérabilité (« Dès 50 ans, le cancer colorectal […] vous concerne ! » ; « une vie saine, une

famille sans cancer ou des prises de sang régulières ne suffisent pas à vous mettre à l’abri » ; « Votre dernier test de dépistage date de plus de 2 ans »). Il induit une menace

modérée en renforçant la susceptibilité et la sévérité perçues du cancer par un cadrage négatif proximal de l’information (« Sans dépistage ou si vous attendez d’avoir mal, le cancer

colorectal est diagnostiqué souvent trop tard et devient difficile à soigner (chimiothérapie, rayons) » ; « n’attendez pas les symptômes pour en parler à votre médecin »).

Le courrier B induit corrélativement un fort contrôle perçu sur le risque. Il présente le test comme efficace. Misant sur un soutien crédible à la recommandation (« 95% des médecins

traitants, convaincus de son efficacité, le proposent en Alsace » ; « Il est pris en charge à 100% par l’Assurance Maladie, le Ministère de la Santé et les Conseils Généraux »).

Comptant aussi sur un cadrage positif proximal des gains à se faire dépister (« Le dépistage

régulier permet de diminuer de 30 à 40% le risque de mourir d’un cancer colorectal grâce à un diagnostic précoce, d’éviter le cancer colorectal en enlevant les polypes avant qu’ils ne se transforment en cancer »). Le courrier B valorise enfin le sentiment d’auto-efficacité du sujet

164 caractère peu coûteux de la démarche de dépistage (« C’est le même test que la dernière

fois » ; « Vous pouvez le faire quand vous voulez » ; « simple, rapide à faire chez vous en

quelques minutes ») (courrier B2).

Le courrier de relance B2 formalise la même distinction que le courrier A2 entre

participant (P) et non-participants (NP). Il utilise le même formulaire de retour.

2.2.2.4. Déclinaison du courrier C

Le courrier C (cf. annexes) reprend les mêmes indices de persuasion (menace, contrôle,

cadrage) que le courrier B. Il propose de plus au sujet une lecture possible de sa motivation

intrinsèque via un procédé d’étiquetage (Burger et Guadagno, 2003) (« vous veillez à votre

santé, pour vous-même et pour vos proches »). Le courrier C donne ensuite l’occasion au sujet

d’éprouver la cognition génératrice dans le but qu’il s’identifie à elle et la fasse sienne. Le courrier C énumère ainsi un large spectre de conduites consonantes avec la cognition (« vous

avez une alimentation saine […] une activité physique, vous êtes régulièrement suivi(e) par votre médecin, etc. »). Ces prêches sont inspirées des blocages rapportés par l’étude Cotelco.

Elles poussent le sujet à un travail de remémoration de ses propres actes préparatoires naturels irrévocables et rendent ainsi saillante sa cognition à ses yeux (« je suis le genre de personne

qui prend soin de sa santé »).

Le courrier C relève dès lors une possible entorse à ladite cognition (« et…avez-vous

(re)fait un dépistage du cancer colorectal ? »), amenant de fait le sujet à reconsidérer sa

position par rapport au dépistage du cancer de l’intestin (faire ou ne pas faire le test). Cela dans le sens d’une consistance ou d’une transgression avec sa motivation intrinsèque. Le courrier C donne alors l’opportunité au sujet d’agir en phase avec lui-même et, le cas échéant de compenser sa dissonance par le biais d’un mode de rationalisation comportemental (« un

dépistage […] vous est proposé » ; « le test est joint : n’attendez pas […] pour le (re)faire ! » ; « pour en parler à votre médecin »).

En fin de lecture, une procédure d’évocation sémantique de la liberté met l’emphase sur l’autonomie du sujet (« ce dépistage est recommandé mais n’est pas obligatoire. Vous êtes

libre de décider »). Les modalités du courrier C2 (participant / non-participant, formulaire de

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2.2.2.5. Déclinaison du courrier D

Le courrier D (cf. annexes) reprend les mêmes indices de persuasion (menace, contrôle,

cadrage) que le courrier B. Il s’efforce en outre de recourir aux mêmes enjeux motivationnels

que la porte-au-nez (responsabilisation, maintien d’une image de Soi valorisée).

Initialement, l’étude Courrier_psy ne devait être évaluée qu’en phase de relance, plus

adéquate pour opérationnaliser une porte-au-nez persuasive. Le courrier d’invitation D1 ne

responsabilise de fait le sujet que via une simple reconnaissance du gaspis (« Si vous décidez

de ne pas le faire, merci de m’informer de votre refus pour éviter tout gaspillage »). Il le

sensibilise également sur le fait que « le dépistage est une opportunité qui [lui] est offerte ». En retour, le sujet est mis en position d’honorer le contre-don (Mauss, 1923-1924) en actant cette fois une décision (pratique du test, renvoi du coupon). Cela pour préserver une image de Soi positive (Guéguen, 2003 ; Steele, 1975) ; ADECA Alsace étant elle-même une source respectable (Goldman et al., 1984 ; Takemura, 1993).

Le courrier D2 est plus travaillé. Il se fonde sur une double association de requêtes. La

première associe deux demandes. L’une exorbitante (se rendre chez le médecin), l’autre plus accessible (faire le test adressé à domicile), ce en accord avec la porte-au-nez (Cialdini et al., 1975 ; Even-Chen et al., 1978 ; Fern et al., 1986). La seconde propose une requête expansive (renoncer au dépistage) suivi d’une requête plus tolérable (l’accepter et faire le test).

Le travail de pré-enquête montre que le recours au médecin est rendu souvent exorbitant. Il faut pour les sujets « patienter 2 heures dans la salle d’attente », « payer pour la

consultation », « organiser leur emploi du temps en fonction » surtout quand le cabinet est

difficile d’accès (Cokkinides et al., 2003 ; Cole et al., 2002 ; Legler et al., 2002) et que les

sujets ne conçoivent pas la démarche comme une priorité. Les courriers invitation et R1

figurent de fait des requêtes exorbitantes. Le courrier D2 présente dès lors le fait d’adresser le

test à la maison comme une concession de la part d’ADECA Alsace (« Pour vous, le test est

joint » ; « ADECA Alsace vous permet de recevoir le test […] pour plus de facilité »). La

stratégie reposant comme la porte-au-nez sur la réciprocité (Chertkoff et Conley, 1967 ; Cialdini et al., 1975 ; Cialdini et Ascani, 1976), le contraste (Guéguen, 2003 ; Guéguen et al., 2011 ; Miller, 1976 ; Shanab et O’Neill, 1979) voire un sentiment coupable (O’Keefe et Hale, 1998) de n’avoir pas répondu aux précédentes requêtes.

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Pour responsabiliser, le courrier D2 joue également sur la dichotomie entre refuser et

renoncer. A celui qui se satisfait de son bien-être, le refus est confortable car il sous-tend une

opposition au changement et donc une prémunition d’un risque d’altération de ses ressources. Le renoncement est quant à lui plus problématique car il met à l’inverse le sujet en position de compromettre son bien-être par la perte d’une de ses ressources (Alvaro et al., 2010 ; Hobföll,

1989). Le courrier D2 propose en ce sens au sujet de « renoncer au dépistage ». Cela pour

mieux le sensibiliser au fait qu’il pourrait un jour perdre ce droit et l’amener à considérer

l’option. Le coupon D2 (cf. annexes) reprend cette notion de renoncement.

2.3. Mesures

2.3.1. Opérationnalisation de l’objectif 1

L’étude Courrier_psy se proposait de mesurer l’impact des différentes approches postales sur la satisfaction du sujet eu égard au processus d’information et de décision. A cette fin, des entretiens téléphoniques courts ont été réalisés. Ils duraient entre 5 et 10 minutes et ont été menés sur un échantillon représentatif de la population de l’étude en invitation (groupe 1) comme en deuxième relance (groupe 2).

2.3.1.1. Planification d’une enquête téléphonique de satisfaction